Un exemple de persistance urbaine à Rome : le stade de Domitien
Un
exemple de persistance urbaine à Rome : le stade de Domitien
(par
Sophie Madeleine, Philippe Fleury et Philippe Durbecq)
A tous ceux qui, comme nous, sont tombés amoureux
de Rome
L’actuelle
Place Navone est un des lieux touristiques les plus prisés – et je dirais
incontournables – de Rome. C’est tout d’abord la plus belle place du monde.
Avec ses bars
et restaurants, ses magasins parfois atypiques [1], ses mimes, ses artistes
qui croquent le portrait des touristes, ses musiciens, ses fontaines
bouillonnantes, elle constitue aussi l’endroit rêvé pour passer une belle
soirée à Rome.
La
Fontaine des Quatre Fleuves de la Place Navone (Licence : Creative
Commons Attribution
2.0 Generic – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Piazza_Navona_0956_2013.jpg
– auteur : Bengt Nyman)
Le
véritable esthète préférera pourtant une visite dès potron-minet quand le chant des fontaines n'est
pas pollué par les nombreux touristes qui, à cette heure matinale sont en train
de prendre leur petit déjeuner.
Il pourra
alors écouter le ruissellement cristallin de l’eau [2]
ou le son des cloches qui, en écho, dans la place donne la chair de poule, tout
en se délectant du spectacle qui s’offre à lui et s’émerveiller à loisir devant
les splendeurs baroques : par l’exubérance des courbes, les effets dramatiques ou surprenants (l'obélisque de
la fontaine des quatre fleuves du Bernin [3] semble
suspendu dans les airs) et l’exacerbation des mouvements, cette place constitue
intrinsèquement un véritable théâtre. Le tout en méditant le poème de Sully
Prudhomme :
Nous aimons à rôder sur la place
Navone.
Ah ! le pied n’y bat point l’asphalte monotone,
Mais un rude pavé, houleux comme une mer.
Des maraîchers y font leurs tentes tout l’hiver,
Et les enfants, l’été, s’ébattent dans l’eau, bleue,
Sous le triton qui tient un dauphin par la queue.
Au beau milieu surgit un chaos où l’on voit
Dans un antre de pierre un gros lion qui boit,
Près d’un palmier, parmi des floraisons marines ;
Un cheval qui s’élance en ouvrant les narines ;
Un obélisque en l’air sur un tas de récifs,
Flanqué de quatre dieux aux gestes sans motifs.
Nous aimions ce grand cirque à fortune inégale (…) [4]
Giovanni Paolo Pannini, La place Navone inondée (1756), Niedersächsisches Landesmuseum Hanovre (œuvre dans le domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Pannini_GP_Piazza_Navona.JPG – Auteur/photographe : Hajotthu)
Antonio Joli, « Il lago di Piazza Navona » (photo dans le domaine public – Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:View_of_the_flooded_Piazza_Navona,_Rome_%28by_Antonio_Joli%29.jpg)
L’inondation
estivale sur une photo de la moitié du XIXe siècle (domaine public –
source : http://roma.andreapollett.com/S5/rione06i.htm)
La place
est dominée par Sainte-Agnès in agone [5]
dont le nom nous rappelle que celui de la place Navone vient de « in
agones » qui a donné « nagone » puis « Navone ».
Agon en grec désigne l’assemblée et plus particulièrement le concours et
c’était le mot employé pour les concours athlétiques. Le mot a été repris en
latin et désigne plus spécifiquement la lutte dans les concours. « In
agones » signifie donc « sur le lieu des concours »,
« sur le lieu des jeux » et l’on se trouve donc bien sur
l’emplacement de ce stade de Domitien.
Si
l’église se trouve à cet endroit-là, c’est parce que sainte Agnès a été
martyrisée dans le stade. Sainte Agnès était une très jeune fille romaine de
seulement 13 ans dont le fils du préfet de Rome était amoureux, mais elle était
chrétienne et elle s’est refusée à lui. Le préfet l’a condamnée au lupanar, un
lieu de prostitution souvent installé dans les arcades (fornix [6])
des cirques ou de l’amphithéâtre. L’histoire raconte qu’elle a été condamnée à
y être menée nue à travers la ville et que, miraculeusement, ses cheveux ont
poussé jusqu’à la recouvrir entièrement. Elle finira égorgée dans le lupanar.
Cette
vitrine de l’art baroque que constitue la place Navone a pris place sur les
ruines du stade de Domitien.
En effet, si on la contemple depuis le ciel, on constate que la place a conservé la forme originale de ce stade antique : tous les bâtiments qui sont autour de cette place sont construits en fait sur les gradins [7] de cet édifice de spectacle bâti au Ier siècle après J.-C. et la piste du stade de Domitien se trouve sous la place, à environ six mètres de profondeur.
(capture d’écran de la Nocturne consacrée au stade de Domitien – source : https://hal.science/medihal-02156561v2/document, avec l’aimable autorisation de M. Philippe Fleury)
Les
édifices de spectacles physiques
A Rome,
ou dans les villes du monde romain, pour les édifices de spectacles physiques
(on ne vise pas ici les spectacles intellectuels comme les pièces de théâtres
par exemple), on a trois types d’édifices : l’amphithéâtre, le cirque et
le stade.
Ce sont normalement
trois types d’édifices qui ont chacun leur spécialité. Dans un amphithéâtre, on
va faire des spectacles sanglants, dans un cirque, ce sont des courses de
chevaux qui ont lieu, et dans un stade, se dérouleront des concours athlétiques
(courses, lancer du javelot, lancer du disque, boxe, etc.).
Ces
édifices sont souvent confondus dans l’esprit du public, ce qui n’est pas
étonnant car ils étaient également confondus dans l’Antiquité (on a eu des
cirques utilisés pour des combats sanglants et des stades utilisés pour des
courses de chevaux) pour une triple raison : la première est chronologique
(ces édifices ne sont pas tous apparus simultanément [8]) ; la seconde relève
de la culture (les spectacles du stade intéressaient moins que les autres
spectacles et dans l’ensemble de l’empire les intérêts n’ont pas été les mêmes [9]) ; la troisième
raison est financière : ces édifices représentent des coûts faramineux et
Rome va se payer le luxe d’avoir les trois types de spectacles physiques
représentés, mais beaucoup d’autres villes joueront plutôt sur la polyvalence
d’un même lieu de spectacle, soit vont avoir un seul type d’édifice et utiliseront
des édifices provisoires pour les autres.
Les
différences entre le stade et le cirque sont évidentes : puisqu’il n’y a
pas de courses de chevaux dans un stade, l’arête centrale (la spina),
ainsi que les stalles de départ (carceres) sont inutiles ; d’autre
part, la piste d’un stade est beaucoup plus courte que celle d’un cirque (le
stade de Domitien est trois fois plus court que le Circus Maximus).
Le stade
Le stade est édifice de spectacle au statut
particulier à Rome, car il est issu d’une tradition grecque qui n’a jamais
rencontré de véritable succès auprès des Romains (il n’y a qu’un seul stade
dans la capitale de l’Empire).
L’origine
des stades, c’est donc le monde grec. Celui d’Olympie nous en fournit un bel
exemple. Comme les autres centres panhelléniques (les sanctuaires dans lesquels
toutes les cités de la Grèce ancienne se retrouvaient à l’époque classique tous
les quatre ans pour une fête en l’honneur d’une divinité, comme Delphes [10]), on avait trois types de
bâtiments : des cirques pour les courses de chevaux, des stades pour tout
ce qui était athlétique et des théâtres pour les représentations de pièces qui
faisaient partie de ces cérémonies religieuses.
Le stade désignait aussi
une unité de mesure. La
longueur de la piste entre la ligne de départ et la ligne d’arrivée s’exprimait
en stades, une unité de longueur utilisée à la place du mille romain ou du
kilomètre pour nous (dans son Enquête autour
de la Méditerranée qui délimitait le monde connu, Hérodote mesurait les
distances en stades). De nos jours, les journalistes perpétuent cette idée
quand ils disent « grand comme trois terrains de foot ».
Le stade d’Olympie est ouvert : il ne crée aucune
limite dans son environnement.
On
remarque que la seule partie en pierre est la tribune des juges : autour
de cette piste, on n’a aucune trace de gradins ni en pierre ni même en bois. On
imagine donc que les spectateurs prenaient place sur les pelouses des talus
tout autour [11]).
Stade
d’Olympie (photo dans le domaine public – auteur : Dwaipayanc (travail
personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:OlympicRaceTrackOlympia.JPG)
Quand les Romains ont conquis la Grèce, ils se
sont réapproprié ces monuments et les ont bien souvent modifiés, par exemple à
Olympie, ce sont les Romains qui ont créé ce passage voûté entre le stade et la
partie sanctuaire.
Entrée du stade d’Olympie (licence CC By-SA
3.0 – auteur : Napoleon Vier –
source : https://fr.vikidia.org/wiki/Fichier:Olympie_-_entr%C3%A9e_du_stade.JPG)
Qui
était Domitien ?
Une remarquable exposition sur l’empereur
Domitien (51-96), encore ouverte jusqu’au 29 janvier 2023 à la Villa Caffarelli
des Musées Capitolins [12] (https://www.museicapitolini.org/fr/node/1011288), nous brosse le véritable visage de ce prince complexe, vilipendé par
l’historiographie latine et mal compris par la postérité.
A
gauche, buste de Domitien, Musées du Capitole, Rome (Licence : CC BY-SA 4.0 –
auteur : © José Luiz Bernardes Ribeiro (travail personnel) – source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Domitia_Longina#/media/Fichier:Bust_of_Domitian_(loan_from_Capitoline_Museums)_-_Glyptothek_-_Munich_-_Germany_2017_(2).jpg) ; à droite, buste de Domitien du Louvre (GNU Free Documentation License – auteur : Saiko – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Domiziano_da_collezione_albani,_fine_del_I_sec._dc._02.JPG)
Les analyses réalisées récemment des sources
matérielles (archéologiques et numismatiques) et épigraphiques nous en livrent à
présent une image plus objective, dévoilant un empereur attentif à la bonne
administration, dévoué aux dieux, aimé du peuple et de l’armée.
Il fut le troisième et dernier empereur de
la dynastie des Flaviens (la Gens Flavia), fils du premier,
Vespasien, et frère du deuxième, Titus. Son règne dura 15 ans et 4 jours
(14 septembre 81 au 18 septembre 96). Il meurt assassiné et sans descendance [13].
Grand urbaniste (seul
Auguste avait accompli une transformation aussi radicale de l’espace urbain),
il développa une intense
activité de construction, reconstruisit les bâtiments publics
brûlés lors des incendies tragiques de 64 sous Néron, de 80 sous Titus ou lors
du siège du Capitole par les partisans de Vitellius, au cours de la guerre
civile de 69, pendant l’année dite des quatre empereurs [14].
L’une de ces
reconstructions les plus fameuses est celle du Temple de Jupiter Capitolin qui surpassait
le temple précédent par sa magnificence. C'était un hexastyle aux colonnes
corinthiennes de marbre pentélique blanc, un matériau utilisé pour nul autre
bâtiment romain. Ses portes étaient plaquées d'or [15] et
son toit de tuiles dorées.
Outre le Capitole, Domitien prend en charge la
reconstruction d’une grande partie des bâtiments du Champs de Mars et du
Capitole. Il commissionne en outre la construction de nouveaux bâtiments parmi
lesquels le palais impérial sur la Palatin (Domus
augustana), le Forum transitorium
(inauguré plus tard par Nerva) et le stade qui porte son nom (complété par un
odéon, étroitement rattaché au stade, pour les concours d’éloquence, de poésie
et de musique. De nos jours, c’est la façade du Palazzo Massimo alle Colonne qui est fondée sur
la cavea de l’édifice).
Façade du Palazzo
Massimo alle Colonne bâtie sur la cavea de l’Odéon de Domitien (photo dans le
domaine public – auteur : Jensens (travail personnel) – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_Massimo_alle_Colonne#/media/Fichier:Palazzo_Massimo_alle_Colonne.jpg)
Sur le
Champ de Mars, les Flaviens firent agrandir sinon entièrement restaurer le
temple d’Isis. Ce culte bénéficiait en effet de la protection de cette famille,
cette déesse et les autres divinités de son cercle leur ayant été favorables
(en Égypte, ils avaient veillé sur l’avènement de Vespasien ; à Rome, ils
avaient sauvé Domitien qui s’était déguisé en prêtre d’Isis pour échapper aux
partisans de Vitellius [16]).
Domitien était aussi un grand bâtisseur en dehors de
Rome.
Dans la péninsule italienne, il a accordé une attention
particulière au réseau routier et aux infrastructures portuaires. Il fait
relier Rome à Pouzzoles (Puteoli) [17], port commercial, mais
aussi militaire par la Via domitiana chantée par Stace [18] et mentionnée par Dion
Cassius. Domitien a également restauré la Via Latina. A Ostie, il agrandit notamment le port.
En dehors de la péninsule, et promu des travaux
sur les routes de la Bétique, des provinces asiatiques et de l'Égypte.
Domitien donne donc une illustration parfaite de
l’évergétisme [19] impérial, étudié par Paul
Veyne dans son ouvrage Le Pain et le Cirque.
A son actif, il faut aussi citer la
reconstitution des bibliothèques incendiées, ayant fait rechercher dans tout
l’empire des exemplaires (des ouvrages disparus) et partir pour Alexandrie une
mission chargée de copier et de corriger les textes (la grande bibliothèque
d’Alexandrie, constituée par Ptolémée Philadelphe, ayant brûlé pendant la
guerre contre César, les exemplaires dont il est question ici furent consultés
dans la bibliothèque de Pergame qu’Antoine avait fait transporter à Alexandrie
et donnée à Cléopâtre).
Obsédé – et à juste titre – par les complots et de plus
en plus centralisateur, l’empereur Domitien semait la terreur chez les
sénateurs, mais aussi chez les philosophes, les juifs et les chrétiens en
favorisant la délation. Suétone raconte qu’il fit
disposer sur les murs des portiques où il avait coutume de se promener des
plaques de phengite (nom générique pour une série de micas, une pierre dont on
avait fait la découverte en Cappadoce sous le principat de Néron). La surface
brillante de ces plaques devait lui permettre de voir par réflexion tout ce qui
se passait derrière lui.
Après être tombé sous les poignards des
conspirateurs [20] (sa mort violente sera
suivie d’une « damnatio memoriae »
décrétée par le Sénat [21]), il est incinéré ; c’est sa nourrice Phyllis qui déposa ses
cendres dans le sanctuaire familial (le temple Flavien), les mêlant à celles de
Julia, peut-être son seul véritable amour [22].
Le stade de Domitien
Le stade de Domitien est
donc une sorte d’unicum dans la partie occidentale de l’Empire (à part
peut-être le stade d'Antonin le Pieux de Pouzzoles, mis au jour en
2008). Pour voir d’autres stades – ou
même tout simplement pour voir un stade, puisqu’à Rome, on n’en a que quelques
vestiges et son empreinte dans la ville –, il faut aller dans la partie
orientale de l’Empire. L’un des plus beaux et des mieux conservés est celui
d’Aphrodisias en Turquie actuelle (il a à peu près les dimensions du stade de
Domitien – 260 sur 110 mètres [23] –
et une capacité identique de 30.000 personnes).
Stade d’Aphrodisias
(Licence : CC BY SA 2.0 – auteur : Carole Raddato from FRANKFURT, Germany –
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Aphrodisias#/media/Fichier:The_stadium,_Aphrodisias,_Turkey_(16911544529).jpg)
Le stade de Domitien fut construit dans les environs de 85 ap. J.-C. spécialement pour l’agon capitolinus, des jeux en l’honneur de Jupiter Capitolin que Domitien a institués et qui venaient remplacer les ludi capitolini, toujours consacrés à Jupiter Capitolin, mais destinés à célébrer la résistance des Romains contre les Gaulois sur le Capitole. C’étaient des jeux qui avaient lieu tous les quatre ans comme l’agon capitolinus.
Il faut nuancer la comparaison que l’on fait
entre l’amphithéâtre et le stade et qui voudrait qu’au premier se déroulent les
combats sanglants et au stade les combats athlétiques (normalement sans sang)
en soulignant que ce sang était en fait très présent aussi dans le stade.
En effet, les jeux du stade tels que les
pratiquaient les Romains sont assez différents des jeux du stade tels que les
envisageaient les Grecs. Ce que les Romains vont voir, c’est la boxe, beaucoup
plus violente que celle que l’on s’adonne aujourd’hui.
Les ancêtres de la boxe sont le pugilat grec et
le pancrace grec [24], sports de combat au corps à corps dont des scènes sont
représentées dans la civilisation sumérienne, égyptienne et grecque (le
pancrace semble cependant inconnu des civilisations du Proche-Orient [25]).
Quant aux sources archéologiques, elles tendent à montrer que ce sont les
Minoens qui ont eu la primeur de l’utilisation des gants de boxe [26].
Jeunes boxeurs, Akrotiri (site archéologique de
Santorin), Musée national d'Athènes (photo dans le
domaine public – auteur inconnu - from Le Musée absolu, Phaidon,
10-2012 – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boxe#/media/Fichier:Young_boxers_fresco,_Akrotiri,_Greece.jpg)
En Grèce, certains
pugilistes bénéficiaient d’une grande renommée. Ainsi, Diagoras de Rhodes, qui
avait été champion des Jeux olympiques [27]
en 464 av. J.C. et avait remporté de nombreuses autres victoires
(dont quatre titres aux Jeux isthmiques et deux aux Jeux
néméens), était devenu tellement célèbre que le poète Pindare l’avait célébré
dans sa septième Olympique. Il serait mort d’émotion, porté en triomphe par ses
deux fils, également pugilistes, lors de la victoire de ces derniers aux jeux
olympiques en 448 av. J.-C. Une des plus remarquables caractéristiques de la
boxe pratiquée par Diagoras était de ne jamais essayer d’esquiver un coup. On s’est servi de son nom entre autres pour nommer le
stade moderne et l’aéroport de Rhodes.
Thomas Degeorge, Diagoras porté en triomphe par ses fils à Olympie au musée d'art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand (Licence CC BY-SA 3.0 — auteur : VladoubidoOo (travail personnel)
Il faut cependant être conscient que la course
(éventuellement une variante était pratiquée en armes et avec des flambeaux [28]),
le lancer (du disque et du javelot), ainsi que le saut en longueur
n’intéressaient que très peu les Romains : si ceux-ci se rendaient au
stade, c’était pour voir de la boxe et il n’y avait quasiment que cette
activité qui les intéressait.
Des auteurs comme Térence ou
Horace avaient déjà mis en exergue la passion romaine de la plèbe pour les pugilats. Suétone
évoque celle de certains empereurs (Auguste et Caligula [29]). On a même un texte qui raconte qu’un jour où le théâtre
était comble, quelqu’un y est entré avant le début de la représentation et
s’est écrié : « il y a un combat de boxe qui va commencer à
côté » et le théâtre s’est vidé en un clin d’œil de ses spectateurs (Térence, Hécyra, Prologue, 29-36) : « Je vous montre à nouveau
Hécyre puisque je n'ai jamais pu la représenter dans le calme. Un malheur l'a
empêché. A cette infortune, votre bon sens mettra un terme si vous me soutenez
dans mon entreprise. La première fois que j'ai présenté ma pièce, j'ai dû
quitter la scène avant la fin à cause de vedettes de la boxe, de leur
troupe de supporters, du bruit, des cris des femmes et, en outre, parce qu'on
attendait un funambule. Instruit par mon expérience passée, je fais une
deuxième tentative pour essayer de rester en scène. Je la représente donc une
deuxième fois. Le premier acte se passe bien mais très vite, le bruit court
qu'il va y avoir des gladiateurs ; le public s'envole, il y a de l'agitation,
on crie, on se bat dans les gradins. Je n'ai, évidemment, pas pu rester en
scène. Aujourd'hui, il n'y a pas de voyous, c'est le calme, le silence.
L'occasion m'est donnée de montrer ma pièce et vous, vous avez la possibilité
de faire honneur à un divertissement de théâtre. Grâce à vous, l'art de la
scène ne sera pas le privilège d'une minorité. Le sérieux de votre attitude sera
la défense et l'illustration du sérieux de mon travail [30]. ».
Trois types de combats étaient donnés dans le stade de Domitien : en ordre de violence, la lutte héritée de la tradition grecque (le combat s’arrêtait après qu’un des deux athlètes ait été projeté trois fois au sol), mais les Romains avaient durci la discipline (l’immobilisation au sol étant recherchée).
Comme on le constate sur cette très belle fresque murale de Saint-Romain-en-Gal [31], la lutte était pratiquée à mains nues.
Fresque murale de Saint-Romain-en-Gal (avec
l’aimable autorisation de M. Fleury)
Mais là non plus, la lutte n’avait pas, aux yeux
des Romains, le même prestige que la boxe, même si Néron, amoureux de la
culture grecque, nourrissait toutefois une véritable passion pour ce sport : en
plus d’entretenir une troupe de lutteurs, il faisait venir le sable le plus fin
d’Égypte pour l’organisation de combats (selon Suétone, Néron, XLV, 1).
Comme la lutte, le
pancrace se pratiquait à mains nues, mais une autre forme de boxe, le pugilat
s’effectuait avec des gants particuliers.
Le pugiliste des Thermes (ou du Quirinal, lieu de sa découverte [32]) du Palazzo Massimo nous renseigne à ce sujet. Il se repose entre deux « rounds », dirait-on aujourd’hui, dans un coin du « ring », et attend la reprise du combat.
Le personnage est nu à l'exception de ses gants de boxe, qui sont de
type grec ancien avec des bandes de cuir attachées à un anneau autour des
jointures et munies d'un rembourrage en laine et de l'infibulation de son pénis
en attachant le prépuce, qui était à la fois un élément de protection et un
élément de bienséance.
Il porte les gants caractéristiques du pugilat, les himantes ou
cestes [33], très longs et allant depuis l'avant-bras jusqu'aux doigts qui n'étaient
jamais couverts jusqu'au bout, l'extrémité en restant toujours libre.
Au plus haut, près du coude, une bordure de laine frisée (peau de mouton) pour essuyer la sueur
et le sang qui coule (mais aussi pour assurer
l'adhérence du ceste et en doubler en même temps l'épaisseur), ensuite des courroies serrées très fortement fixaient le ceste au poignet et à
l'avant-bras (autour du poignet, on a les lanières fines) et enfin un large anneau cylindrique [34]
rigide (strophion), formé de deux à cinq épaisseurs de sangles de cuir dur,
dont les tranches étaient solidement reliées par des lanières transversales.
Cet anneau venait coiffer les quatre doigts à leur naissance, de telle manière
qu'ils pussent se fermer par-dessus le gantelet et que le pouce restât toujours
libre [35],
un système compliqué de liens assurant l'adhérence des deux pièces entre elles
et la bonne mise en place du ceste. Le ceste et s'ouvrait sur la paume où la
piqûre du cuir sur les bords est parfois très visible [36].
Comme le montre la vidéo d’archéologie expérimentale https://youtu.be/wBzY-FPjbtY, le but du large anneau (strophion) était de simplement
maintenir les doigts de la main pour éviter que les os ne se cassent (la «
fracture du boxeur [37] »
au 4e et 5e métacarpiens [38]).
En 2017, deux de ces gants
de boxe « exceptionnellement rares » ont été découverts sur le site
de Vindolanda dans le nord de l'Angleterre, tout près du mur d'Hadrien, preuve
que les Romains pratiquaient également la boxe en tant qu’activité martiale
afin de s’entraîner au combat et de garder la forme (https://youtu.be/e4zm_K1Q4CM).
A gauche, photos de M. Philippe Fleury des cestes du pugiliste des Thermes (avec son aimable autorisation) ; à droite illustration de cestes issue de l’article pugilatus du Dictionnaire Daremberg et Saglio (libre de droits)
Le pugiliste des Thermes
est en sang. Il présente des cicatrices un peu partout sur le visage : sur
le front, aux arcades sourcilières, sur les pommettes et sur le nez. De la
blessure sur le front, le sang s’écoule (rendu par une incrustation de cuivre
rouge [39]
sur une statue en bronze) [40].
Il y avait des yeux en verre qui ont disparu. La paire illustrée ci-dessous du
Metropolitan Museum of Art, New York, conçue pour une statue surdimensionnée,
donne une idée du puissant effet que la sculpture antique pouvait produire.
Paire d’yeux grec, période classique, 5e siècle avant J.-C. ou plus tard. Bronze, marbre, fritte, quartz et obsidienne. The Metropolitan Museum of Art, New York (1991.11.3a, b) (domaine public – source : Pair of eyes | Greek | Classical | The Metropolitan Museum of Art (metmuseum.org)
D'un point de vue
stylistique, la statue du pugiliste des Thermes, un original grec antique [41]
en bronze est d’un grand raffinement : avec sa musculature bien
dessinée et son rendu réaliste des blessures, elle est l'archétype du style
hellénistique dans sa recherche de réalisme et l'expression des sentiments qu'on
peut lire tant sur le visage que dans l’attitude exténuée de l'homme (le fait pour
l’artiste, de lui avoir d’avoir imprimé ce mouvement de la tête vers une
personne debout à ses côtés apporte une grande dynamique et confère une
vie intense à l’œuvre [42]).
Les précisions anatomiques, ainsi que le rendu des textures (la peau de chèvre
qui borde les gants, la rigidité du strophion) sont absolument
sidérants.
Le sang coule partout (en tournant
violemment la tête, le pugiliste a dû faire voleter quelques gouttes de sang) :
sur son bras droit, sur sa cuisse.
Donc, ces combats du stade étaient également des
combats sanglants comme ceux des gladiateurs. On a du reste un texte de Suétone
qui nous raconte que Caligula (Livre XVIII, 1) avait un jour mélangé des combats
de pugilistes africains et campaniens à des combats de gladiateurs qu’il avait donnés
dans les Saepta et dans l’amphithéâtre de Taurus.
Les Romains ont-ils été encore plus loin comme on peut le pressentir en observant la mosaïque de Porta Marina à Ostie ? Sont-ils allés jusqu’à insérer des pointes métalliques acérées dans les gants des pugilistes ?
Mosaïque de Porta Marina à Ostie (capture d’écran de la
Nocturne consacrée au stade de Domitien – source : https://hal.science/medihal-02156561v2/document, avec l’aimable
autorisation de M. Philippe Fleury)
Un auteur reste circonspect sur ce point : Giuseppe Vincenzo Di
Stazio estime que « les
renforts métalliques qui visent à faire du ceste une arme mortelle
ne semble pas être une réalité des jeux athlétiques. Il est inconcevable de
permettre à des athlètes professionnels, parfois issus de classes sociales
élevées, de s’entretuer. L’idée du romain sanguinaire a malheureusement été
véhiculée par les modernes notamment par le cinéma américain [44].
De plus, le demi-cylindre si fréquent dans l’art romain n’apparaît dans aucunes
sources littéraires. Le ceste métallique doit probablement être utilisé dans
les combats de gladiateurs [45]. ».
Main
de bronze (« bronze hand ») d’un boxeur au Metropolitan Museum
(photo dans le domaine public - source : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/257574)
Sur les gants avec inserts métalliques, on ne
peut mieux faire que de renvoyer au chapitre 4 d'À poings fermés,
consacré aux types successifs de gants de boxe. Toute la documentation y est
rassemblée et l’auteur y propose une série de pistes interprétatives.
Enfin, signalons qu’en 2001,
une exposition, « Sangue e Arena » (« sang et sable ») avait été
organisée au Colisée et avait établi un lien entre ces violences et celle des
corridas, des matchs de boxe et des accidents de voitures de course, sans
oublier les combats de chiens, coqs ou taureaux d’aujourd’hui. Bien sûr, nous
ne devons pas juger les faits du passé à l'aune de nos concepts d’aujourd’hui, ce serait un péché
d’historien (« Autres temps, autres mœurs »), mais il est clair que
tous les jeux violents (même ceux des consoles vidéo) suscitent deux sentiments
antithétiques : de la fascination et de la répulsion.
D’un point de vue architectural, le stade de Domitien est très proche du grand cirque. La seule différence notable est qu’il est beaucoup plus petit. Entendons-nous bien sur ce caractère « petit » : 30.000 spectateurs pouvaient s’y installer simultanément, c’est-à-dire 10.000 personnes de plus que dans le plus grand théâtre de Rome, celui de Pompée [46].
C’est un ensemble très simple, il est
rectangulaire avec une courbure sur le côté nord. Il n’y avait donc pas de spina
(d’arête centrale) contrairement au cirque et l’obélisque qui orne la fontaine
du Bernin, s’il est antique, vient du temple d’Isis, à quelques centaines de
mètres du stade et ne se trouvait donc forcément pas, dans l’Antiquité romaine,
à l’emplacement qu’il occupe actuellement.
Les gradins de la cavea
« tutta rivestita in marmo [47] » (en marbre massif [48]) ont en fait subsisté
très longtemps et les habitations ont été maintenues hors de ce périmètre, car
le stade de Domitien a encore servi pour certains orateurs et pour le marché. La place n’a été réaménagée
qu’au XVIIème siècle sur ordre du pape Innocent X. Les gradins subsistants ont
été démontés et l'église Sainte-Agnès construite, les maisons alignées, et la
place aménagée avec la création de bassins.
Sous une construction moderne, du côté courbe,
on peut voir des vestiges de la cavea. Les gradins de la partie
rectiligne, eux, sont conservés dans les souterrains de l’église Sainte-Agnès.
L’hagiographie chrétienne localise à proximité du stade le lupanar où a dû
avoir lieu le martyre de la sainte.
La partie qui subsiste des arcades extérieures du stade [49] sont massives et en travertin. Derrière ces arcades, on aperçoit la structure porteuse des gradins constituée de murs de briques dans lesquels on a coulé du béton.
A gauche, enduit en stuc conservé dans les caves
de l’Ecole française de Rome ; à droite, la reconstitution du modèle
virtuel de l’université de Caen (avec l’aimable autorisation de M. Fleury)
Comme la plupart des édifices de spectacles de
Rome, le stade de Domitien présente une structure creuse, ce qui permet
aux spectateurs de circuler sous les gradins avant de prendre les escaliers qui
leur permettront de rejoindre leur place.
L’édifice est constitué de trois ambulacres et d’une série de pièces, parallèles entre elles sur les longs côtés et rayonnantes dans l’hémicycle.
Plan de l’hémicycle du stade (d’après Colini,
1943) issu de https://journals.openedition.org/mefrm/1862
Il est possible
de descendre sous la place Navone pour visiter l'ancien stade romain :
depuis 2014, la visite des sous-sols de la piazza Navona est en effet ouverte
au public. La visite permet de voir les anciens vestiaires, les arcades
extérieures et les escaliers menant aux gradins ainsi que les statues et
mosaïques, romaines.
Le modèle virtuel de Caen
« En 1956, l’Université de Caen reçut comme
cadeau pour célébrer sa reconstruction un objet à l’histoire et au trajet
particuliers, qui est à l’origine de la naissance et de l’ancrage de la réalité
virtuelle sur ce site normand : le « Plan de Rome » de Paul Bigot.
Paul Bigot (1870-1942), architecte d’origine normande, avait obtenu en 1900 le
Prix de Rome en architecture et passé plusieurs années à la Villa Médicis à
s’intéresser à la Rome antique, années pendant lesquelles il avait décidé de
fournir comme « envoi de Rome » la réalisation d’un plan relief de la
ville au ive siècle
après J.-C., en commençant par le Circus Maximus [50].
Cette maquette de plâtre, qui dans sa version
finale – 70 m2 – de 1942 représente à l’échelle 1/400
les 4/5e de la Rome antique, dut en 1994 être restaurée et fut
installée dans un nouveau bâtiment construit autour de cette maquette, la
Maison de la Recherche en Sciences Humaines et Sociales. C’est à ce moment que
Philippe Fleury, Professeur d’études latines, décida d’utiliser les
fonctionnalités de la réalité virtuelle (RV) pour pérenniser la maquette tout
en prenant en compte les dernières données des recherches sur la Rome antique
afin de « corriger » la restitution de Paul Bigot et d’en permettre une
évolutivité au gré des nouvelles découvertes scientifiques.
Ainsi il devenait possible de reconstituer, sans
avoir à passer par des maquettes de plâtre (coûteuses en temps, argent, etc.),
l’état des connaissances scientifiques à un moment donné, mais en même temps
d’offrir par les potentialités de la réalité virtuelle une adaptation constante
de données nouvelles à des réalisations déjà existantes, ce qui correspond tout
à fait à l’esprit d’une science en mouvement, en évolution perpétuelle, et
également ouverte [51] ».
Pour ce qui concerne la
reconstitution virtuelle du stade de Domitien proprement dite, suivons le
guide :
La façade possédait deux niveaux d’arcades supportés par des piliers en travertin, des demi-colonnes ioniques au premier et corinthiennes au second. Ces arcades étaient décorées avec des statues et des groupes de marbre. Parmi ceux-ci, le Pasquino [52], une célèbre « statue parlante » de Rome (sorte de porte-parole de l’insatisfaction populaire), représentant Ménélas soutenant le corps de Patrocle, désormais sur la place homonyme à proximité. Parmi les nombreux fragments sculptés qui ont été découverts durant les fouilles, il faut citer en particulier un torse en marbre pentélique, qui est une copie de l’Apollon lycien, une sculpture réalisée par Praxitèle au IVe s. av. J.-C.
Façade
du stade de Domitien (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie
: C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury –
URL : voir sitographie)
On constate
immédiatement que le bâtiment comporte deux niveaux, avec une répétition de la
travée (unité
reproductive), le fornix, à l’instar du Colisée, un édifice qui repose
tout entier sur une succession d’arches (celles-ci mises bout à bout, forment
une sorte de nid d’abeilles). En distribuant la charge des deux côtés de la
structure, la clé de voûte permet à l’arche de supporter davantage de poids [53].
Des consoles et des potelets surmontent l’ensemble : il s’agit de mâts qui permettaient la mise en place du velum, comme c’était le cas au Colisée et comme le montre la comparaison entre les monnaies représentant le stade de Domitien et celles le Colisée. A priori, le stade de Domitien est le seul parmi tous ceux du monde romain à avoir possédé un tel équipement [54]. Sur l’image, les bornes pour les cabestans n’ont pas encore été placées, car l’environnement du stade doit encore être parachevé dans le modèle virtuel.
La monnaie représentée ci-dessous s’avère riche d’informations. Outre la présence du velum qu’elle confirme, elle permet de donner un aperçu des différents types de compétitions qui se déroulaient dans le stade de Domitien : sous les lettres PP (« Père de la Patrie), on a, à gauche, la course et la lutte, à droite le pugilat, au centre la proclamation et le couronnement du vainqueur [55].
Monnaie représentant le
stade de Domitien (Septime Sévère) (source : https://journals.openedition.org/mefrm/1862)
L’édifice comprenait trois accès attestés, une entrée monumentale avec un portail d’honneur au milieu de chacun des grands côtés rectilignes latéraux (l’une des deux à hauteur de l’actuelle église Sainte-Agnès) et une entrée mineure au centre du petit côté incurvé. Dans la restitution virtuelle de Caen, le portail a été orné d’un quadrige.
Façade du stade de Domitien (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie)
Ancienne
entrée mineure du stade sur la partie incurvée, sous les bâtiments actuels (12,
Piazza di Tor Sanguigna, photo Google Earth)
A partir de la façade, on traverse d’abord
l’ambulacre périphérique pour aboutir à une série d’escaliers qui mènent à la
galerie du premier étage, d’où l’on accède aux places de la summa cavea. Un carrelage en dalles de
travertin a été restitué (on en a trouvé des exemplaires dans les caves de
l’Ecole française de Rome [56])
Ambulacre
interne du stade de Domitien (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine –
Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de
M. Fleury – URL : voir sitographie)
Depuis
ces ambulacres, une porte permettait de donner accès à la piste en terre
battue. Des marquages à la craie ont été restitués au sol pour séparer les
différentes activités données dans ce stade (tracé évolutif donc).
Dans le modèle virtuel, les différentes activités
ont été reconstituées dans le modèle virtuel en se basant sur des sources
grecques (textuelles et iconographiques).
La
piste avec la ligne de départ (« starting blok » pour caler
les orteils [57]) et l’Hysplex pour
éviter les faux départs des courses à pied - (Documentation : Ph. Fleury et S.
Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable
autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie)
La restitution d’une loge impériale à
l’emplacement de l’église Sainte-Agnès (maquette de 1937) reste jusqu’à présent
une hypothèse valide.
La persistance urbaine
A Rome, l’emplacement du stade de Domitien est parfaitement marqué par la place Navone qui s’est vraiment construite [59]
C’est un phénomène qui correspond à ce que les
textes eux-mêmes nous racontent. Dès la fin de l’Antiquité, beaucoup de
monuments publics ont été abandonnés et réinvestis par les particuliers qui ont
construit des maisons, des places fortes ou des forteresses selon le cas.
C’est surtout particulièrement le cas pour les
édifices de spectacles puisque les chrétiens, à partir de Théodose [60],
avaient proscrit un certain nombre de divertissements païens. Curieusement,
les combats de gladiateurs se prolongèrent plus longtemps que les Jeux du
stade. Si l’on prend le cas de Rome, ces combats ne furent définitivement
abolis qu’entre 434 et 438. Les courses de char continuèrent dans le Circus
maximus jusqu’en 549, sous le règne du roi ostrogoth Totila ; l’hippodrome
de Constantinople a continué à fonctionner jusqu’au XIIe siècle, avant d’être
partiellement incendié par les Croisés en 1204 [61].
Lors des persécutions sporadiques des chrétiens,
certains d’entre eux avaient terminé leurs jours dans ces lieux de
spectacle : le Cirque de Néron pour saint Pierre, crucifié la tête en bas
et l’amphithéâtre des
Trois Gaules pour sainte Blandine, face aux fauves pour ne prendre que ces deux exemples. Saint
Télémaque (ou Almachius) fut tué, sur ordre d'Alipius, préfet de Rome, par les gladiateurs qu’il essayait de séparer
dans une arène de la ville éternelle [62]. Mais dès le début du IIe siècle, les chrétiens
protestèrent contre la tenue des Ludi [63].
Tertullien consacre un ouvrage complet à la question : le De
spectaculis.
Ainsi s’exprime Procope de Césarée dans sa Guerre
contre les Goths (2.1.1.) qui se situe sous Justinien, à une époque où l’Italie
dans son ensemble avait été prise par les Goths : « Constantin [un
des officiers de Bélisaire] ayant mené les Huns sur le soir dans le champ de
Néron, et se trouvant accablé par la multitude des ennemis, il s’avisa d’une
invention qui mérite d’être décrite. Il y a un cirque où les gladiateurs
combattaient autrefois, et où l’on a depuis bâti des maisons. Les rues qui
y aboutissent sont fort étroites ».
Contrairement aux arènes d’Arles et de Nîmes, à Rome aucun édifice de spectacle (hormis le Colisée et le Grand Cirque) n’a été dégagé. Les théâtres sont encore enfouis sous les maisons, comme le théâtre de Marcellus qui a d’abord servi de carrière (en particulier pour servir à la construction du Pont Cestius [64], puis la destruction s’est arrêtée parce qu’il a été transformé en place forte et puis en palais [65], celui des Orsini [66]).
Ancien plan montrant le
palais Orsini qui couronne le théâtre de Marcellus et la cavea sous ses
jardins (par Paolo Fidenzoni, issue du Mémoire de Master de Camille Bidaud,
figure 33, page 63)
Théâtre de Marcellus. La flèche noire indique l’endroit où l’on vendait initialement du fromage et du charbon (photo de Google Earth issue du site www.innamoratidiroma.it de Marco Gradozzi – lien direct : https://www.innamoratidiroma.it/2021/01/24/la-bottega-del-teatro-di-marcello/) ; à droite une photo de la boutique en question (photo des archives photographiques de la municipalité de Rome). Un marchand de fromages, posant fièrement devant sa boutique.
Théâtre de Marcellus. La flèche rouge
indique l'arche où avait lieu la vente de fromage et de charbon (c'est la
deuxième en partant de la gauche en regardant le Théâtre). La flèche bleue
indique le niveau de la rue au XIXe siècle (photo de Marco Gradozzi, issue du
site www.innamoratidiroma.it
- lien direct : https://www.innamoratidiroma.it/2021/01/24/la-bottega-del-teatro-di-marcello/).
Au Moyen Age et jusqu’au XVIIIe siècle, l’amphithéâtre de Nîmes en France avait connu la même situation : il avait été réinvesti par des privés qui avaient installé des boutiques au rez de chaussée sous les arcades.
Le théâtre de Pompée à Rome n’existe plus que par
sa forme. On distingue encore nettement le tracé de son portique (côté Largo di
Torre Argentino), de sa cavea puisque les maisons se sont reconstruites
sur les gradins, les façades des immeubles Via del Biscione et Via di Grotta
Pinta suivant dès lors la courbure de cette cavea [67] et de son temple.
(source : http://www.largoargentina.com/Inizio/Teatro%20Pompeo/Teatro%20di%20Pompeo%207.jpg) |
(source :
https://www.pinterest.com/pin/391883605067399032/
- Sergio Gai)
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Tracé du théâtre de Pompée |
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Des vestiges impressionnants peuvent être toutefois vus en descendant à l’étage inférieur du restaurant Grotte del Teatro di Pompeo (comme c’est le cas également pour les restaurants « Da Pancrazio », « Grotte [68] del Teatro di Pompeo », « Da Costanza », dans l'hôtel « Teatro di Pompeo » et même dans le garage de l'hôtel « Sole »).
La forme en hémicycle du bâtiment Via di Grotta Pinta suit parfaitement la courbe interne de la cavea du Teatro di Pompeo, dont les anciennes substructures ont été exploitées (photo Google Earth)
Cave du restaurant Grotte del Teatro di Pompeo
(photo d’archive, le restaurant étant aujourd’hui définitivement fermé)
Dans la rue, certains détails comme un masque de théâtre du théâtre de Pompée en remploi sur un mur
d'angle de la piazza Pollarola, ou l’arrière
du théâtre de Pompée sur le Campo dei Fiori (le pignon correspond au Temple de
Vénus Victrix).
Piazza Pollarola (photo Google Earth)
Masque de théâtre du théâtre de Pompée en remploi sur un mur d'angle de la piazza Pollarola (Licence : CC BY-SA 4.0 – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:P_za_Pollarola_-_maschera_dal_teatro_di_Pompeo_P1080889.jpg – auteur : Lalupa (travail personnel)
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L’arrière du théâtre de Pompée sur le Campo dei Fiori
(le pignon correspond au Temple de Vénus Victrix). Source : Google Earth) |
Positionnement originel du théâtre vu de la piazza
Campo dei Fiori (source : https://www.romanoimpero.com/2010/06/teatro-di-pompeo.html [69]) |
On retrouve ce phénomène de persistance urbaine
(ou rémanence architecturale) ailleurs en Italie, comme dans la ville de
Lucques qui fut une grande ville à
l’époque romaine où s’est conclu le premier triumvirat [70].
Ce qui est très étonnant, c’est que la place a gardé la forme de l’amphithéâtre
(empreinte dans la ville). Les voies d’accès à l’amphithéâtre sont devenues des
rues.
On
connaît la même situation à Florence où l’on peut distinguer le tracé de
l’amphithéâtre romain en suivant la courbure de la Via Torta, de la Via dei
Bentaccordi et de la Piazza dei Peruzzi, qui décrivent la moitié d’un ovale
près de l’église Santa Croce. A Florence, les bâtiments construits sur les
gradins et sur la piste de l’amphithéâtre n’ont cependant pas été dégagés.
Tracé de l’amphithéâtre romain de Florence à gauche sur la photo, face à la Piazza Santa Croce (photo Google Earth)
Le destin des stades, amphithéâtres ou théâtres
antiques a en effet été variable en fonction de certains critères (éloignement
ou intégration dans la ville) ou de situations locales (destructions ou
constructions comme le pont Cestius à Rome par exemple). Bastien Lefebvre
l’explique très bien dans son article « Modèles de
réutilisation des amphithéâtres antiques dans la formation des tissus urbains » :
« Suite
aux transformations que connaît la société romaine et aux profondes
modifications de l’espace urbain durant le Bas-Empire, la plupart des
amphithéâtres perdent rapidement leur fonction de divertissement et cessent
d’accueillir des jeux, le plus souvent autour du IVe siècle. Le
devenir, ou la trajectoire historique de ces grands édifices elliptiques va
alors fortement varier d’une situation à l’autre. Certains, laissés à bonne
distance de la cité réduite du Bas-Empire, vont être abandonnés puis vont
servir de carrière de matériaux et vont finalement être détruits : ils n’auront
aucune incidence sur la formation de la ville médiévale et moderne. D’autres,
situés dans la cité ou à proximité immédiate, vont connaître des formes de
réutilisation variées et vont être intégrés au tissu urbain selon des modalités
très différentes. Aujourd’hui, ils se traduisent par des rémanences plus ou
moins marquées (…) ».
Conclusion
Au terme
de cet article, que peut-on conclure de cet attrait pour la boxe des Romains,
qu’apporte-t-elle à la connaissance du monde antique, que penser de cette
empreinte du stade laissée en plein cœur de Rome et sa transformation du stade
en « théâtre » baroque ?
Dans son
livre A poings fermés, Jean-Manuel Roubineau nous apprend que la boxe est
un sujet qui nous renseigne sur de nombreux aspects de la vie antique :
pour n’en citer que deux, elle nous informe sur les idéaux corporels
athlétiques, mais aussi sur les arcanes du « régime » alimentaire
suivi par les lutteurs, pancratiastes et pugilistes (diététique carnée, car la
viande est le carburant de l’effort et le moyen de construire un corps massif
et donc plus fort) qui se situe en marge des usages alimentaires normaux moyens
(très végétarienne) de l’ensemble de la population qu’elle soit grecque ou
romaine.
Mais surtout, il nous invite, au chapitre 4 d'À
poings fermés, à passer en revue les types successifs de gants de boxe.
Toute la documentation y est rassemblée et l’auteur propose une série de pistes
interprétatives, en particulier sur les gants avec inserts métalliques.
Sous l'influence d'Hollywood [71] et de nos fantasmes des
XXe et XXIe siècles, nous transformons les Romains en brutes sanguinaires [72] - après en avoir fait des
« orgiaques » au XIXe siècle -. Le monde antique était certes violent
- mais pas moins que le nôtre.
Dès lors, il s’indique d’adopter un point de vue prudent comme celui de Giuseppe Vincenzo Di Stazio, en disant que ces inserts métalliques
ont peut-être été utilisés chez les gladiateurs, mais pas chez des pugilistes,
quoique chez les deux catégories, ce sont des professionnels qui coûtent cher à
leur laniste. Or, on n’envoie pas sa Ferrari à la casse !
Quant à la
morphogenèse urbaine, Rome est une ville à part, une ville qui sut être éternelle sans être immuable,
pour reprendre partiellement le titre de l’ouvrage de Michel Tarpin.
Rome apparaît en effet comme un immense palimpseste, fait de falaises de ruines antiques et de palais somptueux, bâtie et
rebâtie, comme le phœnix [73]
renaît de ses cendres, en fonction de ses moments fastes, ou de ses périodes de
décadence.
Comme l’explique Gilles Ritchot, la
morphogenèse de Rome fut double. La première connut son apothéose avec l'Empire
romain avant que la ville ne se mue en « champ de ruines » et évolue comme
un « réservoir de valeurs » que la Renaissance, l’époque baroque, ainsi que la chrétienté transformèrent et surent ramener sur la voie impériale d’une seconde morphogenèse.
La piazza Navona en est un parfait exemple : elle donne l'image d'un urbanisme modelé par l’empreinte laissée par un stade antique qui, au fil d’une stratification séculaire, a donné naissance à une place, baroque par les courbes de ses façades et l'extravagance de ses fontaines, mais à la linéarité étonnante de par sa forme conditionnée, la plus belle du monde.
Sophie Madeleine, Philippe Fleury et Philippe Durbecq
Bibliographie
- François CHAUSSON, « Domitia Longina : reconsidération d'un destin impérial », Journal des Savants, Paris, Persée, 2003, pp. 101-120 (URL : https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2003_num_1_1_1663).
- Jean-François BERNARD, Du stade de Domitien à la piazza Navona : l’architecture et son image, Virtual Retrospect 2007 - Session 4 (URL : https://hal.science/hal-01989935/document).
- Jean-François BERNARD, « Piazza Navona, ou Place Navone, la plus belle & la plus grande » : du stade de Domitien à la place moderne, histoire d’une évolution urbaine, Collection de l'École française de Rome 493, 2014.
- Jean-François BERNARD et Paola CIANCIO ROSSETTO, « Le stade de Domitien : situation topographique, étude architecturale et réflexions concernant la localisation de l’église Sainte-Agnès », Mélanges de l’Ecole française de Rome, n° 126-1, 2014 (URL : https://journals.openedition.org/mefrm/1862?lang=en).
- Camille BIDAUD, La restauration du théâtre de Marcellus à Rome pendant la période fasciste, de l'écart entre théorie et pratique de la restauration à l'époque de la conférence d’Athènes, Mémoire de Master, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville, juillet 2011 (URL : https://www.academia.edu/1922941/La_restauration_du_th%C3%A9%C3%A2tre_de_Marcellus_%C3%A0_Rome_pendant_la_p%C3%A9riode_fasciste_de_l%C3%A9cart_entre_th%C3%A9orie_et_pratique_de_la_restauration_%C3%A0_l%C3%A9poque_de_la_conf%C3%A9rence_dath%C3%A8nes).
- François BOUGARD, Des jeux du cirque aux tournois : que reste-t-il de la compétition antique au haut Moyen Age ? (URL : https://www.academia.edu/6693381/Des_jeux_du_cirque_aux_tournois_que_reste_t_il_de_la_comp%C3%A9tition_antique_au_haut_Moyen_%C3%82ge_).
- Claude BRIAND-PONSART, Frédéric HURLET, L’Empire romain d’Auguste à Domitien, Armand Colin, CURSUS, 2019.
- Antonio CAPPUCCITTI, Tessuti e centralità nella morfologia urbana di Roma, Aracne, 2006 (URL : https://kupdf.net/download/9788854809079-morfologia-urbana_5c83ff5be2b6f56c179c90d0_pdf).
- Catalogue de l’exposition « Des jeux du stade aux jeux du jeux du cirque », Editions du CEDARC, 2010.
- Catalogue de l’exposition « Domiziano imperatore. Odio e amore », sous la direction de Claudio Parisi Presicce, Massimilano Munzi, Maria Paola Del Moro, Rome, Février 2023.
- Catalogue de l’exposition Sangue e arena, sous la direction d’Adriano La Regina, Milan, Electa, 2001.
- Giuseppe Vincenzo DI STAZIO, Pygmè et pankration. Sur le port du gant dans l’Antiquité gréco-romaine, 2012, Res Antiquitatis. Journal of Ancient History, vol. 3 (URL : https://www.academia.edu/5576556/Pygm%C3%A8_et_pankration_Sur_le_port_du_gant_dans_lAntiquit%C3%A9_gr%C3%A9co_romaine).
- Djamila FELLAGUE, avec une contribution de Bernard Gauthiez, « Mise au point sur l’odéon de Domitien », dans Bernard 2014 (URL : https://www.academia.edu/6058997/D_Fellague_Mise_au_point_sur_lod%C3%A9on_de_Domitien_avec_une_contribution_de_B_Gauthiez_).
- Philippe FLEURY, « Le plan de Rome de Paul Bigot : De la maquette en plâtre de Paul Bigot à la maquette virtuelle de l’Université de Caen », Civiltà Romana, no 1, 2014, p. 109-124.
- Jean-Claude GOLVIN, L'amphithéâtre romain. Essai sur la théorisation de sa forme et de ses fonctions, Diffusion de Boccard, 1988.
- Jean-Claude GOLVIN, L'amphithéâtre romain et les jeux du cirque dans le monde antique, Archéologie Nouvelle, 2012.
- Jean-Claude GOLVIN et Christian LANDES, Amphithéâtres & Gladiateurs, Paris, Les Presses du CNRS, 1990.
- Federico GUIDOBALDI, La chiesa medievale di S. Agnes in Agone, dans Rivista di Archeologia Cristiana, 87-88, 2011-2012, p. 401-452.
- Bastien LEFEBVRE, Modèles de réutilisation des amphithéâtres antiques dans la formation des tissus urbains, M@ppemonde, n° 101, 2011 (URL : http://mappemonde-archive.mgm.fr/num29/articles/art11102.html).
- Eric LEROY du Cardonnay et Sophie MADELEINE, « Représenter, expérimenter, raconter : le Centre de réalité virtuelle à l’Université de Caen Normandie », Histoire de la maritimité, n° 14, 2021.
- Brice LOPEZ, Les jeux olympiques antiques : pugilat, orthepale [74], pancrace, Budo Editions, Noisy-sur-Ecole, 2010.
- Sophie MADELEINE, Le théâtre de Pompée à Rome. Restitution de l’architecture et des systèmes mécaniques, Caen, Presses Universitaires de Caen, 2014 (URL : https://journals.openedition.org/artefact/10553).
- Claude MOATTI, A la recherche de la Rome antique, Découvertes Gallimard, 56, La Rome Antique, 1989.
- Steven Ross. MURRAY, « Boxing Gloves of the Ancient World», The Journal of Combative Sport, n° 2, 1-23, 2010.
- Hélène NOIZET et Anne-Sophie CLEMENCON, Faire ville, Entre planifié et impensé, La Fabrique ordinaire des formes urbaines, Editions Presses universitaires de Vincennes, 2020.
- PAUSANIAS, Periegesis (Description de la Grèce), URL : https://mediterranees.net/geographie/pausanias/sommaire.html.
- PLINE l’Ancien, Histoire naturelle (traduction Remacle – URL : http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/index.htm).
- Gilles RITCHOT, La morphogenèse de Rome. De la discontinuité première au débordement actuel, Géographies En Liberté, L’Harmattan, 2011.
- Yves ROLLAND, Le sport à l’époque romaine. Du cliché à la réalité historico-archéologique, R. Museu Arq. Etn., 29 : pp. 137-146, 2017.
- Jean-Manuel ROUBINEAU, A poings fermés, PUF, 2022.
- Robert SABLAYROLLES, « Domitien l’Auguste ridicule » (fait partie d’un numéro thématique : les années Domitien), Pallas. Revue d’Etudes antiques, n° 40, 1994, pp. 113-144.
- Catherine SALLES, La Rome des Flaviens – Vespasien, Titus, Domitien –, Librairie Académique Perrin, Collection Tempus, 2008.
- E. SOLER et F. THELAMON (dir.), Les Jeux et les spectacles dans l'Empire romain tardif et les royaumes barbares, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2008.
- SUETONE, Vie des Douze Césars, Le Livre de Poche classique.
- Michel TARPIN, Roma fortunata. Identité et mutations d’une ville éternelle, Gollion, Infolio, 2001.
- Jean-Paul THUILLIER, « Le pugilat en Étrurie », Annuaires de l'École pratique des hautes études, 1973 pp. 841-843.
- Paul VEYNE, Le Pain et le Cirque, Points, 1995.
- Loïc WACQUANT, « Les trois corps du pugiliste », Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Yves Bart. Dans Sciences sociales et sport /1 (N° 8), 2015, pages 21 à 50 (URL : https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sport-2015-1-page-21.htm).
- Mohamed YACOUB, Les merveilles des mosaïques de Tunisie, Editeur : Agence Nationale du Patrimoine, 1995.
- Mohamed YACOUB, Les merveilles du musée du Bardo, Editeur : Contraste Editions, Sousse Tunisie, 2005.
- Nocturne « Stade de Domitien » : https://hal.science/medihal-02156561v2/document
- Plan de Rome Unicaen (images virtuelles) : https://rome.unicaen.fr/pdr_virtuel.php?fichier=stadedomitien
- Musée archéologique : https://www.rome-roma.net/stade-de-domitien/
- Reconstitution 3D du théâtre de Pompée : https://www.altair4.com/it/modelli/teatro-di-pompeo/.
[1] Comme un célèbre magasin de jouets qui
apparaît dans le film « Le clan des Siciliens ». Pour l’anecdote, signalons
qu’on y
voit Jean Gabin rencontrer l'acteur italien Amedeo Nazzari, alors qu'il guide
un avion télécommandé. Le message tacite entre les deux hommes est que la seule
façon de dérober la collection de bijoux de la villa Borghèse est de s'emparer
de l'avion qui assurera le transfert de celle-ci vers New York. Comme
quoi, tous les chemins mènent à Rome !
[2] Pour en avoir une idée : https://www.google.com/search?q=la+piazza+navona+lago+musica&oq=la+piazza+navona+lago+musica&aqs=chrome..69i57j33i160l2.12731j0j15&sourceid=chrome&ie=UTF-8#fpstate=ive&vld=cid:7b221dec,vid:yb0Kgij-uJI.
[3] Une tradition encore très vivace aujourd'hui associe
cette fontaine à la rivalité entre Le Bernin et Francesco
Borromini. On prétend que la statue du Río de la Plata a le bras
tendu par crainte d’un effondrement de l'église Sainte-Agnès en Agone, mais
aussi que la statue du Nil se couvre le visage pour ne pas avoir à la regarder.
En réalité, le voile symbolise tout simplement le fait qu'à l’époque les
sources du Nil étaient encore totalement inconnues (elles resteront une
énigme jusqu’au XIXe siècle : le fleuve traverse toute l'Égypte sans
recevoir aucun affluent, vient de pays où il ne pleut en principe pas, et est pourtant
sujet à des crues régulières). Ce n'est en fait qu'une légende, puisque la
fontaine a été construite quelques années avant le début de la construction de
l'église. De même, la fontaine du Bernin
ne comporte que quatre statues représentant un fleuve du monde et
un continent : le Danube pour l'Europe, assis près d’un cheval - comme
c'est le grand fleuve le plus proche de Rome, la tête du Danube touche les
armoiries personnelles du pape Innocent X –, le Nil pour l'Afrique, associé au
lion et au palmier, le Gange pour l'Asie avec une rame à la main – comme
métaphore de la navigabilité du fleuve – et le dragon, ainsi que le Río de la
Plata, assis sur une pile de pièces de monnaie, représentant les richesses de l'Amérique
– Rio de la Plata signifie « fleuve d’argent » – et un tatou près de lui), car seuls quatre
continents étaient alors connus. La colombe sur l’obélisque représente l’Esprit
saint et l’engagement de l’Eglise catholique d’évangéliser dans le monde
entier. Pour l’inauguration de la place le 23 juin 1652, on avait fermé la sortie
des fontaines vers les égouts (couvert les drains), laissant l’eau déborder
pour couvrir la partie centrale de la place dont le fond était alors concave.
Ce précédent devint une coutume estivale pendant près de deux siècles : du
XVIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, la place était ainsi partiellement
inondée tous les samedis et les dimanches pendant le mois d’août, afin que tous
les Romains puissent venir s’y rafraîchir et se distraire. Sur les
peintures d’époque, on constate que toutes les couches sociales étaient concernées :
le piccolo popolo encadrait la place et les riches familles faisaient des
parades avec des calèches en forme de bateau ou de gondole (en bois ou en
papier maché) en « sillonnant les eaux » (« solcare le acque »),
tandis que les cochers en profitaient pour rafraîchir leurs chevaux ou laver le
carrosse. Lors de la visite de la reine de Pologne en 1703, le prince
Pamphili entra dans l’eau à bord d’une majestueuse calèche en forme de gondole
dorée. Aujourd’hui, la
place pavée de « sampietrini » ne permettrait plus la
poursuite de cette tradition et de ce plaisir aquatique d’été, car elle a
désormais une forme convexe, donnée par le trottoir central construit après
1870.
[4] Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies
1866-1872, Alphonse Lemerre, 1872, Poésies
1866-1872 (p. 109-110). URL : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Place_Navone.
[5] Elle a été conçue à l'origine pour être la
chapelle de la famille Pamphili dont le palais jouxte l’église, afin qu'elle
puisse assister à des services spéciaux sans avoir à quitter sa maison. Ceci
dit, La basilique se trouve à l'endroit où la chrétienne Agnès a été
martyrisée, sous le règne de l'empereur Dioclétien.
[6] D’où notre mot « forniquer »
en français.
[7] L’intérieur du stade, qui s’est progressivement
abaissé à cause d’effondrements et d’inondations du Tibre, n’a pas connu de
constructions permanentes.
[8] Si l’on prend l’exemple de Rome, le
cirque est très ancien (on dit qu’il a été construit par Tarquin l’Ancien,
c’est-à-dire sous la Royauté), le premier amphithéâtre permanent en pierre a
été bâti à l’époque d’Auguste (mais a été précédé d’amphithéâtre temporaires en
bois sur le forum, comme celui de César : les gladiateurs évoluent alors sur un
espace central recouvert de sable — en latin arena — pour éviter qu'ils ne glissent sur les dalles
du forum ; dans son Histoire naturelle, Pline
l'Ancien prétend que l'amphithéâtre a été inventé durant les spectacles
de Gaius Scribonius Curio en 52 av. J.-C.),
tandis que le premier stade date de l’époque de Domitien (nous sommes à la fin
du premier siècle après Jésus-Christ, plus ou moins contemporain du Colisée).
Auparavant, il y avait bien sûr des spectacles athlétiques, mais ils étaient
donnés dans des stades provisoires.
[9] Dans la partie occidentale, le stade de
Domitien est le premier et le seul exemple de ce type de construction dont on
conserve des éléments significatifs, alors que dans la partie orientale
(Turquie, Grèce, Chypre), ils sont beaucoup plus abondants.
[10] Les gradins ont été réaménagés par les
Romains (la dernière modification importante date de l’Hérode Atticus – on se
situe vers 145-150 ap. J.-C.)
[11] Les estimations données sont de 45.000
personnes, ce qui peut sembler excessif, mais ces chiffres sont corroborés par
plusieurs ouvrages. Peut-être les spectateurs restaient-ils debout et ne
s’asseyaient pas.
[12] Le choix du lieu d'exposition n’est pas
anodin : le Capitole est lié de près à l'empereur Domitien. Ce dernier a
en effet luxueusement restauré ce lieu après l'incendie qui l’avait ravagé en 80
après J.-C. et c’est sur les fondations du Temple de Jupiter Capitolin détruit
à nouveau au Ve siècle qu’a été construite au XVIe siècle la Villa Caffarelli.
[13] Un fils mort à trois ans et une fille
décédée enfant.
[14] En fait, il n’y en
a que trois, le quatrième (Vespasien) appartenant à la dynastie impériale
suivante, celle des Flaviens, mais comme son règne commence en 69, on le compte
parmi eux.
[15] Zosime, V, 38.
[16] Voir la Vie de Domitien de Suétone
(VIII, 1) et les Histoires de Tacite (III, 74).
[17] En 102, Trajan prolongera la Via
Domitiana jusqu'à Naples.
[18] Stace a composé un poème entier sur le thème
de la Via Domitiana (Silvae, IV, 3). Il rappelle les progrès apportés
par la nouvelle route et fait un éloge très appuyé de l'empereur. Le poème est
aussi un témoignage intéressant sur la construction des routes sous l'empire
romain.
[19] L'évergétisme (du verbe grec εὐεργετέω / euergetéô signifiant
« faire du bien ») est la pratique de libéralités de la
part d'un riche notable (appelé évergète) en faveur d'une
communauté envers laquelle il manifeste une générosité intéressée par des
dons et des bienfaits (appelés évergésies), visant l'obtention d'un
consensus civique qui fonde la légitimité du pouvoir aristocratique politique,
économique, social et culturel. Autrement dit, l’évergétisme désigne, dans le
monde gréco-romain, l’obligation qu’ont les plus riches, de dépenser de
l’argent pour la cité en construisant des monuments, en aidant les plus pauvres
(l’annone), mais aussi en organisant les jeux du Cirque (« du pain et des
jeux » comme l’écrit Juvénal au vers 81 de sa Satire X). Il s’agit-là pourtant
d’une composante essentielle du monde antique. Ce terme a été introduit dans le
lexique historique francophone au XXe siècle par les
historiens André Boulanger et Henri-Irénée Marrou.
[20] Domitien est assassiné lors d’une conspiration
de palais. Ses assassins seront arrêtés et exécutés par Nerva, sous la pression
de la garde prétorienne qui prend l’empereur en otage.
[21] Les pièces de monnaie où son portrait ou son nom
apparaissent sont fondues, ses arcs de triomphe sont abattus et son nom est
effacé de tous les documents publics officiels. Domitien est le seul empereur,
avec plus tard Geta, à avoir été condamné officiellement de la sorte, bien
que d'autres empereurs aient pu subir un sort comparable. Malgré tout, les
ordres du Sénat sont seulement partiellement exécutés à Rome et en Italie et
globalement ignorés dans le reste de l'Empire.
[22] Domitia Longina, (fille de l’illustre général
Corbulon qui se suicida sur ordre de Néron) était l’épouse de Domitien, et
Julia, sa nièce et maîtresse, fille de Titus. Selon Suétone, Domitia est exilée car elle aurait eu une
relation avec un acteur célèbre appelé Paris. Quand Domitien s’en
aperçoit, il assassine Paris dans la rue et divorce de sa
femme. Suétone ajoute qu’une fois Domitia en exil, Domitien fait de Julia sa
maîtresse. Cette dernière meurt plus tard en raison d’un avortement raté (Vie
de Domitien, XXII).
[23] 59 mètres seulement pour celui
d’Aphrodisias.
[24] L’étymologie du mot est parlante :
pankration vient de pan, « tout » et kratos,
« la force, la puissance, le pouvoir » et signifie donc littéralement
« avec toute
la puissance, toute la vigueur ». Pour faire simple (mais c’est
réducteur), on peut dire que le pancrace est une combinaison de la lutte et de
la boxe (on dirait aujourd’hui le grappling avec poursuite du combat au
sol et le kick-boxing) et que le pancrace diffère du pugilat par la
poursuite du combat au sol et par l’absence de gants. Dans ce sport, tous les
coups étaient permis (sauf mordre
ou crever les yeux de son adversaire, ainsi qu’introduire les doigts dans le
nez et la bouche). Tout le reste était autorisé, y compris les coups de pied
dans le ventre et de genoux dans les parties génitales, souvent représentées
dans les mosaïques et les peintures, voire sur des objets (cf. le médaillon de
la lampe à huile d’Orange). Dans la mythologie, Thésée était un pancratiaste
(il se serait servi des techniques de cet art martial pour vaincre le
minotaure), Hercule avait remporté un concours de pancrace à Olympie. Lui aussi
aurait utilisé ces techniques dans le cadre de ses douze travaux (cf. la prise
représentée sur les vases grecs avec laquelle il terrasse le lion de Némée). On
élevait des statues aux pancratiastes glorieux (décrites par Pausanias, par
exemple dans le Prytanée à Athènes) ou on leur dédiait des épigrammes (comme
c’est le cas pour Sostrate de Sicyone). Les pancratiastes étaient souvent affublés
de sobriquets en fonction de leur technique fétiche pour triompher de leur
adversaire. Pausanias (Description de la Grèce, Livre VI, chap. IV, 1) raconte qu’un pancratiaste
célèbre, Sostrate de Sicyone, avait mérité le surnom d’Acrochersite,
« parce qu'il
tenait les mains de ses antagonistes si serrées entre les siennes, qu'il leur
écrasait les doigts, et les obligeait à lui céder la victoire. »).
[25] Giuseppe Vincenzo Di Srazio, p. 120.
[26] On remarquera que les boxeurs ne
portent qu’un seul gant. Brice Lopez et Giuseppe Vincenzo Di
Srazio nous en expliquent la raison de leurs ouvrages (respectivement aux pp.
144-146 et 121).
[27] Ce qui revient à dire qu’il avait battu ce
qu’on appellerait aujourd’hui un record international.
[28] Voir la mosaïque de Baten Sammour en
Tunisie. Il semblerait que ces courses avec flambeaux aient été données en fin
d’après-midi, quand le soleil commençait à baisser à l’horizon, ce qui devait
accroître la féérie du spectacle.
[29] Vie d’Auguste, XLV et Vie de
Caligula, Livre XVIII, 1.
[31] Elle provient des latrines des
thermes des Lutteurs et est conservée au musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal.
[32] La statue ornait probablement les
thermes de Constantin.
[33] Le mot latin caestus (pluriel caestūs) est issu du verbe caedere, qui signifie « frapper » et n'est pas issu du mot
similaire cestus qui indique une
sorte de ceinture portée par les femmes dans la Grèce antique.
[34] En fait, il y a eu une évolution dans
les gants gants
des boxeurs : au III e s. av. J.-C., on est passé du type « doux » (himantes
meilichai) faits de simples lanières de cuir de bœuf destinées à protéger
les articulations de la main et du poignet, à des gants considérés comme « durs
» (himantes oxeis), comprenant un véritable anneau de cuir, assez épais,
entourant la main.
[35] « En plus de leur rôle de prévention contre
les fractures articulaires, les gants devaient permettre une ouverture de la
main pour l’absorption des coups et pour les pancratiastes, ils ne devaient pas
entraver les prises ou les clés pour les soumissions. » (Di Stazio, p.
132).
[36] Voir l’article pugilatus du Dictionnaire
Daremberg et Saglio.
[37] Cela se produit après qu'une personne a frappé un
objet avec un poing fermé, l’articulation étant alors pliée vers la
paume de la main.
[38]
Di Stazio, Op. Cit., p. 125. On remarquera que, sur la main de bronze de l’Amphithéâtre
de Vérone, le petit doigt se recroqueville de lui-même, ce qui est fréquent
chez les sportifs ayant subi des dommages aux articulations provoqués par des
coups de poing réguliers. Même en étant
doté de gants, la pratique de ce sport de manière intensive pouvait tout de
même laisser des séquelles.
[39] Sur cette statue, on a une
utilisation intensive d'incrustations de
cuivre, en particulier pour les blessures à la tête du boxeur et les gouttes de
sang sur la cuisse et le bras droits, ainsi que les lèvres, les mamelons et les
sangles et coutures des gants de boxe. Il convient de noter en particulier
l'ecchymose sous l'œil droit, qui a été moulée avec un alliage différent pour
lui donner une couleur plus foncée. L'effet dramatique du sang jaillissant
d'une blessure a été présenté dans un certain nombre de bronzes hellénistiques
connus à partir de copies, telles que le Gaulois mourant au musée du Capitole
et le Suicide du Galate (ou groupe Ludovisi) au Palazzo Altemps, toutes deux
des copies de monuments de vainqueurs hellénistiques de Pergame. Une
statue du musée Barracco montrant une chienne léchant une plaie, connue à
partir d'un certain nombre d'exemplaires, serait une œuvre de Lysippe.
[40] Le pugiliste a également les oreilles
écrasées (en chou-fleur à la suite de traumatismes répétés (pour plus de
détails, voir l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Oreille_en_chou-fleur) et le nez cassé. Dans l’épigramme 75
de Lucillius est rapportée l’anecdote de deux frères dont l’un pugiliste qui
avait été lésé de son héritage parce qu’il était tellement défiguré par les
coups que son frère l’a présenté comme un étranger : « Et puis, s'étant inscrit comme boxeur, il a tout perdu [nez, menton, sourcils,
oreilles, paupières], au point que
des biens paternels il n'a
même pas reçu sa part. Car son frère ayant un portrait de lui l’a
présenté en justice et lui a été reconnu par jugement comme étranger n’ayant
rien de semblable. ».
[41] La statue est datée de la seconde moitié
du IVe siècle av. J.-C. et est attribuée au sculpteur Lysippe ou à
son cercle immédiat.
[42] L’endroit où la statue est placée dans
la salle du musée donne l’impression au visiteur que le pugiliste vient de
tourner son visage vers lui et est sur le point de lui adresser la parole.
[43] Dans le poème
épique de la fondation de Rome, Enée a honoré en Sicile l'anniversaire de
la mort de son père Anchise en organisant des jeux funéraires élaborés, dont un
match de boxe. Ce combat opposait le Troyen Dares au champion sicilien
local Entellus (Enéide, livre V).
[44] L’exemple du film Spartacus de Stanley
Kubrick (1961) est éloquent. Le personnage principal, un gladiateur, porte le
cirrus pourtant caractéristique de l’athlète romain.
[45] La main en bronze du Metropolitan Museum de New-York est un ex-voto [peut-être dédié par un boxeur lors de sa retraite]. On ne peut donc pas dire que ces gants métalliques sont utilisés dans des combats « clandestins ».
[46] La relation entre les anciens Romains et le théâtre a longtemps été problématique : la purgation des passions (catharsis) qu’il provoquait constituait un élément trop grec pour le sentiment romain de l'époque royale et du début de la période républicaine. En outre, dans ces rassemblements massifs de personnes, il n'était pas impossible que la foule puisse échapper à tout contrôle. Les théâtres de Rome étaient donc en bois : ils étaient montés dans les lieux sacrés à l'occasion des fêtes religieuses pendant lesquelles des représentations avaient lieu et démontés une fois la fête terminée. Les constructions en maçonnerie, en revanche, étaient interdites. Le premier théâtre de pierre construit à Rome (en 55 par Pompée qui, pour tourner la loi, avait fait placer un temple dédié à Vénus Genitrix sur la cavea du théâtre !). Un immense portique ouvrait sur des jardins. C’est dans la curie de Pompée située à l’extrémité (côté Largo Argentina) que César fut assassiné.
[47] Colini, 1943, p. 96.
[48] Du stuc ayant été employé ailleurs dans
le stade, comme nous le verrons plus loin.
[49] N.B. : la place Navone est
surélevée par rapport au niveau antique : elle arrive quasiment au niveau
des premières arcades.
[50] Il ne reste aujourd’hui que deux maquettes en
plâtre : l’exemplaire de Caen légué par P. Bigot à Henri Bernard, l’un de
ses élèves qui en fit don à l’Université de Caen, et l’exemplaire de Bruxelles.
En outre il existe également un plan partiel en bronze à l’Institut d’Art et
d’Archéologie de Paris.
[51] Extrait de l’article d’Éric Leroy du Cardonnoy et de Sophie Madeleine « Représenter, expérimenter, raconter : le Centre de réalité virtuelle à l’Université de Caen Normandie », Histoire de la maritimité, n° 14, 2021.
[52] De ce nom est dérivé le terme
de pasquinade, qui se réfère à un pamphlet anonyme rédigé souvent en
romanesco (dialecte romain), à l'origine en vers, par la suite parfois en
prose.
[53] Lors de l’édification du monument, un
échafaudage (cintre) permettait de bâtir chaque arche, puis d’insérer une clé
de voûte au sommet. La même technique était employée pour la construction des
aqueducs.
[54] L’hypothèse d’un velum au stade
de Cibyra,
ancienne ville d'Asie Mineure (en Phrygie) a été réfutée (https://journals.openedition.org/mefrm/1862 , note 59).
[55] Claude Moatti, p. 71.
[56] Colini, 1943, p. 91.
[57] On en a des exemples à Delphes ou à
Olympie.
[58] Voir l’article « manianum »
dans le Dictionnaire de Daremberg et Saglio.
[59] Pour les différentes affectations de la piazza Navona, voir Antonio Cappuccitti, pp. 50 à 59.sur ce stade et qui en a épousé parfaitement la forme.
[60] C’est lui qui aurait mis un
terme à onze siècles d’olympisme. En 393, alors qu’il est devenu
empereur de Rome, cinq ans après avoir été empereur de Byzance, il abolit les
Jeux olympiques antiques. Ils auront duré pas moins de 286 olympiades, soit
presque onze siècles (les jeux ne seront rétablis que 1 502 ans plus
tard en Grèce, soit en 1896). Cet empereur chrétien craint que les
Jeux ne constitue un moyen de diffusion du paganisme et ne deviennent
d’authentiques bacchanales païennes. Reste
qu’aucun document n’atteste de cette décision. Certains
pensent que les Jeux auraient duré encore quelques olympiades
supplémentaires. En 426, Théodose II confirma leur abolition et ordonna de
détruire ce qui restait encore debout des temples du sanctuaire d’Olympie (le
site avait déjà été ravagé par les hordes d’Alaric : tous les trésors
avaient été pillés et les richesses dispersées. Seuls quelques édifices
subsistaient). Ils ne le sont que partiellement. Mais les crues de la rivière
et les deux tremblements de terre au Ve siècle de notre ère feront le reste).
Le pugilat fut interdit en même temps que les jeux olympiques.
[61] Les vestiges de l'hippodrome sont visibles sur la
place du Sultan-Ahmet (« Sultanahmet Meydanı », également appelée
« At Meydanı » — place aux chevaux) à Istanbul.
[62] D'autres versions
disent que ce sont les spectateurs qui le lapident.
[63] Pour les raisons, voir François Bougard,
Des jeux du cirque aux tournois : que reste-t-il de la compétition
antique au haut Moyen Age ?, page 12.
[64] A Nîmes, lorsque l’on a déblayé
l’amphithéâtre au XVIIIe siècle, on a retrouvé les gradins. On aurait pu les
garder, mais – ce qui est très dommage –, on les a vendus à un entrepreneur et
les gradins ont été débités pour des travaux de construction.
[65] Ce palais pose néanmoins d’autres
problèmes : il pèse sur l’ouvrage et le jardin adjacent, dessiné au départ
par Peruzzi (et qui recouvre la cavea) provoque des infiltrations qui
endommagent les structures. Jusqu’à présent, les propriétaires se sont toujours
opposés à des fouilles ou travaux qui auraient permis à la fois de compléter
l’isolation de l’édifice et de remettre au jour les gradins (dont les restes
ont pu être vus en pratiquant un puits), ainsi que les sièges de la cavea, sa forme et, qui sait, une partie
de la scène. Malgré les travaux réalisés par les différentes familles, les
appartements de ce palais ne seront jamais très pratiques. Le Président De
Brosses le résume comme suit : « Sa forme en demi-cercle ne me semble
pas favorable aux distributions internes. Un beau théâtre ne peut faire qu’une
maison sombre et incommode. ».
[66] En 2012, le bien a été mis en vente
pour la coquette somme de 32 millions d’euros, ce qui en fait la propriété la
plus chère d’Italie et probablement l’un des biens immobiliers les plus onéreux
d’Europe. Cette propriété d’un peu plus de mille mètres carrés est dotée d’un
salon avec fresques, d’une salle de bal, de trois chambres à coucher, de deux
salles de bain, d’une bibliothèque, d’une salle à manger, d’une longue terrasse
qui surplombe le Tibre, d’un penthouse (appartement luxueux situé au dernier
étage d’un immeuble) séparé et de caves. La plupart des pièces donnent sur le
jardin orné de fontaines et d’orangers.
[67] La cavea consistait en une double série de parois radiales reliées entre elles par des structures curvilignes qui formaient les « coins » (cunei) qui avaient pour fonction de supporter les gradins : les parois, en « opus reticulatum », sont conservées et encore visibles dans le sous-sol et dans les caves.
[68] De l’antique coutume d’appeler
« grotte » toute anfractuosité ou tout recoin sombre.
[69] « Les images insérées dans les messages
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[70] Du latin trium et virum
(« trois hommes »). Ce pacte est conclu vers le 15 avril 56 a. J.-C.
entre les triumvirs Crassus, Pompée, César qui se répartissent
géographiquement le monde romain de l’époque.
[71] Malgré tous les
aspects positifs d’un film comme Gladiator, certaines pratiques ont été
exagérées dans l’usage de la gladiature (les combats dans
l’amphithéâtre étaient codifiés, mais ces règles bien précises n'apparaissent
pas dans le film) et
des inexactitudes y sont flagrantes : les
gladiateurs, par exemple, n'étaient jamais enchaînés dans l'arène (N.B. :
il
existait chez les Aztèques une forme de gladiature dans laquelle un condamné à
mort enchaîné devait affronter successivement un guerrier-aigle et un
guerrier-jaguar). D’autre part, Marc Aurèle n’a jamais aboli les jeux du
cirque (il les considérait en effet comme une diversion nécessaire pour le
peuple, et insistait pour qu'ils continuassent à avoir lieu, même en temps de
guerre).
[72] Un peu comme on avait fait au XIXe siècle de l'Homme préhistorique un
être « bête et méchant » en qualifiant les bifaces de « coups-de-poing »
(une version préhistorique des « coups-de-poing » américains en
quelque sorte) en imaginant qu'il s'agissait d'armes, alors que c'étaient des
outils de chasse !
[74] Littéralement « lutte debout ». La première partie du combat de
pancrastie (Ano Pankration) se déroule debout : chaque combattant
cherche à jeter son adversaire au sol, soit par un coup de pied ou de poing,
soit par une prise, comme à la lutte. Rapidement, le combat se déroule au sol,
au corps à corps (c’est la deuxième phase, connue sous le nom de Kato
Pankration). D’autres
techniques plus efficaces pour le combat au sol sont alors utilisées (prises,
clefs, blocage des articulations, et même l’étranglement, une spécialité des
Eléens, paraît-il).
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