Achille et Chiron ou la leçon de musique

 

 

Achille et Chiron ou la leçon de musique

 

(par Philippe Durbecq)

 

         

 

L’inflexible Chiron faisant chaque matin
Endêver 
[1] bien souvent son élève mutin.
Las ! que de professeurs rompent nos jeunes têtes /Et sans être sans torts sont plus qu’à moitié bêtes.

 

Honoré Daumier, L’éducation d’Achille, Planche n°9 de l’album Histoire ancienne, 1842.

 

 

Comme chacun sait, les centaures sont des créatures fabuleuses de la mythologie gréco-romaine, mi-hommes mi-chevaux [2]. Humains de la tête jusqu’à la taille, le reste de leur corps est celui d’un cheval : en fait, ils sont figurés nus avec un avant-train humain et quatre jambes de chevaux. Au ive siècle apparaît un terme spécifique dans la langue grecque, celui de mixanthrôpos [3], pour désigner des créatures issues d’un mélange entre l’homme et une autre espèce [4].

  


Chiron instruisant le jeune Achille (fresque d’Herculanum – MANN n° inv. 9109 – domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chiron_%28mythologie%29#/media/Fichier:Chiron_instructs_young_Achilles_-_Ancient_Roman_fresco.jpg)


Les centaures

Êtres grégaires, ils vivent en troupeaux avec leurs centauresses [5], loin des hommes, dans les régions boisées et montagneuses de la Thessalie (au centre de la Grèce) et de l’Arcadie (au cœur de la péninsule du Péloponnèse).


   

Situation de la Thessalie et de l’Arcadie (sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arcadie et https://fr.wikipedia.org/wiki/Thessalie_%28p%C3%A9riph%C3%A9rie%29)

 

Certains auteurs anciens certifiaient qu'ils étaient carnivores, alors que d'autres affirmaient qu'ils étaient herbivores, puisque que l’estomac se situait dans la partie du corps qui ressemblait à un cheval.

 

Au VIIe siècle av. J.-C., l'art grec traverse une phase orientalisante. Bien que l'origine du centaure soit contestée [6], son apparition dans l'iconologie coïncide en tout cas avec cette pé­riode de contact avec l'Orient.   

 


A gauche, un canthare béotien de l’époque géométrique (VIIIe s. av. J.-C.) figurant un centaure tenant un branchage – Louvre ; à droite le combat d’un centaure et d’un Lapithe (métope sud, n° 30 du Parthénon) – British Museum (photos dans le domaine public – auteurs : respectivement Jastrow (2006) et Marie-Lan Nguyen (2010)

 

Au fil du temps, les centaures (comme tous les animaux fabuleux) vont s'humaniser dans leur représentation : ils ont une famille, on montre la centauresse allaitant ses petits, etc. 

Centauresse allaitant son petit sur un dessin du camée de Florence (DAGR de Daremberg et Saglio et libre de droits)

 

Trois auteurs évoquent une centauresse : Ovide, Lucien de Samosate et Philostrate de Lemnos, des écrivains qui vivaient tous à l’époque romaine. La centauresse est donc théoriquement absente de l’imaginaire des Grecs et du monde grec en général. « Nés de l’accouplement entre un homme et une cavale, ils [les centaures] sont un prodige de l’ordre du monstrueux et n’ont pas vocation à avoir une descendance, encore moins une famille. La violence et l’agressivité ne sont d’ailleurs pas réservées aux êtres mythiques masculins, puisqu’on trouve ces caractéristiques chez les sphinx ou encore les sirènes qui vivent elles aussi sans parèdre et entretiennent un rapport malveillant avec le masculin » (Eléonore Montbel, « La centauresse, un exemple de remise en question de la frontière du genre à l’époque impériale »).

 

A Pompéi, qui arbore en plein centre de son forum une statue contemporaine de centaure [7], ont été découvertes plusieurs fresques [8] qui représentent des centauresses, en particulier celle de la villa suburbaine dite de Cicéron. 


Centaure d'Igor Mitoraj sur le forum de Pompéi (Licence CC BY-SA 4.0 – auteur : Marco Ober (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Centaur_Statue_-_Statua_di_centauro,_Forum_of_Pompeii_%285125%29.jpg)


On y voit une centauresse pincer les cordes de la lyre avec la main gauche et frapper, de la droite, avec une des deux cymbales (krembala) l'autre moitié de l'instrument étant tenue par l’adolescent que la centauresse paraît emporter dans les airs. Remarquer l’élégance et le goût raffiné de la centauresse (alors que les centaures passent généralement pour des êtres frustres et sauvages), en particulier sa coiffure soignée et les bijoux qu’elle porte (bracelets à son poignet et collier). Ce collier est à rapprocher des licous appelés monilia qui pendaient sur la poitrine des chevaux des Romains [9]  


 

Fresques de la villa dite de Cicéron à Pompéi (source Pinterest – auteur : Véronique-Odile Martin – source : https://www.pinterest.fr/pin/mnade-et-centaures-villa-de-cicron-pompei--426012445993235893/?amp_client_id=CLIENT_ID(_)&amp_url=https%3A%2F%2Fwww.pinterest.fr%2Famp%2Fpin%2F426012445993235893%2F&from_amp_pin_page=true&mweb_unauth_id=%7B%7Bdefault.session%7D%7D)

 



Détail et dessin H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome IV, planche 78, pp.157 et suiv. (éd. 1875) – source : https://mediterranees.net/mythes/pompei/centauresse2.html, avec l’aimable autorisation de Mme Agnès Vinas

 

Parmi les pièces du trésor de Berthouville en Normandie (Paris, Bibliothèque nationale) figure notamment une paire de coupes ou skyphoï sur lesquels sont respectivement représentés un centaure mâle sur une face et une centauresse sur l’autre [10].   

 


« Skyphos aux centaures » du trésor de Berthouville, Paris, BnF, Département des Monnaies, Médailles et Antiques, inv. 56.7. (et version en 3D).

 

Le peintre Zeuxis fut, semble-t-il, le premier à représenter, au Ve siècle, une scène avec une centauresse [11]. Lucien de Samosate est, de son côté, le seul auteur à nous avoir laissé une description fidèle de ce tableau dans sesEikones, Livre VI, « Zeuxis ou Antiochos [12] », puisqu’il explique en avoir vu, de ses propres yeux, une copie [13] à Athènes. Dans son article, « La centauresse de Zeuxis. Du bon usage de l’insolite en peinture et en littérature », Laurent Gourmelen souligne avec pertinence qu’« au travers de son ekphrasis [14], l’auteur met en scène le talent du peintre, mais aussi le sien propre. L’ekphrasis lui permet tout à la fois de décrire un tableau, en le donnant à voir, et, ce faisant, de prouver la virtuosité de son écriture. ». Un pendant du tableau disparu de Zeuxis se trouve dans la mosaïque de la villa d’Hadrien aux Staatliche Museen de Berlin et un camée du musée de Florence nous offre un motif analogue au tableau de Zeuxis. Enfin, un détail au bas de la cuve du sarcophage de Saint-Médard-d'Eyrans [15] (près de Bordeaux) nous montre une scène d’amour maternel entre une centauresse et son enfant sur un relief illustrant la légende d’Ariane et Dionysos (IIIe siècle ap. J.-C., musée du Louvre).

 

 

Mosaïque de la villa d’Hadrien (Berlin, Staatliche Museen, inv. Mos. 1) – Source : http://www.smb-digital.de/eMuseumPlus?service=ExternalInterface&module=collection&objectId=697074& (Antiken-sammlung der Staatlichen Museen zu Berlin - Preußischer Kulturbesitz, Johannes Laurentius, Licence CC-BY-NC-SA) 

       

 Détail au bas de la cuve du sarcophage de Saint-Médard-d'Eyrans (Louvre) – Licence :  GNU Free Documentation License version 1.2 ou toute version ultérieure publiée par la Free Software Foundation – source : Alphanidon (8 février 2010))

 

Les centaures continuent d’ailleurs à nourrir notre imaginaire : on les retrouve dans le film « Percy Jackson » (avec un « côté James Bond » sous les traits de Pierce Brosnan !), dans le dessins animé « Hercule » (où celui-ci délivre des « griffes » de Nessus la jolie Mégare aux yeux rehaussés d’un fard à paupière violet), dans les films « Harry Potter à l’Ecole des Sorciers » et « Le Monde de Narnia » ou encore dans le dessin animé « Fantasia » (où les centaures et centauresses sont les héros et héroïnes de la Symphonie pastorale), pour ne citer qu’eux.  


Pierce Brosnan en Chiron ! (source : https://www.pinterest.fr/pin/324540716871302608/)

 

La punition d’Ixion

 

D’après Plutarque (Vies parallèles, Vie de Thésée, 30-35), les centaures seraient nés de l’union d’Ixion, roi des Lapithes en Thessalie, et d’une nuée (Néphélé [16]) à laquelle Zeus avait donné l’apparence de son épouse, Héra pour leurrer Ixion.

 

Bref retour en arrière : Ixion avait commis auparavant un crime ignoble en assassinant son beau-père le roi Déionée (ou Eionée). Ixion lui avait fait miroiter de magnifiques cadeaux en échange de la main de sa fille Dia, mais quand Déionée vint réclamer les présents convenus, son gendre se rétracta. Le roi, lésé, s’empara alors de ses chevaux en guise de compensation.

 

Ixion, bien décidé à récupérer ses chevaux, mais toujours déterminé aussi à ne pas payer le prix de la dot, fit croire à son beau-père qu'il était prêt à honorer sa parole et l’invita à venir chercher ses cadeaux dans son palais de Larissa, en Thessalie. En réalité, Ixion avait fait creuser une énorme fosse devant l’entrée de son palais, la tapissant d’un lit de braises. Lorsque Déionée passa à côté de la fosse habilement dissimulée, Ixion l’y précipita traitreusement et le roi y mourut brûlé vif par les charbons ardents.

 

Le caractère odieux de ce crime, à la fois sacrilège (parjure) et meurtre sur un membre de sa famille (parricide, doublé d’un régicide), était tellement manifeste que personne ne voulut purifier Ixion pour ce crime. Les Érinyes s’acharnèrent également à le persécuter au point qu’il commençait à en perdre la raison. Dia, cependant, qui l’aimait sincèrement, se mit à prier Zeus qui fut ému par la démarche de la jeune femme… et peut-être par sa beauté.

 

Il accepta de le purifier de ce crime et de le réhabiliter. Il l’invita même à sa table sur l’Olympe, pour partager son repas et boire de l’ambroisie. Mais l’ingrat Ixion bafoua toutes les règles de l’hospitalité en voulant séduire Héra et en la poursuivant de ses assiduités. Outragée, l’épouse de Zeus alla se plaindre à son royal mari qui entra dans une colère … jupitérienne. Il substitua alors à son épouse une image façonnée dans un nuage et ayant ses traits. Ixion tomba dans le piège et copula avec la nuée. 

 


Ixion, roi des Lapithes, trompé par Junon qu'il voulait séduire, tableau de Rubens, 1615 (musée du Louvre). Ixion et Néphélé se trouvent à gauche (domaine public – auteur : Coyau – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_roi_Ixion_tromp%C3%A9_par_Junon,_qu%27il_voulait_s%C3%A9duire_(Louvre_RF_2121)_01.jpg

 

De cette union naquit Centauros, qui, une fois adulte, s’accoupla lui-même aux juments de Magnésie. Celles-ci donnèrent naissance aux centaures, créatures au corps de cheval et au buste d’homme.

 

Mais la colère de Zeus n’était pas apaisée pour autant. Elle se traduisit par un de ces supplices « chinois » qu’il infligeait occasionnellement aux mortels les plus infames et dont il avait le secret.  A la hauteur du sacrilège commis (avoir convoité l’épouse du roi des dieux après avoir commis un crime sur la personne d’un roi des hommes), Ixion fut précipité pour l’éternité dans le Tartare [17] où Hermès, suivant les ordres de Zeus, attacha Ixion avec des serpents à une roue enflammée tournant perpétuellement. 

Giovanni Battista Langetti (Musée d’Art de Ponce, Porto Rico – image dans le domaine public – source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Giovanni_Battista_Langetti_-_The_Torture_of_Ixion_(17th-century).jpg)

 

Ixion alla donc compléter le trio des suppliciés les plus malheureux d’Hadès (« les damnés du Tartare ») : Tantale et Sisyphe. 

 


Sarcophage romain (musée du Vatican, galerie des Candélabres) sur lequel figure le trio de suppliciés Sisyphe, Ixion et Tantale (Licence : Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike – auteur : Dan Diffendale – source : https://www.worldhistory.org/image/6370/sisyphus-ixion-and-tantalus/)

 

Dans la fresque de l’oecus [18] de la Maison des Vettii à Pompéi, qui représente cette scène, Ixion apparaît attaché sur le ventre à la roue, ce qui suggère que l’instrument de torture dans ce cas-ci est un support destiné à fouetter Ixion ou à un autre supplice de nature similaire [19]. Hermès [20] regarde Héra [21] assise sur son trône, attendant qu’elle lui fasse signe de commencer le supplice. Derrière lui, Vulcain est déjà occupé à le lier à la roue avec des serpents. Aux pieds d’Héra, Néphélé, horrifiée par le spectacle de la préparation du supplice et se rendant compte du cruel châtiment que va endurer son bien-aimé Ixion. 

 



Fresque de l’oecus de la Maison des Vettii à Pompéi (domaine public – source : https://en.wikipedia.org/wiki/House_of_the_Vettii - auteur : WolfgangRieger)

 

Les centaures dans l’imaginaire grec


L’existence des centaures n’était pas seulement attestée par les différentes formes d’art (la céramique, la peinture, la sculpture, etc.), la littérature ou la superstition, elle était aussi avalisée par la science. Pline [22] rapporte qu’on montrait à Rome, sous le règne de Claude, un centaure embaumé dans du miel [23], et les plus éminentes figures de la patristique (saint Jérôme, saint Justin, saint Cyprien) s’accordent sur l’existence de ces êtres fabuleux (« ils croient reconnaître en eux des anges déchus condamnés à errer, jusqu’à la consommation des siècles, dans les forêts et les déserts [24] »).

 

Armés seulement de pierres ou de branches d’arbres (le branchage, c'est l'anti-arme), les centaures étaient incapables de se défendre contre les armes plus sophistiquées des héros ou héroïnes mythiques qu’ils rencontraient, telles que l'arc et les flèches d'Héraclès et d'Atalante.


Dans la mythologie grecque, les centaures sont donc jugés comme des êtres non civilisés, frustres et brutaux, plus proches de l’animalité que de l’humanité [25], mais certains d’entre eux [26] sont les dépositaires d'une forme particulière de sages­se parce qu'ils ont accès à une sphère qui se situe au-delà de l'hu­main. 

Dessin personnel (Philippe Durbecq) sur ordinateur de l’univers imaginaire des Grecs 

 

Chiron

 

C’est le cas de Chiron qui enseigna la médecine [27] à Asclépios et fut notamment le précepteur d'Achille [28] à qui il apprit entre autres la musique [29]. 

 

 Chiron enseignant à Achille l’usage de l’arc (Jean-Baptiste Regnault, musée du Louvre – œuvre dans le domaine public – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jean-Baptiste_Regnault_001.jpg)

 

Chiron se distinguait également d’une autre manière par rapport aux autres centaures : par ses liens familiaux. Il n’était en effet pas le descendant d’Ixion et de Néphélé, mais le fils du Titan Cronos (Saturne chez les Romains) et de Philyra, nymphe océanide [30], d'où le surnom de Philyrides, qui lui a été donné par les poètes. 

 

Au cours d’un combat contre les centaures, Héraclès, qui aimait Chiron et l’estimait, le blessa, par inadvertance, d’une de ses flèches empoisonnées. Chiron enduisit la plaie d'un onguent, mais les blessures causées par les flèches d’Héraclès n'étaient pas guérissables [31] : le héros avait en effet trempé les pointes de celles-ci dans le sang empoisonné de l'Hydre de Lerne. Sur la figurine en terre cuite du centaure de Lefkandi, la blessure à la jambe (entourée d’un cercle rouge sur la photo ci-dessous), infligée par Héraclès avec sa flèche mortifère est bien visible par une entaille dans l’argile de la jambe [32]. Même si cette statuette ne présente guère de valeur sur le plan artistique, elle a, en revanche, le mérite d’être une pièce unique permettant d’identifier infailliblement Chiron. Cette statuette est aussi la première représentation connue d’un centaure en trois dimensions. Sa valeur sur le plan historique et iconographique est donc inestimable. 

   

 

Centaure de Lefkandi (vers 1000 av. J.-C., Musée archéologique d'Érétrie, Eubée, Grèce (Licence : CC0 – Auteur : Jebulon (travail personnel) 

    



A gauche, une fleur de centaurée ; à droite, un corymbe d’achillée millefeuille (images issues toutes deux du site https://www.jardiner-malin.fr/

 

Héraclès, quant à lui, devra sa mort à un autre centaure : Nessus. On le voit sur cette fresque provenant de la maison du centaure à Pompéi (conservée au musée archéologique de Naples), portant son fils Hyllos. Son épouse Déjanire, debout sur un bige s’apprête à le prendre à bras. Hercule s’appuie sur sa massue et regarde, d’un air hautain, Nessos qui implore son pardon.

 

 

A gauche, fresque d’Hercule, Déjanire et le centaure Nessus (photo dans le domaine public – source : Marie-Lan Nguyen – source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Hercules_Nessus_MAN_Napoli_Inv9001.jpg) ; à droite, H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome II, planche 73, pp. 226 et suiv. (éd. 1875)

 

Tourmenté par d’atroces douleurs, Chiron, bien qu'immortel, pria les dieux de lui accorder le trépas. Ceux-ci y consentirent après qu'il eut transmis son immortalité à Prométhée [33].

 

Après sa mort, Zeus le transporta dans le ciel, où il devint la constellation du Centaure (ou du Sagittaire selon les sources). On remarque donc que, dans le mythe, il existe toujours une possibilité de vénération [34]. 


Le Centaure dans l'Uranographia de l’astronome Johannes Hevelius (image dans le domaine public)

 

La fresque du IVe style, trouvée dans la pseudo-basilique d’Herculanum et conservée au musée archéologique de Naples, représente Chiron apprenant la musique à Achille.

 

A Pompéi, cette image d'Achille et Chiron apparaît à de nombreux endroits : sur l'emblème (l’épisème, littéralement le « signe ») du bouclier du héros découvert par Ulysse et Diomède dans le gynécée de Skyros (« Maison d'Achille », « Maison des Dioscures », « Maison d'Apollon »), sur un tableautin de la « Maison de M. Lucretius » (« Maison des Musiciennes ») (IX, 3, 5), par deux fois, sous la forme de groupe statuaire sur un piédestal, dans la « Maison d'Adonis blessé » (VI, 7, 18, viridarium 14), de part et d'autre du couple divin, ainsi que sur les vignettes de la Villa dite de Cicéron (Naples inv. 9133). 

H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome III, planche 95, p. 9 sqq (éd. 1875)

 

A Rome, elle figure parmi les décorations de la Domus aurea [35] (64 - 68 après J.-C.), comme on le voit dans l'album d'un anonyme italien du XVIIe siècle conservé au Département des arts graphiques du Louvre [36].

 

Notons qu’Achille eut en réalité deux professeurs : Chiron et Phénix [37].

 

Chiron dispense au jeune garçon une éducation non pas livresque, mais pratique qui doit lui servir dans sa carrière de héros, y compris dans sa participation à la guerre de Troie.  Cécile Dubois dans son article « Achille apprenant la lyre chez Chiron : tradition et transmission d’une scène d’éducation », note que C. J. Mackie, Professeur à l’Université de La Trobe en Australie « se livre à une instructive étude [38] comparée de l’influence des deux professeurs connus d’Achille chez Homère, pour parvenir à la conclusion que Phénix sert à incarner la partie humaine et rationnelle de l’éducation traditionnelle (aux armes et aux belles paroles), telle que n’importe quel jeune grec peut la recevoir, tandis que Chiron est relégué aux confins de l’œuvre, cantonné à la sauvagerie par son statut de centaure, mais servant de caution à des pouvoirs surnaturels et héroïques d’Achille, comme la rapidité de la course par exemple [39]. ». Le poète Hésiode avait, quant à lui, rédigé un poème didactique intitulé Les leçons de Chiron dont il subsiste quelques traces fragmentaires.

 

Quant à Phénix, Platon le considère comme le pédagogue d’Achille [40]. Il apprend à son élève l'art de l'éloquence et le maniement des armes [41], ce qui est aussi pratique et essentiel que les compétences dispensées par Chiron, mais l’on pourrait même dire que Phénix et Chiron se complètent : la musique et l’éloquence sont liées étroitement. C’est Quintilien qui l’affirme dans son Institution Oratoire (I, 10, 30) [42].

 

Remarquons enfin que la littérature latine s’écarte sensiblement de la tradition homérique. En effet, dans la première, c’est Chiron qui a la place d’honneur et qui est l’éducateur par excellence et non Phénix [43]. Ovide, par exemple, le mentionne dans les premières lignes de son Art d’aimer en affirmant que « Chiron fut le précepteur de l’Eacide et que lui-même est celui de l’Amour [44] ! ».

 

En tout cas, quelle que soit la part de chacun des deux « précepteurs » dans la formation du héros, on continue, même de nos jours, à les considérer, tous deux, comme des modèles d’éducation [45].

 

La fresque d’Herculanum de Chiron instruisant le jeune Achille

 

A l’arrière-plan de la fresque d’Herculanum, l’espace est occupé par un édifice agrémenté d’une double corniche avec bucranes et rosettes. Pline l’Ancien (Histoire naturelle, Livre XXXVI, 5) nous apprend qu’il existait à Rome, dans les Saepta Iulia (l'enclos julien, près du Panthéon) [46], deux beaux groupes sculptés, l'un d'Achille et de Chiron, l'autre de Pan et d’Olympe, œuvres d'un artiste grec. Il est dès lors possible que le peintre de notre fresque ait voulu indiquer au spectateur la source où il avait puisé le sujet de son tableau, en plaçant la scène à ciel ouvert et avec pour toile de fond de sa peinture l'architecture elle-même des Saepta Iulia plutôt que la caverne sombre du mont Pélion où vivait le centaure (la grotte de Philyra). Donc, le prototype de la fresque d’Herculanum n’était pas un tableau, mais une statue. 

  

 

A gauche, vestige du mur de briques des Saepta Iulia, au pied de la rotonde du Panthéon (Licence : CC BY – SA 3.0 – auteur : Joris (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pantheon_with_remains_of_the_Saepta_Iulia.jpg) ; à droite, reconstitution des Saepta Iulia (entourée d’un cercle rouge), sur la maquette d'Italo Gismondi (Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported – auteur : ColdEel (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pantheon_ThermesAgrippa_SeptaJulia.png)

 

Dans la fresque d’Herculanum, Chiron, assis sur un tapis de gazon frais (exactement comme dans la description de la copie du tableau de Zeuxis par Lucien [47]), la tête couronnée de laurier et vêtu d’une peau de bête nouée sur la poitrine, symbolisant son talent pour la chasse [48], enseigne au jeune Achille l’art de jouer de la lyre [49] : ce dernier semble toucher avec les doigts de sa main gauche les cordes de l’instrument, tandis que Chiron les pince avec le plectre (plectrum [50]).

 

Le plectre permet de frapper (et non de « caresser » comme l’archet) les cordes parallèlement à la table de résonnance. On peut s'attaquer à une corde toujours dans le même sens (en aller), ou alternativement dans les deux sens (en aller-retour) – comme sur une harpe –, ce qui permet un jeu « rapide et brillant ». 

 

 

A gauche, photo de la fresque d’Achille et Chiron du musée archéologique de Naples – domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chiron_%28mythologie%29#/media/Fichier:Chiron_instructs_young_Achilles_-_Ancient_Roman_fresco.jpg) ; à droite, dessin tiré de H. Roux, Herculanum et Pompéi, tome II, planche 3, pp.9 sqq (éd. 1875)

 

L’instrument proprement dit ressemble par sa forme à la plupart de ceux qui sont représentés sur les monuments antiques, ou dont les auteurs ont donné des descriptions (il y en avait pourtant des triangulaires).

 

Les anciens utilisaient les deux mains pour jouer de la lyre : la droite tenait le plectrum et produisait un son en frappant les cordes que l'on appelait foris canere, « jouer en dehors » ; la gauche ramassait les cordes avec les doigts (en les « promenant » sur les cordes), et le son obtenu de cette manière s'appelait, au contraire, intus canere, « jouer en dedans ». Mais il était possible de frapper les cordes des deux côtés à la fois (comme l’on peut l’observer sur la fresque des Noces aldobrandines du Vatican). On disait alors « jouer en dedans et en dehors », intus et foris canere.

 

 



Les deux premières illustrations sont des zooms des photos précédentes ; la troisième est un détail de la partie extrême droite des Noces aldobrandines (domaine public - source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e8/Aldobrandini_wedding.JPG)

 

Cicéron mentionne un musicien du nom d’Aspendius, comme étant un célèbre joueur de lyre qui obtenait avec la main gauche ces deux résultats de manière distincte. Les Romains donnaient aux voleurs habiles et qui savaient « cacher leur jeu », le nom d'Aspendii citharistae.

 

Le thème pictural de l’éducation musicale nous en rappelle un autre analogue mais réalisé en marbre, qui se trouve lui aussi au musée de Naples [51] et dans lequel on voit Pan [52], le dieu des bois, donner une leçon de syrinx au jeune Daphnis, le fils d’Hermès. 

 



A gauche, copie romaine partielle (IIe s. ap. J.-C.) du groupe de Pan et Daphnis du Musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles (photo dans le domaine public – auteur : Daderot (travail personnel)) ; à droite, copie complète (IIe ou IIIe s. ap. J.-C.) du groupe de la collection Farnèse au musée archéologique de Naples.

 

L’enseignement de la musique se faisait sans partition [53] comme on peut le constater sur la fresque d’Herculanum, car l’apprentissage repose essentiellement sur l’oreille et sur la pratique. Le maître joue seul pour donner l’exemple à l’enfant et parfois ensemble. En principe, donc, pas de théorie, ni de solfège [54].

 

On peut imaginer qu’il en va de même dans le cas de la fresque d’Herculanum d’un « Maître hellénique » intitulée « Célébration d’un aulète vainqueur [55] » (fresque n° 9021 conservée au Musée archéologique national de Naples) : la femme assise au premier plan, la tête entourée de lierre, tient, dans la main gauche, un volumen inscrit qu’on peut, en toute vraisemblance, identifier à une « partition de musique » et qui contient plus que vraisemblablement uniquement les paroles de son chant et non des « signes » assimilables à des notes de musique [56]. De la main droite, elle semble donner le rythme aux deux joueurs qui sont à côté d’elle [57].  

Fresque n° 9021 © MANN (avec l'autorisation du Ministero della CulturaMuseo archeologico Nazionale di Napoli – photo de Luigi Spina)

 

Il faut en effet se rappeler que, jusqu'au Moyen Âge, il n'existait pas de gamme musicale. L’invention de la partition de musique est attribuée au moine bénédictin Guido d'Arezzo (992-1050), connu aussi sous le nom de Guido Monaco ou Guido Aretino : il est considéré comme le créateur de la notation musicale moderne, remplaçant le système neumatique (les neumes étant des signes sans portée).

 

 

Statue de Guido d’Arezzo sur la façade des Offices à Florence (Licence CC BY-SA 3.0 - Auteur supposé : RicciSpeziari~commonswiki (étant donné la revendication de droit d’auteur) – Idem pour la source (« travail personnel » supposé)

 

La dénomination des notes de musique provient des premières syllabes des hémistiches en latin de l’Hymne de saint Jean-Baptiste du poète Paul Diacre, choisies à cet effet par Guido d’Arezzo au Xe siècle pour la dénomination des notes :

 

Ut queant laxis resonare fibris.

Mira gestorum famuli tuorum.

Solue polluti labili reatum.

Sancti Iohannes.

Domine.

 

Cela signifie que, dans l’Antiquité, l'apprentissage de la musique exigeait une grande capacité mémorielle, ainsi qu’une bonne gymnastique mnémotechnique, ce qui ne devait, a priori, pas poser de problème majeur puisque les Anciens prenaient le temps de cultiver leur intelligence. Il suffit de penser à l’incroyable talent des aèdes [58] dans ce domaine (ils avaient toute de même des formules de mémorisation pour les aider [59]) ou aux corrections optiques appliquées aux temples comme le Parthénon [60].

 

Il n’existait donc pas de notation musicale. Les notes étaient identifiées par le monocorde, un instrument constitué – comme son nom l’indique – d'une seule corde, tendue sur une caisse de résonance entre deux ponts, et placée sur un troisième pont intermédiaire. 


Instruments monocordes du musée des instruments de musique de Berlin. (Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported 3.0 – auteur : Matin le Gorn – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:MIM_String_Instruments.jpg)

 

 

La fresque d’Herculanum de Chiron instruisant le jeune Achille pourrait être comparée à un groupe statuaire tel que celui de Pan et Daphnis, mais l’atmosphère qui en émane y est tout à fait différente. Chiron aborde l’élève de manière ex-cathedra, avec toute l’autorité dont il est investi en tant que maître de musique, mais son visage (pratiquement complètement humanisé [61]) est empreint d’une expression paternaliste de pédagogue qui inspire la confiance au jeune Achille (dans cette scène, on remarque une véritable proximité entre le maître et son élève : le didaskalos, l’instituteur [62] Chiron, se tient non pas éloigné de son élève, mais légèrement en retrait de lui et met son bras autour de ses épaules dans un geste soit de protection teinté d’affection, soit dans un but pédagogique pour rectifier sa posture, soit encore les deux). Dans son ouvrage, Les musiciens de l’Antiquité, Annie Bélis analyse de manière approfondie les rapports entre le maître et l’élève.

 

« La maîtrise des instruments pratiqués par les virtuoses (qu’il s’agisse de la cithare ou des auloï) ne pouvait donc s’acquérir qu’au terme d’années de pratique et d’exercices quotidiens mis au point et indiqués par le maître, répétés inlassablement jusqu’à ce que le jeune homme soit en pleine possession de sa technique. (…) Le travail auquel les maîtres astreignaient leurs élèves était considéré comme une véritable discipline de vie. C’est peut-être ce qui conduit nombre d’écrivains grecs et latins à établir un parallèle entre futurs athlètes et futurs virtuoses. Plutarque souligne que l’agitation, la peine et l’inquiétude causés par les premières leçons des musiciens et des gymnastes sont du même ordre. Les termes mêmes par lesquels la langue grecque désignait leurs apprentissages sont révélateurs : les uns et les autres sont soumis à un entraînement (askèsis). (…) On n’oubliera pas que, dans la plupart des cas, ils vivaient sous le toit même de leur professeur (…). Ils leur devaient une obéissance totale, quelles que fussent leurs exigences et leurs méthodes pédagogiques. (…) Il se nouait entre le maître de musique et son disciple des liens très forts, nous dirons même indissolubles, de loyauté, de fidélité et d’affection mutuelle – la mythologie nous en fournit un modèle avec le centaure Chiron, qui enseigna la lyre au jeune Achille. Chez un professeur, l’intransigeance passe pour une vertu [63]. ». On fera un parallèle intéressant avec les colères jupitériennes du compositeur et chef d’orchestre Wilhelm Furtwängler [64].

 

Dans la peinture d’Herculanum, ce dernier semble comme suspendu aux lèvres de son maître (en tout cas, il écoute – on pourrait dire qu’il « boit » littéralement – les paroles de son maître avec une attention soutenue) et ne pense qu’à faire son miel de son enseignement, parce que la nature différente de son professeur ne lui inspire aucune crainte. Daphnis a, quant à lui, une attitude beaucoup plus timorée et embarrassée vis-à-vis de son maître. Il baisse le regard au lieu de le lever : il y a « visiblement » un malaise, car Daphnis est tourmenté par une gêne indicible provenant de la nature semi-animale de Pan qui se rapproche de lui avec des gestes de plus en plus insistants.

 

Le peintre d’Herculanum Chiron instruisant le jeune Achille a apparemment plutôt pris le parti d’estomper, presque de gommer, la divergence de nature existant entre les deux personnages (Chiron est un mixanthrôpos) afin de laisser la différence de nature des deux héros se dissiper et ainsi laisser la place à une franche relation de confiance réciproque, où le seul centre d’intérêt aussi bien pour le maître que pour l’élève, réside dans la leçon de musique elle-même.

 

Une scène semblable à celle de la fresque d’Herculanum a été transposée en sculpture par un artiste du XIXe siècle, Rinaldo Rinaldi, qui réalisa un groupe un peu froid, me semble-t-il (aujourd’hui à la Ca’ d’Oro de Venise [65]), mais dans lequel Achille est auréolé de la grâce d’un éphèbe et où il nous dévoile un visage vraiment adorable : ici, la relation de confiance est même dépassée, il y transparaît de la vénération, voire des sentiments d’amour filial (il faut avouer que, parfois, l’admiration d’un professeur peut guider toute une vie). 


C’est en tout cas, ici, une véritable transfiguration qu’opère la musique sur l’élève : l’âme en est touchée. 

  

Philippe Durbecq

 

Bibliographie

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  • Annie BELIS, Les Musiciens dans l’Antiquité, La Vie quotidienne, Hachette, 1999.
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  • Jacques CHARLES-GAFFIOT et Henri LAVAGNE (dir.), Hadrien : trésors d'une villa impériale, Electa, Milan, 1999.
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  •  Henri JEANMAIRE, Dionysos, histoire du culte de Bacchus, 1970, Payot, Paris.
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  •  Henri-Irénée MARROU, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, Paris, Seuil, t. 1, 1948.
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  • Joël SCHMIDT, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Larousse.
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  • Henri STIERLIN, Hadrien et l’architecture romaine, Payot, Office du livre, 1984.
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https://artequestre.wordpress.com/2016/01/22/recits-antiques-grecs/

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  • D. TSIAFAKIS, « ‘ΠΕΛΩΡΑ’ Fabulous Creatures and/or Demons of Death? », in J.M. Padgett (éd.), The Centaur’s smile: the human animal in early Greek art (exhibition, Princeton University Art Museum, October 11, 2003 – January 18, 2004 ; Museum of Fine Arts, Houston, February 22 – May 16, 2004), Princeton, 2003, pp. 73‑104.

 

CD et enregistrements en ligne

 

 



[1] « Enrager ».

[2] Callistrate (Descriptions, XII) détaille minutieusement la dualité du centaure (au travers de l’analyse d’une statue) et précise les limites des deux parties – humaine et animale qui le constituent –, là où le torse humain se marie à l'encolure chevaline. Au Moyen Age, les imagiers romans reprennent les centaures comme thème de décoration pour les « livres de pierre » que sont les églises romanes. Anne et Robert Blanc (2006) et Gérald Gambier (2018) donnent une lecture symbolique de l'image du centaure comme étant celle d’une juxtaposition d'une animalité et d'une humanité.

[3] Cf. Emma Aston, Mixanthrôpoi : animal-human hybrid deities in Greek religion.

[4] Voir également l’excellent article d’Eléonore Montbel, « La centauresse, un exemple de remise en question de la frontière du genre à l’époque impériale », note 2.

[5] Au sujet des centauresses, se référer également à l’article de Madame Eléonore Montbel.

[6] Cf. l’article centauri dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio (http://www.mediterranees.net/mythes/centaures/daremberg.html).

[7] Œuvre du sculpteur polonais Igor Mitoraj (1994), décédé en 2014 (https://artpolonais.com/mitoraj-retour-aux-antiques/) et dont la principale source d’inspiration était l’Antiquité.

[8] Une remarque valable pour l’ensemble des fresques : le peintre est quasiment toujours inconnu puisqu'ils étaient considérés comme des artisans et non comme des artistes.

[9] Cf. « Aurea pectoribus demissa monilia pendent » (Virgile, Enéide, VII, 278). D’après Suétone (Vie des Douze Césars, LV, 8), le cheval de Caligula, Incitatus, possédait – entre autres – un licou garni de pierres précieuses (« monilia e gemmis »).

[10] Remarquer en particulier la décoration en haut relief de certains éléments de la coupe comme les jambes saillantes des centaures. Une vidéo du Getty Museum explique la fabrication de ces coupes (lien : https://blogs.getty.edu/iris/video-the-making-of-a-roman-silver-cup/).

[11] Dans son article « La centauresse, un exemple de remise en question de la frontière du genre à l’époque impériale », Eléonore Montbel a suggéré l’apparition de la centauresse avec Zeuxis. Toutefois, comme elle l’écrit elle-même, il faut garder une attitude prudente car rien ne prouve que Zeuxis en fut l’« inventeur » et il n’est pas absolument certain que ce type de personnage n’existait pas dans l’imaginaire grec avant lui, d’autant plus que le seul témoignage que nous avons concernant cet évènement intervient plus de 600 ans plus tard (Lucien de Samosate vit en effet au IIe siècle après J.-C. : il est né vers 120 et meurt vers 180).

[13] Il est dans l’impossibilité de contempler l’œuvre originale, car celle-ci a, dit-on, été perdue lors du naufrage du vaisseau qui le transportait, en même temps qu’une partie du butin saisi lors du pillage d’Athènes en 86 av. J.‑C. par les soldats de Sylla qui ont saccagé la ville lors de la première guerre mithridatique (le casus belli de cette guerre était les Vêpres asiatiques – voir l’article https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%AApres_asiatiques). Lucien commente donc une copie très fidèle à l’original (« fort exacte » dit-il) exposée chez un peintre athénien. Voir Eléonore Montbel, Ibid.,

[14] Description littéraire d’une œuvre d’art.

[16] Dans la mythologie grecque, Néphélé (en grec ancien néphos, « nuage », en latin Nebula ou Nubes) est un nuage que Zeus avait substitué à son épouse Héra (Néphélé est parfois confondue avec son homonyme, une nymphe épouse d'Athamas et mère de Phrixos et Hellé, bien que leurs mythes soient assez différents).

[17] Voir la vidéo « Hadès, Tartare et les Enfers dans la mythologie grecque » de World History Encyclopedia : URL :  https://www.youtube.com/watch?v=maMe1JADqwI&t=3s.

[18] Forme latinisée du mot grec oikos utilisée par Vitruve pour désigner la salle ou le salon principal d’une maison romaine.

[19] Une autre explication non axée sur le type de torture, mais sur la condamnation morale peut tout aussi être valable : on ne doit pas voir son visage puisqu’il est condamné à l’oubli pour l’éternité.

[20] Identifiable aux ailes attachées à ses sandales, à son chapeau rabattu sur son dos et à son caducée. Son corps est très bien rendu par le peintre avec un usage magistral du clair-obscur.

[21] On remarquera le talent de l’artiste à l’aune du rendu sublime du voile d’Héra : celui-ci a la légèreté et la transparence d’une aile de libellule.

[22] Pline l’Ancien, en dehors de ses fonctions militaires (commandant de la flotte impériale de Misène) était un homme de lettres doué d’une ardente curiosité scientifique : il est l’auteur de la première somme ou encyclopédie scientifique de son temps, l’Histoire naturelle.

[23] « L'empereur Claude décrit qu'un hippocentaure né en Thessalie mourut le même jour : nous aussi, sous son règne, nous en avons vu un qui lui fut apporté d'Égypte dans du miel » (Pline, Histoire naturelle, Livre VII, III, 2).

[24] L’épopée des animaux, Revue des deux mondes, 1853, tome 4, p. 935.

[25] Bien que nous ayons vu des actes bien humains dans la défense chevaleresque d’un centaure vis-à-vis de sa compagne attaquée par un tigre ou dans les gestes attentionnés d’une mère centauresse pour son petit.

[26] Seuls les deux Centaures, Pholos (fils de Silène et d’une Hamadryade – une nymphe des arbres –, dont la légende est rattachée à celle de son ami Héraclès) et Chiron, se distinguent de leurs semblables en faisant preuve d’une bonté et d’une sagesse exemplaires.

[27] Il est aussi l’inventeur de la chirurgie. Son nom même dénotait son habileté manuelle (Chiron dérive du grec kheir, « main », racine que l’on retrouve dans le nom de la discipline médicale elle-même ou dans d’autres mots comme « chiropractie »).

[28] Il fut l’éducateur de nombreux héros. Il eut en effet pour disciples : Esculape, Nestor, Amphiaraüs, Pélée, Télamon, Méléagre, Thésée, Hippolyte, Ulysse, Diomède, Castor et Pollux, Jason et son fils Médos, Phénix, le chasseur Actéon, fils d'Aristée, Énée, le fils d'Aphrodite, Héraclès, Iphiclès, Palamède, le fils de Nauplios, Patrocle, l'amant d'Achille, Jason, le fils d’Æson, et surtout Achille, dont il prit, en tant qu’aïeul maternel, un soin particulier.

[29] Il lui enseigna aussi la chasse, le sport, l’équitation, la morale et la médecine. En un mot, Chiron fit d’Achille le modèle accompli du parfait héros.

[30] Fille d’Océan et de Téthys.

[31] Pline (Histoire naturelle, Livre XXV, XXX) raconte pourtant que Chiron s’était guéri d’une blessure qu’il s’était faite en maniant les armes d’Hercule qu’il avait reçu chez lui en y appliquant une plante qui, depuis lors, a été appelée centaurée ou herbe au centaure. Le centaure Pholos mourut également en se blessant avec une flèche empoisonnée d’Héraclès (Lucien de Samosate, p. 177). Quant à Achille, il découvrit lui-même une vivace qui guérit les blessures (elle aurait permis de soigner Télèphe) et qui prit son nom : l’achillée millefeuille (Achillea millefolium), l'herbe d’Achille, dite aussi « l’herbe aux coupures »).

[32] A moins que cette entaille ait été creusée postérieurement et n’ait pas été voulue par le céramiste.

[33] Prométhée était lui-même immortel. Peut-être faut-il sous-entendre que Zeus avait convenu de mettre un terme au supplice de Prométhée à condition qu'un immortel consentisse à mourir pour lui. La mort de Chiron se trouverait ainsi associée à la libération du Titan. 

[34] A noter qu’un « grand objet » transneptunien (c’est-à-dire dont l’orbite est entièrement ou, pour sa plus grande part, située au-delà de la planète Neptune) porte le nom d’Ixion. Il s’agit donc d’une planète mineure du système solaire. Elle se situe dans la subdivision de la ceinture de Kuiper.   

[35] L'empereur Néron était un fervent admirateur d'Achille et d'Alexandre le Grand, comme Caracalla. 

[36] Inv. 18106 (URL: https://collections.louvre.fr/en/ark:/53355/cl020205604). Titre complet sur la page de frontispice : Vestigia delle Terme di Tito e loro interne pitture.

[37] Fils d’Amyntor, roi des Dolopes, et de Cléobulé ou d’Hippodamie, Phénix fut chassé par son père et eut les yeux crevés par celui-ci pour avoir séduit une de ses concubines. Soigné par le centaure Chiron, Phénix recouvra la vue et fut accueilli ensuite par Pélée qui le fit roi des Dolopes. C’est Pélée qui lui confia la garde d’Achille. Phénix devait rester profondément attaché au grand héros, qu’il accompagna à Troie. Il tenta même d’adoucir la rancune d’Achille après sa brouille avec Agamemnon. A la mort de son ami, Phénix fit partie de l’ambassade qui alla chercher Néoptolème, fils d’Achille et de Déidamie, afin qu’il continuât l’œuvre de son père à la guerre de Troie. Il mourut pendant le voyage du retour. 

[38] Dans son article « Achilles’teachers : Chiron and Phoenix in the Iliad ».

[39] « Achille apprenant la lyre chez Chiron : tradition et transmission d’une scène d’éducation », page 2, note 2.

[40] La République, Livre III (390c).

[41] Homère, Iliade, Chant IX, 438-442.

[42] Il recommande d’intégrer la musique dans le processus d'apprentissage des orateurs novices, parce que celle-ci permet de se familiariser avec le rythme qui « aide à la compréhension de la poésie et, par extension, à la maîtrise de l’art oratoire » (Cécile Dubois, Ibid. page 1). Quintilien utilise donc un élément mythologique pour en faire un axiome.

[43] Cécile Dubois, Ibid.

[44] « Aeacidae Chiron, ego sum praeceptor Amoris ».

[45] « L’éducation d’Achille, modèle pour notre temps ? » par Mayoro Dia et Bouré Diouf, maîtres de conférences des universités de Dakar, λύχνος n° 162, juillet 2022, article premier.

[46] Les Saepta Iulia étaient un ensemble de portiques, donc « vides » de monuments au départ (c’était l’ancien espace de vote des comices), mais remplis de statues au cours des siècles. L'espace servit essentiellement de marché d'antiquités et d'œuvres d'art lorsque, avec l'avènement d'Auguste, les élections aux comices furent tombées en désuétude (cf. la maquette qui se trouve au musée de la Civilisation Romaine à Rome et le site http://www.maquettes-historiques.net/Page35.html). Un vestige de murs de briques de l'époque d'Hadrien (portique des Argonautes) est encore visible sur le côté gauche du la rotonde du Panthéon (via della Minerva). Les briques étaient recouvertes de marbre.

[47] « Sur un épais et vert gazon est représentée la centauresse. Toute la partie chevaline de son corps est couchée sur le sol, les pattes arrière étendues par-derrière elle ; sa partie féminine est doucement redressée, prenant appui sur ses coudes. Ses pattes de devant ne sont plus allongées, comme elles devaient l’être lorsqu’elle reposait sur le flanc, mais l’une se cambre, comme pour s’agenouiller, le sabot replié, tandis que l’autre se redresse et prend fortement appui sur le sol, comme le font les chevaux quand ils essaient de se relever. ».

[48] Les jumeaux divins Artémis et Apollon l’avaient initié aux arcanes de la cynégétique.

[49] La lyre est l’instrument à corde le plus populaire dans l’Antiquité grecque. En effet, c’est avec elle que les enfants s’initiaient à la musique dès qu’ils avaient appris à lire. Leur cours se déroulait chez un « cithariste », qui était un professeur de lyre et non pas de cithare, comme le mot pourrait le laisser penser. De nombreuses poteries représentent des scènes d’école, où les enfants tiennent une lyre, assis devant leur maître. La plupart des auteurs anciens ne semblent faire aucune distinction entre lyre et cithare. Ainsi, par exemple, ils attribuent à Apollon tantôt l'invention de la lyre et tantôt celle de la cithare. D'autres, au contraire, font bien la différence entre les deux et affirment que la tradition grecque désignait Mercure comme l’inventeur de la lyre et Apollon, celui de la cithare. Les auteurs ne sont pas plus à l’unisson sur le nombre de cordes que possède cet instrument (la lyre que l'on voit dans la fresque d’Herculanum compte onze cordes). Pour clarifier les choses, Annie Bélis précise, dans son ouvrage Les Musiciens dans l’Antiquité (page 17), que la cithare était un instrument à cordes réservé uniquement aux professionnels.

[50] Le plectre était en somme l’« archet » de la lyre. C’était un « aiguillon » fabriqué dans un matériau dur (bois, corne, ivoire, métal, pierre précieuse). Son usage était déjà connu des Egyptiens, mais en on en attribue la paternité à Sapho ou à Hermès. Il peut prendre des formes différentes (voir l’article « lyra » du Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Daremberg et Saglio, p. 1446), mais dans tous les cas, il se termine par un crochet ou une pointe (dent). Son emploi diffère de l’archet et se rapproche de celui de l’ongle ou de la « griffe » des joueurs de mandoline. On l’appelle aujourd’hui médiator pour la guitare, mais il s’agit d’un anglicisme. Le fabricant de médiators porte le nom de plectrier. Pour la cithare, on devrait parler d’« onglet » (parce qu’il s’enfile sur le bout du doigt) et non de « plectre », étant donné qu’elle requiert l’utilisation individuelle de plusieurs doigts pour gratter les cordes.

[51] Il s’agit d’une copie romaine d’un original hellénistique attribué par Pline l'Ancien au sculpteur rhodien Héliodore. Une autre copie romaine se trouve au musée Altemps à Rome et une autre encore aux Offices à Florence. Une copie partielle est conservée au musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles. Dans ce groupe, l’artiste a voulu mettre en évidence le contraste entre le corps velu et rude au toucher (poils d’animaux hérissés) de Pan et celui lisse et doux du fils d’Hermès. Pan lui-même plie la jambe droite jusqu’à ce qu’il touche celle du jeune homme. Quant à l’attitude de Daphnis, elle traduit un grand embarras : il tourne la tête vers la gauche pour ne pas croiser le regard du dieu et relève l’épaule gauche pour signifier que la main de Pan à cet endroit l’indispose.   

[52] Rappelons que Pan lui-même (dont le nom a donné notre mot « panique ») est l’inventeur de la flûte portant son nom, fabriquée avec les roseaux en lesquels s’était métamorphosée la nymphe Syrinx : aimée de Pan, elle avait fui les attentions trop appuyées du dieu, et alors qu'il était sur le point de l'attraper, elle se transforma en roseaux (cf. le mythe similaire de Daphné), sur les rives du fleuve Ladon, dans le Péloponnèse. Entendant les roseaux gémir dans le vent, Pan imagina de relier entre eux les roseaux, de longueur inégale, et de les assembler avec de la cire d'abeille. Il fabriqua ainsi la première flûte de Pan, qu'il appela « Syrinx », en mémoire de la nymphe.

[53] En fait, on dispose de très peu de notations musicales que ce soit sur papyrus ou sous forme d’inscriptions lapidaires. On a par exemple un hymne au Soleil et deux hymnes delphiques écrits en l’honneur d’Apollon. L’hymne au soleil est une musique très pure (cf. Musique de la Grèce antique par l’Atrium Musicae de Madrid dirigé par Gregorio Paniagua). L’hymne fait partie de quatre œuvres attribuables au compositeur Mésomède de Crète, ami et musicien officiel de l’empereur Hadrien. Il a été conservé par divers manuscrits byzantins et a été édité pour la première fois par Vincenzo Galilei en 1581. Quant aux deux hymnes à Apollon, ce sont les partitions les plus prestigieuses et les plus étendues que l’Antiquité nous ait léguées. Il s’agit d’inscriptions gravées sur la face Sud du Trésor des Athéniens de Delphes mises au jour en 1890 par Théodore Reinach et aujourd’hui conservées au musée de Delphes. Composés l’un et l’autre pour des festivités grandioses, les deux hymnes ont pourtant chacun leur spécificité. Le premier très chromatisant, d’une grande beauté mélodique est écrit en notation vocale : il est donc chanté a capella. Le second, écrit en notation instrumentale surmontant le texte poétique, est interprété par un chœur d’hommes accompagné à l’unisson par des cithares (cf. Musique de la Grèce antique ou De la pierre au son. Musique de l’Antiquité grecque). Gabriel Fauré a réalisé une version orchestrée du premier hymne à Apollon. C’est au moment de la découverte des inscriptions à Delphes que le compositeur a écrit cette transposition, à la villa Kérylos (à Beaulieu-sur-Mer sur la Côte d’Azur), pour Théodore Reinach. A noter que Kérylos signifie « alcyon » ou « hirondelle de mer », oiseau poétique de la mythologie, qui annonçait un présage heureux.

[54] Le mot vient de l’italien par le latin des notes sol et fa.

[55] Jean Charbonneaux, Roland Martin, François Villard, Grèce hellénistique (330-50 av. J.-C.), Gallimard, 1970, (page 121, illustration n° 120) et Antiquités d’Herculanum, Tome III, planche XXX. En fait, on pourrait appeler cette scène un concert plaisant, ce que les Grecs appelaient un acroama. Le sujet est donc un concert ou la répétition d’un concert qui se fait dans le Choragium.

[57] Au centre, assis devant le spectateur, un aulète, les joues gonflées, le visage rougi et les yeux exorbités, joue de l’aulos double, la phorbeia attachée autour de la bouche. Avec son pied gauche, appuyé sur un repose-pied, il semble lui aussi marquer le rythme. A côté de lui, une jeune fille, debout, couronnée de roses, s'applique à jouer de la kithara, en pinçant les cordes de son instrument avec le plectre. Deux personnages couronnés de lierre se tiennent dans le fond de la pièce. Voir aussi l’article d’Annie Bélis, « La phorbéia », Bulletin de Correspondance Hellénique, année 1986, 110-1, pp. 205-218.

[58] Au XIXe siècle, il y avait encore en ex-Yougoslavie des aèdes, les guzlars, et l’on s’est aperçu qu’ils rythmaient leurs vers comme Homère (l’un de ces guzlars, le poète épique Filip Višnjić, parfois décrit comme le Homère serbe, était en effet également aveugle). Souvent analphabètes, ces rhapsodes étaient capables de construire des poèmes de plusieurs milliers de vers grâce à un « style formulaire ». Dans leur récitation, ils s’accompagnaient d’une sorte de vielle, la guzla (ou gusle). Dans les années 1930, suivant l'exemple du chercheur Matija Murko, les philologues américains Milman Parry et Albert Lord enregistrèrent quelques centaines d'épopées, actuellement conservées à la bibliothèque Widener à Harvard.

[59] Ces formules de mémorisation peuvent être réutilisées en fin de vers et grâce à elles, on va tomber juste au point de vue métrique (ce sont des espèces de leitmotiv). Ajoutons que l’Iliade et l’Odyssée étaient récitées sur un fond musical. Dans sa célèbre thèse, L'Épithète traditionnelle chez Homère, Milman Parry montre que les nombreuses formules « nom propre + épithète », telles que « Achille aux pieds légers » ou « Héra, la déesse aux bras blancs » obéissent à des schémas rythmiques précis qui facilitent le travail de l'aède : un hémistiche peut être aisément complété par un hémistiche tout fait. Ce système, qu'on ne retrouve que dans la poésie homérique, est caractéristique de la poésie orale.

[60] Les colonnes sont légèrement bombées (entasis) et inclinées vers l’intérieur de l’édifice pour compenser la déformation de la réalité par l’œil humain pour les lignes horizontales et verticales (les lignes droites vues de loin paraissent courbes parce que le globe oculaire est arrondi). Ces corrections étaient apportées seulement avec des instruments simples et un « travail de tête ».

[61] La seule preuve de sa nature hybride se limite à ses oreilles équines.

[62] Dans son sens voulu par François Mauriac : « instituteur de institutor, celui qui établit, celui qui instruit, celui qui institue l’humanité dans l’homme » (Le Sagouin, page 139).

[63] Annie Bélis, Les Musiciens dans l’Antiquité, pp. 28-29.

[64] Lorsque quelque chose n’allait pas comme il le voulait, ses yeux lançaient des éclairs de colère. En faisant répéter en 1913 à Lübeck le chœur dans le chœur des prisonniers de Fidelio, Furtwängler avait eu un accès de fureur vis-à-vis du ténor, parce que le chanteur n’avait pas conscience de la responsabilité qui lui incombait dans ce rôle. Il jugeait ce petit rôle indigne de lui. Furtwängler était furieux, il bondit, mit un pied sur une timbale, l’autre prenant déjà appui sur la rampe, bien décidé sur le moment à assommer cet homme. Le chœur a contenu le jeune kapellmeister ivre de rage. De ce jour, on ne revit plus jamais le ténor en question. De même lorsque Furtwängler remarquait qu’un chanteur n’avait pas assez travaillé, il était vraiment en colère. Bien sûr, il ne le montrait pas pendant la représentation, car il importait beaucoup trop que celle-ci se déroule le mieux possible. Il se retenait aussi, lorsqu’un outrage avait été commis envers la musique (par « outrage », il entendait le fait pour un artiste de s’être montré trop négligent à l’égard de cette grande musique que Furtwängler respectait tant). Voir les Mémoires de Mme Elisabeth Furtwängler (Wilhelm Furtwängler).

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