Deux nouvelles
fresques remarquables découvertes à Pompéi
(Philippe
Durbecq)
« C’est un de ces moments de ferveur que connait de temps en
temps le petit monde de l’histoire de l’art, ces fractions des mouvements du monde quand tout s’arrête et que l’on découvre un chef d’œuvre archéologique inhumé, oublié, ceux-mêmes que l’on savoure avec bonheur à savoir cette longue chaîne de l’humanité, celle de la beauté qui nous donne la force d’exister.
La force de la beauté, celle du regard, de l’émotion,
de la tendresse, de ce qui existe de plus beau d’entre nous et que parfois nous
avons le bonheur suprême de connaître. »
(Pierre-Alain Levy – 13 avril
2024) 13 avril 2024
Je tiens à remercier vivement
et sincèrement Madame Alix Barbet, spécialiste des fresques romaines pour la
relecture de mon texte et pour ses conseils tout à fait pertinents sur l’usage
des couleurs dans les fresques.
Je souhaite également exprimer
ma grande gratitude à Madame Claudia Moretti pour ses précieux renseignements à
propos de la répartition des terres à l’époque romaine.
A Philippe Dieudonné,
un ami de « bronze », qui m’a confié ses impressions et ses
réflexions – toujours pertinentes et intelligentes – au sujet de cet article.
Enfin, je tiens à
remercier également Madame Maria Luisa Natale du Parc Archéologique de Pompéi pour
son aimable autorisation de publication des images des fresques de Pompéi (à
des fins d’actualité et/ou de diffusion scientifique).
Rencontre d’Hélène et de Pâris Détail de la fresque du Salon noir (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de Pompéi)
Depuis plusieurs années, des fouilles et des travaux de sécurisation des sols ont lieu à Pompéi. Dans la région IX, notamment, ceux-ci ont apporté avec eux leur lot de découvertes, de sublimes fresques en particulier. Les dernières en date ont été réalisées sur fond noir dans une salle de banquet (appelée pour cette raison « le Salon noir ») et dans un sacrarium [1] aux murs d’un bleu céruléen.
Prononcer le nom de Pompéi évoque immédiatement chez votre interlocuteur la référence à des murs « rouge pompéien », une couleur somptueuse, chatoyante et vibrante, que l’on pensait autrefois uniquement due au cinabre, avant que les études de Sergio Omarini, chercheur de l'Institut national d'optique du Consiglio Nazionale delle Ricerche à Florence, ne vienne nuancer cette idée.
En fait les peintres romains pouvaient obtenir la coloration « rouge pompéien » en utilisant trois pigments : le cinabre (sulfure de mercure), la sinopis (terre de Sinope à base d’oxyde de fer) ou l’argile ocrée rouge [2] (rubrica) et, lors de la réalisation de leurs fresques, ils pouvaient superposer des couches de peintures ayant comme base des pigments différents. Mais, il est donc possible que certaines parties de peintures qui nous apparaissent rouges aujourd’hui soient en fait le résultat d’une exposition de l'ocre jaune à une chaleur supérieure à 700 °C, température à laquelle elle se transforme en ocre rouge, le pigment jaune étant littéralement « torréfié » par les gaz brûlants [3]. Bref, le « rouge pompéien » pouvait provenir du cinabre, d’ocre rouge ou d’ocre jaune chauffée de manière délibérée par le peintre, mais pourrait aussi résulter d’un effet non voulu par le peintre, et créé par la nature elle-même (la chaleur de l’éruption). Il est évident que ces différents cas de figure peuvent coexister dans les fresques du contexte vésuvien. Pas de manichéisme donc : tout ce qui était rouge à Pompéi en termes de fresques n’était pas nécessairement jaune au départ. Les choses sont beaucoup plus complexes que cela.
Sur la photo ci-dessous d’un mur de la villa des Papyrus à Herculanum, on distingue nettement une zone de changement chromatique sur les bords d’une fissure que le séisme a ouverte dans le mur, La couleur rouge révèle donc l’endroit où s’est produit l’échauffement des pigments et leur mutation chromatique provoquée par la très haute température du gaz qui s’est infiltré par la fissure.
Photographie
de la fissure de la villa des Papyrus prise par Sergio Omarini (que je remercie
pour son aimable autorisation de reproduction)
Le fait que l’association de ce type de rouge à Pompéi soit si présente dans nos esprits provient sans doute en grande partie du vif succès que cette couleur rencontra au XIXe siècle dans le choix de la décoration des musées où elle fut abondamment utilisée dans la décoration murale. Pensons notamment à la Tribune des Offices, à la galerie palatine à Florence [4] ou à la galerie de peinture du musée Condé à Chantilly.
La Tribune des Offices
du peintre Johan Joseph Zoffany
(Il est conservé à la Royal
Collection du château de Windsor – œuvre dans le domaine public –
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Tribune_des_Offices#/media/Fichier:Johan_Zoffany_-_Tribuna_of_the_Uffizi_-_Google_Art_Project.jpg)
Mais le « rouge
pompéien » n’était pas la seule teinte utilisée dans la décoration des
habitations des riches patriciens. Bien d’autres couleurs de fonds étaient
employées et les dernières découvertes en portent témoignage.
« Le
Salon noir »
La première découverte dans cette région IX (insula 10) est celle d’un « Salon noir » décoré de fresques sur un fond noir et illustrant des épisodes de la guerre de Troie. La salle est en forme de T (en bleu sur le plan).
Vue d’ensemble du
« Salon noir » (avec l’aimable autorisation du MIC - Parc
Archéologique de Pompéi)
Insula 10, Regio IX : plan d'un détail du quartier indiquant la salle noire (en bleu) et le sacrarium (en rouge), récemment découverts à Pompéi (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de Pompéi)
Deux scènes
légendaires tirées de l'Iliade y sont représentées : sur le mur de gauche,
la rencontre d’Hélène,
épouse de Ménélas, roi de Sparte, et de Pâris (qui enleva cette dernière, ce
qui servit de prétexte au déclenchement de la guerre de Troie) ; sur le
mur opposé, Apollon tentant de séduire la prêtresse Cassandre [5] (sœur de Pâris). Une séduction
notoirement ratée.
Fresque du « Salon noir » montrant Apollon tentant de séduire la princesse Cassandre (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de Pompéi)
Cassandre fut en effet aimée d’Apollon.
Elle se promit à lui en échange de l'apprentissage de l'art de la divination. Afin de
gagner son affection, Apollon lui octroya dès lors le don de prédire l’avenir,
mais une fois instruite, Cassandre ne lui accorda qu’un simple baiser en se
moquant de sa naïveté. S’étant fait ainsi éconduire, en le tournant en
ridicule, et Apollon ne pouvant par ailleurs pas abroger le don divin qu’il venait
de lui conférer, le dieu jeta un mauvais sort à Cassandre (au moment de
l’embrasser, il lui cracha dans la bouche) afin de neutraliser ce don en le
rendant inopérant : désormais, les prédictions de Cassandre ne seraient jamais
crues [6], même par sa propre
famille. C’est ainsi qu’elle prédit la guerre de Troie et avertit en vain ses
concitoyens du danger représenté par le cheval de bois, un stratagème des Grecs
pour s’emparer de la cité. Apollon s’était toutefois rangé du côté des Troyens
contre les envahisseurs grecs.
Le fait que
Cassandre soit assise sur un omphalos
vert entouré d’un filet doré, centre du monde (nombril du
monde symbolisé par une borne avec cordages [7])
et symbole des prophéties apolloniennes, permet de l'identifier avec certitude,
malgré l’absence d’inscription indiquant clairement son nom.
; à droite, l’omphalos conservé dans le musée
de Delphes (source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Omphalos,_AM_of_Delphi,_201424x.jpg#/media/File:Omphalos,_AM_of_Delphi,_201424x.jpg – photographe : Zde
- travail personnel)
Beaucoup de légendes existent à ce sujet et celle qui est la plus communément partagée est celle qui met en scène Zeus. A l’époque, les Grecs pensaient que la Terre était plate et ronde. Pour en déterminer son centre, Zeus aurait envoyé, de ses deux extrémités opposées, deux aigles. La rencontre de leur trajectoire se serait faite à Delphes, ce qui aurait donné l’image de ce centre et de ce nombril du monde.
Omphalos signifie ombilic en grec. De nombreuses copies de l’omphalos sacré existent dans le sanctuaire de Delphes. On peut notamment en voir un au bord de la Voie Sacrée, près du Trésor des Athéniens, qui a une forme conique et est exempt de toute représentation d’ornements, et un autre dans le musée, plus arrondi et sur lequel ont été sculptées des bandelettes rituelles entrecroisées. Ce dernier devait comporter un ornement à son sommet et devait être enchâssé dans une base à en juger par sa partie inférieure taillée en retrait (selon une théorie, l’omphalos était placé dans la cuve d’un trépied colossal, soutenu par les trois danseuses de la colonne aux acanthes qui est exposée dans la même salle du Musée de Delphes, les pieds du trépied reposant sur le chapiteau et encadrant ainsi chaque statue) [8].
Reconstitution par l’Inrap de la colonne des danseuses et insertion dans le site de Delphes (diapositive 38/40 de la conférence https://www.inrap.fr/la-reconstitution-de-la-colonne-des-danseuses-de-delphes-9244 - pas de copyright mentionné)
Bien qu’elle soit assise sur un omphalos, le personnage ne représente donc pas la Sibylle de Delphes, mais bien Cassandre qu’il est intéressant de voir avec son frère, Pâris, sur des fresques assorties.
Cassandre porte un chiton marron qui laisse son épaule gauche découverte et un grand manteau beige, attaché dans le dos, ainsi que des bracelets aux poignets.
La tête, aux longs cheveux dénoués qui retombent sur les tempes, le cou et les épaules, est couronnée de laurier. Le bras gauche repose sur la jambe gauche et elle tient une branche de laurier à la main. Le bras droit semble posé sur un support, désormais disparu [9], tandis que la main est levée vers le front, dans un geste qui semble exprimer un grand désespoir, souligné également par le regard triste et les lèvres pincées, la pose, les gestes, l'expression du visage de la jeune fille.
Apollon est représenté nu, avec un
grand manteau bleu [10] bordé d'or reposant sur l'épaule
gauche. La tête, aux cheveux longs, est entourée d'une couronne de laurier et
la main gauche est posée sur une cithare, deux attributs qui permettent
d’identifier sans risque d’erreur, le dieu Apollon fixant intensément Cassandre
du regard.
Le socle, délimité par une bande
rouge en bas et une blanche au sommet, est à fond noir, comme le reste du mur
et est orné d’une série de figures de satyres et de ménades avec des
instruments de musique, tels que des tambourins, des cymbales et des flûtes de
pan.
Les thèmes dominants de ce cycle de fresques sont donc les
amours contrariées et lestées par de sinistres présages (l’un est incorrect aux
yeux des Grecs même si Pâris et Hélène s’éprennent
immédiatement l’un de l’autre … au premier regard (« le coup de
foudre ») ; dans le cas d’Apollon et Cassandre, il s’agit d’un rejet
amoureux), l’héroïsme à travers des représentations de couples de héros et de
divinités protagonistes de la guerre de Troie, mais ces peintures évoquent
aussi le destin et la possibilité qu’ont les humains de pouvoir le modifier
(encore faut-il saisir sa chance) ou non (le péché de l’hubris –
c’est-à-dire oser défier les dieux – est impardonnable, ce qui valut entre
autres à Sisyphe, à Tantale, à Ixion et aux Danaïdes d’être enfermés dans le
Tartare).
Le personnage anti-grec au possible est Pâris
(l'inscription écrite en alphabet grec indique Ἀλέξανδρος, Alexandre qui
est son autre nom [11]).
Il est vêtu à la mode perse comme on peut le voir sur certains vases de la
céramique grecque. Le jeune prince porte en
effet de somptueux vêtements orientaux : une tunique bleu clair à manches
longues et à bandes jaunes, fermée à la taille par une ceinture, est ornée
d'une rangée de quadrilatères jaunes et rouges sur fond blanc crème encadrés de
deux fines bandes rouges. Le pantalon anaxyride [12],
de ton vert jaunâtre, est décoré de lignes horizontales rouges et bleues. Un
grand manteau vert, posé sur l'épaule gauche, recouvre partiellement les
jambes. Pâris est coiffé d'un bonnet phrygien dont les bandes latérales
retombent sur les épaules.
Rencontre d’Hélène et de Pâris Détail de la même fresque (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de Pompéi)
Face A d’un cratère en cloche à figures rouges apulien (Tarente ?) : à droite, Pâris portant un bonnet phrygien, face à Hélène (attribué au Peintre de Stockholm – œuvre dans le domaine public - musée du Louvre – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Helene_Paris_Louvre_K6.jpg). Il s’agit certainement de l’arrivée de Pâris en tant qu’ambassadeur, comme le prouve le présent qu’il apporte à Hélène.
Et à ses pieds, son chien, probablement un molosse, semble bien penaud (en tout cas, il est apparemment plus apeuré et pensif que redoutable), censé surveiller les moutons ! La main gauche de Pâris tient un pedum, bâton en forme de crosse des bergers (attribut de plusieurs divinités champêtres, dans l'Antiquité). Ces deux attributs font donc référence à l'enfance de Pâris, qui était celle d’un berger.
Détail du « Molosse »
au pied de Pâris (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de
Pompéi)
Cassandre avait en effet
identifié Pâris comme étant le futur responsable de la ruine de Troie. D’après
Euripide (Andromaque), elle demanda, malgré qu’elle fût sa sœur, à ce
que cet enfant soit tué, mais Priam et Hécube l’exposèrent sur le mont Ida où
il aurait dû trouver la mort. Priam avait chargé un berger, nommé Agélaos de l'y abandonner. Dans un premier temps,
Agélaos s'acquitta de sa mission, mais quelques jours plus tard, pris de remords, il retourna à l'endroit où il avait
déposé l'enfant. De le revoir encore en vie, materné par une ourse, corrobora sa
décision qu'il devait le sauver. Il emmena l’enfant avec lui et l'appela Pâris.
En face, Hélène, accompagnée
d’une servante tenant un éventail en forme de feuille, s’approche
tranquillement de Pâris, tandis que celui-ci tend le bras droit vers l’avant
comme pour prendre son amante par la main, geste qu’esquisse d’ailleurs Hélène
également. La fresque suit donc certains récits antiques qui affirment
qu’Hélène n’a pas été enlevée de force par Pâris, mais qu’au contraire, elle a
quitté Sparte de son plein gré, étant tombée amoureuse de Pâris. C’est la
version suivie dans le film « Troie » : Hélène est présentée
comme étant totalement envoûtée par Pâris et s’en va de Sparte de son plein gré.
Se pose alors la question de
savoir s’il y a eu concrètement un enlèvement d’Hélène, une emprise de la
déesse Aphrodite sur elle, ou un amour réel d’Hélène envers Pâris.
Tout d’abord, soulignons que le « kidnapping »
de Pâris – s’il s’agit réellement d’un enlèvement – n’est pas le premier pour
Hélène : à douze ans, alors qu’elle était déjà l’épouse de Ménélas, elle s’était
déjà faite enlever par Thésée, héros athénien séduit par sa sublime beauté, qui
l’emmena à Athènes. Elle aurait donné naissance à une fille de l’Athénien
nommée Iphigénie (selon d’autres versions, Iphigénie est fille d’Agamemnon, roi
de Mycènes et de Clytemnestre).
Le pouvoir d’Aphrodite semble,
en l’occurrence, être l’explication primordiale.
Dans la plupart des versions, il
est simplement indiqué qu'Aphrodite a enjoint Éros de faire en sorte qu’Hélène tombe
amoureuse de Pâris. Hélène n’avait donc pas le choix : elle avait été
donnée comme « prix » d’un concours à Pâris par la déesse (Aphrodite avait
reçu la pomme d’Éris et voulait récompenser Pâris de l’avoir choisie comme la
plus belle déesse) et elle devait dès lors se soumettre à l’arrêt divin. On
parlerait aujourd’hui d’asservissement ou de manipulation (autrement dit, conduite
à suivre sans qu’Hélène ne dispose de son libre arbitre). D’ailleurs, après le
duel de Pâris et Ménélas, Hélène s’en prend vertement à Aphrodite pour lui
reprocher d’avoir agi ainsi.
En dehors de l'Iliade,
dans la tragédie d'Euripide Hélène, cette dernière a été sauvée par Héra
qui l'a emmenée en Égypte (Hélène aurait donc, dans cette version du mythe
troyen, vécu la guerre de Troie exilée en Egypte). Là, elle a patiemment attendu
Ménélas qui l'a finalement retrouvée et ramenée à Sparte (intrigue rapportée
dans le Livre II d’Hérodote).
Quant à l’iconographie, on ne voit, du moins à ma connaissance, pas de contrainte de la part de Pâris pour emmener Hélène à Troie. Sauf erreur de ma part, je ne connais pas de représentation antique montrant une quelconque violence envers Hélène. Tout au plus, voit-on sur un panneau d’une sculpture grecque du Latran qu’il lui prend la main et le bras pour l’aider à embarquer à bord de son navire. Ce geste peut corroborer la version d’Apollodore où il parle de la persuasion de Pâris. Mieux même, sur une représentation réalisée par le peintre de vases athénien Makron sur un skyphos conservé à Boston, Hélène suit Pâris comme une mariée à la suite d'un marié : Eros voletant entre les deux personnages indique la séduction plus que la force ; Pâris, précédé d'Énée, saisit Hélène par le poignet et l'emmène ; Pétho, la déesse de la persuasion, couronne Hélène avec les encouragements d'Aphrodite.
L'enlèvement d'Hélène. Bas-relief grec. Musée
du Latran, Rome (source : https://www.cosmovisions.com/$Helene.htm)
Skyphos de Makron (face A) du Museum of Fine Arts
de Boston (source : GJCL Classical Art website – lien : https://gjclarthistory.blogspot.com/2015/04/the-abduction-of-helen.html - pas de mention de droit d’auteur - Publié par gjclarthistory le vendredi 10 avril
2015)
En revanche, le rapt de Thésée
semble avoir été plus brutal, du moins à en juger par la scène figurant sur la
face A d'un cratère en cloche attique à figures rouges du Musée du Louvre.
Rapt d’une femme (probablement Hélène) par Thésée (face A d'un cratère en cloche attique à figures rouges du Peintre de Comaris – œuvre dans le domaine public – photographe : Marie-Lan Nguyen et un auteur supplémentaire — Travail personnel – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Theseus_pursuit_Louvre_G423.jpg).
Les peintres baroques, ayant un goût prononcé du mouvement, de la dramatisation, de l'exubérance décorative, s’en sont donné à cœur joie comme Luca Giordano qui a traité à plusieurs reprises le thème du rapt (Hélène, Déjanire, Europe, les Sabines).
L’Enlèvement d’Hélène (Musée des Beaux-Arts de Caen
(licence : CC-by-SA 2.0– photographe : Patrick de Compiègne –
source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Caen_(Calvados)_-_Mus%C3%A9e_des_Beaux-Arts_-_%22Enl%C3%A8vement_d%27H%C3%A9l%C3%A8ne%22_(Luca_Giordano,1634-1705)_(48681613121).jpg)
Toujours est-il qu’enlèvement ou départ délibéré
d’Hélène pour Troie, cette escapade conjugale n’a pas été du goût de son mari,
le roi Ménélas pour lequel elle constitue une insulte qu’il ne peut supporter
et un prétexte tout trouvé par le roi Agamemnon pour s’attaquer à la riche et
stratégique cité de Troie. Nous en reparlerons dans notre prochain article.
Une autre
fresque retrouvée dans cette salle de banquet dénommée « Salon
noir », représente Léda, la mère d’Hélène. Séduite par
Zeus qui avait pris l’apparence d'un cygne, elle était reine de Sparte et
également la mère des jumeaux Dioscures. Hélène naquit donc d’un œuf,
comme on peut le voir dans une pièce en calcaire blanc du Musée Archéologique National
de Métaponte représentant l’éclosion de l’œuf ou ekkolapsis (ἐκκόλαψις) en
grec.
Paradoxalement, peu de textes antiques (du moins
étoffés) nous renseignent sur le mythe de Léda. Dans l’œuvre d’Ovide, deux très
courts fragments de vers y font allusion, l’un dans les Métamorphoses
(livre VI, 109, p. 158 éd. GF), dans l’épisode d’Arachné (son accouplement avec
Zeus : « Elle représenta Léda couchée sous les ailes d’un cygne »),
l’autre, dans l’Art poétique (147 [13]) en ce qui concerne les
œufs.
Outre Ovide, il subsiste aussi un petit paragraphe
de la Bibliothèque d'Apollodore (Livre III, Chapitre X, § 7),
qui fait également mention de Léda :
« Jupiter, sous la forme d'un cygne, ayant
joui de Léda, et Tyndare ayant eu commerce avec elle la même nuit, elle eut de
Jupiter, Pollux et Hélène, et de Tyndare, Castor. Quelques écrivains disent
qu'Hélène était fille de Jupiter et de Némésis 19, qui ayant pris
toutes sortes de formes, pour se soustraire aux poursuites de Jupiter, se
changea enfin en oie ; Jupiter alors prit la forme d'un cygne, jouit d'elle, et
elle accoucha d'un œuf 20. Un berger ayant trouvé cet œuf dans les
bois, le porta à Léda, qui l'enferma dans une armoire ; le terme étant arrivé,
Hélène en sortit, et Léda l'éleva comme sa propre fille.
Hélène étant devenue célèbre par sa beauté, Thésée
l'enleva 21, et la conduisit à Athènes ; Castor et Pollux ayant
attaqué cette ville, tandis que Thésée était aux enfers, s'en emparèrent,
reprirent Hélène, et emmenèrent captive Æthra, mère de Thésée [14]. ».
Ce thème de l’union de Léda avec Zeus et de la
naissance d’Hélène (de sa sœur Clytemnestre et de ses deux frères, les
Dioscures Castor et Pollux) à partir des deux œufs, présent dans la littérature
latine (Horace, Art poétique, 147) et dans l’iconographie [15] romaine (cf. les
découvertes de la fresque de 2018 dans une chambre à coucher de la Via del
Vesuvio et celle de 2024), fut remis à la mode à la Renaissance par Léonard de
Vinci [16] avec sa Léda et le cygne.
C’est d’ailleurs sa seule peinture mythologique, mais elle a malheureusement
disparu et on n’en possède plus que quatre copies dont une à la Galerie
Borghèse : on y voit clairement aux pieds des deux jumeaux l’œuf duquel vont
« éclore » Hélène et Clytemnestre.
Le délicat travail de dégagement effectué par une archéologue de la fresque lascive illustrant les ébats de Léda et de Zeus transformé en cygne (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de Pompéi)
Le cygne déploie
son aile droite pour enlacer les hanches de la jeune femme, dans un geste qui a
quelque chose d’humain, mais qui souligne la volupté de ses formes, tandis que
son déhanché et la torsion de son buste mettent en valeur ses courbes féminines.
Le peintre insiste sur la douceur et la beauté idéalisée de la femme nue qui
embrasse tendrement l’animal tout en gardant un œil sur ses nouveau-nés.
Le centre symbolique de la composition est l’œuf dissimulé dans l’herbe dont la forme est répétée par la figure de Léda enlacée par le cygne.
Léda et le cygne (copie d’après un tableau perdu de Léonard de Vinci conservé à la Galerie Borghèse à Rome - Œuvre dans le domaine public - source : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9da_et_le_Cygne_(Galerie_Borgh%C3%A8se)#/media/Fichier:Leda_and_the_Swan_1510-1515.jpg)
Un détail
dans la fresque du « Salon noir » concerne la couleur de la chevelure
des deux protagonistes : Hélène et Pâris ne sont pas blonds.
Normalement, ; quant à Hélène, la seule référence que nous ayons à la
couleur des cheveux d'Hélène est celle de Sappho [17],
qui décrit Hélène comme « ξανθή » (xanthḗ). Ce mot est
généralement traduit par « aux cheveux blonds », mais il pourrait
être utilisé pour décrire « aux cheveux blonds roux ».
« Quand nous
restons face à face et que je te regarde
dans cette lumière où tu apparais, pas même
Hermione
n'est aussi belle, Hélène aux cheveux d'or
c'est toi,
elle est ta ressemblance, il n'y a rien
d'étrange à le dire ... ».
Le seul autre détail de ses traits dont j’aie connaissance est une référence à ses yeux comme « κυανῶπις » (kyanôpis), ou yeux bleu brillant. Autrement dit, Hélène était imaginée à l’époque comme étant une blonde aux yeux bleus. L’actrice Diane Kruger qui a joué le rôle d’Hélène dans le film « Troie » répond parfaitement à ces caractéristiques.
L’actrice Diane Kruger dans le rôle
d’Hélène dans le film « Troie » (source : https://gabtor.wordpress.com/2010/02/24/diane-kruger-troy-movie-photo-gallery/ - pas de mention de copyright)
Il en est de même pour Cassandre qui
était « semblable à l’Aphrodite
d’or » nous dit Homère [18].
Quant à Apollon, ses cheveux sont
toujours bruns. Sur la fresque du « Salon noir », on remarquera que
pour un dieu de la lumière, de
l'harmonie et de la belle apparence, Apollon présente un physique assez
quelconque, si on le compare aux normes de la statuaire grecque (je pense en
particulier à l'Apollon du Belvédère) où sa beauté triomphe. On peut dès lors
se demander si le peintre a oublié cette esthétique de la belle apparence ou s’il
agit plutôt d’une question de talent artistique.
Je pense qu’il faut se faire à l’idée
que les peintures murales de Pompéi
(sauf la « Villa des Mystères ») sont des travaux de décorateurs
charmants et inventifs, rien de moins mais rien de plus. Pompéi, c'est un
peu Ostende et Biarritz au XIXe siècle, mais nullement un lieu prestigieux ou
un lieu de pouvoir. Par contre, avec les fresques romaines de la Villa de
Livie, et leur jardin enchanteur, on se situe vraiment à un autre niveau.
En fait, l’Apollon du Belvédère et celui représenté sur les fresques du
« Salon noir » illustrent cette énorme différence entre le grand art
et un sympathique artisanat à la façon des décors du café Florian à
Venise.
On pourrait imaginer, comme y fait
poétiquement allusion le Directeur du Parc archéologique de Pompéi, Gabriel
Zuchtriegel, que ces sujets mythologiques étaient propres à divertir des
invités en leur fournissant des thèmes de conversation et de réflexion sur le
sens de l'existence, tout en dégustant quelques coupes de Falerne, à la lueur
de lampes à huile aux flammes vacillantes, animant ainsi ces personnages de
légende.
Ne nous berçons cependant pas
d’illusions en nous faisant une trop belle idée des conversations des riches
bourgeois de Pompéi : comme on le voit très bien encore chez Honoré de
Balzac, la noblesse des décors ne fait nullement celle des gens qui les
hantent.
Quant aux murs peints en noir, je ne
suis pas convaincu que cette couleur [19] ait été destinée à masquer les
traces disgracieuses laissées par les fumées des lampes à huiles ou autres
lanternes. Certes, on se réunissait pour le banquet en fin de journée et un
éclairage artificiel était dès lors nécessaire, mais alors pourquoi avoir peint
des figures avec des couleurs pâles qui, elles, sont susceptibles d’être
dégradées par la fumée ? De plus, la pièce était ouverte sur l’extérieur (elle
donnait sur une cour [20]) et devait donc être suffisamment
ventilée pour ne pas être souillée par la suie.
Personnellement, je pense que badigeonner de
larges surfaces comme cadre autour de figures peintes en couleurs claires n'a
pas de sens si le but était de les préserver de la suie (l'important, ce sont
les figures et les inscriptions, mais pas les pans de murs en couleur uniforme
qu'on peut repeindre en principe plus facilement, sans faire nécessairement
appel au pictor imaginarius (l'artisan le mieux payé – 150 deniers par
jour, contre 75 pour un peintre non spécialisé –). D'autre part, les lampes à
huile de l'Antiquité utilisaient de l'huile d'olive, en principe sans fumée et
sans odeur, à condition d'employer de l'huile d'olive sans impuretés – sauf
que, malheureusement, les Romains remplissaient leurs lucernae de leur
plus mauvaise huile d'olive [21].
Enfin, vu les dimensions de cette salle de banquet (environ 15 mètres de long
pour six mètres de large) et le fait qu'elle s’ouvrait sur une cour, il ne
devait guère y avoir, à mon sens, de problème de suie.
D’autre part, il faut savoir que le noir était
une couleur de luxe [22],
donc à utiliser avec parcimonie si la destination en était si prosaïque, mais
sans modération si l’on était riche. Or, il s’agit bien ici d’afficher sa
réussite sociale.
Pline
l'Ancien parle d'atramentum à propos des noirs de carbone. Il
explique comment obtenir différents noirs :
« On
fabrique le noir de plusieurs façons, avec la fumée que donne la combustion de
la résine ou de la poix ; aussi a-t-on construit pour cela des
laboratoires qui ne laissent pas cette fumée s'échapper. Le noir le plus estimé
se fait de cette façon, avec le pinus teda ; on le falsifie avec le
noir de fumée des fourneaux et des bains, et c'est de celui-là dont on se sert
pour écrire les livres. Il en est qui calcinent la lie de vin desséchée ;
et ils assurent que si la lie est d'un bon vin, le noir ainsi obtenu ressemble
au noir indien. Polygnote et Micon, les célèbres peintres
d'Athènes, en ont préparé avec du marc de raisin, qu'on appelle
« tryginon » en grec (de trux = lie). Apelle a
imaginé d'en préparer avec l'ivoire brûlé, et lui a donné le nom
d'éléphantinum. On apporte aussi de l'Inde le « noir indien » dont
jusqu'à présent la composition m'est inconnue. Les teinturiers en font avec une
efflorescence noire qui s'attache aux chaudières de cuivre. On l'obtient encore
en brûlant le bois du pinus teda, et en triturant les charbons dans un
mortier. Les seiches, par une propriété merveilleuse, ont un noir, mais on ne
s'en sert pas. La préparation de tout noir se complète au soleil : du noir
à écrire, par l'addition de la gomme ; du noir à enduit par l'addition de
la colle » (Histoire naturelle, Livre XXXV, Traitant de la peinture
et des couleurs, chapitre XXV).
On considère souvent Apelle comme le plus grand peintre de
l’Antiquité et son utilisation du noir a été jugée magistrale. Il peignait les
murs exclusivement dans les couleurs noir, jaune, rouge et blanc [23]
et il le faisait avec tant d’art que l’on se demandait même si l’on devait
encore utiliser d’autres couleurs. A notre époque, certains peintres, comme
Pierre Soulages, Mark Rothko, Jackson Pollock, Richard Serra, Henri Matisse ont
développé une véritable fascination pour le noir, au point de n’utiliser que le
noir dans leurs tableaux (black paintings) et de le décliner sous toutes
ses nuances.
Les Romains opéraient une
distinction entre le noir sous ses aspects mat (ater qui donne
« âtre ») et brillant (niger qui donne « noir »). Niger
est le noir brillant de certaines pierres (comme la lapis niger,
l’énorme dalle noire sous laquelle, dans le Forum romain, se trouvait ce que
l’on appelait le tombeau de Romulus ou l’obsidienne décrite comme « nigra »).
Ater est le noir éteint, inerte du charbon (les Romains employaient
toujours « ater » pour la région infernale parce qu’en Enfer,
il n’y a pas de reflets).
Niger Ater
Autrefois donc, la
distinction entre mat et brillant, entre clair et sombre, entre lisse et
rugueux, entre dense et peu saturé, était souvent plus importante que les
différences entre colorations.
Le sacrarium ou
« chambre bleue »
Les fouilles en cours dans cette même Région IX
à Pompéi [24] ont récemment restitué un ensemble de plusieurs
pièces qui peut être interprété comme un sanctuaire (une salle de dévotion
privée), avec des murs sur fond bleu, rouge et noir, attribuable au quatrième style
(développé entre 50 et 79 ap. J.-C.) [25] et
décoré de figures féminines flanquant les niches situées au centre de chaque
paroi.
Elles représentant les saisons (le printemps tient une biche dans sa main droite et une guirlande dans sa main gauche, l’été porte une gerbe de blé, l’automne tend un panier de fleurs et l’hiver tient deux oiseaux dans ses mains), les Horae dans les niches latérales, ainsi que deux allégories dans celles du mur central, respectivement de l'agriculture et du pastoralisme (élevage), reconnaissables aux attributs de la charrue et du pedum.
La chambre bleue dans la zone 10 du quartier «
IX » des ruines du Parc archéologique de Pompéi, 2024 (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc
Archéologique de Pompéi)
L’automne (avec l'aimable autorisation du MIC - Parc Archéologique de Pompéi)
Pour mieux comprendre sa
signification historique et culturelle, il est nécessaire de rappeler
brièvement le contexte politique et social plus large dans lequel cette
peinture se situe, à savoir la fin des guerres civiles, la redistribution des
terres aux vétérans et l’importance du monde agricole dans l’Antiquité.
Comme l’indique son
Testament (Res Gestae Divi Augusti), Auguste avait mis fin aux guerres civiles [26],
ce qui signifie – entre autres – armée de métier et retour des hommes aux
champs.
Initialement, l’armée romaine était essentiellement composée de citoyens
qui, une fois la campagne militaire terminée, retournaient chez eux et
s’occupaient de leurs champs, mais à partir du Ier siècle avant J.-C., la
professionnalisation de l’armée prend de l’ampleur. Quant aux distributions massives de terres aux vétérans, elles ont eu
lieu surtout après la victoire du triumvirat sur les républicains et cela s’est
fait au détriment de certaines cités italiennes. Puis les distributions ont
continué pendant l’époque julio-claudienne, et sous les Flaviens. Ce phénomène a
été bien étudié par différents auteurs [27].
Sur le plan
littéraire, le reflet de cette évolution apparaît clairement chez Virgile, qui composa,
dans les années 30 du premier siècle avant J.-C., les Géorgiques,
célébrant l’aube d’une ère nouvelle, en cohérence avec le projet d'Octave. Déjà
quelques années auparavant (vers 42-39 av.
J.-C.), dans les Bucoliques, Virgile évoquait, dans la quatrième églogue,
la naissance d’un nouvel âge d'or.
Mais, derrière l’apparence idyllique, transparaît
un profond sentiment d’amertume et de perte irrémédiable d’un monde disparu : dans
la première églogue, il est fait référence à la redistribution des terres des
paysans italiens en faveur des vétérans de la guerre civile. L’ère du renouveau
est en réalité (aussi) une époque de nostalgie, comme l’annonce Gabriel Zuchtriegel
déjà dans le titre de son article [28].
« Heureux vieillard, tes champs te resteront donc ! et ils
sont assez étendus pour toi, quoique la pierre nue et le jonc fangeux couvrent
partout tes pâturages. Des herbages inconnus ne nuiront pas à tes brebis
pleines, [50] et le mal contagieux du troupeau voisin n'infectera pas le tien.
Vieillard fortuné ! là, sur les bords connus de tes fleuves, près de tes
fontaines sacrées, tu respireras le frais et l'ombre. Ici l'abeille d'Hybla,
butinant sur les saules en fleurs qui ceignent tes champs de leur verte clôture,
[55] t'invitera souvent, par son léger murmure, à goûter le sommeil : et
tandis que du haut de la roche l'émondeur poussera son chant dans les airs, tes
chers ramiers ne cesseront de roucouler, la tourterelle de gémir, sur les
grands ormeaux.
(…)
Mais nous, tristes bannis, nous irons, les uns chez les Africains brûlés
par le soleil, [65] les autres chez les Scythes glacés, en Crète, sur les bords
de l'impétueux Oaxis, et jusque chez les Bretons, séparés du reste du monde.
Ah ! me sera-t-il donné, après un long temps, de revoir la contrée de mes
pères, mon pauvre toit couvert de gazon et de chaume, et d'admirer encore mon
champ, mon royaume, et ses rares épis ? [70] Quoi ! c'est pour un
soldat inhumain que j'ai tant cultivé ces guérets ! Le barbare aura ces
moissons ! Voilà donc où la discorde a amené de malheureux citoyens !
Voilà pour qui nous avons ensemencé nos champs ! Ente donc, Mélibée, ente
des poiriers, range tes vignes sur le coteau. Allez, mes chèvres, troupeau
jadis heureux, allez : [75] je ne vous verrai plus, de loin couché dans un
antre verdoyant, pendre aux flancs des roches buissonneuses. Je ne chanterai
plus ; non, mes chèvres, vous n'irez plus, menées par moi, brouter le
cytise en fleur et les saules amers. » (Mélibée et Tityre, Bucoliques I)
En ce qui concerne la
couleur de fond de la fresque, paradoxalement, à l'exception de l'Egypte
pharaonique, où il est censé porter bonheur dans l'au-delà, le bleu est l'objet
d'un véritable désintérêt durant l’Antiquité alors qu’il est pourtant omniprésent dans la nature, et particulièrement
en Méditerranée.
L’historien français
Michel Pastoureau, spécialiste de l’histoire culturelle des couleurs observe
que, chez les Romains, cette couleur est généralement peu appréciée – voire
même déconsidérée. Ce discrédit trouvait son origine dans le fait qu’en Gaule,
le bleu provenait d’une teinture de moindre qualité (on utilisait le pastel
issu d’une plante – la guède [29], isatis tinctoria –). Ne tenant pas bien,
cette couleur perdait rapidement de son intensité et était vite délavée. On en
faisait donc un usage modéré (à Rome, personne ne s'habille de bleu : ce
serait extravagant). On oppose d’ailleurs à la couleur pourpre de l'Empire
romain (color officialis), la couleur barbare (caeruleus color).
Le bleu est en effet « la couleur des Barbares, notamment des Celtes et
des Germains. Non seulement parce que ceux-ci ont souvent les yeux bleus – ce
qui à Rome est dévalorisant » (pour les femmes, c’est un signe de mauvaise
vie, pour les hommes, une marque de ridicule) – « mais aussi parce que,
chez plusieurs peuples de Gaule, de Bretagne et de Germanie, certains guerriers
avaient coutume » « de se teindre le corps au pastel pour apparaître
redoutables au combat : – aux dires de César [30]
et de Tacite, ce bleu grisé leur donnait en effet un aspect
« fantomatique » qui effrayait leurs adversaires », de sorte
qu’on avait l’impression de combattre des « armées de spectres ». Un
peu plus tard, ce sont les Pictes [31],
venus d’Ecosse entre le IIIe et le IXe siècle qui reprirent cette tradition
guerrière et colorée.
A ce sujet, Michel Pastoureau
fait, à juste titre, remarquer l’indigence de termes pour définir la couleur
bleue : « Le vocabulaire lui-même souligne cette méfiance ou ce
désintérêt des Romains pour la couleur bleue. Dire « bleu » en latin
classique n'est pas un exercice facile. Il existe certes un grand nombre de
mots, mais aucun ne s'impose vraiment. Tous sont en outre polysémiques et
expriment des nuances imprécises. Ainsi le mot cæruleus, le plus
fréquent pour dire bleu à l'époque impériale, désigne à l'origine la couleur de
la cire. Les frontières entre bleu et noir, bleu et vert, bleu et gris, bleu et
violet et même bleu et jaune restent floues et perméables. Il manque au latin
un ou deux termes de base qui permettraient d'asseoir solidement le champ
lexical, chromatique et symbolique du bleu, comme cela se fait sans difficulté
aucune pour le rouge, le vert, le blanc et le noir. Cette imprécision du
lexique latin des bleus explique du reste pourquoi, quelques siècles plus tard,
toutes les langues romanes seront obligées de solliciter deux mots étrangers au
latin pour construire leur vocabulaire dans la gamme de cette couleur : d'un
côté un mot germanique (blau), de l'autre un mot arabe (azur) [32] ».
C’est la
raison pour laquelle aucun des termes désignant le bleu en français ne vient du
latin ou du grec : ces langues ne possédaient pas de mots stables et
précis pour désigner cette couleur. L’absence de bleu dans les textes anciens a
d’ailleurs tellement perturbé les scientifiques que certains philologues du
XIXe siècle ou pseudo-savants en sont venus à croire (sérieusement) que les
peuples antiques ne voyaient pas le bleu ou étaient atteints de « cécité
des couleurs » (daltonisme), ce qui est évidemment absurde.
Le bleu a été importé d’Égypte vers Pompéi.
Appelé au début bleu égyptien à cause de sa provenance initiale, on l’a plus
tard appelé bleu de Pompéi [33]
ou même bleu de Pouzzoles (car au moins trois ateliers de fabrication ont été identifiés
dans la région des Champs Phlégréens : Pouzzoles, Liternum et Cumes [34]). C’était un produit de luxe absolu et il était utilisé dans l’ancienne
Égypte depuis au moins 2 500 avant J.C. pour la décoration murale (mais
pas uniquement : on l’utilisait également en glyptique et pour la
décoration des vases. De nombreux scarabées et autres objets ont été fabriqués
en bleu égyptien massif [35]).
À cette époque déjà, l’offre et la demande déterminaient le prix et le bleu
était si recherché à Pompéi que son prix dépassait parfois même le prix
également astronomique du pourpre.
Toutefois, les réflexions de Michel
Pastoureau ne correspondent pas vraiment à ce qu'on trouve sur le terrain
archéologique : ce sacrarium, à lui déjà tout seul, en témoigne.
D’ailleurs, Madame Alix Barbet, lors de sa conférence « La Rome en
couleurs » donnée à Caen le 1er Février 2023,
démontre que le bleu est, au contraire, très présent [36],
énumérant de nombreux exemples : outre l’Ara Pacis, le Forum d’Auguste ou
la statue de l’Auguste de Prima Porta, le bleu apparaît à cette époque dans les
scènes de plein-air avec des jardins à ciel d’azur tel que celui qui figure
dans l’Auditorium de Mécène dont les niches offrent une évasion vers un ciel
bleu d’un jardin à clôture fictive de claustra. Au plafond également, un ciel
bleu constellé d’un semi de fleurs.
Ces espaces de ciel bleu dans les paysages accompagnent
également les scènes de l’Odyssée de la maison de l’Esquilin, scandées de
pilastres rouge vif à chapiteau d’or.
Déjà aperçus dans l’auditorium de Mécène, on retrouve les jardins dans la maison de Livie à Prima Porta où la pièce souterraine (elle était dépourvue de fenêtres) est entièrement bleue avec juste une bande verte d’herbes au-dessous et clôturée par de fines barrières [37].
Les Jardins de la Villa de Live (mur nord-ouest – Musée du Palazzo Massimo à Rome – Licence CC0 – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Nymph%C3%A9e_souterrain_de_la_villa_Livia#/media/Fichier:Fresque_du_nymph%C3%A9e_souterrain_de_la_villa_Livia_-_Mus%C3%A9e_national_romain_-_mur_nord-ouest_-_large.jpg) – photographe : Shonagon — Travail personnel)
Terminons la liste avec les Noces Aldobrandines [38] (Musées du Vatican) et la tombe du médecin Patron (au musée du Louvre) qui nous offrent encore une scène sur fond bleu.
Les
Noces Aldobrandines (Musées du Vatican – œuvre dans le domaine public –
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Noces_aldobrandines#/media/Fichier:Aldobrandini_wedding.JPG)
La tombe du médecin Patron (réserves du Musée du Louvre – œuvre dans le domaine public –Auto-photographié, Caroline Léna Becker –source : https://zone47.com/crotos/gudea/?&p276=1075988&d=20230122&p=1&mode=0)
En fait,
la raison pour laquelle la couleur bleue est relativement peu fréquente à
Pompéi (on le trouve par exemple dans la villa de Vénus à la coquille), mais beaucoup
plus à Rome s’explique tout simplement parce qu’elle était réservée aux lieux
importants et richement décorés et par le fait que ce pigment était un
produit très luxueux, rare et donc coûteux, car fabriqué de manière
artificielle.
Mis au point à Alexandrie durant le IIIe millénaire avant notre ère, ce bleu destiné à la décoration murale (mais pas uniquement) est en effet le premier pigment de synthèse connu, obtenu au terme d’un processus complexe (rapporté au Ier siècle avant J.-C. par l’architecte Vitruve [40]) consistant à broyer du sable avec de la fleur de nitre, puis à mélanger cette fine poudre avec de la limaille de cuivre pour en faire des boulettes, et à mettre le tout au four afin d’obtenir une réaction chimique produisant la fameuse couleur [41].
Pigment bleu égyptien (source : Blog d’Elisabeth Lamour –
Lien : https://iconeslamour.wordpress.com/tag/bleu-egyptien/). Pour des
photos de différents échantillons de bleu égyptien provenant de Pompéi, voir l’article
de Laëtitia Cavassa, « La
fabrication du bleu égyptien dans les Champs Phlégréens (Campanie, Italie)
durant le Ier siècle de notre ère », fig. 1 – Lien : https://books.openedition.org/artehis/10224?lang=fr
Par contre, la
couleur bleue est passée, comme d’autres, dans des expressions [42]
(ne dit-on pas, par exemple, « une peur bleue [43] »
pour évoquer la stupeur ?).
Cette peur bleue nous rappelle que si l’histoire de l’art
s’enrichit sans cesse de ces nouvelles et sublimes découvertes, elle n’est due
qu’à une catastrophe naturelle, l’éruption d’un volcan que l’on prenait pour
une simple montagne, mais aussi à un drame humain : 3 000 morts [44]. Gardons donc une pensée
pour ces gens qui ont vécu l’Enfer au propre et non au figuré. Tenaillés par
une peur panique et viscérale de rejoindre le royaume d’Hadès dans la
souffrance de l’étouffement. Une peur bleue …
Philippe Durbecq
Base de données :
- Base de données d’Alix Barbet, intitulée Décors antiques : (https://fm03.db.huma-num.fr/fmi/webd/DecorsAntiques)
Bibliographie
succincte [45] :
- V. AMORETTI & al., « Ri-scavare Pompei: nuovi dati interdisciplinari dagli ambienti indagati a fine ‘800 di Regio IX, 10, 1, 4 », in E-Journal degli Scavi di Pompei, 2, 2023 – lien : Ri-scavare Pompei:nuovi dati interdisciplinari dagli ambienti indagati a fine ‘800 di Regio IX, 10.1.4. - Pompeii Sites) ;
- APOLLODORE, Bibliothèque, traduction en ligne (Livre III, Chapitre , Chapitre X, § 7 – lien : https://remacle.org/bloodwolf/erudits/apollodorebiblio/livre3.htm) ;
- Alix BARBET, La peinture murale romaine, Picard, Condé-sur-Noireau, mars 1985 ;
- Alix BARBET, « La Rome en couleurs » conférence donnée à Caen le 1er Février 2023 (lien : https://www.youtube.com/watch?v=0NX4HQx099Q&t=50s) ;
- Alix BARBET, « L’Emploi des couleurs dans la peinture murale romaine antique, « marqueurs » chronologiques et révélateurs du « standing » social ? », In Pigments et colorants, Editions du CNRS, 1990 ;
- Delphine BURLOT, Hélène ERISTOV, « Le fond noir en peinture : marqueur du luxe et gageure technique », in J. Boislève, A. Dardenay, F. Monier (dir.), Peintures et stucs d’époque romaine Études toichographologiques, Collection de l’AFPMA, Pictor 6 - 2017, Ausonius Editions ;
- Laëtitia CAVASSA, François DELAMARE et Monique REPOUX, « La fabrication du bleu égyptien dans les Champs Phlégréens (Campanie, Italie) durant le Ier siècle de notre ère », In Aspects de l’artisanat en milieu urbain : Gaule et Occident romain, ARTEHIS Editions, 2010, pp. 235-249 – Lien : https://books.openedition.org/artehis/10224?lang=fr ;
- DAREMBERG et SAGLIO, Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines, 1896 (article « Helena ») ;
- François DELAMARE, dans S. Colinart, M. Menu édit. La couleur dans la peinture et l'émaillage de l'Egypte ancienne, Actes de la Table ronde, Ravello 20-22 mars 1997, Bari, 1998, p. 143-162, Bari, 1998 :
o
De la composition du bleu égyptien utilisé en peinture
murale gallo-romaine, p. 177-193.
o
Le bleu égyptien, essai
de bibliographie critique, p. 143-162.
- François DELAMARE, Sur les processus physiques intervenant lors de la synthèse du bleu égyptien, réflexion à propos de la composition de pigments bleus gallo-romains, Revue d'Archéométrie, 21, 1997, p. 103-119 ;
· André DESVALLEES et François MAIRESSE, Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, Armand Colin, 2011 ;
- EURIPIDE (trad. Jean Bollack et Mayotte Bollack), Hélène, Paris, Éditions de Minuit, 1997 ;
· A.-M. GUIMIER-SORBETS, Alain GUIMIER & Julien BOISLÈVE, « L'emploi du bleu égyptien sur quelques peintures du site de la Verrerie à Arles : premiers constats », in : Boislève & Monier 2020, Pictor 8, p. 71-77 ;
- HERODOTE, Histoire (livre 2, Euterpe –lien : https://mediterranees.net/geographie/herodote/euterpe.html) ;
· HOMERE, L’Iliade et Odyssée :
- Iliade (trad. Robert Flacelière), Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1993 (1re éd. 1955) ;
- Odyssée (trad. du grec ancien par Victor
Bérard), Éditions Gallimard, coll. « Bibliothèque de
la Pléiade », 1993 (1re éd. 1955) ;
· Lawrence KEPPIE, Colonisation and Veteran Settlement in Italy 47-14 B.C., 1983 ;
- C. MANN, M. M. ROXAN, Legionary Recruitment and Veteran Settlement during the Principate, 1983 ;
· August MAU, Geschichte
der decorativen Wandmalerei in Pompej, Reimer, Berlin, 1882 ;
- Claude MOATTI, « Archives et partage de la terre dans le monde romain (IIe siècle avant - Ier siècle après J.-C.) », Rome : École Française de Rome, 1993 (Publications de l'École française de Rome, 173-1 – lien : www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1993_mon_173_1) ;
- Annie MOLLARD-DESFOUR, le Dictionnaire des mots et expressions de couleur du XXe siècle : Le Bleu, CNRS Editions (CNRS Dictionnaires), septembre 1998 ;
- Eric M. MOORMANN, Sacrarie ou « chapelles » religieuses à Pompéi : culte domestique ou vénération publique ?, dans A. Dardenay, L. Bricault (dir.), Gods in the house Anthropology of Roman Housing-II, Brepols 2023.– II, Turnhout 2023 (Antiquité et Sciences Humaines 9), 139-169., 2023 (https://www.academia.edu/102574973/Moormann_2023_Lararia_in_Dardenay_Bricault) ;
- OVIDE, Les Métamorphoses, GF (dans l’épisode d’Arachné, VI, 109) et L’Art poétique, 147 – traduction en ligne : https://bcs.fltr.ucl.ac.be/hor/pisonstrad.html) ;
- Michel PASTOUREAU, Bleu : histoire d’une couleur, Points Histoire, 2014 ;
- Michel PASTOUREAU, « La Révolution des couleurs ou le triomphe du bleu » dans mensuel 229, février 1999 (https://www.lhistoire.fr/la-r%C3%A9volution-des-couleurs-ou-le-triomphe-du-bleu) ;
- Michel PASTOUREAU, Le Petit livre des couleurs, Ed. du Panama, 2005 ;
- Michel PASTOUREAU, Noir : histoire d’une couleur, Points Histoire, 2014 ;
- PLINE l’Ancien, Histoire naturelle, Livre XXXV, Traitant de la peinture et des couleurs, chapitre XXV, texte établi, traduit et commenté par J.-M. Croisille, Paris 1985 ;
- SAPPHO, Odes et fragments, Sappho (trad. Yves Battistini), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 2005, 23, pp. 36-37 ;
- M. VAN DOREN, « Les Sacraria. Une catégorie méconnue d’édifices sacrés chez les Romains », in « AntCl », pp. 31-75, 1958 ;
- VITRUVE, De l’Architecture, livre VII, texte établi et traduit par B. Liou, M. Zuinghedeau, commenté par M.-T. Cam, Paris, CUF, 1995 ;
- Gabriel ZUCHTRIEGEL et al., « L’Età della nostalgia : il sacrario nella Regio IX, insula 10 di Pompei », E-Journal degli Scavi di Pompei, 15, 3.6.2024 (https://pompeiisites.org/wp-content/uploads/15-E-Journal-Sacrario-Regio-IX.pdf).
Sitographie :
NOTES
[1] « Lieu (chapelle, oratoire,
réduit, armoire) où sont gardés, à l’abri de toute profanation, les objets
sacrés, soit dans un temple, soit dans une demeure privée ; car il n’était
pas nécessaire qu’un sacrarium fût rituellement consacré »
(Daremberg et Saglio, DAGR, article sacrarium, p. 955).
[2] L’ocre rouge était quinze fois moins
coûteuse que le minerai de cinabre.
[3] Ce phénomène était
déjà connu dans l'Antiquité : dans le livre XXXV, chapitre 35 de son Histoire
Naturelle, consacré à la peinture et aux pigments, Pline explique que
l'ocre rouge peut être obtenue à partir du jaune en chauffant ce dernier au
rouge dans des fours.
[4] André Desvallées et François
Mairesse, Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, Armand
Colin, 2011 : « On sait que, prenant exemple sur le palais Pitti,
pour l'ancien musée de Berlin, Karl Friedrich Schinkel avait aussi opté pour un
fond rouge pompéien. » À l'époque, toutes les salles de peinture du palais
Pitti de Florence étaient tapissées de cette couleur.
[5] Appelée parfois Alexandra qui signifie
« celle qui repousse » ou « protège les hommes ».
[6] Cet épisode de la mythologie grecque a
donné lieu aux expressions « Syndrome de Cassandre », « jouer
les Cassandre » et est, entre autres, le titre d’une série télévisée dont
un des personnages s’appelle Florence Cassandre, commissaire divisionnaire et
annonciatrice de mauvaises nouvelles.
[7] Ce décor en relief imite en fait l’agrènon (filet) qui recouvrait
l’omphalos sacré. Cet agrènon était
constitué d’un réseau de cordons de laine (stemmata)
cardée, mais pas encore filée dont les brins étaient maintenus ensemble avec
des nœuds à intervalles réguliers. Selon Pausanias, le périégète (auteur de
descriptions géographiques, de récits de voyage) qui a vécu au IIe s. apr.
J.-C., des pierres semi-précieuses représentant la figure de la gorgone avaient
été attachées aux points de rencontre des bandelettes, tandis que deux aigles
en or étaient fixés à son sommet.
[8] Pour plus de détails, voir les articles
« omphalos » sur le site
Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Omphalos) et dans le Dictionnaire des
Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio, ainsi que la
reconstitution de la colonne des danseuses sur le site de l’Inrap (https://www.inrap.fr/la-reconstitution-de-la-colonne-des-danseuses-de-delphes-9244).
[9] Mais un doute légitime est
permis : la possibilité du bras levé n’est pas à exclure, et même à
privilégier.
[10] Sur la fréquence du manteau bleu sur un
Apollon nu, cf. la base de données d’Alix Barbet, intitulée Décors antiques (https://fm03.db.huma-num.fr/fmi/webd/DecorsAntiques) : Ostie : OSTI.00146,
Pompéi, POMP.01750, POMP .03748, Murecine, MURE.00003.
[11] Alexandre (« défenseur des
hommes ») est un surnom que Pâris gagna lors de son enfance de berger où
il défendait tout le monde avec courage contre les loups et autres prédateurs.
[12] L’Anaxyride est le nom donné
par Hérodote (Histoires) et Xénophon (Anabase)
à un large pantalon brodé, en peau, porté par les Phrygiens,
les Perses et autres peuples d'Orient, appelé bracca –
mot d’origine gauloise (braie) – par les Romains en Gaule. C’était une sorte de
vêtement-chaussure puisque de longues guêtres étaient nouées sur les cuisses
[13] Traduction en ligne : https://bcs.fltr.ucl.ac.be/hor/pisonstrad.html.
[15] Pour l’iconographie, cf. https://mediterranees.net/polyxenia/metamorphoses/leda.html.
[16] « Mis à part le relief marginal de
Filarete sur la porte de bronze de Saint-Pierre de Rome, Léonard est le premier
à faire de Léda et du cygne les figures centrales d’une composition importante »
(Léonard de Vinci, le rythme du monde, Hazan p. 420-428).
[17] Fragment 23 (Odes et fragments,
Sappho (trad. Yves Battistini). L’œuvre de Sappho était importante (neuf livres de
poésie lyrique, selon la Souda). Il ne nous en reste
malheureusement que quelques fragments. Il existe une tradition très répandue selon
laquelle, en 1073, le pape Grégoire VII ordonna que toutes les œuvres de Sappho
soient brûlées à Rome ainsi qu'à Constantinople. Cependant, cette allégation
semble plutôt irréaliste : on ne voit pas comment un pape romain aurait pu
ordonner la destruction des textes à Constantinople après le grand schisme de
1054. Homère (Odyssée, 15 :58) et Hésiode (Les Travaux et
les jours, L’Âge des héros, 12) parlent simplement d’« Hélène à la
belle chevelure ».
[18] François Gauvin, Les Prophéties
de Cassandre, dans le magazine Le Point références, n° 40,
juillet-août 2012, page 56.
[19] Le noir a longtemps été considéré comme
une couleur, mais depuis Newton et son spectre, la manière de considérer le noir a changé.
En effet, le noir, tout comme le blanc d’ailleurs, n'apparaissent pas dans le
spectre. Le blanc est la somme de toutes les longueurs d'ondes de la lumière et
le noir, au contraire, est une absence de toutes les longueurs d'ondes de la
lumière. On ne voit ni le blanc ni le noir dans l’arc en ciel.
[20] La pièce, d'environ 15 mètres de long et 6 mètres
de large (soit 90 m², ce qui est très vaste), s'ouvre sur une cour à proximité
d'un long escalier menant au premier étage de la maison. Cette cour apparaît
donc comme un couloir de service à ciel ouvert.
[21] N.B. : la composition des lampes à huile modernes
n'est pas de l'huile d'olive pure ou végétale, mais des huiles minérales,
produits issus de la pétrochimie et de la transformation des hydrocarbures (de
la paraffine, etc.). On se souviendra que dans une de ses Satires (Livre
I,
VI, 124), Horace reproche à l’immonde Natta (un avare inconnu)
de masser avec l'huile des lampes (« Je me fais frotter d’huile,
mais pas de l’huile volée aux lanternes, comme le dégoûtant Natta », p.
167, édition GF).
[22] Delphine Burlot, Hélène Eristov,
« Le fond noir en peinture : marqueur du luxe et gageure
technique ».
[23] Pline l’Ancien, Histoire naturelle,
Livre XXXV, chapitre XXXVII : « C'est avec quatre couleurs seules, le mélinum
(XXXV, 19) pour les blancs, le sil attique pour les jaunes, la sinopis du Pont
pour les rouges, l'atrament pour les noirs, qu'Apelle, Échion, Mélanthius,
Nicomaque, ont exécuté des œuvres immortelles, peintres si célèbres, dont un
seul tableau s'achetait aux prix des trésors des villes. ».
[24] Gabriel
Zuchttriegel et al., « L’Età della
nostalgia : il sacrario nella Regio IX, insula 10 di Pompei ».
[25] Rappelons que
c’est la grande quantité de fresques
découvertes à Pompéi qui a permis d’établir une chronologie des quatre styles. Cette
chronologie a été fixée par August Mau (1840 – 1909), en s’appuyant sur des
travaux antérieurs de Wolfgang Helbig et Giuseppe
Fiorelli.
[26] 34. « Pendant mon sixième et mon septième
consulats (28 et 27 av. J.-C.), après avoir éteint les guerres civiles, étant
en possession du pouvoir absolu, avec le consentement de tous, je transférais
la république de mon pouvoir dans la libre disposition du Sénat et du Peuple
romain. Pour ce mérite, je fus appelé Auguste. […] Depuis ce temps, je
l'emportais sur tous en autorité, mais je n'avais pas plus de pouvoir que mes
collègues dans les magistratures. ».
[27] Parmi lesquels Madame Claudia Moatti que
je remercie ici vivement pour les renseignements et les références qu’elle a eu
la gentillesse de me communiquer.
[28] Gabriel Zuchtriegel et al., « L’Età
della nostalgia : il sacrario nella Regio IX, insula 10 di Pompei ».
[29] Le nom de « pastel » vient du
latin pasta, pâte (anciennement, les
feuilles de la plante étaient broyées dans les moulins à pastel et formaient
une pâte ensuite fermentée et séchée. Le terme « guède » autrefois
« vouède » dérive d’une racine germanique qu’on retrouve dans l’anglais
woad et dans l’allemand waid. Actuellement, on recultive la
guède en France. Le pastel ayant fait à
[30] Dans le De Bello Gallico, Livre cinquième.
[31] Le mot « Pictes » vient du
latin pictus, signifiant
littéralement « [hommes] peints » (comme tous les Celtes, les Pictes
n’écrivaient pas, ils peignaient des symboles sur leur corps).
[32] Le mot vient de l’arabe al-lazward, ou du persan lazhward..
[33] « La littérature classique et archéologique parle de kyanos, de caeruleum, de
bleu Vestorien, de bleu de Pouzzoles, de bleu pompéien » (« La
fabrication du bleu égyptien dans les Champs Phlégréens (Campanie, Italie)
durant le Ier siècle de
notre ère »).
[34] Les sources sont de trois natures différentes : littéraires,
archéologiques et chimiques (Ibid).
[35] Ibid.
[36] Par ailleurs, une méthode de prise de vue a été mise au point qui
permet de détecter et de révéler le bleu qui, parfois, est invisible. Pour plus
de détails à propos de ces nouvelles technologies, consulter les articles
d’Alain Guimier repris dans la bibliographie.
[37] La profondeur nous est donnée par la
première barrière rose en marbre sculpté qui ménage des retraits où se dresse
un arbre (en l’occurrence un pin) et qui est doublée d’une barrière d’osier
tressée en fines baguettes jaunes.
[38] Analysées en détail par le regretté
Paul Veyne dans son ouvrage Les Mystères du gynécée dans lequel il
s’oppose à l’interprétation la plus courante, à savoir qu’il s’agit d’une
peinture représentant une noce romaine. Selon lui, la noce est grecque L'opinion la plus
courante, défendue notamment par B. Andreae (1961), veut que la peinture
représente une noce romaine. Paul Veyne s'oppose à cette interprétation, en
alléguant qu’il s’agit d’une noce grecque. Il fait notamment valoir que les
costumes des personnages sont grecs, mais aussi que les éléments du rituel sont
également helléniques.
[39] Alix Barbet, conférence « Rome en
couleurs » (lien : https://www.youtube.com/watch?v=0NX4HQx099Q&t=50s, 21’40’’-22’20’’).
[40] De architectura, VII, 12.
[41] Voir dans la bibliographie les articles
de François Delamare sur les analyses de bleu égyptien.
[42] Pour plus de détails, consulter le
Dictionnaire des mots et expressions de couleur du XXe siècle : Le Bleu,
Annie Mollard-Desfour, CNRS Editions (CNRS Dictionnaires), septembre 1998. Le
même auteur a également rédigé quatre autres dictionnaires semblables : Le
Blanc, Le Rouge, Le Rose et Le Noir. Quant à Michel Pastoureau, historien et
directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, il a publié une
trentaine d’ouvrages ayant trait à l’histoire des couleurs.
[43] C’était la peur des légionnaires
romains devant les Brittons peints, comme nous l’avons évoqué plus haut, en
bleu pour les effrayer.
[44] Mais on en découvre encore régulièrement :
les corps de deux victimes de l’éruption du Vésuve ont été exhumés en 2020 dans
le cryptoportique d’une villa située dans la zone de Civita Giuliana, à 700
mètres de Pompéi et deux autres dans la Maison des chastes amants en 2023.
[45] On
trouvera une ample bibliographie in fine de l’article L’età della
nostalgia : il sacrario nella Regio IX, insula 10 di Pompei, Journal en
ligne des fouilles de Pompéi du 3.6.2024 (https://pompeiisites.org/e-journal-degli-scavi-di-pompei/).
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