Un exemple de persistance urbaine à Rome : le stade de Domitien

 

 

Un exemple de persistance urbaine à Rome : le stade de Domitien

(par Sophie Madeleine, Philippe Fleury et Philippe Durbecq)

 

 

                                            

                              A tous ceux qui, comme nous, sont tombés amoureux de Rome

 

 

L’actuelle Place Navone est un des lieux touristiques les plus prisés – et je dirais incontournables – de Rome. C’est tout d’abord la plus belle place du monde.

 

Avec ses bars et restaurants, ses magasins parfois atypiques [1], ses mimes, ses artistes qui croquent le portrait des touristes, ses musiciens, ses fontaines bouillonnantes, elle constitue aussi l’endroit rêvé pour passer une belle soirée à Rome.

 


La Fontaine des Quatre Fleuves de la Place Navone (Licence : Creative Commons Attribution 2.0 Generic – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Piazza_Navona_0956_2013.jpg – auteur : Bengt Nyman)

 

Le véritable esthète préférera pourtant une visite dès potron-minet quand le chant des fontaines n'est pas pollué par les nombreux touristes qui, à cette heure matinale sont en train de prendre leur petit déjeuner.

 

Il pourra alors écouter le ruissellement cristallin de l’eau [2] ou le son des cloches qui, en écho, dans la place donne la chair de poule, tout en se délectant du spectacle qui s’offre à lui et s’émerveiller à loisir devant les splendeurs baroques : par l’exubérance des courbes, les effets dramatiques ou surprenants (l'obélisque de la fontaine des quatre fleuves du Bernin [3] semble suspendu dans les airs) et l’exacerbation des mouvements, cette place constitue intrinsèquement un véritable théâtre. Le tout en méditant le poème de Sully Prudhomme :

 

Nous aimons à rôder sur la place Navone.
Ah ! le pied n’y bat point l’asphalte monotone,
Mais un rude pavé, houleux comme une mer.
Des maraîchers y font leurs tentes tout l’hiver,
Et les enfants, l’été, s’ébattent dans l’eau, bleue,
Sous le triton qui tient un dauphin par la queue.
Au beau milieu surgit un chaos où l’on voit
Dans un antre de pierre un gros lion qui boit,
Près d’un palmier, parmi des floraisons marines ;
Un cheval qui s’élance en ouvrant les narines ;
Un obélisque en l’air sur un tas de récifs,
Flanqué de quatre dieux aux gestes sans motifs.
Nous aimions ce grand cirque à fortune inégale (…) [4]

 

Giovanni Paolo Pannini, La place Navone inondée (1756), Niedersächsisches Landesmuseum Hanovre (œuvre dans le domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Pannini_GP_Piazza_Navona.JPG – Auteur/photographe : Hajotthu)

 

Antonio Joli, « Il lago di Piazza Navona » (photo dans le domaine public – Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:View_of_the_flooded_Piazza_Navona,_Rome_%28by_Antonio_Joli%29.jpg)

    


L’inondation estivale sur une photo de la moitié du XIXe siècle (domaine public – source : http://roma.andreapollett.com/S5/rione06i.htm)


La place est dominée par Sainte-Agnès in agone [5] dont le nom nous rappelle que celui de la place Navone vient de « in agones » qui a donné « nagone » puis « Navone ». Agon en grec désigne l’assemblée et plus particulièrement le concours et c’était le mot employé pour les concours athlétiques. Le mot a été repris en latin et désigne plus spécifiquement la lutte dans les concours. « In agones » signifie donc « sur le lieu des concours », « sur le lieu des jeux » et l’on se trouve donc bien sur l’emplacement de ce stade de Domitien.

 

Si l’église se trouve à cet endroit-là, c’est parce que sainte Agnès a été martyrisée dans le stade. Sainte Agnès était une très jeune fille romaine de seulement 13 ans dont le fils du préfet de Rome était amoureux, mais elle était chrétienne et elle s’est refusée à lui. Le préfet l’a condamnée au lupanar, un lieu de prostitution souvent installé dans les arcades (fornix [6]) des cirques ou de l’amphithéâtre. L’histoire raconte qu’elle a été condamnée à y être menée nue à travers la ville et que, miraculeusement, ses cheveux ont poussé jusqu’à la recouvrir entièrement. Elle finira égorgée dans le lupanar.

 

Cette vitrine de l’art baroque que constitue la place Navone a pris place sur les ruines du stade de Domitien.  

 

En effet, si on la contemple depuis le ciel, on constate que la place a conservé la forme originale de ce stade antique : tous les bâtiments qui sont autour de cette place sont construits en fait sur les gradins [7] de cet édifice de spectacle bâti au Ier siècle après J.-C. et la piste du stade de Domitien se trouve sous la place, à environ six mètres de profondeur. 


(capture d’écran de la Nocturne consacrée au stade de Domitien – source : https://hal.science/medihal-02156561v2/document, avec l’aimable autorisation de M. Philippe Fleury)

  

Les édifices de spectacles physiques

 

A Rome, ou dans les villes du monde romain, pour les édifices de spectacles physiques (on ne vise pas ici les spectacles intellectuels comme les pièces de théâtres par exemple), on a trois types d’édifices : l’amphithéâtre, le cirque et le stade.

 

Ce sont normalement trois types d’édifices qui ont chacun leur spécialité. Dans un amphithéâtre, on va faire des spectacles sanglants, dans un cirque, ce sont des courses de chevaux qui ont lieu, et dans un stade, se dérouleront des concours athlétiques (courses, lancer du javelot, lancer du disque, boxe, etc.).

 

Ces édifices sont souvent confondus dans l’esprit du public, ce qui n’est pas étonnant car ils étaient également confondus dans l’Antiquité (on a eu des cirques utilisés pour des combats sanglants et des stades utilisés pour des courses de chevaux) pour une triple raison : la première est chronologique (ces édifices ne sont pas tous apparus simultanément [8]) ; la seconde relève de la culture (les spectacles du stade intéressaient moins que les autres spectacles et dans l’ensemble de l’empire les intérêts n’ont pas été les mêmes [9]) ; la troisième raison est financière : ces édifices représentent des coûts faramineux et Rome va se payer le luxe d’avoir les trois types de spectacles physiques représentés, mais beaucoup d’autres villes joueront plutôt sur la polyvalence d’un même lieu de spectacle, soit vont avoir un seul type d’édifice et utiliseront des édifices provisoires pour les autres.

 

Les différences entre le stade et le cirque sont évidentes : puisqu’il n’y a pas de courses de chevaux dans un stade, l’arête centrale (la spina), ainsi que les stalles de départ (carceres) sont inutiles ; d’autre part, la piste d’un stade est beaucoup plus courte que celle d’un cirque (le stade de Domitien est trois fois plus court que le Circus Maximus).

 

Le stade

 

Le stade est édifice de spectacle au statut particulier à Rome, car il est issu d’une tradition grecque qui n’a jamais rencontré de véritable succès auprès des Romains (il n’y a qu’un seul stade dans la capitale de l’Empire).

 

L’origine des stades, c’est donc le monde grec. Celui d’Olympie nous en fournit un bel exemple. Comme les autres centres panhelléniques (les sanctuaires dans lesquels toutes les cités de la Grèce ancienne se retrouvaient à l’époque classique tous les quatre ans pour une fête en l’honneur d’une divinité, comme Delphes [10]), on avait trois types de bâtiments : des cirques pour les courses de chevaux, des stades pour tout ce qui était athlétique et des théâtres pour les représentations de pièces qui faisaient partie de ces cérémonies religieuses.

 

Le stade désignait aussi une unité de mesure. La longueur de la piste entre la ligne de départ et la ligne d’arrivée s’exprimait en stades, une unité de longueur utilisée à la place du mille romain ou du kilomètre pour nous (dans son Enquête autour de la Méditerranée qui délimitait le monde connu, Hérodote mesurait les distances en stades). De nos jours, les journalistes perpétuent cette idée quand ils disent « grand comme trois terrains de foot ».

 

Le stade d’Olympie est ouvert : il ne crée aucune limite dans son environnement.

 

On remarque que la seule partie en pierre est la tribune des juges : autour de cette piste, on n’a aucune trace de gradins ni en pierre ni même en bois. On imagine donc que les spectateurs prenaient place sur les pelouses des talus tout autour [11]).


 

Stade d’Olympie (photo dans le domaine public – auteur : Dwaipayanc (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:OlympicRaceTrackOlympia.JPG)

 

Quand les Romains ont conquis la Grèce, ils se sont réapproprié ces monuments et les ont bien souvent modifiés, par exemple à Olympie, ce sont les Romains qui ont créé ce passage voûté entre le stade et la partie sanctuaire. 

 

Entrée du stade d’Olympie (licence CC By-SA 3.0 – auteur : Napoleon Vier – source : https://fr.vikidia.org/wiki/Fichier:Olympie_-_entr%C3%A9e_du_stade.JPG)

 

 

Qui était Domitien ?

 

Une remarquable exposition sur l’empereur Domitien (51-96), encore ouverte jusqu’au 29 janvier 2023 à la Villa Caffarelli des Musées Capitolins [12] (https://www.museicapitolini.org/fr/node/1011288), nous brosse le véritable visage de ce prince complexe, vilipendé par l’historiographie latine et mal compris par la postérité.


         

A gauche, buste de Domitien, Musées du Capitole, Rome (Licence : CC BY-SA 4.0 – auteur : © José Luiz Bernardes Ribeiro (travail personnel) – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Domitia_Longina#/media/Fichier:Bust_of_Domitian_(loan_from_Capitoline_Museums)_-_Glyptothek_-_Munich_-_Germany_2017_(2).jpg) ; à droite, buste de Domitien du Louvre (GNU Free Documentation License – auteur : Saiko – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Domiziano_da_collezione_albani,_fine_del_I_sec._dc._02.JPG)

 

Les analyses réalisées récemment des sources matérielles (archéologiques et numismatiques) et épigraphiques nous en livrent à présent une image plus objective, dévoilant un empereur attentif à la bonne administration, dévoué aux dieux, aimé du peuple et de l’armée.

 

Il fut le troisième et dernier empereur de la dynastie des Flaviens (la Gens Flavia), fils du premier, Vespasien, et frère du deuxième, Titus. Son règne dura 15 ans et 4 jours (14 septembre 81 au 18 septembre 96). Il meurt assassiné et sans descendance [13].

 

Grand urbaniste (seul Auguste avait accompli une transformation aussi radicale de l’espace urbain), il développa une intense activité de construction, reconstruisit les bâtiments publics brûlés lors des incendies tragiques de 64 sous Néron, de 80 sous Titus ou lors du siège du Capitole par les partisans de Vitellius, au cours de la guerre civile de 69, pendant l’année dite des quatre empereurs [14]

 

L’une de ces reconstructions les plus fameuses est celle du Temple de Jupiter Capitolin qui surpassait le temple précédent par sa magnificence. C'était un hexastyle aux colonnes corinthiennes de marbre pentélique blanc, un matériau utilisé pour nul autre bâtiment romain. Ses portes étaient plaquées d'or [15] et son toit de tuiles dorées.

 

Outre le Capitole, Domitien prend en charge la reconstruction d’une grande partie des bâtiments du Champs de Mars et du Capitole. Il commissionne en outre la construction de nouveaux bâtiments parmi lesquels le palais impérial sur la Palatin (Domus augustana), le Forum transitorium (inauguré plus tard par Nerva) et le stade qui porte son nom (complété par un odéon, étroitement rattaché au stade, pour les concours d’éloquence, de poésie et de musique. De nos jours, c’est la façade du Palazzo Massimo alle Colonne qui est fondée sur la cavea de l’édifice).

 

 

Façade du Palazzo Massimo alle Colonne bâtie sur la cavea de l’Odéon de Domitien (photo dans le domaine public – auteur : Jensens (travail personnel) – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_Massimo_alle_Colonne#/media/Fichier:Palazzo_Massimo_alle_Colonne.jpg)

 

Sur le Champ de Mars, les Flaviens firent agrandir sinon entièrement restaurer le temple d’Isis. Ce culte bénéficiait en effet de la protection de cette famille, cette déesse et les autres divinités de son cercle leur ayant été favorables (en Égypte, ils avaient veillé sur l’avènement de Vespasien ; à Rome, ils avaient sauvé Domitien qui s’était déguisé en prêtre d’Isis pour échapper aux partisans de Vitellius [16]). 

 

Domitien était aussi un grand bâtisseur en dehors de Rome.

 

Dans la péninsule italienne, il a accordé une attention particulière au réseau routier et aux infrastructures portuaires. Il fait relier Rome à Pouzzoles (Puteoli[17], port commercial, mais aussi militaire par la Via domitiana chantée par Stace [18] et mentionnée par Dion Cassius. Domitien a également restauré la Via Latina. A Ostie, il agrandit notamment le port.

 

En dehors de la péninsule, et promu des travaux sur les routes de la Bétique, des provinces asiatiques et de l'Égypte.

 

Domitien donne donc une illustration parfaite de l’évergétisme [19] impérial, étudié par Paul Veyne dans son ouvrage Le Pain et le Cirque.

 

A son actif, il faut aussi citer la reconstitution des bibliothèques incendiées, ayant fait rechercher dans tout l’empire des exemplaires (des ouvrages disparus) et partir pour Alexandrie une mission chargée de copier et de corriger les textes (la grande bibliothèque d’Alexandrie, constituée par Ptolémée Philadelphe, ayant brûlé pendant la guerre contre César, les exemplaires dont il est question ici furent consultés dans la bibliothèque de Pergame qu’Antoine avait fait transporter à Alexandrie et donnée à Cléopâtre).

 

Obsédé – et à juste titre – par les complots et de plus en plus centralisateur, l’empereur Domitien semait la terreur chez les sénateurs, mais aussi chez les philosophes, les juifs et les chrétiens en favorisant la délation. Suétone raconte qu’il fit disposer sur les murs des portiques où il avait coutume de se promener des plaques de phengite (nom générique pour une série de micas, une pierre dont on avait fait la découverte en Cappadoce sous le principat de Néron). La surface brillante de ces plaques devait lui permettre de voir par réflexion tout ce qui se passait derrière lui.

 

Après être tombé sous les poignards des conspirateurs [20] (sa mort violente sera suivie d’une « damnatio memoriae » décrétée par le Sénat [21]), il est incinéré ; c’est sa nourrice Phyllis qui déposa ses cendres dans le sanctuaire familial (le temple Flavien), les mêlant à celles de Julia, peut-être son seul véritable amour [22].

 

Le stade de Domitien

 

Le stade de Domitien est donc une sorte d’unicum dans la partie occidentale de l’Empire (à part peut-être le stade d'Antonin le Pieux de Pouzzoles, mis au jour en 2008).  Pour voir d’autres stades – ou même tout simplement pour voir un stade, puisqu’à Rome, on n’en a que quelques vestiges et son empreinte dans la ville –, il faut aller dans la partie orientale de l’Empire. L’un des plus beaux et des mieux conservés est celui d’Aphrodisias en Turquie actuelle (il a à peu près les dimensions du stade de Domitien – 260 sur 110 mètres [23] – et une capacité identique de 30.000 personnes).

 

Stade d’Aphrodisias (Licence : CC BY SA 2.0 – auteur : Carole Raddato from FRANKFURT, Germany – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Aphrodisias#/media/Fichier:The_stadium,_Aphrodisias,_Turkey_(16911544529).jpg)

 

Le stade de Domitien fut construit dans les environs de 85 ap. J.-C. spécialement pour l’agon capitolinus, des jeux en l’honneur de Jupiter Capitolin que Domitien a institués et qui venaient remplacer les ludi capitolini, toujours consacrés à Jupiter Capitolin, mais destinés à célébrer la résistance des Romains contre les Gaulois sur le Capitole. C’étaient des jeux qui avaient lieu tous les quatre ans comme l’agon capitolinus.

 

Il faut nuancer la comparaison que l’on fait entre l’amphithéâtre et le stade et qui voudrait qu’au premier se déroulent les combats sanglants et au stade les combats athlétiques (normalement sans sang) en soulignant que ce sang était en fait très présent aussi dans le stade.

 

En effet, les jeux du stade tels que les pratiquaient les Romains sont assez différents des jeux du stade tels que les envisageaient les Grecs. Ce que les Romains vont voir, c’est la boxe, beaucoup plus violente que celle que l’on s’adonne aujourd’hui.

 

Les ancêtres de la boxe sont le pugilat grec et le pancrace grec [24], sports de combat au corps à corps dont des scènes sont représentées dans la civilisation sumérienne, égyptienne et grecque (le pancrace semble cependant inconnu des civilisations du Proche-Orient [25]). Quant aux sources archéologiques, elles tendent à montrer que ce sont les Minoens qui ont eu la primeur de l’utilisation des gants de boxe [26].

 

Jeunes boxeurs, Akrotiri (site archéologique de Santorin), Musée national d'Athènes (photo dans le domaine public – auteur inconnu - from Le Musée absolu, Phaidon, 10-2012 – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Boxe#/media/Fichier:Young_boxers_fresco,_Akrotiri,_Greece.jpg)

 

En Grèce, certains pugilistes bénéficiaient d’une grande renommée. Ainsi, Diagoras de Rhodes, qui avait été champion des Jeux olympiques [27] en 464 av. J.C. et avait remporté de nombreuses autres victoires (dont quatre titres aux Jeux isthmiques et deux aux Jeux néméens), était devenu tellement célèbre que le poète Pindare l’avait célébré dans sa septième Olympique. Il serait mort d’émotion, porté en triomphe par ses deux fils, également pugilistes, lors de la victoire de ces derniers aux jeux olympiques en 448 av. J.-C. Une des plus remarquables caractéristiques de la boxe pratiquée par Diagoras était de ne jamais essayer d’esquiver un coup. On s’est servi de son nom entre autres pour nommer le stade moderne et l’aéroport de Rhodes.

 

Thomas Degeorge, Diagoras porté en triomphe par ses fils à Olympie au musée d'art Roger-Quilliot de Clermont-Ferrand (Licence CC BY-SA 3.0 — auteur : VladoubidoOo (travail personnel)

 

Il faut cependant être conscient que la course (éventuellement une variante était pratiquée en armes et avec des flambeaux [28]), le lancer (du disque et du javelot), ainsi que le saut en longueur n’intéressaient que très peu les Romains : si ceux-ci se rendaient au stade, c’était pour voir de la boxe et il n’y avait quasiment que cette activité qui les intéressait.

 

Des auteurs comme Térence ou Horace avaient déjà mis en exergue la passion romaine de la plèbe pour les pugilats. Suétone évoque celle de certains empereurs (Auguste et Caligula [29]). On a même un texte qui raconte qu’un jour où le théâtre était comble, quelqu’un y est entré avant le début de la représentation et s’est écrié : « il y a un combat de boxe qui va commencer à côté » et le théâtre s’est vidé en un clin d’œil de ses spectateurs (Térence, Hécyra, Prologue, 29-36) : « Je vous montre à nouveau Hécyre puisque je n'ai jamais pu la représenter dans le calme. Un malheur l'a empêché. A cette infortune, votre bon sens mettra un terme si vous me soutenez dans mon entreprise. La première fois que j'ai présenté ma pièce, j'ai dû quitter la scène avant la fin à cause de vedettes de la boxe, de leur troupe de supporters, du bruit, des cris des femmes et, en outre, parce qu'on attendait un funambule. Instruit par mon expérience passée, je fais une deuxième tentative pour essayer de rester en scène. Je la représente donc une deuxième fois. Le premier acte se passe bien mais très vite, le bruit court qu'il va y avoir des gladiateurs ; le public s'envole, il y a de l'agitation, on crie, on se bat dans les gradins. Je n'ai, évidemment, pas pu rester en scène. Aujourd'hui, il n'y a pas de voyous, c'est le calme, le silence. L'occasion m'est donnée de montrer ma pièce et vous, vous avez la possibilité de faire honneur à un divertissement de théâtre. Grâce à vous, l'art de la scène ne sera pas le privilège d'une minorité. Le sérieux de votre attitude sera la défense et l'illustration du sérieux de mon travail [30]. ».

Trois types de combats étaient donnés dans le stade de Domitien : en ordre de violence, la lutte héritée de la tradition grecque (le combat s’arrêtait après qu’un des deux athlètes ait été projeté trois fois au sol), mais les Romains avaient durci la discipline (l’immobilisation au sol étant recherchée).

Comme on le constate sur cette très belle fresque murale de Saint-Romain-en-Gal [31], la lutte était pratiquée à mains nues.

 

Fresque murale de Saint-Romain-en-Gal (avec l’aimable autorisation de M. Fleury)

 

Mais là non plus, la lutte n’avait pas, aux yeux des Romains, le même prestige que la boxe, même si Néron, amoureux de la culture grecque, nourrissait toutefois une véritable passion pour ce sport : en plus d’entretenir une troupe de lutteurs, il faisait venir le sable le plus fin d’Égypte pour l’organisation de combats (selon Suétone, Néron, XLV, 1).

 

Comme la lutte, le pancrace se pratiquait à mains nues, mais une autre forme de boxe, le pugilat s’effectuait avec des gants particuliers.

 

Le pugiliste des Thermes (ou du Quirinal, lieu de sa découverte [32]) du Palazzo Massimo nous renseigne à ce sujet. Il se repose entre deux « rounds », dirait-on aujourd’hui, dans un coin du « ring », et attend la reprise du combat. 

 

 

A gauche, statue du pugiliste au repos du Palazzo Massimo (cliché : Philippe Fleury, avec son aimable autorisation) ; à droite, photo du lieu de découverte de la statue en 1885 (domaine public – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pugiliste_des_Thermes_-_Lieu_de_d%C3%A9couverte_(1885).png – auteur : inconnu)

 

Le personnage est nu à l'exception de ses gants de boxe, qui sont de type grec ancien avec des bandes de cuir attachées à un anneau autour des jointures et munies d'un rembourrage en laine et de l'infibulation de son pénis en attachant le prépuce, qui était à la fois un élément de protection et un élément de bienséance.

 

Il porte les gants caractéristiques du pugilat, les himantes ou cestes [33], très longs et allant depuis l'avant-bras jusqu'aux doigts qui n'étaient jamais couverts jusqu'au bout, l'extrémité en restant toujours libre.

 

Au plus haut, près du coude, une bordure de laine frisée (peau de mouton) pour essuyer la sueur et le sang qui coule (mais aussi pour assurer l'adhérence du ceste et en doubler en même temps l'épaisseur), ensuite des courroies serrées très fortement fixaient le ceste au poignet et à l'avant-bras (autour du poignet, on a les lanières fines) et enfin un large anneau cylindrique [34] rigide (strophion), formé de deux à cinq épaisseurs de sangles de cuir dur, dont les tranches étaient solidement reliées par des lanières transversales. Cet anneau venait coiffer les quatre doigts à leur naissance, de telle manière qu'ils pussent se fermer par-dessus le gantelet et que le pouce restât toujours libre [35], un système compliqué de liens assurant l'adhérence des deux pièces entre elles et la bonne mise en place du ceste. Le ceste et s'ouvrait sur la paume où la piqûre du cuir sur les bords est parfois très visible [36]. Comme le montre la vidéo d’archéologie expérimentale https://youtu.be/wBzY-FPjbtY, le but du large anneau (strophion) était de simplement maintenir les doigts de la main pour éviter que les os ne se cassent (la « fracture du boxeur [37] » au 4e et 5e métacarpiens [38]).

 

En 2017, deux de ces gants de boxe « exceptionnellement rares » ont été découverts sur le site de Vindolanda dans le nord de l'Angleterre, tout près du mur d'Hadrien, preuve que les Romains pratiquaient également la boxe en tant qu’activité martiale afin de s’entraîner au combat et de garder la forme (https://youtu.be/e4zm_K1Q4CM).

 

   


A gauche, photos de M. Philippe Fleury des cestes du pugiliste des Thermes (avec son aimable autorisation) ; à droite illustration de cestes issue de l’article pugilatus du Dictionnaire Daremberg et Saglio (libre de droits)

 

Le pugiliste des Thermes est en sang. Il présente des cicatrices un peu partout sur le visage : sur le front, aux arcades sourcilières, sur les pommettes et sur le nez. De la blessure sur le front, le sang s’écoule (rendu par une incrustation de cuivre rouge [39] sur une statue en bronze) [40]. Il y avait des yeux en verre qui ont disparu. La paire illustrée ci-dessous du Metropolitan Museum of Art, New York, conçue pour une statue surdimensionnée, donne une idée du puissant effet que la sculpture antique pouvait produire.

 Paire d’yeux grec, période classique, 5e siècle avant J.-C. ou plus tard. Bronze, marbre, fritte, quartz et obsidienne. The Metropolitan Museum of Art, New York (1991.11.3a, b) (domaine public – source : Pair of eyes | Greek | Classical | The Metropolitan Museum of Art (metmuseum.org)

 

D'un point de vue stylistique, la statue du pugiliste des Thermes,  un original grec antique [41]  en bronze est d’un grand raffinement : avec sa musculature bien dessinée et son rendu réaliste des blessures, elle est l'archétype du style hellénistique dans sa recherche de réalisme et l'expression des sentiments qu'on peut lire tant sur le visage que dans l’attitude exténuée de l'homme (le fait pour l’artiste, de lui avoir d’avoir imprimé ce mouvement de la tête vers une personne debout à ses côtés apporte une grande dynamique et confère une vie intense à l’œuvre [42]). Les précisions anatomiques, ainsi que le rendu des textures (la peau de chèvre qui borde les gants, la rigidité du strophion) sont absolument sidérants.

 

Le sang coule partout (en tournant violemment la tête, le pugiliste a dû faire voleter quelques gouttes de sang) : sur son bras droit, sur sa cuisse.

 


 D’autres œuvres d’art, en particulier les mosaïques, attestent également du caractère sanglant de ces Jeux du stade. Les exemples sont légion : la mosaïque de Thuburbo Majus (musée du Bardo) montre par exemple un des pugilistes dont du sang coule de sa tempe blessée ou le Combat de Dares et Entullus [43] de Villaure au Getty museum, ou encore la mosaïque de Baten Sammour avec deux pugilistes à Gafsa en Tunisie. 

 

A gauche, un des deux protagonistes d’une mosaïque de Thuburbo Majus (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Bardo_pugilistes_Thuburbo_Majus.JPG) ; à droite, le combat entre Dares et Entullus (mosaïque de Villelaure, France au Getty museum – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Mosaic_boxers_Getty_Villa_71.AH.106.jpg - Photo by Marshall Astor)

 

Donc, ces combats du stade étaient également des combats sanglants comme ceux des gladiateurs. On a du reste un texte de Suétone qui nous raconte que Caligula (Livre XVIII, 1) avait un jour mélangé des combats de pugilistes africains et campaniens à des combats de gladiateurs qu’il avait donnés dans les Saepta et dans l’amphithéâtre de Taurus.

 

Les Romains ont-ils été encore plus loin comme on peut le pressentir en observant la mosaïque de Porta Marina à Ostie ? Sont-ils allés jusqu’à insérer des pointes métalliques acérées dans les gants des pugilistes ? 

 


Mosaïque de Porta Marina à Ostie (capture d’écran de la Nocturne consacrée au stade de Domitien – source : https://hal.science/medihal-02156561v2/document, avec l’aimable autorisation de M. Philippe Fleury)

 

Un auteur reste circonspect sur ce point : Giuseppe Vincenzo Di Stazio estime que « les renforts métalliques qui visent à faire du ceste une arme mortelle ne semble pas être une réalité des jeux athlétiques. Il est inconcevable de permettre à des athlètes professionnels, parfois issus de classes sociales élevées, de s’entretuer. L’idée du romain sanguinaire a malheureusement été véhiculée par les modernes notamment par le cinéma américain [44]. De plus, le demi-cylindre si fréquent dans l’art romain n’apparaît dans aucunes sources littéraires. Le ceste métallique doit probablement être utilisé dans les combats de gladiateurs [45]. ».

 

   

Main de bronze (« bronze hand ») d’un boxeur au Metropolitan Museum (photo dans le domaine public - source : https://www.metmuseum.org/art/collection/search/257574)

 

Sur les gants avec inserts métalliques, on ne peut mieux faire que de renvoyer au chapitre 4 d'À poings fermés, consacré aux types successifs de gants de boxe. Toute la documentation y est rassemblée et l’auteur y propose une série de pistes interprétatives. 

 

Enfin, signalons qu’en 2001, une exposition, « Sangue e Arena » (« sang et sable ») avait été organisée au Colisée et avait établi un lien entre ces violences et celle des corridas, des matchs de boxe et des accidents de voitures de course, sans oublier les combats de chiens, coqs ou taureaux d’aujourd’hui. Bien sûr, nous ne devons pas juger les faits du passé à l'aune de nos concepts d’aujourd’hui, ce serait un péché d’historien (« Autres temps, autres mœurs »), mais il est clair que tous les jeux violents (même ceux des consoles vidéo) suscitent deux sentiments antithétiques : de la fascination et de la répulsion.

 

D’un point de vue architectural, le stade de Domitien est très proche du grand cirque. La seule différence notable est qu’il est beaucoup plus petit. Entendons-nous bien sur ce caractère « petit » : 30.000 spectateurs pouvaient s’y installer simultanément, c’est-à-dire 10.000 personnes de plus que dans le plus grand théâtre de Rome, celui de Pompée [46].

 

C’est un ensemble très simple, il est rectangulaire avec une courbure sur le côté nord. Il n’y avait donc pas de spina (d’arête centrale) contrairement au cirque et l’obélisque qui orne la fontaine du Bernin, s’il est antique, vient du temple d’Isis, à quelques centaines de mètres du stade et ne se trouvait donc forcément pas, dans l’Antiquité romaine, à l’emplacement qu’il occupe actuellement.

 

Les gradins de la cavea « tutta rivestita in marmo [47] » (en marbre massif [48]) ont en fait subsisté très longtemps et les habitations ont été maintenues hors de ce périmètre, car le stade de Domitien a encore servi pour certains orateurs et pour le marché. La place n’a été réaménagée qu’au XVIIème siècle sur ordre du pape Innocent X. Les gradins subsistants ont été démontés et l'église Sainte-Agnès construite, les maisons alignées, et la place aménagée avec la création de bassins.

 

Sous une construction moderne, du côté courbe, on peut voir des vestiges de la cavea. Les gradins de la partie rectiligne, eux, sont conservés dans les souterrains de l’église Sainte-Agnès. L’hagiographie chrétienne localise à proximité du stade le lupanar où a dû avoir lieu le martyre de la sainte.

 

La partie qui subsiste des arcades extérieures du stade [49] sont massives et en travertin. Derrière ces arcades, on aperçoit la structure porteuse des gradins constituée de murs de briques dans lesquels on a coulé du béton. 

 

Arcades extérieures du stade et à l’arrière la structure porteuse des gradins
(avec l’aimable autorisation de M. Fleury)


Une fois que tout est sec, on décorait le mur de briques selon le type de bâtiment ou la localisation de ce mur au sein d’un même édifice : soit avec des plaques de marbre, soit avec du stuc, une poudre de marbre que l’on mélangeait avec de la chaux et de l’eau pour fabriquer une sorte de plâtre. Et c’est justement du stuc qui a été utilisé pour décorer les espaces de circulation (les ambulacres) du stade de Domitien soit lisse sur les murs courants, soit avec des rainures pour créer un effet esthétique (imitant une surface rudenturée) sur les éléments porteurs (piliers) comme nous le montre la photo du sous-sol de l’Ecole française de Rome.

 

A gauche, enduit en stuc conservé dans les caves de l’Ecole française de Rome ; à droite, la reconstitution du modèle virtuel de l’université de Caen (avec l’aimable autorisation de M. Fleury)

 

Comme la plupart des édifices de spectacles de Rome, le stade de Domitien présente une structure creuse, ce qui permet aux spectateurs de circuler sous les gradins avant de prendre les escaliers qui leur permettront de rejoindre leur place.

 

L’édifice est constitué de trois ambulacres et d’une série de pièces, parallèles entre elles sur les longs côtés et rayonnantes dans l’hémicycle. 

 


Plan de l’hémicycle du stade (d’après Colini, 1943) issu de https://journals.openedition.org/mefrm/1862

 

Il est possible de descendre sous la place Navone pour visiter l'ancien stade romain : depuis 2014, la visite des sous-sols de la piazza Navona est en effet ouverte au public. La visite permet de voir les anciens vestiaires, les arcades extérieures et les escaliers menant aux gradins ainsi que les statues et mosaïques,  romaines. 

 

Le modèle virtuel de Caen

 

« En 1956, l’Université de Caen reçut comme cadeau pour célébrer sa reconstruction un objet à l’histoire et au trajet particuliers, qui est à l’origine de la naissance et de l’ancrage de la réalité virtuelle sur ce site normand : le « Plan de Rome » de Paul Bigot. Paul Bigot (1870-1942), architecte d’origine normande, avait obtenu en 1900 le Prix de Rome en architecture et passé plusieurs années à la Villa Médicis à s’intéresser à la Rome antique, années pendant lesquelles il avait décidé de fournir comme « envoi de Rome » la réalisation d’un plan relief de la ville au ivsiècle après J.-C., en commençant par le Circus Maximus [50].

 

Cette maquette de plâtre, qui dans sa version finale – 70 m2 – de 1942 représente à l’échelle 1/400 les 4/5e de la Rome antique, dut en 1994 être restaurée et fut installée dans un nouveau bâtiment construit autour de cette maquette, la Maison de la Recherche en Sciences Humaines et Sociales. C’est à ce moment que Philippe Fleury, Professeur d’études latines, décida d’utiliser les fonctionnalités de la réalité virtuelle (RV) pour pérenniser la maquette tout en prenant en compte les dernières données des recherches sur la Rome antique afin de « corriger » la restitution de Paul Bigot et d’en permettre une évolutivité au gré des nouvelles découvertes scientifiques.

 

Ainsi il devenait possible de reconstituer, sans avoir à passer par des maquettes de plâtre (coûteuses en temps, argent, etc.), l’état des connaissances scientifiques à un moment donné, mais en même temps d’offrir par les potentialités de la réalité virtuelle une adaptation constante de données nouvelles à des réalisations déjà existantes, ce qui correspond tout à fait à l’esprit d’une science en mouvement, en évolution perpétuelle, et également ouverte [51] ».

 

Pour ce qui concerne la reconstitution virtuelle du stade de Domitien proprement dite, suivons le guide :

 

La façade possédait deux niveaux d’arcades supportés par des piliers en travertin, des demi-colonnes ioniques au premier et corinthiennes au second. Ces arcades étaient décorées avec des statues et des groupes de marbre. Parmi ceux-ci, le Pasquino [52], une célèbre « statue parlante » de Rome (sorte de porte-parole de l’insatisfaction populaire), représentant Ménélas soutenant le corps de Patrocle, désormais sur la place homonyme à proximité. Parmi les nombreux fragments sculptés qui ont été découverts durant les fouilles, il faut citer en particulier un torse en marbre pentélique, qui est une copie de l’Apollon lycien, une sculpture réalisée par Praxitèle au IVe s. av. J.-C.  

 

Façade du stade de Domitien (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie)

 

On constate immédiatement que le bâtiment comporte deux niveaux, avec une répétition de la travée (unité reproductive), le fornix, à l’instar du Colisée, un édifice qui repose tout entier sur une succession d’arches (celles-ci mises bout à bout, forment une sorte de nid d’abeilles). En distribuant la charge des deux côtés de la structure, la clé de voûte permet à l’arche de supporter davantage de poids [53].

 

Des consoles et des potelets surmontent l’ensemble : il s’agit de mâts qui permettaient la mise en place du velum, comme c’était le cas au Colisée et comme le montre la comparaison entre les monnaies représentant le stade de Domitien et celles le Colisée. A priori, le stade de Domitien est le seul parmi tous ceux du monde romain à avoir possédé un tel équipement [54]. Sur l’image, les bornes pour les cabestans n’ont pas encore été placées, car l’environnement du stade doit encore être parachevé dans le modèle virtuel. 

La monnaie représentée ci-dessous s’avère riche d’informations. Outre la présence du velum qu’elle confirme, elle permet de donner un aperçu des différents types de compétitions qui se déroulaient dans le stade de Domitien : sous les lettres PP (« Père de la Patrie), on a, à gauche, la course et la lutte, à droite le pugilat, au centre la proclamation et le couronnement du vainqueur [55].

 


Monnaie représentant le stade de Domitien (Septime Sévère) (source : https://journals.openedition.org/mefrm/1862)

 

L’édifice comprenait trois accès attestés, une entrée monumentale avec un portail d’honneur au milieu de chacun des grands côtés rectilignes latéraux (l’une des deux à hauteur de l’actuelle église Sainte-Agnès) et une entrée mineure au centre du petit côté incurvé. Dans la restitution virtuelle de Caen, le portail a été orné d’un quadrige.

 

Façade du stade de Domitien (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie) 

 


Ancienne entrée mineure du stade sur la partie incurvée, sous les bâtiments actuels (12, Piazza di Tor Sanguigna, photo Google Earth)

 

A partir de la façade, on traverse d’abord l’ambulacre périphérique pour aboutir à une série d’escaliers qui mènent à la galerie du premier étage, d’où l’on accède aux places de la summa cavea. Un carrelage en dalles de travertin a été restitué (on en a trouvé des exemplaires dans les caves de l’Ecole française de Rome [56])

 

 

Ambulacre interne du stade de Domitien (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie)

 

Depuis ces ambulacres, une porte permettait de donner accès à la piste en terre battue. Des marquages à la craie ont été restitués au sol pour séparer les différentes activités données dans ce stade (tracé évolutif donc).

 

Dans le modèle virtuel, les différentes activités ont été reconstituées dans le modèle virtuel en se basant sur des sources grecques (textuelles et iconographiques).

 

 

La piste avec la ligne de départ (« starting blok » pour caler les orteils [57]) et l’Hysplex pour éviter les faux départs des courses à pied - (Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie)

 


Seul un des deux petits côtés est incurvé, celui du nord. Les deux niveaux de circulation avec ses rangées de banquettes ou ménianes (maeniana [58]) sont parfaitement visibles dans ces gradins : une partie basse réservée pour les personnes ayant un haut statut (les plus riches), l’ensemble de la population s’installant au-dessus et les places les plus hautes étant réservées aux esclaves.

 

La cavea du stade avec l’entrée mineure du stade sur la partie incurvée
(Documentation : Ph. Fleury et S. Madeleine – Infographie : C. Morineau et N. Lefèvre, 2016 – avec l’aimable autorisation de M. Fleury – URL : voir sitographie)

  

La restitution d’une loge impériale à l’emplacement de l’église Sainte-Agnès (maquette de 1937) reste jusqu’à présent une hypothèse valide.

 

La persistance urbaine

 

A Rome, l’emplacement du stade de Domitien est parfaitement marqué par la place Navone qui s’est vraiment construite [59]

 

C’est un phénomène qui correspond à ce que les textes eux-mêmes nous racontent. Dès la fin de l’Antiquité, beaucoup de monuments publics ont été abandonnés et réinvestis par les particuliers qui ont construit des maisons, des places fortes ou des forteresses selon le cas.

 

C’est surtout particulièrement le cas pour les édifices de spectacles puisque les chrétiens, à partir de Théodose [60], avaient proscrit un certain nombre de divertissements païens. Curieusement, les combats de gladiateurs se prolongèrent plus longtemps que les Jeux du stade. Si l’on prend le cas de Rome, ces combats ne furent définitivement abolis qu’entre 434 et 438. Les courses de char continuèrent dans le Circus maximus jusqu’en 549, sous le règne du roi ostrogoth Totila ; l’hippodrome de Constantinople a continué à fonctionner jusqu’au XIIe siècle, avant d’être partiellement incendié par les Croisés en 1204 [61].

 

Lors des persécutions sporadiques des chrétiens, certains d’entre eux avaient terminé leurs jours dans ces lieux de spectacle : le Cirque de Néron pour saint Pierre, crucifié la tête en bas et l’amphithéâtre des Trois Gaules pour sainte Blandine, face aux fauves pour ne prendre que ces deux exemples. Saint Télémaque (ou Almachius) fut tué, sur ordre d'Alipius, préfet de Rome, par les gladiateurs qu’il essayait de séparer dans une arène de la ville éternelle [62]. Mais dès le début du IIe siècle, les chrétiens protestèrent contre la tenue des Ludi [63]. Tertullien consacre un ouvrage complet à la question : le De spectaculis.

 

Ainsi s’exprime Procope de Césarée dans sa Guerre contre les Goths (2.1.1.) qui se situe sous Justinien, à une époque où l’Italie dans son ensemble avait été prise par les Goths : « Constantin [un des officiers de Bélisaire] ayant mené les Huns sur le soir dans le champ de Néron, et se trouvant accablé par la multitude des ennemis, il s’avisa d’une invention qui mérite d’être décrite. Il y a un cirque où les gladiateurs combattaient autrefois, et où l’on a depuis bâti des maisons. Les rues qui y aboutissent sont fort étroites ».

 

Contrairement aux arènes d’Arles et de Nîmes, à Rome aucun édifice de spectacle (hormis le Colisée et le Grand Cirque) n’a été dégagé. Les théâtres sont encore enfouis sous les maisons, comme le théâtre de Marcellus qui a d’abord servi de carrière (en particulier pour servir à la construction du Pont Cestius [64], puis la destruction s’est arrêtée parce qu’il a été transformé en place forte et puis en palais [65], celui des Orsini [66]). 

 

 

Ancien plan montrant le palais Orsini qui couronne le théâtre de Marcellus et la cavea sous ses jardins (par Paolo Fidenzoni, issue du Mémoire de Master de Camille Bidaud, figure 33, page 63)

    

 

Théâtre de Marcellus. La flèche noire indique l’endroit où l’on vendait initialement du fromage et du charbon (photo de Google Earth issue du site www.innamoratidiroma.it de Marco Gradozzi – lien direct : https://www.innamoratidiroma.it/2021/01/24/la-bottega-del-teatro-di-marcello/) ; à droite une photo de la boutique en question (photo des archives photographiques de la municipalité de Rome). Un marchand de fromages, posant fièrement devant sa boutique. 
 

Théâtre de Marcellus. La flèche rouge indique l'arche où avait lieu la vente de fromage et de charbon (c'est la deuxième en partant de la gauche en regardant le Théâtre). La flèche bleue indique le niveau de la rue au XIXe siècle (photo de Marco Gradozzi, issue du site www.innamoratidiroma.it - lien direct : https://www.innamoratidiroma.it/2021/01/24/la-bottega-del-teatro-di-marcello/).

 

Au Moyen Age et jusqu’au XVIIIe siècle, l’amphithéâtre de Nîmes en France avait connu la même situation : il avait été réinvesti par des privés qui avaient installé des boutiques au rez de chaussée sous les arcades. 

 

L’Amphithéâtre de Nîmes au XVIIIe siècle (capture d’écran d’écran de la Nocturne consacrée au stade de Domitien – source : https://hal.science/medihal-02156561v2/document, avec l’aimable autorisation de M. Philippe Fleury)

 

Le théâtre de Pompée à Rome n’existe plus que par sa forme. On distingue encore nettement le tracé de son portique (côté Largo di Torre Argentino), de sa cavea puisque les maisons se sont reconstruites sur les gradins, les façades des immeubles Via del Biscione et Via di Grotta Pinta suivant dès lors la courbure de cette cavea [67] et de son temple.

 

 

(source : http://www.largoargentina.com/Inizio/Teatro%20Pompeo/Teatro%20di%20Pompeo%207.jpg)



 

 

Tracé du théâtre de Pompée

 

 



 

 

Des vestiges impressionnants peuvent être toutefois vus en descendant à l’étage inférieur du restaurant Grotte del Teatro di Pompeo (comme c’est le cas également pour les restaurants « Da Pancrazio », « Grotte [68] del Teatro di Pompeo », « Da Costanza », dans l'hôtel « Teatro di Pompeo » et même dans le garage de l'hôtel « Sole »). 

 


La forme en hémicycle du bâtiment Via di Grotta Pinta suit parfaitement la courbe interne de la cavea du Teatro di Pompeo, dont les anciennes substructures ont été exploitées (photo Google Earth) 

 

 

Cave du restaurant Grotte del Teatro di Pompeo (photo d’archive, le restaurant étant aujourd’hui définitivement fermé)

 

Dans la rue, certains détails comme un masque de théâtre du théâtre de Pompée en remploi sur un mur d'angle de la piazza Pollarola, ou l’arrière du théâtre de Pompée sur le Campo dei Fiori (le pignon correspond au Temple de Vénus Victrix).

 

Piazza Pollarola (photo Google Earth) 

    

 

Masque de théâtre du théâtre de Pompée en remploi sur un mur d'angle de la piazza Pollarola (Licence : CC BY-SA 4.0 – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:P_za_Pollarola_-_maschera_dal_teatro_di_Pompeo_P1080889.jpg – auteur : Lalupa (travail personnel)

 

          


  



L’arrière du théâtre de Pompée sur le Campo dei Fiori (le pignon correspond au Temple de Vénus Victrix). Source : Google Earth)

 


Positionnement originel du théâtre vu de la piazza Campo dei Fiori (source : https://www.romanoimpero.com/2010/06/teatro-di-pompeo.html [69])

 

On retrouve ce phénomène de persistance urbaine (ou rémanence architecturale) ailleurs en Italie, comme dans la ville de Lucques qui fut une grande ville à l’époque romaine où s’est conclu le premier triumvirat [70]. Ce qui est très étonnant, c’est que la place a gardé la forme de l’amphithéâtre (empreinte dans la ville). Les voies d’accès à l’amphithéâtre sont devenues des rues.

 




Vue aérienne de la Piazza del anfiteatro à Lucques (Licence CC BY-SA 4.0– auteur Kasa Fue (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lucca_Piazza_dell%E2%80%99Anfiteatro_2021.jpg)


On connaît la même situation à Florence où l’on peut distinguer le tracé de l’amphithéâtre romain en suivant la courbure de la Via Torta, de la Via dei Bentaccordi et de la Piazza dei Peruzzi, qui décrivent la moitié d’un ovale près de l’église Santa Croce. A Florence, les bâtiments construits sur les gradins et sur la piste de l’amphithéâtre n’ont cependant pas été dégagés.

 


Tracé de l’amphithéâtre romain de Florence à gauche sur la photo, face à la Piazza Santa Croce (photo Google Earth)


Le destin des stades, amphithéâtres ou théâtres antiques a en effet été variable en fonction de certains critères (éloignement ou intégration dans la ville) ou de situations locales (destructions ou constructions comme le pont Cestius à Rome par exemple). Bastien Lefebvre l’explique très bien dans son article « Modèles de réutilisation des amphithéâtres antiques dans la formation des tissus urbains » : « Suite aux transformations que connaît la société romaine et aux profondes modifications de l’espace urbain durant le Bas-Empire, la plupart des amphithéâtres perdent rapidement leur fonction de divertissement et cessent d’accueillir des jeux, le plus souvent autour du IVe siècle. Le devenir, ou la trajectoire historique de ces grands édifices elliptiques va alors fortement varier d’une situation à l’autre. Certains, laissés à bonne distance de la cité réduite du Bas-Empire, vont être abandonnés puis vont servir de carrière de matériaux et vont finalement être détruits : ils n’auront aucune incidence sur la formation de la ville médiévale et moderne. D’autres, situés dans la cité ou à proximité immédiate, vont connaître des formes de réutilisation variées et vont être intégrés au tissu urbain selon des modalités très différentes. Aujourd’hui, ils se traduisent par des rémanences plus ou moins marquées (…) ».

 

Conclusion

 

Au terme de cet article, que peut-on conclure de cet attrait pour la boxe des Romains, qu’apporte-t-elle à la connaissance du monde antique, que penser de cette empreinte du stade laissée en plein cœur de Rome et sa transformation du stade en « théâtre » baroque ?

 

Dans son livre A poings fermés, Jean-Manuel Roubineau nous apprend que la boxe est un sujet qui nous renseigne sur de nombreux aspects de la vie antique : pour n’en citer que deux, elle nous informe sur les idéaux corporels athlétiques, mais aussi sur les arcanes du « régime » alimentaire suivi par les lutteurs, pancratiastes et pugilistes (diététique carnée, car la viande est le carburant de l’effort et le moyen de construire un corps massif et donc plus fort) qui se situe en marge des usages alimentaires normaux moyens (très végétarienne) de l’ensemble de la population qu’elle soit grecque ou romaine.

 

Mais surtout, il nous invite, au chapitre 4 d'À poings fermés, à passer en revue les types successifs de gants de boxe. Toute la documentation y est rassemblée et l’auteur propose une série de pistes interprétatives, en particulier sur les gants avec inserts métalliques. 

 

Sous l'influence d'Hollywood [71] et de nos fantasmes des XXe et XXIe siècles, nous transformons les Romains en brutes sanguinaires [72] - après en avoir fait des « orgiaques » au XIXe siècle -. Le monde antique était certes violent - mais pas moins que le nôtre.

 

Dès lors, il s’indique d’adopter un point de vue prudent comme celui de Giuseppe Vincenzo Di Stazio, en disant que ces inserts métalliques ont peut-être été utilisés chez les gladiateurs, mais pas chez des pugilistes, quoique chez les deux catégories, ce sont des professionnels qui coûtent cher à leur laniste. Or, on n’envoie pas sa Ferrari à la casse !

 

Quant à la morphogenèse urbaine, Rome est une ville à part, une ville qui sut être éternelle sans être immuable, pour reprendre partiellement le titre de l’ouvrage de Michel Tarpin.

 

Rome apparaît en effet comme un immense palimpseste, fait de falaises de ruines antiques et de palais somptueux, bâtie et rebâtie, comme le phœnix [73] renaît de ses cendres, en fonction de ses moments fastes, ou de ses périodes de décadence

 

Comme l’explique Gilles Ritchot, la morphogenèse de Rome fut double. La première connut son apothéose avec l'Empire romain avant que la ville ne se mue en « champ de ruines » et évolue comme un « réservoir de valeurs » que la Renaissance, l’époque baroque, ainsi que la chrétienté transformèrent et surent ramener sur la voie impériale d’une seconde morphogenèse.

 

La piazza Navona en est un parfait exemple : elle donne l'image d'un urbanisme modelé par l’empreinte laissée par un stade antique qui, au fil d’une stratification séculaire, a donné naissance à une place, baroque par les courbes de ses façades et l'extravagance de ses fontaines, mais à la linéarité étonnante de par sa forme conditionnée, la plus belle du monde.


                                                         Sophie Madeleine, Philippe Fleury et Philippe Durbecq


Bibliographie

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  • Jean-François BERNARD et Paola CIANCIO ROSSETTO, « Le stade de Domitien : situation topographique, étude architecturale et réflexions concernant la localisation de l’église Sainte-Agnès », Mélanges de l’Ecole française de Rome, n° 126-1, 2014 (URL : https://journals.openedition.org/mefrm/1862?lang=en).
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  •  Christophe BURGEON, Domitien : un empereur controversé, Academia, L’Harmattan, 2017.
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  • Catalogue de l’exposition « Domiziano imperatore. Odio e amore », sous la direction de Claudio Parisi Presicce, Massimilano Munzi, Maria Paola Del Moro, Rome, Février 2023.
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  • E. SOLER et F. THELAMON (dir.), Les Jeux et les spectacles dans l'Empire romain tardif et les royaumes barbares, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2008.
  • SUETONE, Vie des Douze Césars, Le Livre de Poche classique.

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  • Jean-Paul THUILLIER, « Le pugilat en Étrurie », Annuaires de l'École pratique des hautes études, 1973  pp. 841-843
  •  Jean-Paul THUILLIER, Le sport dans la Rome antique, Paris, Errance, 1996.
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  • Mohamed YACOUB, Les merveilles du musée du Bardo, Editeur : Contraste Editions, Sousse Tunisie, 2005.

 Sitographie :


[1] Comme un célèbre magasin de jouets qui apparaît dans le film « Le clan des Siciliens ». Pour l’anecdote, signalons qu’on y voit Jean Gabin rencontrer l'acteur italien Amedeo Nazzari, alors qu'il guide un avion télécommandé. Le message tacite entre les deux hommes est que la seule façon de dérober la collection de bijoux de la villa Borghèse est de s'emparer de l'avion qui assurera le transfert de celle-ci vers New York. Comme quoi, tous les chemins mènent à Rome !

[3] Une tradition encore très vivace aujourd'hui associe cette fontaine à la rivalité entre Le Bernin et Francesco Borromini. On prétend que la statue du Río de la Plata a le bras tendu par crainte d’un effondrement de l'église Sainte-Agnès en Agone, mais aussi que la statue du Nil se couvre le visage pour ne pas avoir à la regarder. En réalité, le voile symbolise tout simplement le fait qu'à l’époque les sources du Nil étaient encore totalement inconnues (elles resteront une énigme jusqu’au XIXe siècle : le fleuve traverse toute l'Égypte sans recevoir aucun affluent, vient de pays où il ne pleut en principe pas, et est pourtant sujet à des crues régulières). Ce n'est en fait qu'une légende, puisque la fontaine a été construite quelques années avant le début de la construction de l'église. De même, la fontaine du Bernin ne comporte que quatre statues représentant un fleuve du monde et un continent : le Danube pour l'Europe, assis près d’un cheval - comme c'est le grand fleuve le plus proche de Rome, la tête du Danube touche les armoiries personnelles du pape Innocent X –, le Nil pour l'Afrique, associé au lion et au palmier, le Gange pour l'Asie avec une rame à la main – comme métaphore de la navigabilité du fleuve – et le dragon, ainsi que le Río de la Plata, assis sur une pile de pièces de monnaie, représentant les richesses de l'Amérique – Rio de la Plata signifie « fleuve d’argent » –  et un tatou près de lui), car seuls quatre continents étaient alors connus. La colombe sur l’obélisque représente l’Esprit saint et l’engagement de l’Eglise catholique d’évangéliser dans le monde entier. Pour l’inauguration de la place le 23 juin 1652, on avait fermé la sortie des fontaines vers les égouts (couvert les drains), laissant l’eau déborder pour couvrir la partie centrale de la place dont le fond était alors concave. Ce précédent devint une coutume estivale pendant près de deux siècles : du XVIIe siècle jusqu’au milieu du XIXe siècle, la place était ainsi partiellement inondée tous les samedis et les dimanches pendant le mois d’août, afin que tous les Romains puissent venir s’y rafraîchir et se distraire. Sur les peintures d’époque, on constate que toutes les couches sociales étaient concernées : le piccolo popolo encadrait la place et les riches familles faisaient des parades avec des calèches en forme de bateau ou de gondole (en bois ou en papier maché) en « sillonnant les eaux » (« solcare le acque »), tandis que les cochers en profitaient pour rafraîchir leurs chevaux ou laver le carrosse. Lors de la visite de la reine de Pologne en 1703, le prince Pamphili entra dans l’eau à bord d’une majestueuse calèche en forme de gondole dorée. Aujourd’hui, la place pavée de « sampietrini » ne permettrait plus la poursuite de cette tradition et de ce plaisir aquatique d’été, car elle a désormais une forme convexe, donnée par le trottoir central construit après 1870. 

[4] Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies 1866-1872, Alphonse Lemerre, 1872, Poésies 1866-1872 (p. 109-110). URL : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Place_Navone.

[5] Elle a été conçue à l'origine pour être la chapelle de la famille Pamphili dont le palais jouxte l’église, afin qu'elle puisse assister à des services spéciaux sans avoir à quitter sa maison. Ceci dit, La basilique se trouve à l'endroit où la chrétienne Agnès a été martyrisée, sous le règne de l'empereur Dioclétien. 

[6] D’où notre mot « forniquer » en français.

[7] L’intérieur du stade, qui s’est progressivement abaissé à cause d’effondrements et d’inondations du Tibre, n’a pas connu de constructions permanentes.

[8] Si l’on prend l’exemple de Rome, le cirque est très ancien (on dit qu’il a été construit par Tarquin l’Ancien, c’est-à-dire sous la Royauté), le premier amphithéâtre permanent en pierre a été bâti à l’époque d’Auguste (mais a été précédé d’amphithéâtre temporaires en bois sur le forum, comme celui de César : les gladiateurs évoluent alors sur un espace central recouvert de sable — en latin arena — pour éviter qu'ils ne glissent sur les dalles du forum ; dans son Histoire naturelle, Pline l'Ancien prétend que l'amphithéâtre a été inventé durant les spectacles de Gaius Scribonius Curio en 52 av. J.-C.), tandis que le premier stade date de l’époque de Domitien (nous sommes à la fin du premier siècle après Jésus-Christ, plus ou moins contemporain du Colisée). Auparavant, il y avait bien sûr des spectacles athlétiques, mais ils étaient donnés dans des stades provisoires.

[9] Dans la partie occidentale, le stade de Domitien est le premier et le seul exemple de ce type de construction dont on conserve des éléments significatifs, alors que dans la partie orientale (Turquie, Grèce, Chypre), ils sont beaucoup plus abondants.

[10] Les gradins ont été réaménagés par les Romains (la dernière modification importante date de l’Hérode Atticus – on se situe vers 145-150 ap. J.-C.)

[11] Les estimations données sont de 45.000 personnes, ce qui peut sembler excessif, mais ces chiffres sont corroborés par plusieurs ouvrages. Peut-être les spectateurs restaient-ils debout et ne s’asseyaient pas.

[12] Le choix du lieu d'exposition n’est pas anodin : le Capitole est lié de près à l'empereur Domitien. Ce dernier a en effet luxueusement restauré ce lieu après l'incendie qui l’avait ravagé en 80 après J.-C. et c’est sur les fondations du Temple de Jupiter Capitolin détruit à nouveau au Ve siècle qu’a été construite au XVIe siècle la Villa Caffarelli.

[13] Un fils mort à trois ans et une fille décédée enfant.

[14] En fait, il n’y en a que trois, le quatrième (Vespasien) appartenant à la dynastie impériale suivante, celle des Flaviens, mais comme son règne commence en 69, on le compte parmi eux.

[15] Zosime, V, 38.

[16] Voir la Vie de Domitien de Suétone (VIII, 1) et les Histoires de Tacite (III, 74).

[17] En 102, Trajan prolongera la Via Domitiana jusqu'à Naples.

[18] Stace a composé un poème entier sur le thème de la Via Domitiana (Silvae, IV, 3). Il rappelle les progrès apportés par la nouvelle route et fait un éloge très appuyé de l'empereur. Le poème est aussi un témoignage intéressant sur la construction des routes sous l'empire romain.

[19] L'évergétisme (du verbe grec εὐεργετέω / euergetéô signifiant « faire du bien ») est la pratique de libéralités de la part d'un riche notable (appelé évergète) en faveur d'une communauté envers laquelle il manifeste une générosité intéressée par des dons et des bienfaits (appelés évergésies), visant l'obtention d'un consensus civique qui fonde la légitimité du pouvoir aristocratique politique, économique, social et culturel. Autrement dit, l’évergétisme désigne, dans le monde gréco-romain, l’obligation qu’ont les plus riches, de dépenser de l’argent pour la cité en construisant des monuments, en aidant les plus pauvres (l’annone), mais aussi en organisant les jeux du Cirque (« du pain et des jeux » comme l’écrit Juvénal au vers 81 de sa Satire X). Il s’agit-là pourtant d’une composante essentielle du monde antique. Ce terme a été introduit dans le lexique historique francophone au XXe siècle par les historiens André Boulanger et Henri-Irénée Marrou.

[20] Domitien est assassiné lors d’une conspiration de palais. Ses assassins seront arrêtés et exécutés par Nerva, sous la pression de la garde prétorienne qui prend l’empereur en otage.

[21] Les pièces de monnaie où son portrait ou son nom apparaissent sont fondues, ses arcs de triomphe sont abattus et son nom est effacé de tous les documents publics officiels. Domitien est le seul empereur, avec plus tard Geta, à avoir été condamné officiellement de la sorte, bien que d'autres empereurs aient pu subir un sort comparable. Malgré tout, les ordres du Sénat sont seulement partiellement exécutés à Rome et en Italie et globalement ignorés dans le reste de l'Empire. Tout n’a pas pu être éradiqué : on n'a pas pu enlever les estampilles sur les tuyaux qui étaient sous terre (on n’y avait pas accès) ; on n’a pas non plus éliminé le nom de Domitien sur les actes officiels où celui-ci servait de garantie (sur les diplômes des soldats, par exemple) et puis, on en a oublié. Un exemple qui ne manque pas de sel est celui de l’obélisque qui se trouvait auparavant entre l’Iseum et le Serapeum (les temples à Isis et à Sérapis que Domitien avait fait reconstruire) et qui orne à présent la place Navone (c’est-à-dire l’ancien stade de Domitien). Or, cet obélisque porte sur ses quatre faces le nom de Domitien et ses titres. Heureusement pour Domitien, les Romains ne comprenaient pas les hiéroglyphes.

[22] Domitia Longina, (fille de l’illustre général Corbulon qui se suicida sur ordre de Néron) était l’épouse de Domitien, et Julia, sa nièce et maîtresse, fille de Titus. Selon Suétone, Domitia est exilée car elle aurait eu une relation avec un acteur célèbre appelé Paris. Quand Domitien s’en aperçoit, il assassine Paris dans la rue et divorce de sa femme. Suétone ajoute qu’une fois Domitia en exil, Domitien fait de Julia sa maîtresse. Cette dernière meurt plus tard en raison d’un avortement raté (Vie de Domitien, XXII).

[23] 59 mètres seulement pour celui d’Aphrodisias.

[24] L’étymologie du mot est parlante : pankration vient de pan, « tout » et kratos, « la force, la puissance, le pouvoir » et signifie donc littéralement « avec toute la puissance, toute la vigueur ». Pour faire simple (mais c’est réducteur), on peut dire que le pancrace est une combinaison de la lutte et de la boxe (on dirait aujourd’hui le grappling avec poursuite du combat au sol et le kick-boxing) et que le pancrace diffère du pugilat par la poursuite du combat au sol et par l’absence de gants. Dans ce sport, tous les coups étaient permis (sauf mordre ou crever les yeux de son adversaire, ainsi qu’introduire les doigts dans le nez et la bouche). Tout le reste était autorisé, y compris les coups de pied dans le ventre et de genoux dans les parties génitales, souvent représentées dans les mosaïques et les peintures, voire sur des objets (cf. le médaillon de la lampe à huile d’Orange). Dans la mythologie, Thésée était un pancratiaste (il se serait servi des techniques de cet art martial pour vaincre le minotaure), Hercule avait remporté un concours de pancrace à Olympie. Lui aussi aurait utilisé ces techniques dans le cadre de ses douze travaux (cf. la prise représentée sur les vases grecs avec laquelle il terrasse le lion de Némée). On élevait des statues aux pancratiastes glorieux (décrites par Pausanias, par exemple dans le Prytanée à Athènes) ou on leur dédiait des épigrammes (comme c’est le cas pour Sostrate de Sicyone). Les pancratiastes étaient souvent affublés de sobriquets en fonction de leur technique fétiche pour triompher de leur adversaire. Pausanias (Description de la Grèce, Livre VI, chap. IV, 1) raconte qu’un pancratiaste célèbre, Sostrate de Sicyone, avait mérité le surnom d’Acrochersite, « parce qu'il tenait les mains de ses antagonistes si serrées entre les siennes, qu'il leur écrasait les doigts, et les obligeait à lui céder la victoire. »). 

[25] Giuseppe Vincenzo Di Srazio, p. 120.

[26] On remarquera que les boxeurs ne portent qu’un seul gant. Brice Lopez et Giuseppe Vincenzo Di Srazio nous en expliquent la raison de leurs ouvrages (respectivement aux pp. 144-146 et 121).

[27] Ce qui revient à dire qu’il avait battu ce qu’on appellerait aujourd’hui un record international.

[28] Voir la mosaïque de Baten Sammour en Tunisie. Il semblerait que ces courses avec flambeaux aient été données en fin d’après-midi, quand le soleil commençait à baisser à l’horizon, ce qui devait accroître la féérie du spectacle.

[29] Vie d’Auguste, XLV et Vie de Caligula, Livre XVIII, 1.

[31] Elle provient des latrines des thermes des Lutteurs et est conservée au musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal.

[32] La statue ornait probablement les thermes de Constantin.

[33] Le mot latin caestus (pluriel caestūs) est issu du verbe caedere, qui signifie « frapper » et n'est pas issu du mot similaire cestus qui indique une sorte de ceinture portée par les femmes dans la Grèce antique.

[34] En fait, il y a eu une évolution dans les gants gants des boxeurs : au III e s. av. J.-C., on est passé du type « doux » (himantes meilichai) faits de simples lanières de cuir de bœuf destinées à protéger les articulations de la main et du poignet, à des gants considérés comme « durs » (himantes oxeis), comprenant un véritable anneau de cuir, assez épais, entourant la main.

[35] « En plus de leur rôle de prévention contre les fractures articulaires, les gants devaient permettre une ouverture de la main pour l’absorption des coups et pour les pancratiastes, ils ne devaient pas entraver les prises ou les clés pour les soumissions. » (Di Stazio, p. 132).

[36] Voir l’article pugilatus du Dictionnaire Daremberg et Saglio.

[37] Cela se produit après qu'une personne a frappé un objet avec un poing fermé, l’articulation étant alors pliée vers la paume de la main. 

[38] Di Stazio, Op. Cit., p. 125. On remarquera que, sur la main de bronze de l’Amphithéâtre de Vérone, le petit doigt se recroqueville de lui-même, ce qui est fréquent chez les sportifs ayant subi des dommages aux articulations provoqués par des coups de poing réguliers.  Même en étant doté de gants, la pratique de ce sport de manière intensive pouvait tout de même laisser des séquelles.

[39] Sur cette statue, on a une utilisation intensive d'incrustations de cuivre, en particulier pour les blessures à la tête du boxeur et les gouttes de sang sur la cuisse et le bras droits, ainsi que les lèvres, les mamelons et les sangles et coutures des gants de boxe. Il convient de noter en particulier l'ecchymose sous l'œil droit, qui a été moulée avec un alliage différent pour lui donner une couleur plus foncée. L'effet dramatique du sang jaillissant d'une blessure a été présenté dans un certain nombre de bronzes hellénistiques connus à partir de copies, telles que le Gaulois mourant au musée du Capitole et le Suicide du Galate (ou groupe Ludovisi) au Palazzo Altemps, toutes deux des copies de monuments de vainqueurs hellénistiques de Pergame. Une statue du musée Barracco montrant une chienne léchant une plaie, connue à partir d'un certain nombre d'exemplaires, serait une œuvre de Lysippe.

[40] Le pugiliste a également les oreilles écrasées (en chou-fleur à la suite de traumatismes répétés (pour plus de détails, voir l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/Oreille_en_chou-fleur) et le nez cassé. Dans l’épigramme 75 de Lucillius est rapportée l’anecdote de deux frères dont l’un pugiliste qui avait été lésé de son héritage parce qu’il était tellement défiguré par les coups que son frère l’a présenté comme un étranger : « Et puiss'étant inscrit comme boxeuril a tout perdu [nez, menton, sourcils, oreilles, paupières], au point que des biens paternels il n'a même pas reçu sa part. Car son frère ayant un portrait de lui l’a présenté en justice et lui a été reconnu par jugement comme étranger n’ayant rien de semblable. ».

[41] La statue est datée de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. et est attribuée au sculpteur Lysippe ou à son cercle immédiat.

[42] L’endroit où la statue est placée dans la salle du musée donne l’impression au visiteur que le pugiliste vient de tourner son visage vers lui et est sur le point de lui adresser la parole.

[43] Dans le poème épique de la fondation de Rome, Enée a honoré en Sicile l'anniversaire de la mort de son père Anchise en organisant des jeux funéraires élaborés, dont un match de boxe. Ce combat opposait le Troyen Dares au champion sicilien local Entellus (Enéide, livre V).

[44] L’exemple du film Spartacus de Stanley Kubrick (1961) est éloquent. Le personnage principal, un gladiateur, porte le cirrus pourtant caractéristique de l’athlète romain.

[45] La main en bronze du Metropolitan Museum de New-York est un ex-voto [peut-être dédié par un boxeur lors de sa retraite]. On ne peut donc pas dire que ces gants métalliques sont utilisés dans des combats « clandestins ». 

[46] La relation entre les anciens Romains et le théâtre a longtemps été problématique : la purgation des passions (catharsis) qu’il provoquait constituait un élément trop grec pour le sentiment romain de l'époque royale et du début de la période républicaine. En outre, dans ces rassemblements massifs de personnes, il n'était pas impossible que la foule puisse échapper à tout contrôle. Les théâtres de Rome étaient donc en bois : ils étaient montés dans les lieux sacrés à l'occasion des fêtes religieuses pendant lesquelles des représentations avaient lieu et démontés une fois la fête terminée. Les constructions en maçonnerie, en revanche, étaient interdites. Le premier théâtre de pierre construit à Rome (en 55 par Pompée qui, pour tourner la loi, avait fait placer un temple dédié à Vénus Genitrix sur la cavea du théâtre !). Un immense portique ouvrait sur des jardins. C’est dans la curie de Pompée située à l’extrémité (côté Largo Argentina) que César fut assassiné.

[47] Colini, 1943, p. 96.

[48] Du stuc ayant été employé ailleurs dans le stade, comme nous le verrons plus loin.

[49] N.B. : la place Navone est surélevée par rapport au niveau antique : elle arrive quasiment au niveau des premières arcades.

[50] Il ne reste aujourd’hui que deux maquettes en plâtre : l’exemplaire de Caen légué par P. Bigot à Henri Bernard, l’un de ses élèves qui en fit don à l’Université de Caen, et l’exemplaire de Bruxelles. En outre il existe également un plan partiel en bronze à l’Institut d’Art et d’Archéologie de Paris.

[51] Extrait de l’article d’Éric Leroy du Cardonnoy et de Sophie Madeleine « Représenter, expérimenter, raconter : le Centre de réalité virtuelle à l’Université de Caen Normandie », Histoire de la maritimité, n° 14, 2021.

[52] De ce nom est dérivé le terme de pasquinade, qui se réfère à un pamphlet anonyme rédigé souvent en romanesco (dialecte romain), à l'origine en vers, par la suite parfois en prose.

[53] Lors de l’édification du monument, un échafaudage (cintre) permettait de bâtir chaque arche, puis d’insérer une clé de voûte au sommet. La même technique était employée pour la construction des aqueducs.

[54] L’hypothèse d’un velum au stade de Cibyra, ancienne ville d'Asie Mineure (en Phrygie) a été réfutée (https://journals.openedition.org/mefrm/1862 , note 59).

[55] Claude Moatti, p. 71.

[56] Colini, 1943, p. 91.

[57] On en a des exemples à Delphes ou à Olympie.

[58] Voir l’article « manianum » dans le Dictionnaire de Daremberg et Saglio.

[59] Pour les différentes affectations de la piazza Navona, voir Antonio Cappuccitti, pp. 50 à 59.sur ce stade et qui en a épousé parfaitement la forme.

[60] C’est lui qui aurait mis un terme à onze siècles d’olympisme. En 393, alors qu’il est devenu empereur de Rome, cinq ans après avoir été empereur de Byzance, il abolit les Jeux olympiques antiques. Ils auront duré pas moins de 286 olympiades, soit presque onze siècles (les jeux ne seront rétablis que 1 502 ans plus tard en Grèce, soit en 1896). Cet empereur chrétien craint que les Jeux ne constitue un moyen de diffusion du paganisme et ne deviennent d’authentiques bacchanales païennes. Reste qu’aucun document n’atteste de cette décision. Certains pensent que les Jeux auraient duré encore quelques olympiades supplémentaires. En 426, Théodose II confirma leur abolition et ordonna de détruire ce qui restait encore debout des temples du sanctuaire d’Olympie (le site avait déjà été ravagé par les hordes d’Alaric : tous les trésors avaient été pillés et les richesses dispersées. Seuls quelques édifices subsistaient). Ils ne le sont que partiellement. Mais les crues de la rivière et les deux tremblements de terre au Ve siècle de notre ère feront le reste). Le pugilat fut interdit en même temps que les jeux olympiques.

[61] Les vestiges de l'hippodrome sont visibles sur la place du Sultan-Ahmet (« Sultanahmet Meydanı », également appelée « At Meydanı » — place aux chevaux) à Istanbul.

[62] D'autres versions disent que ce sont les spectateurs qui le lapident. 

[63] Pour les raisons, voir François Bougard, Des jeux du cirque aux tournois : que reste-t-il de la compétition antique au haut Moyen Age ?, page 12.

[64] A Nîmes, lorsque l’on a déblayé l’amphithéâtre au XVIIIe siècle, on a retrouvé les gradins. On aurait pu les garder, mais – ce qui est très dommage –, on les a vendus à un entrepreneur et les gradins ont été débités pour des travaux de construction.

[65] Ce palais pose néanmoins d’autres problèmes : il pèse sur l’ouvrage et le jardin adjacent, dessiné au départ par Peruzzi (et qui recouvre la cavea) provoque des infiltrations qui endommagent les structures. Jusqu’à présent, les propriétaires se sont toujours opposés à des fouilles ou travaux qui auraient permis à la fois de compléter l’isolation de l’édifice et de remettre au jour les gradins (dont les restes ont pu être vus en pratiquant un puits), ainsi que les sièges de la cavea, sa forme et, qui sait, une partie de la scène. Malgré les travaux réalisés par les différentes familles, les appartements de ce palais ne seront jamais très pratiques. Le Président De Brosses le résume comme suit : « Sa forme en demi-cercle ne me semble pas favorable aux distributions internes. Un beau théâtre ne peut faire qu’une maison sombre et incommode. ».

[66] En 2012, le bien a été mis en vente pour la coquette somme de 32 millions d’euros, ce qui en fait la propriété la plus chère d’Italie et probablement l’un des biens immobiliers les plus onéreux d’Europe. Cette propriété d’un peu plus de mille mètres carrés est dotée d’un salon avec fresques, d’une salle de bal, de trois chambres à coucher, de deux salles de bain, d’une bibliothèque, d’une salle à manger, d’une longue terrasse qui surplombe le Tibre, d’un penthouse (appartement luxueux situé au dernier étage d’un immeuble) séparé et de caves. La plupart des pièces donnent sur le jardin orné de fontaines et d’orangers.

[67] La cavea consistait en une double série de parois radiales reliées entre elles par des structures curvilignes qui formaient les « coins » (cunei) qui avaient pour fonction de supporter les gradins : les parois, en « opus reticulatum », sont conservées et encore visibles dans le sous-sol et dans les caves.

[68] De l’antique coutume d’appeler « grotte » toute anfractuosité ou tout recoin sombre.

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[70] Du latin trium et virum (« trois hommes »). Ce pacte est conclu vers le 15 avril 56 a. J.-C. entre les triumvirs Crassus, Pompée, César qui se répartissent géographiquement le monde romain de l’époque. 

[71] Malgré tous les aspects positifs d’un film comme Gladiator, certaines pratiques ont été exagérées dans l’usage de la gladiature (les combats dans l’amphithéâtre étaient codifiés, mais ces règles bien précises n'apparaissent pas dans le film) et des inexactitudes y sont flagrantes : les gladiateurs, par exemple, n'étaient jamais enchaînés dans l'arène (N.B. : il existait chez les Aztèques une forme de gladiature dans laquelle un condamné à mort enchaîné devait affronter successivement un guerrier-aigle et un guerrier-jaguar). D’autre part, Marc Aurèle n’a jamais aboli les jeux du cirque (il les considérait en effet comme une diversion nécessaire pour le peuple, et insistait pour qu'ils continuassent à avoir lieu, même en temps de guerre).

[72] Un peu comme on avait fait au XIXe siècle de l'Homme préhistorique un être « bête et méchant » en qualifiant les bifaces de « coups-de-poing » (une version préhistorique des « coups-de-poing » américains en quelque sorte) en imaginant qu'il s'agissait d'armes, alors que c'étaient des outils de chasse !

[73] Déjà dans l’Antiquité, Martial la comparait au phœnix, renaissante toujours de ses cendres (après les guerres civiles ayant fait suite au règne de Néron, ainsi qu’au grand incendie) et louait les entreprises monumentales des empereurs Flaviens.

[74] Littéralement « lutte debout ». La première partie du combat de pancrastie (Ano Pankration) se déroule debout : chaque combattant cherche à jeter son adversaire au sol, soit par un coup de pied ou de poing, soit par une prise, comme à la lutte. Rapidement, le combat se déroule au sol, au corps à corps (c’est la deuxième phase, connue sous le nom de Kato Pankration). D’autres techniques plus efficaces pour le combat au sol sont alors utilisées (prises, clefs, blocage des articulations, et même l’étranglement, une spécialité des Eléens, paraît-il). 

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