La cloison de bois de la Casa del Tramezzo di legno à Herculanum
La cloison de bois de
la Casa del Tramezzo di legno à Herculanum
(par Philippe Durbecq)
Photo de la trirème Olympias de la Marine hellénique (toute utilisation autorisée - auteur : Ελληνικά: Χρήστης Templar52 – source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Olympias.1.JPG).
A la mémoire de l’archéologue Sebastiano
Tusa mort tragiquement le 10 mars 2019 dans l'accident du vol 302
d'Ethiopian Airlines alors qu'il se rendait à Nairobi pour participer
à un projet de l'UNESCO
Au Dr. Francesco Sirano, Directeur du
Parc archéologique d’Herculanum, dans l’espoir d’éclaircir ensemble l’énigme
des supports de lampe en forme de proue de navires
Introduction
Le pin
parasol doit son nom à sa cime compacte et aplatie. L’image d’un pin parasol
peut sembler bizarre pour qualifier une éruption, mais si l’on voyage en Italie
et en Méditerranée en général, on comprend vite que l’analogie est parfaite.
Cette forme est due au fait que le jet éruptif se développe d’abord
verticalement dans l’atmosphère, puis, en se refroidissant lorsqu’il atteint la
stratosphère, s’étale en un panache d’où pleuvent les cendres et les
ponces. En fait, ce panache, qui s’échappe du cratère, est constitué d’une
masse de matériaux volcaniques et de gaz plus légers que l’air. La colonne
continue à s’élever donc jusqu’à ce que l’écart entre sa densité et celle de
l’air devienne trop faible et qu’elle s’étale, prenant cette forme
caractéristique observée par Pline le Jeune. La taille des particules qui
tombent de ce panache est proportionnelle à la hauteur de la colonne éruptive.
Grâce aux études stratigraphiques, nous savons qu’au cours des sept premières
heures de l’éruption, des pierres ponces (légères) tombent sur Pompéi au rythme
de 15 cm par heure. Dans cette première phase de l’éruption, elles ne
constituaient pas un danger pour les habitants de Pompéi. Pline l’Ancien
raconte d’ailleurs qu’il suffisait d’attacher un coussin sur sa tête avec des
tissus pour s’en protéger. Mais au fil du temps, la couche de pierres ponces
s’épaissit, atteignant une épaisseur totale de 2,80 mètres. Or, dans cette
ville, les toits sont plats. L’accumulation de ces lapillis sur les toits
est telle que leur poids provoque l’écroulement de ceux-ci sur les occupants
des habitations, comme en témoigne le bon nombre de cadavres qui présentent des
fractures du crâne.
Au fil des heures qui s’égrènent, l’inquiétude et l’angoisse montent, la peur s’installe chez les habitants, l’affolement et la panique gagnent de plus en plus les occupants de la région touchée par la tragédie qui est en train de se dérouler. Pour ceux qui savent garder la tête froide, des décisions parfois lourdes de conséquence se prennent. Certains décident de partir. Qu’emportaient les fugitifs en quittant leur logis dans la précipitation ? Un peu comme nous à l’annonce d’une catastrophe : ils prenaient leurs bijoux, l’argenterie, la clé de leur maison et une lampe, car même si nous sommes maintenant au milieu de l’après-midi, le ciel est devenu complètement noir.
De l’autre côté de la baie de Naples, sur la presqu’île
de Misène où se situe le port d’attache de la flotte impériale, Pline l’Ancien,
son amiral s’affaire. Il a vu de loin le panache du Vésuve et met immédiatement
sur pied une opération de sauvetage d’urgence. Les vents dominants sont en
effet contraires [4]
et il n’y a donc pas un instant à perdre, c’est la flotte de guerre qui doit lever
l’ancre et il en prend le commandement : direction Herculanum.
Répartition générale de la pluie d’éjectas illustrée sur la carte par le nuage noirâtre au sud-est du volcan (image libre de droit – Licence : CC BY-SA 3.0 – auteur : travail dérivé de MapMaster (user talk : Jean Marcotte) – source initiale : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mt_Vesuvius_79_AD_eruption.svg)
Pline l’Ancien ne parvient cependant pas à apporter le secours voulu à la population massée sur les plages d’Herculanum. De gros blocs volcaniques sont en effet projetés par le Vésuve et s’écrasent sur le rivage où s’était rassemblée une partie de la population, tuant déjà certains des hommes de la cité qui ne s’étaient pas abrités sous les solides structures voûtées des hangars à bateaux (situés près du port d’Herculanum). De même, l’abaissement du niveau de la mer, dû à l’activité sismique, rend l’approche des quadrirèmes impossible [5]. Pline l’Ancien fait ce qu’il peut, il envoie de petites embarcations avec ses meilleurs hommes pour prendre la direction des opérations sur le terrain. Lui reste à bord de sa galère amirale, car, devant cette impossibilité d'accoster à l’endroit initialement prévu, il vient de prendre la décision de dérouter la flotte pour la mettre à l’abri et de mettre le cap plus au sud, vers Stabies, où l’attend son destin : il mourra asphyxié sur la plage.
Les
habitants qui n’étaient pas partis qui étaient venus se réfugier dans les salles voûtées des hangars à bateaux (surtout des femmes) y
ont eux aussi été piégés. Au milieu de la nuit, la nuée ardente a envahi la ville et
les y a atteints, les tuant instantanément [6] (contrairement à Pompéi,
les habitants n'ont pas souffert et leur mort fut brève [7]). Les habitants meurent soit carbonisés s’ils étaient à
l’air libre, soit par choc thermique s’ils étaient à l’intérieur des bâtiments [8]. La température extrêmement
élevée de la nuée ardente a cependant provoqué la fusion des chairs, de sorte
qu’il est impossible, à Herculanum, de faire des moulages comme à Pompéi :
on a simplement des ossements.
Finalement, une dure et épaisse croûte de tuf volcanique a recouvert l’antique Herculanum, la scellant comme un tombeau. Elle permit la construction d’une nouvelle ville, Résina, au-dessus de l'ancienne cité. La violente éruption de 1631 ajouta encore une couche de lave sur Résina, de sorte qu’au fil du temps, le souvenir même de l’emplacement de l’ancienne ville romaine se perdit totalement. Ce n’est qu’en 1710 qu’un paysan du nom d’Ambrogio Nucerino, qui creusait un puits pour arroser son jardin, récupéra de nombreux fragments de marbre précieux. Ce n’est que plus tard qu’on comprit qu’ils appartenaient au théâtre de la ville engloutie. En 1969, la ville de Résina reprit son nom antique, Ercolano en italien.
La carbonisation du bois
Si Herculanum a été détruite à cause de l'éruption du
Vésuve, elle l’a été d’une façon différente qu'à Pompéi : elle a été
ensevelie par une coulée de boue volcanique (ou lahar [9], selon le
volcanologue français Maurice Krafft) et/ou par une nuée ardente [10] (d’après d’autres hypothèses), et
scellée par cette boue qui a durci. Il n'y a donc pas eu de passage d'oxygène,
ce qui a conservé des matières organiques comme le bois (alors qu'à Pompéi, la
ville a été progressivement recouverte par une pluie de cendres). A Herculanum,
le bois a été directement carbonisé (il y
a eu carbonisation, mais sans combustion, un phénomène uniquement possible en
l’absence d’oxygène) et
a ensuite été immédiatement recouvert, de sorte qu’il n’a pas eu le temps de se
désintégrer.
La
Casa del Tramezzo di legno
Ensevelie sous une coulée de boue causée par l’éruption, la
maison de la cloison en bois à Herculanum a été mise au jour lors des fouilles
archéologiques menées par Amedeo Maiuri entre 1927 et 1933 et explorée grâce à
ses travaux minutieux.
Avant lui, deux archéologues doivent être mentionnés : Roque Joaquín de
Alcubierre,
un ingénieur militaire espagnol [11]
qui s’est occupé des explorations archéologiques et le Suisse Jakob Weber qui
eut une relation très conflictuelle avec Roque Joaquín de Alcubierre parce qu’il
voulait effectuer les fouilles avec des méthodes beaucoup plus scientifiques –
pour l’époque –, proches – toutes proportions gardées – de celles appliquées à
l’époque moderne, alors que son directeur de travaux menait celles-ci, comme un
Vandale, dans le but exclusif de trouver des objets de valeur (pillage).
Les travaux d'exploration qui se sont déroulés lorsque Naples
est passée aux mains des Bourbons ont en effet été extraordinairement
grossiers, plus comparables à un « cambriolage géant » qu’à une
fouille archéologique. Un personnage de l’époque, scandalisé par
l'énormité des dégâts gratuits qui se font, s’insurge d’ailleurs de la
façon suivante : « Cet individu » – en parlant de Roque Joaquín de Alcubierre – « a autant à
voir avec les antiquités que la lune avec les crabes ! ».
Dans son étude historique Quattrocento publiée
chez Flammarion (Prix Pulitzer 2012), Stephen Greenblatt [12] évoque l’altier Espagnol.
Pour l’anecdote, le mystérieux érudit que Stephen Greenblatt cite comme insultant
Alcubierre n'est autre que l'historien d'art Johann Joachim Winckelmann qui «
fulminait » parce que Charles III ne lui avait pas donné l'autorisation
d'accéder aux fouilles, comme il l'aurait souhaité.
On le voit ici peint dans une huile sur toile par Anton von
Maron, quelques mois avant sa mort tragique, vêtu d'une belle robe de chambre en satin rose doublée d’une fourrure de
loup et coiffé d’un turban en soie à la mode orientale, flanqué d'un buste
d'Homère en arrière-plan. Assis à son bureau, la plume à la main [13], Winckelmann est en train de travailler de bon matin à
son manuscrit sur les œuvres d'art romaines (Monumenti antichi inediti), avec,
devant lui, une illustration de l’Antinoüs Albani. Sur cette toile, il s’est
donc fait représenter en « honnête homme » de son temps, en érudit
détendu au milieu de ses livres et de ses statues, se livrant à son plaisir
studieux et à son loisir actif, c’est-à-dire l’antique otium comme le
pratiquaient les patriciens lettrés dans la Rome de l’Antiquité.
Portrait de Johann Joachim
Winckelmann œuvre du peintre Anton
von Maron
conservée au Weimarer Stadtschloss - Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Winckelmann_portrait_from_Storia_delle_arti_del_disegno_III.jpg#/media/File:Johann_Joachim_Winckelmann_(Anton_von_Maron_1768).jpg
Un mot de l’éruption et des différences entre les deux cités
vésuviennes (bien que l’adage énonce que comparaison n’est pas raison). Pompéi et Herculanum
présentent plusieurs différences.
La première est la
taille de la ville : Pompéi était énorme (déjà à l’origine), alors
qu’Herculanum était plus petite [14].
Dans cette petitesse réside d’ailleurs un des
attraits d'Herculanum : plus silencieuse, tout visiteur est frappé par son
intimité et son contact immédiat, son « immédiateté » pourrait-on
dire, mais pas dans le sens d’« imminence » : je vise le fait
que l’on puisse voir et toucher du doigt la vie d’êtres humains disparus depuis
2.000 ans de manière beaucoup plus intime et plus proche qu’à Pompéi. Enfin, Herculanum
possède des bâtiments encore très hauts, ce qui rend la visite à la fois plus
lisible et plus touchante encore qu’à Pompéi.
Herculanum se trouve
à l’ouest du Vésuve. Elle n’a donc pas subi la pluie de lapilli et de pierres
ponce (qui ont provoqué, en raison de leur accumulation, l’écroulement des
toits plats à Pompéi), bien que la colonne éruptive y fût visible. Les
habitants ont pris beaucoup plus de temps que ceux de Pompéi à se rendre compte
du drame.
D’autre
part, seulement 25 % de la ville a été fouillée en raison des difficultés (et
donc du coût) des recherches : Pompéi a été recouverte de cendres et de
lapilli, alors qu’Herculanum a été envahie par une coulée de boue volcanique qui
s’est solidifiée formant, sur 12 à 18 mètres d’épaisseur, une roche très
compacte, le tuf, aussi dur que du béton. On en connaît toutefois assez bien la
situation [15].
Aussi, lorsque les Bourbons firent
exécuter des fouilles, ils le firent non pas en plein air, mais en faisant creuser
des puits comme dans des mines de charbon.
Les rostres de navires
Pourquoi parler de rostres de navires à
cet endroit ? Permettez-moi de laisser planer encore un instant le
suspense.
Les rostres, c’est-à-dire les éperons situés à l’avant
des galères, constituaient un trophée de bataille navale. Cet éperon métallique
(rostre) était destiné à détruire le bateau ennemi par les flancs (on en a
retrouvé douze jusqu’à présent au large des Egades) [16].
L’éperon était en bronze et avait trois dents, ce qui lui donnait l’aspect d’un trident quand on le regardait de côté. Ce qui est frappant dans ces rostres, c’est leur forme très curieuse : ils n’étaient pas en pointe, mais ressemblaient en fait à un bec de canard à trois niveaux. Ces pièces ont été faites sur mesure et épousaient le profil de la proue du navire et la forme de la quille, parce que le choc devait être absorbé par tout le reste du vaisseau.
Un élément important, sur lequel nous reviendrons plus
loin, est à signaler à propos de ces éperons repêchés au large des îles Egades :
sur le rostre « Égades 1 » (qui se présente avec un décor de
rosette typique du centre de la Campanie) a été découverte, après la
restauration, l’inscription : C(aius) Sestio(s) P(ubli) f(ilius) /
Q(uintus) Salonio(s) Q(uinti) [f(ilius ?)] / sex vir OEN / probave[re.
Il s’agit – comme le fait remarquer Sebastiano Tusa [17], « de la probatio mentionnée
dans un passage du Satiricon de Pétrone, où il est clairement
dit que les rostres en bronze des navires de guerre romains portaient les
inscriptions par lesquelles les seviri confirmaient la probatio (le
test) du métal ».
Nous connaissons l’existence des rostres et leur utilisation à partir de la période hellénistique (IVe – IIIe siècle avant J.-C.), mais avant la découverte des éperons des îles Egades, un seul avait été retrouvé au monde, par hasard, en Israël. Les éperons des îles Egades n’avaient pas encore été repêchés, pour la bonne et simple raison que le lieu signalé initialement comme ayant été le théâtre de la bataille était tout simplement erroné : la confrontation des flottes n’avait pas eu lieu entre Levanzo et Favignana, mais s’était produite à deux milles au Nord-Ouest de Levanzo, la flotte carthaginoise arrivant de Marettimo.
Pour mettre un terme à la longue guerre, Romains et Carthaginois décidèrent de frapper un coup décisif. A Rome, les caisses de l’Etat étaient vides et le Sénat fit appel à l’aristocratie pour l’emprunt qui servit à armer une flotte moyennant un dédommagement en l’associant au partage du butin. La flotte romaine, rassemblant tous les bâtiments fournis par diverses villes du monde romain (environ 300 navires), est placée sous le commandement de Caius Lutatius Catulus (sur les rostres, on peut lire les noms des mécènes qui les payèrent). Comme nous l’avons vu, le rostre carthaginois [18] porte, en revanche, une inscription qui témoigne d’une approche totalement différente à la bataille. Certains rostres comme celui-ci sont de vraies œuvres d’art avec cette admirable Nikè visible sur la courbure du nez de l’éperon.
Photo extraite du site https://www.favignana.biz/levanzo-241-c-cronaca-battaglia-navale-rimarra-nella-storia/ (© auteur : Giorgio
Desi, avec son aimable autorisation – Libreria Il Mare, Rome).
Composée d’au moins 120 navires de guerre, la flotte carthaginoise, quant à elle, a à sa tête l’amiral carthaginois Hannon. Il s’agit d’une expédition envoyée par Carthage pour venir en aide à Hamilcar et à ses soldats assiégés par les Romains dans la ville d’Eryx. Le but est de sortir de cette situation d’impasse à laquelle les Carthaginois sont confrontés, en essayant de briser l’encerclement.
Hannon s’est arrêté pendant dix jours à Marettimo pour
attendre des conditions optimales de vent. Les Romains sont en embuscade autour
de l’île de Levanzo, la plus petite des Egades, cachés derrière la pointe de
Capo Grosso.
A l’aube du 10 mars 241 avant J.-C., Hannon comprend que
le vent est enfin favorable pour faire route vers la Sicile, vers Depranum
(qu’il faut identifier non comme la Trapani moderne, mais comme la Baie de
Bonagia, l’unique point qui permettait de rejoindre les hauteurs du Mont Eryx. Les
navires prennent la mer et Caius Lutatius Catulus
a une intuition géniale : il comprend que la flotte ne serait pas passée
entre Levanzo et Favignara, mais en prenant une route grand Nord, au large de
Levanzo. Il camoufle alors les navires romains sur la rive droite de Levanzo,
tapis derrière la pointe de Capo Grosso. Quand il commande l’attaque, la flotte
romaine sort de sa cachette (sa zone d’ancrage) et sème la panique dans les
rangs carthaginois.
La conception des rostres était, pour l’époque,
sur le plan militaire, celle d’une arme à la pointe de la technologie.
En fait, le navire n’était jamais touché
perpendiculairement, mais de biais et les ailes latérales du rostre étaient faites
pour déchirer le côté du navire adverse afin de l’immobiliser et de le laisser
s’enfoncer lentement dans la mer [19].
Le rostre brisait le vaisseau ennemi de telle sorte que le reste du navire
s’ouvre comme une « fermeture éclair ».
Quant à la forme du rostre, elle rappelle celle
des déflecteurs des Formules 1 [20] :
les éperons des navires romains étaient faits pour fendre l'eau afin qu’elle
glisse sur les côtés.
Même si l’on doit faire abstraction des effets spéciaux destinés à rendre les scènes des péplums encore plus spectaculaires qu’elles ne devaient l’être dans la réalité historique, on peut s’imaginer l’impact sur le côté du navire (un véritable « coup de bélier [21] ») en regardant le clip du film « Ben Hur » du réalisateur Timur Bekmambetov [22], mais aussi en examinant les dégâts causés à certains rostres repêchés au large de la Sicile : sous l’impact, la structure même du bronze s’est cassée et pliée (voir le documentaire d’Alberto Angela - consacré à la bataille des Egades (https://www.youtube.com/watch?v=sXAKZgNMdMo).
On peut également se représenter la terreur qui
devait s’emparer des marins à bord du navire ennemi quand ils voyaient foncer
sur eux un navire avec un rostre à fleur d’eau ou juste en dessous de la
surface : cette vision devait créer dans l’esprit des marins le même effet
qu’une torpille japonaise arrivant sur le navire de guerre Arizona ancré dans
la rade de Pearl Harbour [23].
Lors d’une autre bataille en Sicile, celle de Milazo, les Romains ont mis au point la technique de l’abordage avec l’invention du corvo, « le corbeau » (certains des objets retrouvés portent un crochet et il pourrait bien s’agir des « corbeaux » (passerelles d’abordage basculantes [24]) utilisés pour accrocher les navires ennemis et permettre ainsi le passage des soldats d’un pont à l’autre) [25].
Schéma simplifié du corbeau (licence CC BY-SA 2.5. –
auteur : Chewie — based on Model of the
« corvus » by Martin Lokaj – source https://fr.wikipedia.org/wiki/Corbeau_(syst%C3%A8me_d%27abordage)
Les rostres, sur le Forum romain, au pied du Tabularium [26], sont célèbres à Rome : quand on remit la tête de Cicéron à Antoine, avant qu’il la fît clouer aux rostres, Fulvie, son épouse, la lui demanda. Elle desserra avec difficulté la mâchoire de Cicéron, tira sur sa langue et y passa des aiguilles afin qu’il n’allât pas parler aux enfers ni compromettre leurs noms en se plaignant aux ombres (Pascal Quignard, Albucius, p. 111).
Au Museo della Civiltà romana à Rome (aujourd’hui malheureusement
fermé) on pouvait voir la reproduction de l’une des colonnes rostrales érigées
sur le forum romain en l’honneur de Caius Duilius (ou Duillius) après la
bataille de Myles (Mylae, côte nord de la Sicile) où furent employés pour la
première fois les corvi. L’une des
colonnes de Duilius subsiste encore en partie (l’inscription du socle est
aujourd’hui aux Musées du Capitole).
Ce
thème des colonnes rostrales a connu une grande vogue jusqu’au XIXe siècle. existent
encore dans plusieurs grandes villes telles que Bordeaux, Saint Petersburg, à Paris [27],
etc.
Cette invention des corvi fut donc fatale aux
Carthaginois : lors de la bataille des îles Egades (qui marque la fin de la
première guerre punique), la flotte carthaginoise y sera anéantie. Les Carthaginois
perdent leur domination sur la Sicile et l’île entre dans l’orbite de Rome.
Les ennemis du commerce romain ou punique, ce sont les
pirates et – les Grecs ne le disent pas –, mais ils sont souvent grecs. Or, il
était impossible d'organiser des convois protégés, car les bateaux commerciaux
étaient plus lents que les navires de guerre. C'est pourquoi, si les premiers
ne naviguaient qu'une partie de l'année, les seconds sillonnaient la mer
constamment (il vaut mieux prévenir que guérir). Différentes techniques avaient
d'ailleurs été mises au point. L'on recommandait par exemple de ne pas trop
endommager le bateau ennemi afin de pouvoir le tirer sur la terre ferme et le
récupérer.
Le
rostre à trident constituait le point de rencontre de la quille, de
l’étrave et des préceintes. « De part et d’autre du rostre se
trouvaient les préceintes à la ligne de flottaison, de grandes dimensions
puisqu’elles devaient amortir les collisions avec les navires adverses. Le
rostre canalisait ainsi toutes les forces de la structure de la coque en bois
et, à son tour, déchargeait sur la structure entière les sollicitations reçues
dans la collision [28]. ».
L’une
des plus prestigieuses distinctions militaires de l’Antiquité romaine, était la
couronne rostrale. Faite en or et ornée de rostres, elle était décernée à celui qui se lançait le premier à l’abordage d'un
vaisseau ennemi.
Marcus Vipsanius Agrippa portant la couronne rostrale en commémoration de la bataille d'Actium (Licence CC BY-SA 3.0 - Classical Numismatic Group, Inc. http://www.cngcoins.com)
Comment le mot latin pour le bec d'un oiseau (rostrum) en est-il venu à
être utilisé en anglais pour désigner la plate-forme d'un orateur ? Comme
l’accessoire en bronze qui ornait la proue des galères ressemblait à un bec
d'oiseau, il était connu sous le nom de rostre [29]. Après leur succès à la bataille d'Antium [30]
en 338 avant notre ère, les orateurs romains ont commencé à s'adresser au
peuple depuis l'avant d'une plate-forme en pierre du Forum, qui était utilisée
pour attacher les rostres des
navires capturés, la plate-forme en question étant connue sous le nom de rostra. Au XVIIIe
siècle, le mot rostrum est ainsi entré dans la langue anglaise.
La cloison de la Casa del
Tramezzo di legno
La
dénomination de la maison vient des trois vantaux mobiles (il a été impossible
de remonter le troisième [31])
sur des gonds qui permettaient de refermer le tablinum en le transformant, selon les besoins, en pièce de passage
ou en salle de séjour ou de repos.
Cette
cloison en bois fait partie des découvertes les plus remarquables et est unique
dans tout le monde romain (ce qu’on appelle un unicum).
Pour les
parties conservées de la cloison, il est possible de souligner que ces vantaux
ont été assemblés selon la technique des tenons et mortaises, renforcés à
l’aide de chevilles. Aucun clou n'a été utilisé.
Dans le but
d’attribuer une affectation plus « confidentielle » à une pièce précise,
sans pour autant la clore complètement, il était possible de mettre en place un
système hybride de cloisons de bois (jouant un peu le rôle de paravent ou de
cloison de séparation – « roomdivider » en anglais –) dont
nous avons un précieux exemple ici. La cloison est divisée en trois
compartiments : deux parties latérales plus petites et une partie centrale
plus grande.
Les doubles
panneaux de chaque côté ressemblent à des portes à double-battant. La partie
centrale non conservée contenait probablement quatre parties de porte (sur
l’illustration ci-dessous, il n’y en a que trois représentées), dont deux
étaient reliées entre elles par des charnières et pouvaient être ouvertes ou
fermées.
Cela peut
être déduit de portes comparables qui ont été coulées en plâtre (calque [32]) dans la Villa A (dite « de
Poppée [33] ») à Oplontis. Donc, elles tournaient probablement et ne coulissaient pas (à Oplontis, les portes ont été retrouvées ouvertes).
J’ai pu discuter à ce sujet par courriel avec l’un des grands spécialistes
mondiaux du travail du bois dans l’Antiquité, le Pr.-Dr. S. T. A. M. Mols de la
Rabout Universiteit de Nijmegen. Qu’il me soit permis ici de le remercier pour
ses précieuses indications. Malheureusement, à sa connaissance, comme à la
mienne, aucune publication ne fait la comparaison entre le moulage en plâtre
des portes d’Oplontis et la cloison en bois de la maison homonyme d’Herculanum.
A droite sur
la photo, moulage des portes de la villa d’Oplontis (image issue du site https://www.arkadias.fr/oplontis.html)
La
cloison (protégée par des plaques en verre) est pourvue de portes à double
battant de chaque côté, ainsi que de clous décoratifs (des poignées circulaires
en appliques de bronze pour faciliter l'ouverture) et des supports (porte-lampes),
également en appliques de bronze (ici, il s’agit de moulages en plâtre) en
forme de proue de navire pour suspendre les lampes à huile [34]
(lucerna [35])
à l’aide de chaînettes, afin de garantir un minimum d’éclairage nocturne dans
cet important espace de connexion avec les autres pièces de la maison [36].
En raison de cette articulation en trois parties de la cloison, le Docteur Francesco
Sirano, le Directeur du Parc archéologique d’Herculanum, a émis l’hypothèse que
l’agencement de celle-ci faisait référence au théâtre [37]. L'intérieur de l'atrium
est en effet décoré de peintures du quatrième style (ou style fantastique) où
les peintures évoquent les structures scénographiques des théâtres, mais
reproduisent également des masques.
Selon Francesco Sirano, l'articulation du mur de bois en trois parties avec une porte principale centrale et deux de plus petites dimensions rappellerait celle du mur de scène d’un théâtre avec ses valvae regiae (« porte royale [38] ») et ses portae hospitales (« portes des hôtes ») : par ces deux portae hospitales apparaissaient les personnages mineurs du théâtre alors que le protagoniste, lui, « entrait par la grande porte » centrale). Ci-dessous l’exemple du théâtre romain de Mérida en Espagne, l’un des mieux préservés au monde.
Théâtre romain de Mérida (Licence : CC BY-SA 4.0 - Benjamín Núñez
González (travail personnel) – Annotations supplémentaires en jaune :
Philippe Durbecq)
Francesco Sirano y a dès lors vu une réminiscence délibérée au
théâtre : le propriétaire, franchissant cette porte, allait à la rencontre
de ses clients et, tel un deus ex machina, résolvait les problèmes de
chacun. De quoi parlait-on au-delà de ce mur ? A quoi servait un mur qui
n'empêchait pas le passage de la voix car sa hauteur est limitée (la
cloison, à hauteur d’homme, arrive seulement au tiers de la hauteur de
l’atrium) ? Pas à garantir la confidentialité absolue des conversations en tout
cas, mais il servait probablement à ce que les transactions commerciales
comportant des signatures et des écrits soient traitées de manière plus privée
celles-ci se faisant à l’abri des regards par la fermeture des portes. La cloison
offrait donc un état intermédiaire de confidentialité, celle que l’on peut
avoir, dans les bureaux « open space » avec des panneaux de
séparation autoportants, par exemple.
Honnêtement, dans un premier temps, j’ai été relativement
dubitatif vis-à-vis de cette hypothèse, estimant que les références au théâtre
sont récurrentes dans le IVe style.
Et que faisait-on alors des pièces de vaisseau qui s'y trouvaient ? L'interprétation me paraissait donc, au départ, un
peu forcée : il y avait, pour moi, toutes sortes de raisons valables pour
installer trois vantaux, sans recourir à la métaphore théâtrale.
Supports de lampe en forme de proue de navire, moulage en plâtre d’un original en bronze fixé sur la cloison de bois de la Casa del Tramezzo di legno à Herculanum (avec l’aimable autorisation de la Doctoresse Silvia Greggi)
Mais lors d’un échange très fructueux de
courriels avec le Dr. Francesco Sirano, celui-ci m’a en effet précisé que les hypothèses discursives
faites dans le cadre des films ont été formulées uniquement comme de simples
suggestions de travail (et non comme des résultats de recherche) à
l’adresse du public afin de l'impliquer autour du thème principal qui est la
présence extraordinaire de la cloison de bois, un unicum dans le monde
romain. Le Dr. Francesco Sirano n’a en effet encore rien écrit à ce sujet car
évidemment il faudrait bien étudier le sujet et vérifier ses hypothèses qui ne
servent qu'à des fins de diffusion, ce qui a d’ailleurs fonctionné puisque j’ai
moi-même réagi positivement au fond.
En tout cas, en ne suivant qu'un fil conducteur
logique et non argumentatif, Francesco Sirano m’a confié ne pas avoir trouvé vraiment
d'autres explications purement fonctionnelles à la tripartition de la porte,
même compte tenu de la largeur du tablinum. Et cet argument est en effet
imparable. On aurait pu faire une cloison de dimensions plus modestes. Ma
question qui reste ouverte jusqu’à présent : subsiste-t-il des vestiges de
cette partie centrale ?
Après mûre réflexion, je pense qu’il faut étudier
la cloison dans son ensemble, globalement, c’est-à-dire en intégrant
également la symbolique des éperons de navire – qui ne sont, à mon avis, pas uniquement
purement décoratifs, mais jouent aussi un rôle dans toute la scénographie –.
Je me pose donc la
question de savoir si une référence aux naumachies est potentiellement
envisageable, mais comme le soulignait déjà Francesco Sirano pour sa propre
hypothèse de travail, cela doit être analysé de manière approfondie. Le lien
avec la thèse du Docteur Francesco Sirano et la mienne, serait que ces naumachies
sont le reflet « théâtral » des véritables combats navals qui ornent
d’ailleurs beaucoup de maisons comme celle des Vettii à Pompéi [39].
Ce qui est très intéressant à noter dans le cas de la maison des Vettii, est
que la scène est entourée d’un cadre rectangulaire et
surmonté d’un masque de théâtre adossé à un panier garni (une nature morte). Cette
association de la naumachie et du théâtre est évidente. Cette possibilité permettait en outre de relier
les rostres de la cloison de bois de la Casa del Tramezzino di legno au
monde de la fresque.
Pinax de la maison des Vettii (issue du site https://www.marine-antique.net/naumachie-maison-des-vettii-4)
Les premières éditions
naumachiques (César et Sextus Pompée) sont directement liées au contexte de
guerre civile et se veulent une preuve de la légitimité de ces imperatores. Les naumachies suivantes entrent
quant à elles dans le discours idéologique du principat [40] :
il s’agit à la fois de commémorer de grandes victoires comme celle, fondatrice,
d’Actium, de célébrer la domination de
Rome sur toute la Méditerranée, de montrer le pouvoir de l’Empereur qui met en scène la mort de plusieurs milliers
d’hommes, et de le présenter comme maître de la nature capable de dompter l’élément marin [41].
Sous Néron apparut
une nouveauté : la naumachie d'amphithéâtre. La représentation navale
quitte les lieux spécifiquement faits pour elle (que ce soient les bassins
naumachiques de Rome ou des lieux naturels aménagés pour l’occasion) pour
gagner l’arène des nouveaux édifices de spectacle que sont les amphithéâtres.
Ce changement du lieu de la représentation correspond également à un changement
de statut du spectacle naval : si jusqu’alors les éditions naumachiques
étaient données en marge des grands munera,
elles en font maintenant partie intégrante et représentent le plus souvent un
moment fort du bouquet final des jeux.
Suétone (Vies des Douze Césars, Néron, XII,
2-6) et Dion Cassius (Histoire romaine, LXI, 9, 5) attestent en
effet la présentation d'un spectacle de combat naval en 57 apr.
J.-C., dans
l'amphithéâtre de bois ainsi inauguré par le dernier des Julio-Claudiens. Du
monument lui-même, nous ignorons tout, en dehors du fait qu'il fut construit
sur le Champ de Mars. Néron donna une autre naumachie en 64. Selon
Suétone (Vies des Douze Césars, Domitien,
IV, 6-7), l’empereur Domitien organisa deux naumachies, une dans le Colisée,
sans doute en +85, et l’autre, en +89, dans un nouveau bassin creusé au-delà du
Tibre. C’est sans doute entre ces deux dates que les infrastructures du
sous-sol (l’hypogée) du Colisée furent aménagées, rendant par la suite
impossible toute mise en eau de l’arène. Titus a certainement voulu reprendre
la formule pour le Colisée.
En ce qui
concerne les fresques, on retrouve ces batailles navales même dans des
lieux sacrés comme le temple d’Isis à Pompéi.
Et les
galères équipées d’un rostre dans des scènes mythologiques, comme cette fresque
de Pompéi (au British Museum) montrant Ulysse écoutant le chant des sirènes [42].
Ulysse et les sirènes (illustration issue du site http://www.marine-antique.net/Ulysse-et-les-sirenes-sur-une)
A ce stade, à part cette possibilité de référence
aux naumachies (et donc, à une prolongation de la métaphore théâtrale), je n’ai,
à l’heure actuelle, pas encore d’explication vraiment valable, à part peut-être
la possibilité que la maison ait appartenu à un officier supérieur de la flotte
impériale, basée à Misène) ou encore à une simple utilité décorative fortuite,
liée à son design (une proue de navire étant tout de même plus esthétique qu’un
simple clou pour supporter une lampe à huile). De toute façon, même si l’on
reste sur l’interprétation purement décorative, il semble bien qu’il existe une
harmonie ou une unité avec un thème majeur, un peu comme lorsque l’on décore
son propre salon aujourd’hui : on essaie d’avoir un style qui reste
homogène et non un éclectisme disparate. Ce thème pourrait être le spectacle
théâtral sur terre ou le combat naval dans l’enceinte d’une naumachie.
Au fond, sans tomber dans l’anachronisme, dans
son château de Versailles, lors des divertissements des
Plaisirs de l’Île enchantée, Louis XIV accueillait aussi bien Molière que les galères de sa flottille
royale sur son Grand Canal.
La recherche n’en est toutefois qu’à ses débuts
donc. Quelques constatations sur la représentation des rostres dans l’univers
domestique en constituent les premières pistes.
Le Docteur Sirano m’a d’ailleurs obligeamment
signalé une nouvelle piste de recherche : la présence de rostres
comme éléments décoratifs de murs/meubles à Herculanum même, celle de la
maison de l'Apollon citharède (casa dell’Apollo citaredo) publiée dans
le catalogue : P. Roberts (éd.), Life and death in Pompeii and Herculaneum
(Catalogue of Exhibition, London The British Museum 28 March-29 September
2013), London 2013, p. 103, fig. 108). Les rostres de la Casa del
Tramezzo di legno ne seraient donc pas un unicum. Cette information
est en elle-même sensationnelle !
A Pompéi, ce sont quatre pièces en bronze en
forme de proue et avec un avant-train de taureau intégré dans cette dernière
qui ont été découvertes en 1903 sur le côté sud de l'atrium et l'entrée du Tablinum d'une habitation nommée Maison
M. Obellius Firmus ou Casa di MM. Obellii Firmi, pater et filius ou Casa
del Conte di Torino (https://www.pompeiiinpictures.com/pompeiiinpictures/R9/9%2014%2004%20p3.htm).
Fait intéressant, deux de ces supports muraux sont dépourvus
de rostre, ce qui suggérerait que les bateaux étaient marchands et non
militaires. Ces éléments étaient peut-être des tenons pour retenir des rideaux.
(photographie issue du site https://classicalstudiesman.com/tag/pompeii/)
Sur la fresque murale de l’atelier des feutriers, on peut admirer le triomphe de Vénus (elle est coiffée d’un polos et serre dans la main gauche un gouvernail, ainsi qu’un sceptre). Elle est accompagnée d’un enfant ailé et tous deux sont debout sur un quadrige en forme de proue de navire. Ce char est assez original puisqu’on y a attelé quatre éléphants (dont les trompes balaient le sol) à la place des habituels chevaux tirant les quadriges triomphaux. Les têtes des animaux portent de fines parures en fil et leurs défenses sont recouvertes de cornes d’or.
Fresque murale représentant Vénus sur une proue de navire
tirée par des éléphants. Pompéi, façade de l'atelier des feutriers, Fouilles
récentes (2014/2018). Exposition Pompéi, Grand Palais, Paris 2020
(Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International
– auteur : Siren-Com (travail personnel – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pompei_peinture_murale_V%C3%A9nus.jpg)
Ces éléphants constituent peut-être une
allusion au triomphe à Rome du général Pompée de 82 av. J.-C. : rentré
victorieux de ses campagnes en Afrique et surnommé « le Grand » en référence à
Alexandre, il tente de surpasser les cortèges triomphaux de ses prédécesseurs
en faisant tracter son char par quatre éléphants. Les pachydermes n’arrivèrent cependant
pas à franchir la porte de la ville, trop étroite, pour le plus grand embarras
de Pompée, mais aussi pour la plus grande joie du public.
Ces rostres rappellent la présence d’éperons de navire
en bronze (terminant des faisceaux) dans la maison de Trimalcion dans la ville
voisine de Pouzzoles, mentionnée par Pétrone dans son Satiricon (30).
A noter
que les faisceaux de verges, surmontés de haches, étaient des marques d'honneur
réservées aux magistrats de Rome. Ceux des colonies ne pouvaient pas y
prétendre. Trimalcion, sevir d'une colonie [43],
a fait représenter sur sa porte ces insignes qu'il n'a donc pas le droit de
faire porter devant lui.
D'où
l'étonnement d'Encolpe. Les sevirs étaient les membres du collège des
Augustales. Cette dignité, dont on était prodigue, comme à notre époque des
décorations, ne donnait en fait aucun pouvoir réel : ce n'était pas une
magistrature effective. Un peu comme, chez nous en Belgique, un fonctionnaire
ayant travaillé 35 ou 40 ans recevait, il y a encore quelques années, une
médaille de l’Ordre de Léopold qu’il pouvait fièrement arborer.
Si dans
son article « The house of Trimalchio » (dans The American Journal of Philology, vol. 75, n° 1, 1954, pp.
16-39), Gilbert Bagnani objecte qu’on ne comprend ni pourquoi Encolpe n'a pas employé le mot latin rostrum
ni comment un éperon horizontal peut se terminer en faisceau (il suggère une
épontille ou anneau d’amarrage, mais ce n’est pas le sens attesté d’embolon),
Jean-Christian Dumont (dans son article « Le décor de Trimalcion », Mélanges
de l’Ecole Française de Rome, 102 – 2, 1990, pp. 959-981) fait remarquer
que « la demeure de Trimalcion ne se visite pas comme la maison du
Faune » : Pétrone n’a pas décrit une maison réelle dont un architecte
pourrait dessiner le plan et dresser l’inventaire, mais une villa sortie de son
imagination, « une illusion de maison », une sorte de
« mirage » en quelque sorte.
Dans son
article « Cave canem » (Classical Quarterly, 56.2, p.
542, 2006), le Pr. Jonathan Prag de l’Université d’Oxford, ne voit pas la difficulté de combiner une projection
horizontale d'un mur ou d'un montant de porte avec un objet vertical,
probablement en relief, s'élevant au-dessus. Pour prendre un exemple extrême,
la Niké de Samothrace devrait suffire à dissiper de telles perplexités.
Page 545 de ce même article, il fait la comparaison avec le tombeau de Cartilius Poplicola à Ostie montrant une trirème dont il manque le bloc central.
Détail du monument funéraire de Gaius Cartilius Poplicola à Ostie (Licence : CC BY-SA 2.0 – auteur : Dennis Jarvis – Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Tomb_of_Cartilius_Poplicola)
La proue supporte une plate-forme de combat avec un soldat nu brandissant une arme de jet et portant un bouclier. La proue comprend également un éperon à trois lames (trifide) dans le prolongement de la préceinte [44] basse, au-dessus duquel figure un proembolon [45] dans le prolongement de la préceinte haute. Son extrémité est décorée d’une figure animale. La corne de proue ou stolos à emblème présente, dans son acrostole (volute rétroarquée), Minerve casquée [46]. Entre la fixation du stolos et la caisse de rames, le cercle peut être soit la représentation d’un œil apotropaïque (ophtalmos [47] ou oculus) ou le sabord d’une ancre.
Dans sa conclusion, il avoue qu’il ne prétend pas avoir proposé une correspondance exacte pour la décoration du montant de porte de Trimalcion.
La combinaison précise de faisceaux et de rostres
est en effet sans précédent, mais le rostre ou embolon n’est
nullement inattestée, dans les contextes publics comme privés, et ne
devrait nous poser aucune difficulté. Les deux faisceaux et le rostre peuvent
facilement être interprétés comme d'autres exemples des éléments incongrus,
peut-être funèbres, généralement publics ou monumentaux, et excessifs
qui apparaissent ailleurs dans la vie et la maison de Trimalcion. Le
tombeau de Cartilius Poplicola a dû susciter un certain nombre de quolibets à
son époque, tout comme celui du « boulanger », Eurysacès, devant la Porta
Maggiore à Rome.
Effectivement, quoi de plus étrange que ce tombeau de
ce pistor (boulanger [48]) ?
Avec une forme aussi bizarre (trapézoïdale [49]), haut de sept mètres et
avec des « orifices de tuyaux [50] » sur la façade, il
devait ressembler à un Beaubourg parisien (aujourd’hui Centre Pompidou) au
moment de son inauguration ! En outre, cet art plébéen et ce monumental
tombeau de « nouveau riche » (Eurysacès était un affranchi devenu
prospère) ne devait pas être du tout au goût des aristocrates de vieille souche.
La présence de ces faisceaux dans la maison de
Trimalcion n’est pas si absurde qu’on pourrait a priori le penser, même si elle
peut surprendre Encolpe (sa surprise vient plutôt de les trouver à cet endroit) [51]
: en fait Trimalcion s’est simplement accordé, en privé, un droit qu’il n’avait
pas légalement en public. Il ne pouvait en effet revendiquer ces faisceaux pour
lui-même et les faire parader devant lui, puisque les magistrats des colonies
étaient exclus de cet honneur et réservé aux seuls magistrats de Rome. Mais ce
qui est prohibé en public ne l’est pas en privé.
C’est exactement comme les Médicis et leur chapelle
privée à Florence à la Renaissance où ils ont pu se représenter en rois Mages.
Mais derrière sa figure angélique de rois Mage, Laurent le Magnifique expose sans aucune retenue toute la
puissance et la fortune de cette dynastie Médicis. Il est un roi sans couronne,
un prince sans titre à la façon d’Auguste qui avait mis en place le régime du
principat.
Pour
l'utilisation des rostres dans des contextes domestiques privés comme
décoration (la tombe de Cartilius [52]
est évidemment légèrement différente à cet égard, en tant que monument
funéraire d'un grand personnage public), les meilleurs parallèles restent ceux
de Sicile (décoration de fresques à Soluntum (Solunto) [53]
et les proues en pierre de la cosidetta « casa del navarco [54] »
à Segesta) [55].
Comme le
souligne le
Dr. Jonathan Prag, à nouveau dans
son article « Cave canem » (page 542), A. Maiuri a
en effet noté l’existence de parallèles possibles dans l’atrium de la Maison
des Noces d’argent à Pompéi où se trouve une double paire de bossages en bronze
desquels se projettent un rostre de navire et un protomé de taureau
En ce qui concerne Segesta, le Dr.
Jonathan Prag en fait également mention
dans son article « Cave canem » (page 544) que je résume
ci-après : dans les années 1990, des fouilles ont été réalisées sur la
colline sud de l'acropole de Ségeste, dans l'ouest de la Sicile. Celles-ci ont permis
de mettre au jour les restes de plusieurs proues en pierre de la pièce
principale d'une « villa » à péristyle de la fin du IIe siècle av. J.-C. Trois
de ces proues [56] sont pratiquement intactes, mais il y en avait jusqu’à huit à l’origine.
Une extrémité est carrée pour insertion dans le mur, l’autre extrémité est
richement en forme de proue de navire (avec embolon et proembolon).
Et élément important, des trous dans le proembolon et le haut de la
proue impliquent l’ajout d’accessoires en bronze pour lesquels des lampes
et des statues (comme une Nike) ont été suggérées. Or, bien que la
maison ait été théoriquement attribuée au Navarque Segestanus Heraclius, cité
dans les Verrines de Cicéron, ce monument privé s’inscrit dans un
contexte romain plus large, voire militaire.
La
représentation de rostres dans l’univers domestique
Toujours
dans son article sur la bataille des îles Egades, Sebastiano Tusa souligne que
les rostres sont investis d’une « grande importance iconographique comme symbole
de victoire, tout en constituant un décor, comme dans le cas des acrolithes
de Ségeste. ».
La mosaïque de San Cesareo sur la Via Ardeatina près de Rome, à environ huit kilomètres au sud de la Porta San Sebastiano (Musées du Vatican) présente une bordure à sa base montrant une colonnade en façade maritime où des proues de bateaux apparaissent sous chaque arc [57]. Un motif semblable de frises de proues de galères sous arcade orne la mosaïque de la villa de la Grange-du-Bief à Anse-sur-Saône, en Gaule romaine. Il s’agit « d’un héritage d’anciennes commémorations de victoires navales dont un type visuel formé dès l’époque hellénistique a fait souche en Italie républicaine avant d’atteindre la Lyonnaise [58] ». Les navires, identiques, sont montrés alternativement de trois-quarts avec des rames et de face sans rames, mais dotés d’un curieux attribut de proue en forme de barbillon immergé. Les yeux apotropaïques confèrent un air pensif et un caractère bien humain à ces proues de navires.
Navires de
la villa d’Anse-sur-Saône (document 56 du mémoire de maîtrise de Monsieur
Romain Sauterel et avec son aimable autorisation (source : https://www.academia.edu/41308466/Iconographie_romaine_majeure_de_la_navigation_en_Gaule_narbonnaise_et_dans_le_bassin_rhodanien)
La grande
domus du cithariste à Pompéi (appartenant à la noble famille des Popidii)
comptait trois péristyles et deux atriums ; dans celui orienté vers la rue
de l’Abondance, le bord de l’impluvium est décoré de neuf proues de navire ;
dans le second atrium figure un autre rappel des navires de guerre : sur
la porte de gauche était fixé un bossage en bronze en forme de proue de navire,
pour accrocher le rideau placé à l’entrée de la pièce. Le même motif de proue
de navire se retrouve sur les rangées d’arcades entourant l’impluvium de la
maison de Paquius Proculus (aussi appelée de Gaius Cuspius Pansa).
(Licence :
Creative
Commons Attribution-Share Alike 4.0 International – auteur : Sailko
(travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Casa_di_paquius_proculus,_cortile_con_mosaici_07.jpg)
Une fresque saisissante du musée de Naples (MANN, anciennement dans la Casa de Diana ou Casa della danzatrice à Pompéi) de la fin du Ier siècle avant J.-C. représente deux navires de guerre, amarrés sous les arcades d’un arsenal. Les grands yeux peints sur la proue servent à éloigner le mal et à protéger les marins. Ces grands yeux ont un air comique qui n’est pas sans rappeler ceux des véhicules du film « Cars » de Disney.
Fresque de navires de guerre derrière les
arcades d’un port (MANN, n° 8603 – Licence : CCA-SA 4.0 International –
Auteur : ArchaiOptix (travail personnel) – Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Wall_painting_-_war_ships_behind_arcades_-_Pompeii_(VI_17_9-11)_-_Napoli_MAN_8603.jpg?uselang=de)
Plus sérieusement, il s’agit d’une œuvre rare qui
nous donne une idée des couleurs et de la prestance de ces navires desquels il
ne reste que des vestiges très endommagés, principalement des fonts de cale en
bois gris.
Les navires sont amarrés dans un arsenal et la
méconnaissance de la perspective en ce temps-là fait que celui de gauche est
tronqué à la colonnade : l’arrière du navire, qu’on devrait voir, n’y est
pas.
Citons enfin, une étrange
mosaïque, hellénistique cette fois (mais intéressante, car elle prouve que le
modèle de proue est antérieure aux Romains), le portrait
de femme (Arsinoé III ou Bérénice II, maîtresse de la mer ?) sur la
mosaïque découverte à Thmouis (= Tell Timai, dans le Delta du Nil), signée par
Sophilos (signature dans le coin supérieur gauche de la photo ci-dessous) et
conservée au Musée gréco-romain d’Alexandrie.
On y voit une souveraine couronnée d’une proue de navire, et tenant un mât où flotte, accroché, un bandeau royal. Le personnage est en tenue militaire, vêtu de la cuirasse et de la chlamyde pourpre. La reine est également richement parée (avec une broche en forme d’ancre). Le visage est illuminé par des yeux démesurément ouverts (les effigies des rois et des reines ptolémaïques trahissent un globe oculaire exorbité : certains archéologues parlent d’ailleurs d’yeux ptolémaïques [59]) que soulignent des cils longs et bien dessinés. Des tesselles en faïence verte ont été utilisées pour marquer le contour extérieur de l’iris. Ce regard, au pouvoir quasi hypnotique, traduit en réalité la nature hors du commun de la souveraine qui apparaît divinisée. Voir l'article « Un jeu de regards. Réflexions sur l'élaboration du portrait royal dans la peinture hellénistique » d'Estelle Galbois dans Pallas Revue d'études antiques (n° 92/2013).
Détail du visage de Bérénice II sur la mosaïque de Thmuis (Egypte), maintenant au Musée gréco-romain d'Alexandrie (Licence : domaine public – Auteur : Sophilos, — Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mosaic_of_Berenice_II,_Ptolemaic_Queen_and_joint_ruler_with_Ptolemy_III_of_Egypt,_Thmuis,_Egypt.jpg)
Dans le
domaine de la céramique, les navires dotés d’un éperon sont soit représentés
par le peintre du vase, comme c’est le cas sur la superbe coupe attique [60] du peintre
Exekias montrant Dionysos
dans une embarcation, naviguant parmi les dauphins, soit constituent la forme
même du vase.
L’historienne, philosophe, anthropologue et écrivain française Maria Daraki estime que le peintre Exékias qui a réalisé vers 530 av. J.-C cette coupe à figures noires (sur un fond d’un très belle couleur corail) a voulu représenter délibérément une mer « couleur de vin », à savoir une « mer dionysiaque ».
Coupe du peintre Exékias (photo dans le domaine public –
source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Exekias_Dionysos_Staatliche_Antikensammlungen_2044_n2.jpg
La coupe
attique à figures noires (n° A 3645) des MRAH de Bruxelles montre, à l'intérieur, une frise de navires et, au centre un gorgoneion [61]. Sa décoration a pu en être attribuée, sur la base de l'analyse
stylistique, au Peintre de Lysippidès. Dans cette coupe, on versait le
vin jusqu'à la limite de la représentation des flots, ce qui donnait
l'impression, par intermittence, de bateaux flottant sur une mer vineuse
(référence à Homère), lorsque le liquide venait lécher la base des coques. Ce
principe illusionniste est brièvement décrit par Didier Martens dans son
article « L’illusionnisme spatial dans la peinture grecque des VIIe et VIe
siècles [62] ».
On trouve la
proue de navire dans le cas de représentations hellénistiques tardives de
déesses sur des rhytons (Artémis Bendis, Cybèle identifiée comme Aphrodite [63]
ou Ariane » assise sur la proue d’une trirème grecque hellénistique sur le
« rhyton du British Museum (provenance de Vulci invérifiable, plus
probablement apulienne).
D’autres
vases configurés en proue de navire peuvent également être cités : le vase de la collection privée Malaguzzi – Valeri (Bari)
provenant des Pouilles et celui de la collection Dutuit (Paris, Palais des
Beaux-Arts). Enfin, le canthare (unimanuel : à une seule anse) béotique du
musée du Louvre dont la seconde anse est remplacée par un protomé de sanglier
évoquant la proue d’un navire (l’image de cet animal prompt à charger les
importuns est parfaitement en phase avec la fonction du rostre) [64].
Le skaphion,
en particulier, pouvait être muni d’un bec (embolon) [65].
Isis est, quant à elle, figurée sur une lampe à huile en forme de navire. Mais aussi sur une grande fresque polychrome peinte sur stuc (autrement dit un « scraffitto » provenant d’un Nymphaion, en Crimée, à 17 kilomètres au sud-ouest de Kertch, l'ancienne Panticapée, capitale du royaume du Bosphore cimmérien. Une trirème nommée « Isis » (ΙΣΙΣ), voire consacrée à la déesse que le professeur William Murray cite page 543 de son texte manuscrit de sa communication de 1999 (Fresque) reprise dans le travail de Laurent Bricault dont je reprends ici le passage important : « Il s'agirait certes d'un navire de guerre, mais aussi d'un navire sacré. C'est d'ailleurs encore le symbolisme religieux de sa création picturale qui aurait intéressé l'artiste plutôt qu'un souci de technique de véracité. Le navire aurait eu pour fonction de convoyer jusqu'en Crimée, mais aussi ailleurs, des images et des objets destinés à y introduire et à y célébrer le culte d'Isis. L'auteur identifierait volontiers sur la scène figurée des vases auvents et une oie, animal donné à Isis ». Au symbolisme de victoire, s’ajoute donc avec cet exemple un symbolisme religieux.
Beaucoup de
dieux et de déesses sont venues à Rome en bateau : après le culte des
dieux grecs de la médecine – Apollon en 431 et Esculape en 293 –, le culte de
Cybèle a été introduit à Rome en 204 av. J.-C. en transportant le bétyle de
Pessinonte à Rome en bateau (c’est l’une des dernières crises religieuses qui
ont accompagné la deuxième guerre punique).
Afin de conserver
dans les mémoires le souvenir de l’arrivée d’Esculape, les Romains avaient
entouré l’île tibérine d’une enveloppe de marbre, mais sculptée en forme de
galère [66]. Au centre de l’île, un
obélisque figurait le mât du navire. Les spécialistes ne sont pas unanimes
quant à l’orientation du « bateau » (remontait-il le fleuve ou le
descendait-il vers son embouchure ?). Pour ceux qui soutiennent la
première de ces deux thèses, la proue fut volontairement orientée à
contre-courant de sorte que, fendant l’eau du fleuve, elle donnait l’illusion
du mouvement du navire.
A gauche,
illustration issue du site https://www.visite-guidate-roma.net/l-origine-dell-isola-tiberina-e-del-culto-di-esculapio.html ; à droite, https://www.innamoratidiroma.it/2021/02/08/esculapio-sullisola-tiberina/
* * * * *
Le premier
problème à résoudre pour y voir plus clair dans cette énigme se résument
en une phrase : où se trouvent les bronzes originaux de la Casa del
tramezzo di legno et peut-on en avoir des photos détaillées ?
Ces appliques pourraient être soit au Musée archéologique de
Naples, soit (ce qui est le plus probable) à Herculanum même, dans le dépôt (Deposito
Archeologico di Ercolano) ou dans le musée qui vient d’ouvrir ses portes ; soit encore dans le bâtiment de la direction à Pompéi, mais c'est
moins probable.
Malheureusement,
je n’ai pas trouvé les numéros d’inventaire dans les travaux de Maiuri [67].
Normalement, le mieux est de se reporter aux journaux de
fouilles de Maiuri [68], où,
normalement, les objets sont listés avec leur date de découverte, ce qui permet
de mener l'enquête. N’ayant toutefois pas accès à
ceux-ci, le Docteur Nicolas Monteix, Maître de conférences en histoire et archéologie romaines, a eu la gentillesse
de les consulter pour moi (qu’il soit ici vivement remercié) et de me
communiquer le fait qu’ils ne sont pas beaucoup plus loquaces que l’ouvrage
précité : “24 gennaio [1928]. È incominciato
lo svuotamento dell'ambiente o atrio ? Segnato con la lettera P. Alla distanza di m. 1.20 dalla soglia di marmo dell'ambiente
della lettera O è comparso un architrave largo m. 0.12, alto m. 0.15, e lungo
m. 3.80. Esso è alto dal pavimento m. 2. Si contano attualmente due pilastrini
di legno carbonizzato. Ciascuno è largo m. 0.33, spessore m. 0.08 e distano tra
loro m. 1.87. A m. 0.80 dall'architrave descritto trovasi trasversalmente un
trave largo m. 0.34 la lunghezza non si descrive poiché non è del tutto scavato.
25 gennaio [1928]. Continua lo sterro sul II
cardine senza trovamento alcuno. Si è sospeso lo scavo dell'ambiente o atrio P
poiché d'ordine superiore deve essere fotografato” [sur la photo, l'ensemble est encore pris dans le
flux pyroclastique]. Puis,
apparemment, plus rien.
Il faudrait donc regarder dans les journaux de restauration, mais, le
Docteur Monteix m’informe que ceux-ci ne sont pas complètement conservés pour
cette période.
Quant aux carnets personnels d’A. Maiuri, ils ont disparu [69].
Entre-temps également, la Doctoresse Silvia Greggi m’a adressé un
courriel me confirmant que les contrôles effectués dans les dépôts et les
archives à la suite de ma requête se sont, pour l’instant, révélés négatifs,
mais que dans le cadre d'un grand projet de numérisation, le Parc archéologique
d’Herculanum procède à une étude approfondie et systématique des dépôts. La
Doctoresse Silvia Greggi me promet donc de me tenir informé des résultats de
l'enquête en cours.
En tout cas,
les occurrences de ces rostres tant en Sicile qu’en zone vésuvienne permettent
de tirer une première conclusion : la présence d’éperons de navires de
guerre dans une maison privée n’est pas une licence poétique de la part de
Pétrone (ou de l’auteur du Satiricon), ni limitée au seul cas de la Casa del
tramezzo di legno, mais est un motif bien plus courant qu’on ne pouvait
l’imaginer au départ.
Conclusion provisoire
Je vais donc procéder en deux étapes : je vais publier ce premier
article avec les précautions d'usage, c'est-à-dire que c'est une lecture de
l'œuvre qui reste hypothétique (et qui le restera peut-être même toujours), qui
vient s'ajouter à toutes les autres possibilités (accessoire purement
décoratif, emblème choisi par un propriétaire dans un but précis, soit parce
qu'il était un membre de l'élite romaine où ce symbole apparaissait ou un
officier de la marine impériale dont la base navale n'était pas si loin -
Misène - soit parce que ces proues de navires complétaient bien la vision du
théâtre en un ensemble cohérent - fresques ayant ce thème, cloison avec une
articulation en trois parties comme les portes de théâtre, proues de navires
comme rappel des naumachies, théâtres sur l'eau -. Autrement dit, mon hypothèse
(combinée à celle du Dottore Sirano) reste dans le domaine du suggestif et
n'est qu'une lecture potentielle parmi tant d'autres, mais
qu'il me semble intéressant de mettre en évidence.
Dans un second temps, je rédigerai un nouvel article, spécifique à ces
supports de lampes quand on aura tous les éléments en main et des photos
(peut-être pourra-t-on même en faire une reconstitution sous forme de dessin,
peut-être y aura-t-il d'autres vestiges associés à ces supports, comme des
chaînettes ou des débris de lampe, qui sait ?). J'aborderai la question des
fresques à ce moment-là.
Il serait évidemment intéressant également de
procéder à une étude comparative approfondie de cette cloison de la Casa del
Tramezzo di legno et du moulage des portes d’Oplontis. Mais il s’agit là
d’un travail de spécialiste qui a accès à ces portes – ce qui n’est pas mon cas.
L’idéal serait de pouvoir vérifier avec l’aide d’un infographiste comment les
portes d’Oplontis s’ouvraient et ainsi pouvoir comparer avec la partie
manquante de la cloison de la Casa del Tramezzino di legno.
Pour le
reste, l’aventure commence donc seulement … La suite dans un prochain article.
Philippe Durbecq
Bibliographie
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[1] Le récit de la
catastrophe (« clade ») nous est donc connu par la lettre de
Pline le Jeune relatant à Tacite la mort de son oncle, Pline l’Ancien. Il
en a été le témoin oculaire et il en décrit toutes les phases, à la façon d’un
journaliste de son temps. A partir du XXe siècle, on appellera d’ailleurs ce
type de nuage un « panache plinien » ou « colonne
plinienne ».
[2] Dans la nomenclature de volcanologie, une coulée pyroclastique
est un terme commun – général – à tous les phénomènes pyroclastiques, alors
qu’« une nuée ardente » est un cas particulier. Cette coulée est un mélange à haute température (plusieurs
centaines de degrés Celsius) de gaz volcaniques, de vapeur d'eau et de
particules solides (fragments de lave, de scories,
de ponces, et lithiques, etc.) qui
s'écoule à grande vitesse (au départ
à plusieurs centaines de kilomètres à l'heure) au voisinage du sol, fortement
soumis à la gravité et guidé par la topographie du
lieu (elle est canalisée par les vallées et se faufile dans les rues provoquant
l’asphyxie des fugitifs comme le montre un cadavre qui tenait un linge devant
la bouche). Quand la coulée pyroclastique s’est produite, les muscles des
victimes se sont repliés sur eux-mêmes. On constate ce « spasme
cadavérique » sur de nombreux moulages de corps.
[3] Voir également le film sur le site : https://www.smithsonianmag.com/videos/this-brave-student-captured-the-mount-st-hele/.
[4] Le vent
soufflait vers la terre, si bien qu’aucun navire à voile ne pouvait espérer en
partir. Propulsés à la rame, les navires de guerre (quadrirèmes) pouvaient en revanche atteindre les plages et
en revenir. De plus, grâce à leur conception, jusqu’à 200 personnes
pourraient se masser sur leurs ponts plats.
[5] De nouveau, Pline le Jeune en parle
dans sa lettre à Tacite.
[6] Alors qu’à Pompéi,
au même moment, les gens vivaient encore (les nuées ardentes sont venues plus
tard).
[7] La fin d’Herculanum
a été beaucoup plus subite que celle de Pompéi. A Pompéi, les corps des
victimes sont retrouvés dans une position de défense. A Herculanum, aucune
trace de réaction n’a été observée : ils ne sont pas tordus de douleur
comme à Pompéi.
[8] Ce « coup de
chaleur » est un facteur qui peut permettre une comparaison entre
Hiroshima et Herculanum.
[9] Une coulée
boueuse d’origine volcanique.
[10] Une
coulée pyroclastique est un flux situé à la base de la nuée
ardente et s'élevant peu du sol. Elle est composée
d'un aérosol dense de gaz volcaniques et de particules de
taille variable, allant de la cendre volcanique aux blocs rocheux
dépassant la taille d'une maison. Les éléments solides peuvent provenir soit de
la lave émise par le volcan, soit d'une partie plus ancienne du
volcan qui est arrachée au moment de l'éruption. Lorsque la coulée
pyroclastique perd suffisamment de vitesse, la partie solide se dépose en
recouvrant parfois les paysages sous plusieurs mètres de matériaux, notamment
lorsqu'il s'agit de pierres ponces.
[11] Et soutenu par le roi de Naples, Charles VII
(à Naples, mais Charles V en Sicile) qui sera amené à monter sur le trône
d’Espagne en devenant le roi Charles III. C’est avec ce dernier qu’émerge
vraiment l’idée de la nation espagnole et de son identité avec l’adoption d’un hymne, d’un drapeau,
d’une capitale digne de ce nom (Madrid connaît sous son règne un
développement sans précédent) et la construction d'un réseau de
routes convergentes sur Madrid.
[12] Stephen Greenblatt
est un universitaire américain, critique littéraire et théoricien de la
littérature. Il passe pour le fondateur du néo-historicisme, approche critique de
la littérature qu'il qualifie de « poétique de la culture ». Voir
l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Stephen_Greenblatt.
[13] Cette plume est le
substitut du pinceau qu’il n’a jamais pu manier : « Écrivant,
Winckelmann se rêve peignant. De ce mythe personnel il tire un motif
existentiel et théorique déterminant : l’équation entre écrire et peindre,
la solidarité entre l’univers des signes plastiques et l’univers des mots. »
(Elisabeth Décultot, « Les Laocoon de Winckelmann », Revue germanique
internationale, n° 19/2003, pp. 145-157 (https://journals.openedition.org/rgi/948).
[14] Pompéi était une grosse ville commerçante (on pourrait
la comparer à Ostende) et Herculanum, une petite ville résidentielle
(Knokke-le-Zoute pour nous), mais on a tout de même découvert un contexte
artisanal à Herculanum.
[15] Herculanum était articulée sur trois artères principales appelées « decumani » qui couraient parallèlement à la ligne du littoral du Nord-Ouest au Sud-Est et sur cinq rues secondaires appelées « cardines » qui descendaient du Nord-Est au Sud-Ouest perpendiculairement au lido. Decumani et cardines, se croisaient à angle droit et découpaient la ville en îlots (insulae). Aujourd’hui, on ne peut visiter que deux decumani, le maximus et l’inférieur et trois cardines. Le troisième decumanus et deux autres cardines se trouvent encore sous terre, recouverts d’une épaisse couche de matériel volcanique sur laquelle s’est développée la ville moderne d’Ercolano.
[16] Le douzième rostre
découvert en 2017 a cette particularité exceptionnelle d’avoir encore la partie
en bois de la proue du navire coincée à l’intérieur (le bois disparaissant la
plupart du temps, dévoré par les bivalves marins appelés tarets ou Teredo Navalis). Son extraction et son étude
ultérieure fourniront des informations précieuses sur la technologie navale
utilisée pour construire des navires de guerre durant cette période. Les
trirèmes romaines ont été construites et armées avec la contribution directe
des familles, des individus et des groupes de citoyens, comme l’attestent les
inscriptions latines mentionnant le nom de ceux qui ont financé le navire. La seule
inscription punique est une invocation à Baal : « Que Baal fasse
pénétrer cet objet dans le navire ennemi » !
[17] « La Bataille des
Égades (241 av. J.-C.) et la marine de guerre en Méditerranée antique à
travers l’étude des rostres de Sicile », dans Bulletin de la Société
française d'Archéologie classique (XLII, 2010‑2011), Revue archéologique 2012/1 (n° 53), pages 131 à 184.
[18] Un seul rostre carthaginois sur un ensemble de plus d’une dizaine de
rostres récupérés peut interloquer à partir du moment où l’on sait que la
bataille des îles Egades a été une victoire romaine totale. Il faut en réalité
savoir que les Carthaginois ont réutilisé des navires romains capturés neuf ans
plus tôt dans une bataille gagnée par les Carthaginois.
[19] Tite-Live donne une description de leur
utilisation à la bataille de Side en 190 avant J.-C. (Histoire de Rome XXXVII
24).
[20] Les déflecteurs servent à écarter le vortex créé par les appendices de
l’aileron avant (aérodynamisme).
[21] Le rostre est un bélier de navire de guerre,
comme l’engin de siège du même nom servant à enfoncer portes et murs de
fortifications.
[23] Voir la scène tirée du film homonyme de Michael Bay (https://youtu.be/H9oO4JHdNMY à 0,36 min).
[24] Un système comprenant des poulies et un mât
permettait de soulever ou d’abaisser cette passerelle équipée d’une portion de
parapet de chaque côté et d’une pointe en forme de bec d’oiseau (d’où son nom
de « corbeau », par analogie avec le bec de corbeau) sur l’avant de
la face inférieure du dispositif.
[25] Pour une bonne synthèse de toutes ces
techniques d’abordage, voir l’intéressant article https://www.romanoimpero.com/2009/10/navi-romane.html.
[26] En avant du temple de la Concorde.
[27] Sur la place de la Concorde notamment,
en référence à l’Hôtel de la Marine voisin (toujours dans une
perspective de victoires marines). On remarquera que ces rostres sont épointés
comme les exemplaires antiques repêchés. En revanche, ceux de la façade du
palazzo Koch à Rome (qui abrite la Banque d’Italie) et ceux des réverbères du
pont Garibaldi à Rome également sont en pointe.
[28] Sebastiano Tusa (Ibidem).
[29] Du latin [rostrum]
= bec d'oiseau, gueule. Ce terme est employé en zoologie pour désigner
une partie saillante et pointue qui se prolonge en avant de la
tête (rostre d'espadon, de dauphin). Voir l’article « rostrum »
dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et
Saglio.
[30] Luc Duret et Jean-Paul
Néraudeau, Urbanisme et métamorphose de la Rome antique, Realia,
Les Belles Lettres, 2001, p. 79.
[31] On dit que lors de la première
fouille, les ouvriers auraient apparemment labouré à travers la partie médiane,
détruisant les panneaux centraux ! Cela ne serait guère étonnant que cette
paroi ait été « explosée » par les « cuniculi »
(galeries souterraines) du Prince d’Elbeuf et d’autres (cf. par exemple, la destruction
de la frise de la maison du squelette).
[32] La même méthode utilisée par Fiorelli pour le
moulage en plâtre des portes pliantes de la villa des Mystères.
[33] La villa appartenait peut-être à Poppée, mais celle-ci n’a pas pu assister à la catastrophe due à
l’éruption du Vésuve puisqu’ elle est décédée en 65 ap J.-C.
[34] Arnold De
Vos ; Mariette De Vos, Pompéi, Herculanum, Stabia, Rome,
Editori Laterza, 1982, p. 268.
[35] Voir le Dictionnaire des Antiquité grecques
et romaines de Daremberg et Saglio, rubrique « lucerna »,
page 1334 pour leur usage (https://dagr.univ-tlse2.fr/consulter/2010/LUCERNA/page_457).
[36] Ernesto
De Carolis, Il mobile a Pompei ed Ercolano. Letti, tavoli, sedie e armadi,
Contributi alla tipologia dei mobili della prima età imperiale, « L’Erma »
di Bretscheider, 2007.
[38] Parce que décorée comme celle d’un palais royal.
Cette expression latine est utilisée par les archéologues, à la suite
de Vitruve, pour désigner la porte centrale du front de scène.
Certains recourent à l'expression valva regia, mais le latin
emploie plutôt le mot au pluriel car il renvoie aux battants de la porte.
[39] Voir le site https://www.marine-antique.net/naumachie-maison-des-vettii-1 à https://www.marine-antique.net/naumachie-maison-des-vettii-4.
[40] Un paragraphe
entier des Res Gestae est dédié à la
description de l’aménagement du lieu de spectacle et à son déroulement (Res Gestae Divi Augusti, 23) :
« J’ai donné au peuple (~2) le spectacle d’un combat naval de
l’autre côté du Tibre, à l’endroit où se trouve maintenant le bois sacré des
Césars. Le sol avait été creusé sur une longueur de mille huit cents
pieds (530 m) et sur une largeur de mille deux cents (353 m).
Dans ce bassin, trente navires à éperon, trirèmes ou birèmes, et davantage
encore de plus petits s’affrontèrent. Dans ces flottes combattirent outre les
rameurs environ trois mille hommes. » (à comparer avec Suétone, Vies des Douze Césars, Auguste, 43).
[41] Voir l’ouvrage de
Gerald Cariou, La naumachie : Morituri te salutant, PU
Paris-Sorbonne, Coll. Passé Présent, 2009.
[43] Dans
l’Antiquité romaine, les seviri augustales sont un groupe de
six (sex viri) affranchis, désignés pour l’année par
la curie de leur cité, et choisis en fonction de leur richesse et de
leur honorabilité. Ils participent à la célébration du culte
impérial dans les provinces à partir d’Auguste, et assument les frais des
sacrifices et des fêtes pluriannuels liés à ce culte, au nom de la population.
Marque honorifique, la fonction de sevir donne droit à
un licteur, qui le précède dans ses déplacements (Pétrone, Satiricon
(65)).
[44] Ensemble de bordages plus épais que les autres formant
une ceinture de protection autour de la coque d'un navire.
[45] Le proembolon à tête de bélier ou d’un autre animal empêchait
une pénétration excessive du rostre à l’intérieur du bateau ennemi.
[46] A quelques
exceptions près, la figure de proue a longtemps été la seule femme présente à
bord des navires ! Une superstition tenace parmi les marins était en effet
qu’une femme sur un bateau portait
malheur : les équipages étant jusqu’à récemment uniquement masculins, une
femme ne pouvait qu’y semer la discorde… Sa présence était donc souvent réduite
à un buste avantageux, à l’avant du bateau, représentant une divinité
protectrice.
[47] Voir l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Ophthalmoi.
[48] La profession
d'Eurysacès est confirmée par l'urne des cendres de son épouse (une seule urne
a été retrouvée) en forme de « corbeille à pain » (panarium, à
l’origine de notre mot « panier », en l’occurrence ici un
pétrin : voir La vannerie dans l’Antiquité romaine de Magali
Cullin-Mingaud, chapitre premier, « Paniers et corbeilles »), conservée
au Musée national des Thermes.
[49] Celle-ci
est due à l’adaptation à l’espace disponible et aux structures funéraires
préexistantes.
[50] On a comparé ces cavités à des mesures à grain (modii ou « boisseaux »), à de grands vases à blé (dolia frumentarii)
ou à des récipients de pétrissage (pétrins). On pense qu’il s’agit en fait
d’une copie en travertin d’un grand four avec ses bouches constituées de dolia
en argile réfractaire.
[51] Il est aussi évident qu'Encolpe ne comprend pas grand-chose de ce qu'il
voit et se laisse facilement berner par son cicerone.
[52] Signalons que les musées
de Modène (Palazzo dei musei, complexe de musées d'art, d'archéologie, d'histoire et d'éducation civique) conserve également
un monument funéraire en forme de proue de navire.
[53] Soluntum (Solunto) est une ville ancienne
hellénistique sur la côte nord de Sicile, près de Palerme, puis l’une des trois villes phéniciennes en Sicile
avec Palerme et Motya (Mozia). Après la bataille des Iles Egades, en 241 av.
J.-C., toute la Sicile est tombée sous le joug de Rome, sauf Syracuse.
[54] Bâtiment résidentiel de
grande valeur ayant appartenu au Navarque Héraclius, un ami de Cicéron, la
« Casa del Navarca » a pris ce nom pour les décorations en
forme de proue de navire avec rostre qui sont sculptées sur les côtés d'un
élégant péristyle, à l'intérieur d'une grande pièce au sol en mosaïque. Deux de
ces décorations sont momentanément exposées au Palais normand.
[55] Cette indication m’a été aimablement
communiquée par le Dr. Jonathan Prag et est
reprise dans son article « cave canem » :
[56] Elles mesurent 0,96 x 0,38 x 0,36 m.
[57] Marion Elisabeth Blake, « Roman
Mosaics of the Second Century in Italy » in : Memoirs of the American
Academy in Rome, XIII, Roma, 1936, p. 69-207.
[58] Romain Sauterel, Iconographie romaine
majeure de la navigation en Gaule narbonnaise et dans le bassin rhodanien, mémoire
de maîtrise défendue en 2019 à l’Université de Lausanne.
[59] Pour un médecin, ces yeux sont le symptôme d’un profil clinique
précis : la maladie de Basedow, un dérèglement hormonal héréditaire dont
la perpétuation aurait été favorisée par la consanguinité des Lagides. La
spécialiste des pathologies illustrées par l’art antique est Danièle Gourevitch
de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à
[60] La coupe a été
découverte à Vulci et est conservée à la Staatliche Antikensammlungen de
Munich.
[61] Le centre de la coupe était occupé par un gorgoneion, mais celui-ci est manquant (il n’y a plus que quelques
éléments de la tête qui sont conservés).
[62] In: L'antiquité
classique, Tome 58, 1989. pp. 17-31 – Lien : https://www.persee.fr/doc/antiq_0770-2817_1989_num_58_1_2256.
[63] Déesse née (de « l’écume ») de la mer et protectrice de la
navigation. Dans la zone sacrée d’Herculanum, les deux petits temples, dont l'un possède encore une cella
complète de la divinité, auraient été tous deux consacrés à la déesse, mais
sous deux aspects différents : celui, traditionnel, de la fertilité et de
l'amour d’une part et celui de protectrice de la navigation d’autre part, une
déesse Euploia donc (qui, en grec, signifie « heureux voyage »
ou « bonne navigation »). On connaît par exemple le célèbre temple à
Aphrodite Euploia à Cnide ou l’inscription qui se détache sur un casque romain
remonté des profondeurs de la mer, devant les îles Egades, mais le mot est
aujourd’hui utilisé par de nombreuses sociétés expérimentées dans les services
maritimes. Herculanum était en effet une ville surplombant la mer qui voyait
maints de ses habitants effectuer des travaux sur des bateaux. Le temple dédié
à Vénus atteste donc d’une forte dévotion des Herculanais envers cette
divinité, une vénération qui a des origines anciennes (on a découvert une
inscription osque dans laquelle elle est nommée Herentas,
« désir ») mais qui a certainement été renforcée par des raisons
politiques puisque la fortune de Marcus Nonius Balbus, le grand bienfaiteur
d'Herculanum, est étroitement liée à la dynastie julio-claudienne dont Auguste
était membre (Balbus faisait partie de son cercle fermé) qui était censée
descendre directement de Vénus ! Voir la vidéo https://youtu.be/MVXG7FK0xyY.
[64] Voir Laura Ambrosini, « Sui vasi
plastici configurati a prua di nave (trireme) in ceramica argentata e a figure rosse »,
Mélanges de l’Ecole française de Rome. Pour le canthare du musée du Louvre, cf. https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl010262689.
[65] Voir l’article « scaphium »
dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et
Saglio.
[66] Les substructions de l’île du Tibre reproduisaient le navire de guerre
romain (trirème) sur lequel fut apporté d’Epidaure à Rome le serpent sacré
d’Esculape lors de l’épidémie de peste de 293 avant J.-C. L’unique vestige qui
en subsiste est un fragment de la proue ou de la poupe (en pépérin et
travertin) avec les restes en relief de l’effigie d’Esculape, son symbole (le
« caducée ») et une tête de bœuf (sans oreille ni cornes) qui servait
probablement à l’amarrage d’embarcations. Les navires romains avaient leur
propre divinité protectrice, le génie tutélaire ou la tutela souvent figuré sur le bordé de la coque. Voir le site http://www.maquettes-historiques.net/page15.html.
[67] A. Maiuri, Ercolano. I nuovi scavi (1927-1958), vol. 1, Roma, Libreria
della Stato, 1958.
[68] Deux collections des « journaux de
fouille d’Herculanum » (Giornali
degli scavi di Ercolano, GSE)
existent encore, l’une conservée à l’Ufficio
scavi d’Herculanum, la seconde dans l’Archivio storico du Museo archeologico nazionale di Napoli.
[69] Nicolas Monteix « Les
archives des fouilles d’Herculanum au XXe siècle : analyse critique et
pistes d’exploitation », Anabases. Traditions et Réceptions de
l’Antiquité, 26 I 2017, Varia, Traditions du patrimoine antique
(hyperlien : https://journals.openedition.org/anabases/6346?lang=en#tocto1n3).
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