Le Faune de Pompéi ou la danse de la Vie

 

Le Faune de Pompéi ou la danse de la Vie (par Philippe Durbecq)

 

Par sa danse et le mouvement en spirale que décrit son corps[1], le Faune[2] de la maison homonyme de Pompéi extériorise l’extase dionysiaque ou la fièvre de la luxure, mais aussi et surtout la simple et pure joie de vivre.


 Le Faune a sauté sur la pointe des pieds et la vibration du bond qu’il vient de faire secoue son corps d’un tressaillement qui semble même se propager à tout l’espace environnant. Cet espace, il le domine de son regard argenté, la tête tournée vers le haut.


Envoûté par la musique et le vin, il a levé les bras en l’air comme les derviches tourneurs et claque des doigts pour marquer le rythme.


 C’est l’élan vital qui anime tout être humain que ce Faune exprime, en clamant, dans une ode à la joie la plus spontanée, la plus intense et la plus profonde qui soit, son bonheur de vivre. Sa danse est celle du triomphe de la vie.


     

Le Faune de Pompéi (photo de gauche avec l’aimable autorisation du Dr. Francesco di Bennardo ; photo de droite libre de droits – Licence CC BY-SA 4.0 – auteur : Miguel Hermoso Cuesta (travail personnel))

 Pensons d’abord à cette « Danse de la vie[3] », à cette « chorégraphie cellulaire » qui engendre ce miracle ineffable permettant à une seule cellule fertilisée d’en produire quarante milliards qui vont former un être humain.


 La vie est brève et chaque seconde est précieuse. Chaque instant devrait être un hymne et une danse à la vie : « Tu es le souffle de ma vie. Le vent qui danse autour de moi. Tu es la fraîcheur de mes nuits. (…) Mon cœur qui bat (…). Allez, viens, danse à la vie ![4] ». 


Mordre à pleines dents dans la vie, comme on mord dans la pulpe juteuse d’une pêche mûre, savourer le doux baiser de la femme qu’on aime, respirer son parfum d’un autre monde qui la rend unique, admirer les couleurs sublimes d’un coucher de soleil, ou un séduisant sourire : carpe diem !


 


Le Faune de Pompéi sur fond de paysage avec le Vésuve en arrière-plan (photo avec l’aimable autorisation du Dr. Francesco di Bennardo)


[1] La danse imprime à son corps un mouvement ascensionnel et hélicoïdal très bien rendu par l’artiste. L’harmonie du corps et sa plastique sont également remarquables. Le mouvement hélicoïdal de celui-ci permet de déployer tout un jeu de clair-obscur de la lumière, bien que l’éclairage de la statuette arrivait, à l’origine, essentiellement par le haut, puisque la statuette se trouvait dans l’atrium, au dessous d’un compluvium qui, outre son rôle dans la récolte de l’eau de pluie, constituait un puits de lumière.

[2] Pour le contexte de la statuette au centre de l’impluvium de la maison, voir le site https://youtu.be/5yxYpa1t5Zs. A noter qu’un Faune et un Satyre présentent quelques petites différences : le Faune appartient à la mythologie romaine, alors que le Satyre était déjà présent dans la mythologie grecque. Tous deux ont toutefois une sexualité débordante (les Satyres s’en prennent même parfois à l’âne de Dionysos à l’instar du dieu Pan – auquel les Satyres s’associent parfois – que l'on peut voir s’accoupler avec une chèvre n’ayant pas l’air trop effarouchée sur une sculpture du musée archéologique national de Naples). Le Faune, fils de Faunus, troisième roi du Latium et petit-fils de Saturne, est une créature mi-humaine, mi-capridée (le Faune de Pompéi arbore d’ailleurs une petite queue de bouc au bas du dos et des cornes dressées au milieu de ses cheveux en broussaille) ; à quelques différences près, le second partage avec le Faune les mêmes attributs : il est un homme-bouc également (de sorte que le Faune finit par devenir l’équivalent latin du Satyre). Mi-hommes, mi-bêtes, les Faunes et les Satyres se situent à la lisière entre les mondes civilisé et sauvage.

[3] Titre de l’ouvrage de Magdalena Zernicka-Goetz, spécialiste mondiale du développement embryonnaire.

[4] Paroles de la chanson « Danse à la vie » de Demis Roussos.

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