« C’ÉTAIT À MÉGARA, FAUBOURG DE CARTHAGE, DANS LES JARDINS D’HAMILCAR. »

 

 

« C’ÉTAIT À MÉGARA, FAUBOURG DE CARTHAGE, DANS LES JARDINS D’HAMILCAR. »

 

(par Philippe Durbecq)

 

 

L’incipit [1] d’un livre est la porte d’entrée triomphale d’un roman, comme l’est la Porta del Popolo du Bernin pour la ville de Rome. 


Vue nocturne de la Porta del Popolo du Bernin (licence : CC BY-SA 3.0 – auteur : LPLT (travail personnel – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Porta_Flaminia.JPG)

 

Avec le titre de son ouvrage et l’explicit [2], l’incipit est la phrase que l’écrivain va le plus polir et parfaire : c’est elle qui doit donner la meilleure impression possible, insuffler au livre tout son intérêt, influencer un éditeur potentiel et accrocher le lecteur pour lui inoculer l’envie d’acheter le livre ou de lire la suite. C’est donc un moment clé de la narration, un lieu stratégique du livre, l’endroit où l’auteur soumet son œuvre à un test à l’instar d’un orfèvre qui procède à l'essai du titre d’un alliage à la pierre de touche.

 

En fait, l’incipit est l’équivalent, dans un opéra, du lever de rideau qui dévoile la scène au spectateur [3] et qui, avec l’assombrissement de la salle et la focalisation de l’éclairage sur la scène embarque ce dernier au cœur de l’œuvre, en révélant « le décor comme une apparition magique et comme une œuvre d’art [4]. ».

 

Mais c’est aussi un début in media res (« Au milieu des choses »), car bien souvent, quand le roman débute, l’histoire proprement dite a, quant à elle, déjà commencé [5].

 

La littérature française regorge d’incipit très célèbres, à tel point que certains d’entre eux sont gravés dans nos mémoires comme s’ils l’avaient été sur une dalle en marbre antique. Ainsi, tout le monde connaît l’incipit qui ouvre tout l’œuvre de Proust (À la recherche du temps perdu), « Longtemps, je me suis couché de bonne heure », celui de Lolita de Nabokov, « Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. » ou celui de Voyage au bout de la nuit de Céline, « Ça a débuté comme ça ».

 

L’un des plus connus – mais aussi l’une des plus belles phrases de la langue française – est l’incipit du roman Salammbô de Flaubert qui fait partie de cette « anthologie » des incipit brillants de mille feux : « C'était à Mégara, faubourg de Carthage [6], dans les jardins d'Hamilcar. ». Peu d’incipit, en effet, nous transportent aussi instantanément et avec autant de magie dans un autre univers : d’un coup de baguette de fée, Flaubert nous téléporte dans le temps et dans l’espace. 


Salammbô avec son serpent enroulé autour du bras, huile sur toile du peintre italien Glauco Cambon, 1906 (auteur décédé en 1930, donc dans le domaine public en Belgique – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Glauco_Cambon_-_Salammb%C3%B4.jpg)

.

Nous voici à l’époque des guerres puniques, en 146 av. J.-C., et dans les jardins du palais d’Hamilcar Barca [7], fondateur de la dynastie des Barcides et père d’Hannibal, d’Hasdrubal et de Magon.


Salammbô, quant à elle, est la fille d'Hamilcar, servante de la déesse Tanit (le nom de Salammbô a été inspiré à Flaubert par l'un des noms de la déesse Astarté [8] : Salambo [9]). Salammbô est néanmoins un personnage fictif, une invention pure de Flaubert. Il en fait donc la fille d'Hamilcar et la sœur aînée d’Hannibal, qui eux ont bien sûr réellement existé. Comme l’écrit Anne Doridou-Heim, « L’héroïne porte en elle le destin fatal d’une Salomé, d’une Judith ou encore d’une Cléopâtre, femmes séductrices et capiteuses qui fascineront tant la fin du XIXe siècle. L’orientalisme, dont elle n’est pourtant qu’un lointain avatar, est alors en vogue [10]. ».

 

  
 

A gauche, statuette en albâtre de déesse peut-être d’Astarté (les yeux sont des rubis) de la nécropole d’Hillah, près de Babylone (musée du Louvre – photo dans le domaine public auteur : Marie-Lan Nguyen (travail personnel) – source :  https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Statuette_Goddess_Louvre_AO20127.jpg) ; à droite, Salammbô peinte en 1899 par Adolphe Cossard (collection particulière – l’auteur est mort en 1952, cette œuvre est donc dans le domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Adolphe_Cossard_-_Salammb%C3%B4.jpg)


Hamilcar disposait d’une grande compétence militaire et diplomatique, et faisait preuve d’un patriotisme sans pareil. Son fils Hannibal Barca a hérité de ces qualités : son père l’avait imprégné de sa haine pour Rome et l’avait formé pour être son successeur.

 

En effet, lorsqu’Hannibal était encore enfant – il avait neuf ans, selon Tite-Live –, Hamilcar, qui faisait un sacrifice avant de partir pour l’Espagne, l’avait amené devant un autel où il lui fit jurer d’être l’ennemi des Romains et de les combattre jusqu’à la mort.

 

Hannibal jurant haine aux Romains, tableau de Claudio Francesco Beaumont (huile sur toile du XVIIIe siècle (Collections du Musée des Beaux-Arts de Chambéry, photographie dans le domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxi%C3%A8me_guerre_punique#/media/Fichier:Beaumont-Hannibal-Chamb%C3%A9ry.jpg)

 

Hamilcar écrasa la révolte des mercenaires de Carthage [11] (c’est le thème du roman de Flaubert) au cours d’une guerre sanglante (appelée la guerre inexpiable). Il fut cependant exilé et il se fixa en Espagne où il créa un vaste empire dont la capitale sera la Nouvelle Carthage (Carthagène) et mourra au combat en 228 av. J.-C.

 

Donc, en quelques mots, l’écrivain plante le décor et instaure une atmosphère : nous sommes à Carthage, en Afrique, dans le quartier de Mégare, un quartier « huppé » à l’époque où la cité de Carthage dominait la moitié sud de la Méditerranée (c’était le « Beverly Hills » de l’époque). L’incipit introduit la description d’un festin gargantuesque où s’étaient réunis les soldats qu’Hamilcar avait commandés en Sicile, lors de la première guerre punique. Ce banquet avait lieu près de la demeure du général carthaginois pour célébrer le jour anniversaire de la bataille d’Eryx en Sicile. Nous sommes à la nuit tombante, on enlève le velarium étalé sur l'avenue de cyprès et l'on apporte des flambeaux. « On voyait au milieu du jardin (…) de grands feux clairs où rôtissaient des bœufs. Les pains saupoudrés d'anis alternaient avec les gros fromages plus lourds que des disques, et les cratères pleins de vin, et les canthares pleins d'eau auprès des corbeilles en filigrane d'or qui contenaient des fleurs. La joie de pouvoir enfin se gorger à l'aise dilatait tous les yeux ; çà et là, les chansons commençaient [12]. ». L'ivresse faisant son oeuvre, les Barbares sont pris d'une fureur destructrice : ils mettent le feu aux arbres des jardins d'Hamilcar, massacrent ses esclaves, mutilent ses éléphants (veulent abattre leur trompe et manger de l'ivoire) et - sacrilège suprême - font sadiquement bouillir les poissons sacrés [13] (« descendants des lottes primordiales qui avaient fait éclore l'oeuf mystique où se cachait la déesse ») en plaçant « du  feu sous des vases d'airain » et en s'amusant « à regarder les poissons se débattre dans l'eau bouillante » [14]. C'est alors que paraît Salammbô, suivie d'une double théorie d'eunuques.  

La façon dont Salammbô fait son entrée s'apparente presque à une scène cinématographique (les flambeaux jouent le rôle de projecteurs), comme le fait à juste titre remarquer Gesine Hindemith [15] .

 

 Salammbô au festin des mercenaires. Toile d'Antoine Druet, 1890-1894 (photo dans le domaine public – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antoine_Druet_-_Salammb%C3%B4.jpg)

 

Mais ce n’est pas tout, la construction de la phrase elle-même n’est pas anodine.

 

D'une simplicité désarmante, d'une poésie infinie et d'un exotisme éblouissant, cette phrase en dit long sur le travail accompli par Flaubert pour l’enfanter. Car Flaubert ciselait à outrance ses grands ouvrages [16]. Salammbô en particulier ne sera terminé qu’après cinq années de travail acharné : le manuscrit original de Salammbô tient dans huit épais volumes [17], car Flaubert « pouvait réécrire quinze fois d'affilée le même passage » et il lui arrivait de supprimer au bout de cinq ou six pages des phrases qui avaient demandé des journées entières de travail [18]. On peut s’en rendre compte sur les photos ci-après : les pages de ses manuscrits sont surchargées de ratures et de repentirs [19]. 

L’un des huit volumes du manuscrit original de Salammbô (capture d’écran de la présentation de l’exposition https://www.youtube.com/watch?v=I4Zpm86JTlk) 


L’un des 4.500 feuillets manuscrits du roman Madame Bovary de Gustave Flaubert (en ligne grâce à un minutieux travail de transcription qui a mis à contribution 130 personnes dans une douzaine de pays [20])

 

Examinons à présent ces trois thèmes en détail.

 

Sur le plan de la poésie, « La beauté de la phrase de Flaubert est due à l’harmonisation verbale dans la disposition des mots en trois consonnances ou syllabes et si nous l’écrivions ainsi :

 

C’était à

Mégara,

Faubourg de Carthage,

Dans les jardins

d’Hamilcar [21]. ».

 

Pour se rendre compte de cette « presque poésie [22] », il suffit de réciter à haute voix la phrase de l’incipit : « C'était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d'Hamilcar. ».

 

Il faut savoir que Flaubert ne jugeait une phrase « bonne » qu’après l’avoir passée à « l’épreuve du gueuloir [23] ». L’expression n’est nullement un euphémisme puisque ce n’était pas une simple déclamation de son texte à laquelle s’adonnait Flaubert, mais à une véritable explosion de décibels à tel point que cet exercice lui mettait « les poumons en feu ».

 

Lorsqu’on y ajoute la répétition de la sonorité fondamentale par l’assonance [24] du « a » on en dénombre huit sur douze mots –, de sorte que la phrase se transforme en un chant. Le fabuliste La Fontaine avait compris cette loi universelle de la répétition et l’avait notamment utilisée (une allitération sur le « r ») dans sa fable « Le loup et l’agneau » : « Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? ». L’effet de cette allitération, c’est l’acrimonie (= violence du verbe) qui traduit l’agressivité dont fait preuve le loup envers l’agneau et le « r » simulant soit le grognement du canidé soit le fait que le carnivore retrousse ses babines pour dévoiler ses dents acérées. Un autre exemple hyperconnu est ce vers de Racine extrait d’Andromaque : « Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ».

 

Tout se base en effet sur un principe énoncé par Boileau dans son Art poétique, chant I :

 

« Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée

Ne peut plaire à l’esprit quand l’oreille est blessée … ».

 

Pourtant, d’après Yvan Leclerc, professeur émérite de lettres modernes à l'université de Rouen Normandie et fondateur du Centre Gustave Flaubert, « Quand Flaubert soumettait sa prose à l'épreuve du gueuloir, « il fallait que ça sonne à l’oreille, mais tout en évitant la prose poétique » : « Il détestait les allitérations, les assonances, les répétitions de termes. Il avait une grande admiration pour Chateaubriand, mais surtout pas pour la prose qui sonnait à l’oreille. Il fallait que toutes les phrases soient différentes, et en même temps que les mots ne puissent plus être changés quand ils étaient dans la phrase. Si un mot peut être changé à la répétition, ou à l’oral, finalement la prose est mauvaise, et il faut la recommencer [25]». Il s’agit donc d’une règle que Flaubert a appliqué à tout son roman, sauf à l’incipit. 

 

Par sa musicalité, la phrase harmonieuse et sonore de l’incipit fait donc irrésistiblement penser à un morceau musical, qu’un Jordi Savall, ce « défricheur de musiques anciennes » aurait pu jouer dans ses interprétations des œuvres Orient-Occident exécutées avec son orchestre Hespèrion XXI. Ou encore à la mélodieuse opéra Dido and Aeneas de Purcell, à moins que l’on ne préfère un extrait de Salammbô, l’opéra inachevé de Moussorgski [26]. Notons que la reconstruction de la musique à Carthage (et phénicienne en général) est un projet de longue haleine que mène actuellement la Professeure Anna Chiara Fariselli de l'Université de Bologne et son équipe. Cette recconstruction est complexe, car l'on ne dispose pas de sources écrites fiables, c'est-à-dire directement produites par les Phéniciens et les Carthaginois. Nous aurons néanmoins l'occasion d'en reparler plus longuement dans le cadre d'un article ultérieur consacré à l'histoire et à la civilisation puniques.



  A gauche, l’opéra Didon et Enée de Purcell représenté en 2019 dans le Colisée d’El Jem (source : site https://lapresse.tn/19032/opera-didon-et-enee-au-festival-international-de-musique-symphonique-del-jem-tragedie-carthaginoise-au-colisee-romain/ ; à droite, la cantatrice Rose Caron dans le rôle de Salammbô (domaine public – auteur : Léon Bonnat – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rose_Caron#/media/Fichier:Rose_Caron_dans_le_r%C3%B4le_de_Salammbo.jpg)

 

Quant à l’exotisme, ce thème a été étudié de manière approfondie par Mohammad Radi dans son article « Le thème de l’exotisme dans Salammbô de Gustave Flaubert ». Cet exotisme se traduit dès le début du roman par une description magistrale des jardins d’Hamilcar. Dans un tableau riche en couleurs, Flaubert y peint une nature luxuriante agrémentée de nombreux motifs exotiques : « Des figuiers entouraient les cuisines ; un bois de sycomores se prolongeait jusqu'à des masses de verdure, où des grenades resplendissaient parmi les touffes blanches des cotonniers; des vignes, chargées de grappes, montaient dans le branchage des pins : un champ de roses s'épanouissait sous des platanes; de place en place sur des gazons, se balançaient des lis ; un sable noir, mêlé à de la poudre de corail, parsemait les sentiers, et, au milieu, l'avenue des cyprès faisait d'un bout à l'autre comme une double colonnade d'obélisques verts [27] ».».

 

La notion d'exotisme évoque l'idée de pittoresque, de la recherche de la couleur locale et de l'évasion. Or, après son roman Madame Bovary et ses déboires judiciaires [28], « Flaubert a éprouvé d’une façon particulière ce besoin d’évasion, d’un au-delà. Personne n’a ressenti comme lui le désir impérieux de s’échapper d’une réalité qu’il jugeait mesquine et contraignante. Ce qui frappe le plus dans les lettres échangées avec ses intimes et ses proches, c’est son dégoût de l’existence, l’ennui qui pèse sur sa vie et qui reviennent sans cesse comme une litanie [29]. ».

 

Signalons que les successeurs du dessinateur Jacques Martin, l’auteur de la bande dessinée d’Alix ont réutilisé cet incipit dans le titre de l’un de ses albums : « C’était à Khorsabad ». Jacques Martin aussi aimait débuter ses albums d’une manière très poétique : « L’astre de Tanit se lève déjà sur la nouvelle Carthage tandis que les ruines de l’ancienne cité punique s’effacent dans les ombres du soir » (Le Spectre de Carthage, page 3). Comparons avec Flaubert (Chapitre III) : « La lune se levait à ras des flots, et, sur la ville encore couverte de ténèbres, des points lumineux, des blancheurs brillaient (…). Mais de vagues ruines, des tas de terre noire, des jardins faisaient des masses plus sombres dans l’obscurité, (…) ».

 

Salammbôaccompagnée d’un esclave invoque Tanit, lors d’une nuit de lune, en haut d’une terrasse du palais, surplombant Carthage et son port. Huile sur toile de Jean-Paul Sinibaldi [30]1885 (l'auteur est décédé en 1909, donc cette œuvre est dans le domaine public – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Sinibaldi-Salammbo.jpg)


Ce titre, « C’était à Khorsabad », est bien sûr un hommage à l'incipit de Salammbô de Flaubert, qui a communiqué à Jacques Martin sa passion pour l'Histoire de l’Antiquité (cf. Le tombeau étrusque et Le spectre de Carthage). En effet, avec intelligence, les auteurs nous ramènent dans les ruines orientales où était apparu Alix, alors jeune esclave gaulois, sur la première planche du premier album de Jacques Martin. Le passé remonte à la surface ...


L’incipit est donc une phrase essentielle dans un ouvrage littéraire, car elle doit être percutante et atteindre sa cible avec la précision d’un tireur d’élite. 


Apostrophe au lecteur, l’incipit du roman Salammbô fait effectivement mouche. Il nous transporte, en une seule ligne de texte, dans l’univers exubérant de l’Orient antique, revisité et fantasmé par Flaubert, avec sa musique tapie sous les voyelles des mots, et ses coriaces mercenaires, marqués par les cicatrices laissées par les coups de lances ou de glaive, mais mangeant et buvant à la lueur des flambeaux en l’honneur de leurs glorieux exploits et de la fin de la guerre, même si les blessures provoquées par les injustices restent, quant à elles, bien béantes et font augurer un avenir sombre et tragique.

 

                                                                                                     Philippe Durbecq

Bibliographie

  • Salammbô, ouvrage collectif sous la direction de Sylvain AMIC et Myriame MOREL-DELEDALLE, catalogue de l’exposition Salammbô : Fureur ! Passion ! Éléphants ! organisée à Rouen, à Marseille et au Bardo à Tunis du 21 mai 2021 au printemps 2022, Gallimard, 2021 ;
  • Isabelle DAUNAIS, Salammbô : Un roman à la limite du roman, MLN-French Issue, Johns Hopkins University Press, vol. 128, no 4, septembre 2013, p. 683-693 ;      
  • Gustave FLAUBERT, Salammbô, GF n° 22 ; 
  • Colette JUILLIARD BEAUDAN, « Flaubert et les Carthaginois », dans Les Cahiers de l'Orient 2008/2 (N° 90), pages 107 à 118 ; 
  • Yvan LECLERC, « Salammbô ou Carthage, entre histoire et fiction » (textes réunis par Atsuko Ogane), A. Ogane, 2013, p. 58-66 ;
  • Jacques MARTIN, Le Spectre de Carthage, treizième histoire de la série Alix. 1977, Casterman ;
  • Gisèle SÉGINGER (Direction), Dictionnaire Flaubert (2 volumes), Honore Champion Eds, Champion Classique, 2022 ;
  • Gisèle SÉGINGER, L’Orient de Flaubert en images, Citadelles & Mazenod, Collection Coups De Cœur, 2021 ;
  • Gisèle SÉGINGER, « Salammbô et les mythes : une figure de femme fatale entre mysticisme et érotisme », Conférence, Université Kanto Gakuin, Nov 2011, Odawara, Japon (textes réunis par Atsuko Ogane), A. Ogane, 2013, p. 10-19 ;
  • Catherine VIRLOUVET (dir.) et Stéphane BOURDIN, Rome, naissance d’un empire : De Romulus à pompée 753-70 av. J.-C., Paris, Editions Belin, coll. « Mondes anciens », 2020, chap. 6 (« le duel entre Rome et Carthage et les débuts de l’impérialisme romain »).

Sitographie

 



[1] On appelle « incipit » les premières lignes d’un récit, roman ou nouvelle. Le mot est issu de la formule latine incipit liber, « ici commence le livre ». On distingue l’incipit statique, progressif, dynamique et suspensif.

[2] La fin du récit, le moment où l’histoire du roman se termine.

[3] Voir la fiche pédagogique « Le rideau de scène » (URL : https://www.comedie-francaise.fr/www/comedie/media/document/dossier-rideaudescene.pdf).

[4] Roland Barthes, Ecrits sur le théâtre, art. « La querelle du rideau », Le Seuil, 2002.

[5] Mais l’incipit peut également marquer à la fois le début d’une vie et le début d’une intrigue (le livre et les évènements commencent simultanément).

[6] Carthage, en langue phénicienne ou punique Karthad-Hadtha, signifie la ville nouvelle, en grec Kachedôn, et en latin Carthago. C’est le même phénomène que la Grèce a connu lors de la colonisation avec Neapolis (Naples) par exemple. Elle comprenait trois quartiers principaux : Megara (faubourg, jardin de la Carthage punique), Byrsa ou la citadelle, et le quartier des deux ports (le port marchand, extérieur, et le port militaire, intérieur ou grand port, appelé Cothôn). Mégare était un quartier ultra-chic situé en périphérie et au nord de Carthage. Son nom vient du grec ancien (Μεγάρα / Megára).

[7] D’après la légende, Didon, la reine de Carthage, avait fait entourer son palais de jardins luxuriants où s'épanouissaient plantes aromatiques et épices ramenées de son périple.

[8] Astarté est un nom grec (Ἀστάρτη / Astártê). Il correspond à Tanit chez les Carthaginois, Ishtar chez les Babyloniens et Inanna chez les Sumériens. C’est un avatar (incarnation divine) syrien, assimilé à l'Aphrodite grecque, dont le rôle funéraire est attesté dans le Proche-Orient et en Asie Mineure dès les temps préhistoriques (d'autres statuettes semblables ont été découvertes en Syrie et plusieurs proviennent de tombes féminines où elles étaient placées sous la tête de la défunte). Madame Corinne Bonnet a écrit un livre sur Astarté (Astarté. Dossier documentaire et perspectives historiques, Rome, 1996). Avec Vinciane Pirenne-Delforge, elle a aussi réalisé une étude mettant en évidence l’interaction entre l’Astarté phénicienne et l’Aphrodite grecque. L’assimilation entre les deux déesses s’est naturellement appuyée sur le domaine d’action qui leur était commun, celui de l’amour et de la fécondité. Les Romains ont, eux aussi, identifié une de leurs déesses à Astarté : il s’agit de Vénus. Le culte rendu à la divinité phénicienne dans le temple d’Eryx en Sicile est devenu, pour les Romains, celui de Vénus Erycine. Dans la littérature française, on se rappellera aussi les beaux vers de Victor Hugo « Astarté, [fille de la mer] à qui l’Aurore donne à boire dans les urnes de la clarté » (Le Cheval, un des poèmes du recueil Les Chansons des rues et des bois).

[9] Le mot résulte de la grécisation du phénicien Shalambaal « image de Baal ».

[10] « Les mille et une Salammbô au musée des beaux-arts de Rouen » La Gazette Drouot du 6 juillet 2021.

[11] Ce roman historique a pour sujet la guerre des Mercenaires, au IIIe siècle av. J.-C., qui opposa la ville de Carthage aux mercenaires barbares qu’elle avait employés pendant la première guerre punique, et qui se révoltèrent, furieux de ne pas avoir reçu la solde convenue. Pour plus de détails, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Mercenaires.

[12] Flaubert, op. cit., p. 29.  

[13] Flaubert s’inspire de la description donnée par Lucien de Samosate dans son ouvrage Sur la déesse syrienne : « A peu de distance du temple, il y a un lac dans lequel on nourrit une grande quantité de poissons sacrés de toute espèce. Quelques-uns sont devenus énormes. Ils ont des noms, et ils viennent quand on les appelle. J'en ai vu un entre autres qui avait un ornement d'or ; c'était un bijou attaché à sa nageoire je l'ai vu souvent avec son bijou (p. 457).

[14] Flaubert, op. cit. p. 35.

[15]  « La matière féerique dans Salammbô ».

[16] Ses écrits personnels, comme sa correspondance, sont incomparablement savoureux et spontanés. A lire, pour le plaisir !

[17] Toute la journée, Flaubert noircit du « papier gâché », sans se douter un instant que ce monceau de brouillons s’avérera plus tard être une véritable aubaine pour les futurs exégètes, décryptant, sous les ratures, des bribes de phrases délaissées par l’auteur ou des passages de texte complètement retravaillés.

[18] Correspondance, Lettre à Louis Bouilhet du 6 juin 1855.

[19] On comparera avec le travail de Proust et ses « paperoles ».

[20] Portugal, Autriche, Belgique, Colombie, Côte d'Ivoire, Nouvelle-Zélande, ...

[21] Lucien Andrieu (bibliothécaire de la Mairie de Croisset-Canteleu), « Une phrase de Salammbô », Les amis de Flaubert – année 1962 – Bulletin n° 21, page 14.

[22] Idem.

[23] « Je ne sais qu’une phrase est bonne qu’après l’avoir fait passer par mon gueuloir ». La méthode de Flaubert était en effet de « gueuler » pour mieux écrire, ou plutôt pour satisfaire ses propres exigences stylistiques. Un peu comme s’il s’agissait d’un crash test ou d’un test de résistance des matériaux, Flaubert soumet ses phrases laborieusement acquises au test ultime : celui de la lecture à haute voix.

[24] L'allitération et l'assonance sont deux figures de style qui visent à créer des effets sonores fondés sur la répétition de consonnes (allitération) ou de sons vocaliques (assonance) identiques dans des mots qui se suivent, produisant un effet d'harmonie imitative ou suggestive (par exemple « De Ce Sacré Soleil dont je Suis deSCendue ». L’assonance concerne donc les voyelles, l’allitération, les consonnes. [Racine]). Pour se souvenir de la différence entre ces deux figures de style, il suffit de se remémorer que le mot « assonance » se termine par la voyelle -e, et « allitération » par la consonne –n.

[26]  Modeste Moussorgski composa Salammbô entre 1863 et 1865 sur un livret de lui-même écrit en s'inspirant du récit du roman éponyme de Gustave Flaubert. Bien que l'opéra ne fût pas achevé, Moussorgski puisa par la suite quelques motifs de son œuvre pour les réutiliser dans son grand opéra Boris Godounov. Un autre opéra Salammbô du compositeur français Ernest Reyer fut créé le 10 février 1890 au Théâtre National de la Monnaie à Bruxelles (Gustave Flaubert aida le librettiste, Camille du Locle, à écrire l'argument de l'opéra, en le guidant sur le choix des scènes). Florent Schmitt a également illustré quelques pages de Salammbô de Flaubert en 1925 (op. 76, Suites I, II, III : https://www.youtube.com/watch?v=3DdSIWnj5MQ).

[27] Gustave Flaubert, Salammbô, p. 28.

[28] En 1857, trois écrivains célèbres sont victimes de la politique de censure en vigueur sous le Second Empire : Flaubert, Baudelaire et Sue, tous poursuivis par un même homme, le tristement célèbre Ernest Pinard (voir l’article d’Emmanuel Pierrat, « Le Procès d’Emma Bovary » (URL : https://www.cairn.info/revue-droit-et-litterature-2017-1-page-81.htm et l’article de Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernest_Pinard).

[29] Mohammad Radi, « Le thème de l’exotisme dans Salammbô de Gustave Flaubert », p. 65.

[30] Ce tableau est l’illustration presque littérale de l’invocation à Tanit du chapitre III de Salammbô de Flaubert : « Salammbô monta sur la terrasse de son palais, soutenue par une esclave qui portait dans un plat de fer des charbons enflammés. Il y avait au milieu de la terrasse un petit lit d’ivoire, couvert de peaux de lynx avec des coussins en plume de perroquet, animal fatidique consacré aux Dieux, et dans les quatre coins s’élevaient quatre longues cassolettes remplies de nard, d’encens de cinnamome et de myrrhe. L’esclave alluma les parfums. » et Salammbô commença son invocation de la déesse « O Rabbetna ! … Balet !... Tanit » … C'est l'un des morceaux où Flaubert déploie une admirable poésie.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

La Naples antique et les raisons de son « effacement » à la fin de l’Empire romain d’Occident

« Ce soir Lucullus dîne chez Lucullus »