Les Ailes du désir au musée royal de Mariemont

 

Les Ailes du désir [1] au musée royal de Mariemont

 

(par Philippe Durbecq)

 

 

Avec mes plus vifs remerciements à Madame Juliana Gendron, attachée à l’Université de Paris-Nanterre, pour ses précieuses informations relatives aux aigles et à la cérémonie de la consécration.

 

« Avez-vous déjà vu un oiseau planer avec une seule aile [2] ? Exactement. Nous avons besoin les uns des autres ... »

 

Roberto Santo « Wing of desire » (source : https://pusluktalaratlasi.tumblr.com/post/693202433049018368/roberto-santo-wing-of-desire via mon abonnement Pinterest : https://www.pinterest.com/pin/411586853458606116/)

  

De nombreuses œuvres grecques, étrusques et romaines du musée royal de Mariemont en Belgique représentent des figures en vol : non seulement des oiseaux [3], mais aussi et surtout les animaux fantastiques et des personnages fabuleux, Sirènes, Victoires, Amours et bien d’autres ...

 

Inquiétants ou séduisants, ces êtres intermédiaires, ni anges, ni démons, expriment une relation que les Anciens tentent d’établir avec l’invisible, le divin, l’absolu.

 

Les oiseaux sont omniprésents dans la religion grecque. Beaucoup de divinités ont un oiseau pour attribut : Athéna, a comme emblème une chouette chevêche [4] ; Zeus, un aigle [5] ; Aphrodite, une oie ou une colombe ; Héra, un paon [6]. Cette association dieu-oiseau remonte loin (les oiseaux sont conçus comme un lien entre le monde terrestre et l’air). 




 A gauche, la chouette chevêche, emblème d’Athéna (Licence : CC BY-SA 4.0 – auteur : El Golli Mohamed (travail personnel – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chev%C3%AAche_d%27Ath%C3%A9na#/media/Fichier:Cheveche_d'Athena_Aqueduc_de_Zaghouan.jpg) ; à droite, revers d’un tétradrachme athénien (source : https://laegidadeatenea.wordpress.com/2016/02/05/pourquoi-la-chouette-est-le-symbole-de-la-philosophie/)


Cependant, l’oiseau joue un rôle vis-à-vis des dieux : il dit la divinité dont il est l’attribut.

 

C’est ainsi que si la chouette est le symbole d’Athéna, elle n’est pas la déesse elle-même : Athéna peut se transformer [7] en chouette (et elle le fait d’ailleurs), mais toute chouette n’est pas Athéna. Oiseau nocturne, la chouette ne peut supporter la lumière du soleil et devient ainsi le symbole de la connaissance rationnelle. Elle figure sur les pièces de monnaie [8] d’Athènes qu’on appelait d’ailleurs dans le langage courant « chouettes [9] ». Les « chouettes » font aujourd’hui leur réapparition puisque la Grèce a choisi ce rapace comme motif de la face nationale de sa pièce d’un euro.


Dans la religion romaine, les oiseaux sont porteurs de la volonté divine et leur vol est en relation avec les desseins des dieux [10] : la lecture de l’avenir se faisait notamment dans le vol des oiseaux (cf. les expressions « sous d’heureux auspices [11] » et « oiseau de bon augure [12] »). Romulus a procédé ainsi pour savoir qui, de son frère ou de lui, allait fonder Rome.

 

La mythologie gréco-romaine est relativement riche en métamorphoses de mortels en oiseaux. L’une des plus belles légendes, que l’on retrouve dans les Métamorphoses d’Ovide (Livre XI) est celle d’Alcyone [13] et de Céyx, un couple heureux, vivant en bord de mer dans une telle allégresse qu’ils se croyaient immortels. Elle était une jeune femme d’une grande beauté, fille d’Enarété et d’Eole ; Ceyx, quant à lui, était roi de Trachis en Tessalie [14], ami et parent d’Héraclès. Hélas, cet état de béatitude les incita à s’appeler Zeus et Héra, ce qui constituait, outre une usurpation d’identité, une faute suprême vis-à-vis des dieux, celle de l’hybris sur laquelle nous reviendrons plus loin. Zeus ne pouvait que punir cette offense et il envoya foudre et tempête sur le frêle esquif de Céyx, parti à la pêche. Néanmoins, pris de pitié, Zeus décida de les transformer en oiseaux : Céyx devint un oiseau de mer et Alcyone, un petit oiseau au plumage azur, l’Alcyon en grec (le martin-pêcheur en français).

 

 

Martin-pêcheur d’Europe – Alcedo atthis (Licence : GFDL - Lukasz Lukasik Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alcedo_atthis_2_(Lukasz_Lukasik).jpg)

 

L’oiseau continua à vivre en bord de la mer, mais ne parvenait pas à se reproduire. En effet, comme il pond ses œufs en hiver, les vagues de la mer emportaient son nid. Zeus voulut une fois encore venir en aide à l’oiseau malchanceux : il décida de modifier les conditions météorologiques. Il décréta une fourchette de jours de l’année où la température serait plus élevée et où les pluies cesseraient afin de laisser l’Alcyon couver ses œufs en toute tranquillité. C’est ce qu’on appelle, en Grèce, les Alcyonides, une accalmie météorologique en plein cœur de l’hiver [15]. De nos jours, encore, il se produit chaque année entre le 15 décembre et le 15 février, une période de redoux, pendant laquelle le martin-pêcheur peut, en Italie du sud et en Grèce continentale et insulaire, pondre ses œufs sous une température clémente, variant de 15 à 20 degrés.

 

Un autre mythe, mais bien plus terrifiant, est celui de Procné transformée en rossignol et Philomèle en hirondelle, raconté par Ovide au livre VI de ses Métamorphoses.

 

Enfin, la littérature grecque et latine, d’Homère à Elien, en passant par les poètes élégiaques (le perroquet de Corinne, le moineau de Lesbie, …) foisonne d’allusions aux oiseaux [16].

 

Les augures observaient non seulement le vol, mais aussi l’espèce d’oiseau ou leur cris (direction du son, fréquence du chant). Les uns, appelés alites (vautour, aigle, faucon), les autres oscines (corbeau, corneille, hibou). Dans les deux groupes existait une hiérarchie entre les oiseaux : l’aigle et le picus (pivert) permettaient de rendre les auspices les plus clairs.

          

La consultation des auspices était obligatoire dans de nombreuses situations liées au fonctionnement de l’État romain : lors de la fondation d’une ville, on l’a déjà vu, dans le cadre de la vie politique lors de la désignation des hauts magistrats [17], sur le plan militaire avant de jeter à l’assaut de l’ennemi.

 

Au début de notre parcours parmi les pièces du musée [18] se trouve une grande cruche d’époque géométrique (Inv. Ac 67/30) décorée notamment d’une frise sur l’épaule dont les cinq métopes présentent alternativement un oiseau palmipède stylisé et un losange rempli de points. Les archéologues se sont demandé si ces animaux n’avaient pas une valeur emblématique (il n’est pas impossible que l’oiseau soit symbole de mort, les personnages ailés représentés dans l’art grec ayant un rapport avec la mort). 

 

Cruche géométrique (Inv. 67/30) (Licence CC-BY-NC-ND), fig. 4 de l’article de Frieda Vandenabeele (source : https://www.persee.fr/docAsPDF/camar_0776-1317_1972_num_3_1_931.pdf). La réduction de l’image au col du vase est uniquement réalisée pour les besoins du texte.

 

L’urne cinéraire provenant de Campanie, région charnière entre les Grecs et les Etrusques, mais dont le contexte culturel est à dominante grecque. Le couvercle de cette urne est décoré de statuettes (Hermès, conducteur des âmes, entouré de Sirènes). La Sirène, c’est la séduction de la mort (Mme Leclercq-Marx, professeur à l’ULB a étudié l’évolution du thème de la Sirène [19]).

 

Ulysse, prévenu par la magicienne Circé, a pu ouïr leur chant. Orphée a pu les entendre aussi, mais il jouera une musique encore plus belle lorsque passeront les Argonautes. Les Muses font une musique toujours plus belle encore. Un concours aura lieu opposant les Sirènes aux Muses duquel ces dernières sortiront victorieuses. 

 


Urne cinéraire campanienne du musée royal de Mariemont © Musée royal de Mariemont (source : http://www.numeriques.be/index.php?id=6&no_cache=1&tx_portailnumeriques_pi1%5Bview%5D=item_detail&tx_portailnumeriques_pi1%5Bid%5D=peps%3AMAR-MRM-GR-B-42&tx_portailnumeriques_pi1%5Bnum%5D=1)

 

Autre figure ailée : le Sphinx dont l’inspiration iconographique trouve indéniablement sa source en Orient et plus particulièrement en Egypte [20]. Lorsque ce motif fait son apparition au VIIIe siècle dans l’art grec, sa signification originelle – le souverain victorieux [21] – n’est plus perçue. Il ne reste que l’image évidente d’une créature monstrueuse.

 

Après l’époque mycénienne, les créatures ne réapparaissent qu’entre le milieu et la fin du VIIIe siècle dans l’iconographie grecque. Après cette date, les artistes représentent le plus souvent des sphinx masculins. Ce n’est qu’à la fin du VIe siècle et au début du Ve siècle que le type masculin est abandonné et que s’imposent définitivement les sphinges [22]. Si, au début, cet animal mythique est souvent représenté individuellement, il s’intègre rapidement dans les frises animalières les plus complexes [23].

 

Alors que la tête du Sphinx de Naxos [24] regardait droit devant elle [25], celle que possède le musée de Mariemont faisait partie d’un Sphinx dont le corps était de profil (comme on peut s’en rendre compte à l’épaississement du cou) et qui surmontait une stèle funéraire. 

  



A gauche, le sphinx des Naxiens (Licence CC BY-SA 3.0 – auteur/photographe : Ricardo André Frantz (User:Tetraktys) – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sphinx_de_Naxos#/media/Fichier:028MAD_Sphinx.jpg –) ; à droite tête de sphinge du musée de Mariemont (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

A la question posée par le Sphinx aux jeunes Thébains [26], seul Œdipe trouve la réponse éminemment grecque : l’homme [27] (c’est toutefois le malheur qui attend Œdipe à Thèbes). A remarquer que le combat qui oppose Œdipe au sphinx n’est pas armé (comme celui de Thésée et du Minotaure ou d’Hercule et de l’Hydre de Lerne), mais intellectuel. 

La sphinge Aldobrandini restituée à l’Italie en 1979 (crédit : © Musées cantonaux du Valais, Sion. Heinz Preisig – source : https://ava-wag.ch/de/musees-cantonaux-du-valais-sion-heinz-preisig/)


Dans les cas que nous venons d’examiner, les figures ailées sont là pour marquer le passage dans un autre monde. Le symbolisme funéraire en fait le gardien du tombeau.

 

Né de Méduse (Bellérophon se servira de lui pour tuer la Chimère), le cheval ailé Pégase est également présent à Mariemont (inv. Ac. 94.B).

 


 A gauche, médaillon central restauré d'une mosaïque romaine découverte à Autun (Saône-et-Loire, France) en 1830 (musée Rolin) – œuvre dans le domaine public – auteur : Félix Potuit (travail personnel) - source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bell%C3%A9rophon#/media/Fichier:Bell%C3%A9rophon_Autun.jpg ; à droite le Pégase du film « Le Choc des Titans » (version 2010) – image issue du Blog http://morbius.unblog.fr/2010/08/11/les-creatures-fantastiques-au-cinema-pegase/

 

Pégase de Mariemont (inv. Ac. 94.B – photo numérisée extraite du catalogue 1967 L’art grec du musée de Mariemont, p. 48 – pas de copyright mentionné dans l’ouvrage) (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

N’oublions pas que l’emblème de la Ferrari est un cheval [28]. Cette allusion n’est pas gratuite : les ailes de Pégase accentuent son caractère de rapidité (le thème est donc ici celui de la vitesse).

        



A gauche, Francesco Barraca et son SPAD S XIII décoré de l’étalon noir (1918 – photo dans le domaine public) ; à droite, le scudetto de la Scuderia FerrariTM à partir duquel sera créé le logo de l’entreprise (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferrari_%28entreprise%29)

 

La Description de la Grèce de Pausanias (Livres II, Chapitre I et III) atteste que Pégase était une figure ornementale dans l'art antique : à Corinthe, où l'on rendait un culte héroïque à Bellérophon, une statue de ce héros et du cheval Pégase décorait le temple de Poséidon. « La plus remarquable des fontaines de Corinthe » était un Bellérophon placé auprès d'Artémis, monté sur Pégase, l'eau sortant d'un sabot du cheval.

 

 La fontaine Pirène inférieure à Corinthe (Domaine public – auteur : MM (travail personnel - source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pir%C3%A8ne)

 

En numismatique, la figure de Pégase est présente aussi bien sur des médailles que sur des monnaies : il existe une série de pièces antiques grecques nommées les « poulains de Corinthe », qui représentent Pégase accompagné d’Athéna, des médailles gauloises et de nombreuses pièces romaines à l’effigie de Pégase [29]. Pégase est d’ailleurs l’emblème de plusieurs légions romaines. Signalons au passage que le célèbre Pegasus bridge sur l’Orne doit son nom au fait que Pégase était l’emblème de la 6th Airborne Division (division aéroportée [30]) britannique qui s’est emparée de ce pont à l’aube du 6 juin 1944.

  




A gauche, droit d’un « Poulain » de Corinthe (dans le champ, la lettre qoppa - ϙ – Licence : CC BY 2.5. source : https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9gase_en_numismatique#/media/Fichier:Tridrachmorinth_308-306_obverse_CdM_Paris.jpg – à droite, Pagasus bridge à Colleville-sur-Mer (capture d’écran du documentaire https://www.youtube.com/watch?v=3lqbPUjplLE)

 

 

Outre sa symbolique dans le domaine numismatique, militaire, aéronautique ou commercial, on utilise le nom de cet animal fabuleux en dressage équestre où un pégase en pesade est une figure où le cheval s'élève, comme s'il s'apprêtait à prendre son envol.

 

Hermès est un dieu avec des ailes. Sur la pièce inv. Ac. 69/14, une amphore à figures noires du Peintre de Bucci [31], il conduit un cortège auquel il montre le chemin (nous sommes en présence d'une scène de fête).

 

Tout cortège était précédé d'un héraut (kerux). Ainsi, la compagnie de ce personnage était requise lorsque la jeune fille se rendait de la maison de son père à celle de son futur époux (changement de statut). Cette fonction de héraut était remise sous le patronage d'Hermès.

  


 Vase Ac. 69/14, détail de la face A (illustration tirée de l’article de Mme Annie Verbanck (source : https://www.persee.fr/doc/camar_0776-1317_1981_num_12_1_993) (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Les vases conservés dans différentes vitrines au musée de Mariemont illustrent le passage de la figure noire sur fond rouge (sorte de tenture) à la figure rouge sur fond noir (dimension plastique). Le fond du vase devient alors un espace à meubler et à franchir. Dans son article Athenian Potters and Painters. Red-figure Vases Take Wing (la figure rouge s’envole), Beth Cohen explique justement le rôle joué par la figure ailée dans cette conquête de l’espace du vase.

 

Précisément à ce moment-là aussi, on s’intéresse au corps humain. D’autre part, les artistes s’interrogent sur les monstres (on réinvente le surnaturel). Ils représentent néanmoins des êtres ailés beaucoup plus séduisants. Ainsi, le vase d’Euphronios [32] montre deux génies ailés (Hypnos et Thanatos – cf. le lien entre la figure ailée et le sommeil et la mort) qui emportent Sarpédon mort (à noter l’écoulement du sang décalé vers la droite parce qu’il y a mouvement).

 

Hypnos endort les hommes et les dieux en éventant ses ailes ou en les touchant de sa baguette magique [33] (au chant XIV de l’Iliade, il endort même Zeus à deux reprises).

 

 

 A gauche, le corps de Sarpédon emporté par Hypnos et Thanatos sous le regard d'Hermès. Face A du « cratère d'Euphronios », cratère en calice attique à figures rouges signé par Euxithéos (potier) et Euphronios (peintre), v. 515 av. J.-C. (domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Crat%C3%A8re_d%27Euphronios_(Met_1972.11.10) ; à droite, la magnifique tête d’Hypnos avec les ailes dans ses cheveux du Palazzo Massimo à Rome (provient de la villa d’Hadrien à Tivoli – domaine public – Photographe : Jastrow (2006) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hypnos_Tivoli_Massimo_n2.jpg#/media/File:Hypnos_Tivoli_Massimo.jpg)

 

 

Toujours à Mariemont, une petite [34] hydrie [35] à figures rouges (inv. B.86) est décorée d’une Niké (la Victoire [36]) très aérienne.

 

Celle-ci porte généralement une palme et une couronne, mais ici elle tient une phiale (vase à libations) et une lyre [37].

 

 

Bas-relief figurant Niké à Éphèse (époque romaine – domaine public – auteur : Maxfield (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Goddess_Nike_at_Ephesus,_Turkey.JPG)

 

Cette figure ailée ne dit plus la mort, mais l’accès vers le bonheur et la gloire (cette petite hydrie fut sans doute offerte dans le cadre d’un concours musical). Rappelons nous que c’est sur son char ailé qu’Héraclès est emporté vers l’Olympe avec l’aide de Niké.

 

Remarquons aussi que l’identification des figures ailées même en la présence d’attributs est parfois délicate, voire ardue, certains symboles étant ambigus. Annaïg Caillaud l’a démontré dans son article « Reconnaître une déesse ailée au caducée. Réflexions sur l’identification dans la céramique attique à figures rouges [38] » : ainsi, « si Iris est la principale porteuse féminine du caducée (kerukeion), des inscriptions amènent parfois à reconnaître Niké tenant ce même attribut. ».

 

De même, la libation à l’aide d’une phiale se fait par un mortel à l’égard des divinités. Or, ici Niké est elle-même une divinité. Le regretté Paul Veyne a expliqué ce paradoxe dans son article « Images de divinités tenant une phiale ou patère. La libation comme « rite de passage » et non pas offrande [39] ». « Pour Lissarrague et Laurens, la libation entre dieux marquent les rapports, les relations qui s’établissent entre ces dieux plus qu’une simple hiérarchie. De la même manière, la libation entre dieux n’est pas une scène de culte, mais un geste d’accord, un pacte, et lorsque Niké fait une libation ce n’est pas tant pour marquer une victoire, qu’un moment favorable pour un accomplissement » écrit Annaïg Caillaud.

 

On se rend donc compte avec quelle prudence chaque attribut doit être interprété. Rien n’empêche évidemment de formuler des hypothèses. La multiplicité de lectures d’une œuvre en fait aussi sa richesse.

 

La Victoire porte un chiton (une tunique de tissu fin), avec, par-dessus, un himation (un manteau drapé en laine plus épais). Le peintre a prêté une attention toute particulière à la différenciation du plissé des deux vêtements, la légèreté du chiton étant en outre suggérée par des traits de pinceaux plus clairs tracés à l’aide d’un vernis fort dilué. Le motif des ailes apporte une texture supplémentaire à cet univers très tactile. Pour encadrer la scène, l’artiste a ajouté de jolies palmettes au-dessus des anses.

 

 

Hydrie attique à figures rouges (inv. B86) décorée d’une Niké et attribuée au peintre d’Achille [40] Crédits : © Musée royal de Mariemont

 

Dans l'iconographie officielle romaine, les victoires ailées sont courantes. Elles vont très souvent par paires, planant généralement haut dans une composition et remplissant souvent des espaces dans des écoinçons ou d'autres lacunes dans l'architecture, comme c’est le cas sur la façade de l’arc de Titus dans le forum romain (Victoires sur globe avec étendards).  


Façade de l’arc de Titus (Licence : CC BY-SA 4.0 – auteur : ThePhografer (travail personnel –  source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arc_de_Titus#/media/Fichier:Arch_of_Titus_(Roma).jpg)

 

Sur la stèle de Socratè [41], on peut lire le mot psyché. Qu’est-ce que l’âme ? Comment s’échappe-t-elle ? 

 

Stèle de Socratè (source : http://www.numeriques.be/index.php?id=6&no_cache=1&tx_portailnumeriques_pi1%5Bview%5D=item_detail&tx_portailnumeriques_pi1%5Bid%5D=peps%3AMAR-MRM-GR-B-253&tx_portailnumeriques_pi1%5Bnum%5D=4) (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Platon écrira abondamment à son sujet. Dans Phèdre [42] (qui est contemporain des stèles de Mariemont), il utilise une image pour « visualiser » l’âme : il demande au lecteur d’imaginer la puissance qui réunit un attelage et un cocher soutenus par des ailes. Chez les hommes, l’un des chevaux de l’attelage est excellent, mais l’autre est tout le contraire. Or, ajoute-t-il « la nature a doué l’aile du pouvoir d’élever [43] ce qui est pesant vers les hauteurs où habite la race des dieux, et l’on peut dire que, de toutes les choses corporelles, c’est elle qui participe le plus à ce qui est divin [44] ». Il appartient donc à chacun d’entre nous de suivre le bon cheval qui nous guide vers le divin. On notera également qu’en grec, psyché désigne tout autant l’âme que le papillon [45] et quelle est la plus belle aile sinon celle du papillon ?

 

Les Pères de l’Eglise et les mystiques exploiteront activement cette conception platonicienne de l’âme. Les ailes exprimeront en général une élévation vers le sublime, un élan pour transcender la condition humaine.

 

Dans une vitrine se trouve un vase de Canosa (urne) de tradition grecque dont le sommet est occupé par trois statuettes : il s’agit de deux Eros qui emmènent la jeune femme vers son destin, vers son trépas ou qui entourent Aphrodite (par analogie avec le mariage qui marque un changement de statut pour la jeune fille, l’amour symbolise en effet aussi le passage vers l’au-delà).

 

Chez Platon, Eros n’est pas seulement le fils d’Aphrodite, mais également une divinité aux pouvoirs extrêmement importants et, dans la création du monde selon Hésiode, il apparaît immédiatement après le Chaos.

 

La panse est décorée d’une gorgone dont les ailes bleues sont complètement déployées. Ce vase témoigne d'une technique assez rare : il est recouvert d'un dépôt crayeux sur lequel on a appliqué une autre teinte. Cet enduit est non cuit, de sorte qu'il se désagrège au toucher.

     



Licence : CC 0 1.0 Domaine public – auteur : Vassil (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Canosan_ceramics_Mus%C3%A9e_Mariemont_08112015_1.jpg (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Les démons ailés sont très présents chez les Etrusques : citons notamment Chalcas – cf. le miroir de Vulci au Vatican – et Vanth, qui figure, accompagnée de Charun, sur la fresque illustrant le sacrifice des prisonniers troyens sur le bûcher de Patrocle dans la tombe François à Vulci. Vanth est une démone de la mort : elle aide et conduit les âmes des défunts vers le monde souterrain des Enfers. Chalcas, lui, est un devin grec (haruspice [46]). Il est par conséquent en rapport avec le futur (il est le maître du temps) et avec l’au-delà.

 

 

 Chalcas lisant le foie (hépatoscopie) d'un animal sacrifié (miroir de bronze, Vulci, Vatican – Photo dans le domaine public – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9patoscopie#/media/Fichier:Miroirdecalchas.JPG)

 

L’urne cinéraire étrusque de Mariemont dont le bas montre un combat entre Etéocle et Polynice est flanquée de génies ailés, les Furies (ou les Érinyes dans le monde grec), armées de flambeaux.

 

 
Urne cinéraire étrusque (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Divinités infernales, les Furies sont trois vierges ailées [47], monstrueuses et effrayantes, nées du sang d’Uranus [48]. Déesses de la vengeance, elles parcourent la surface terrestre, des serpents accrochés aux bras et aux cheveux, avec pour mission de punir les coupables de crimes familiaux (parricides, infanticides ou même crimes contre l'hospitalité [49]). Oreste, auteur d’un double meurtre (sa mère Clytemnestre et Egisthe, son amant), fut victime de leur vindicte en le frappant de crises de folie. Elles arpentent aussi le Tartare [50], brandissant torches et fouets, instruments du tourment !

 

Pas plus gâtées sur le plan physique que leurs congénères, les harpies leur sont apparentées : mi-femmes, mi-oiseaux de proie, leur aspect diffère toutefois selon les auteurs (Homère, Hésiode, Virgile) « Chiennes de Zeus », d'après Apollonios de Rhodes, elles volent les âmes et les enfants qu’elles offrent en présent aux Erinyes.

 

  

Les Harpies avec leurs ailes membraneuses et leurs voix criardes s’acharnant sur le roi Phinée dans le film « Jason et les Argonautes » de Don Chaffey (source : https://argoul.com/2023/03/05/jason-et-les-argonautes-de-don-chaffey/)

 

Sur le miroir de bronze, l’artiste a joué sur la figure ptérophore : Thétis est ailée et un démon ailé supportait toute la scène divine [51]. Paul Fontaine, Professeur à l’université Saint-Louis de Bruxelles (Archéologie et histoire de l’art de l’Antiquité, Histoire de l’Antiquité) a publié un article détaillé sur le sujet [52].

 

 



  


 

                

 En haut, partie supérieure du revers du miroir étrusque inv. B. 206 : photo (crédits : © Musée royal de Mariemont) et illustration d’après le dessin de R. Lambrechts, Miroirs étrusques et prénestins ; en dessous, dessin de la partie inférieure (aujourd’hui manquante) de la même face du miroir d’après E. Gerhard, Etruskische Spiegel (Berlin, 1843)

 

Curieusement, Eris qui se situe à l’opposé de Thétis, déesse ailée par excellence (elle est la seule à être décrite ailée chez Homère [53]), ne l’est pas sur ce miroir. Il n’est toutefois pas impossible que, par analogie avec ce qui est observé dans certains cas rares de la céramique grecque, Eris – comme Niké [54] – soit représentée aptère parce que la scène se situe dans le monde divin et que « le contexte ne nécessite pas ce marqueur de mobilité entre les mondes [55] ». Mais l’explication pourrait être plus simple comme le fait remarquer Paul Fontaine : selon lui, l’hypothèse que l’artiste qui a gravé le miroir a peut-être interverti les noms d’Eris et de Thétis n’est pas à exclure. Néanmoins, la néréide Thétis est aussi une déesse ailée : ses ailes symbolisent le pouvoir de métamorphose qu’ont les dieux marins (comme Protée, d’où notre mot « protéiforme ») [56].

 

Plusieurs interprétations sont possibles. La première est celle qui consiste à dire que les Etrusques ne connaissaient rien à la mythologie grecque, ce qui est fort peu probable : l’œuvre est trop bien construite et sa réalisation trop soignée pour n’avoir aucun sens.

 

Une autre lecture serait d’ordre éthique : Thétis c’est le bien, Eris, c’est le mal. Pour les savants tenants de cette hypothèse, il s’agirait d’une allusion au moment célèbre où Hercule a dû choisir entre le vice et la vertu dans l’Apologie de Prodicos rapportée par Xénophon.

 

D’autres encore préfèrent y voir une rare représentation du mariage d’Hercule avec Athéna.

 

Mais le geste de supplication de Thétis nous laisse entrevoir une autre possibilité encore : elle serait venue implorer le salut de son fils Achille auprès de Zeus dans une scène où Hercule, accompagné de sa demi-sœur, jouerait le rôle de son père. En substituant Hercule à Jupiter, l’artiste investit le héros des pouvoirs du chef de l’Olympe et le pose en détenteur de la justice divine. Mais Thétis ne pourra rien obtenir, même d’Héraclès. Le regroupement de tous ces personnages n’est donc sans doute pas arbitraire et recèle peut-être un sens à chercher dans les environs de la guerre de Troie. Cette œuvre pourrait en effet faire allusion à la discorde qui fut à la base de ce conflit : le jugement de Pâris.

 

Bref, comme l’écrit Paul Fontaine, au lecteur placé au carrefour de choisir sa voie. A moins que ce ne soit Eris qui soit venue semer, une nouvelle fois, la discorde !

 

Le musée de Mariemont possède également une figurine identifiée comme étant une représentation d’Icare (B.192) en bronze [57].       

 

 

Illustrations extraites de la page 52 de La collection Raoul Warocqué. Antiquités égyptiennes, grecques et romaines, 1904 et de la planche 34 des Antiquités égyptiennes, grecques, romaines et gallo-romaines du musée de Mariemont, 1952 (pas de copyright mentionné, ouvrages de plus de 70 ans) – sources : https://www.academia.edu/36058627/Collection_Raoul_Warvoqu%C3%A9_Antiquit%C3%A9s_%C3%A9gyptiennes_grecques_et_romaines_1904 et https://www.academia.edu/36091611/Les_Antiquit%C3%A9s_%C3%A9gyptiennes_grecques_%C3%A9trusques_romaines_et_gallo_romaines_du_Mus%C3%A9e_de_Mariemont_1952 (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Ce sont les lanières croisées par devant qui ont permis d’affirmer que les ailes ont été rajoutées. Ce pourrait aussi être un Eros qui tire son char (version de l’archéologue prussien Gustave Körte qui signale que les ailes ne sont pas factices comme celles d’Icare, mais naissent des épaules) [58], mais l’expression de crainte ou de douleur qui se lit sur son visage serait alors inexplicable [59]. En tout cas, le mythe d’Icare permet de mettre les hommes en garde : « Attention, vous voudriez faire comme les dieux, mais c’est un sacrilège de passer cet espace réservé ». L’âme pourra le faire, mais le statut de l’homme vivant est de rester sur terre. Icare tombe dans la mer qui porte son nom (la mer Icarienne), puni pour sa prétention, parce qu’il a péché par cette faute suprême pour les Grecs qu’est l’hybris (ὕϐρις), c’est-à-dire par orgueil (cette notion se traduit souvent par « démesure [60] »).  

 

L’archéologue et historien de l’art allemand Adolf Furtwängler [61] (le père de l’illustre chef d’orchestre) estime, quant à lui, que les liens tenus par le jeune homme sont destinés à mobiliser les ailes et a émis l’hypothèse que cette statuette a peut-être été trouvée dans l’île d’Ikaria où Icare était supposé s’être écrasé. 

 

L’île d’Ikaria avec son eau bleue, claire et transparente (photo libre de droit – auteur : Pablo Joanidopoulos – source : https://fr.depositphotos.com/stock-photos/ikaria.html)

 

A part celui d’Icare et de Phaéton, il existe peu d’autres mythes sur ce thème qui se rattache à la symbolique de l’air (notons que tous deux trouvent leur tombeau dans l’eau : Icare, volant au plus près du soleil se brûle les ailes et s’abat dans la mer qui porte son nom et Phaéton, la chevelure en feu, tombe comme une étoile filante jusque dans le fleuve Éridan, là où meurt le soleil. Comme le signale avec beaucoup de pertinence Gisèle Mathieu-Castellani, dans Mythes de l’Eros baroque [62], « Le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre sont évidemment des objets symboliques, dont la présence et le rôle dans le mythe ne sont pas à négliger ». 

 


La Statue du dieu Eridan au British Museum (Licence : CC BY-SA 3.0 – Photographe : Yair Haklai (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Figure_of_a_river_god-Parthenon-British_Museum.jpg)

 

De même, les représentations d’Icare en ronde bosse sont très rares : on ne peut citer, outre éventuellement celle-ci, qu’une statue du Musée Capitolin à Rome, adaptation d’un prototype polyclétéen disparu (cette statue, provenant de la Via dei Fori Imperiali à Rome, autrefois dans le jardin de la Villa Rivaldi, se trouve actuellement à la Centrale Montemartini) et quelques statuettes dont deux au British Museum et celle découverte récemment à Vallon/sur Dompierre [63] dans le canton de Fribourg en Suisse.     

 



A gauche, l’Icare de la Centrale Montemartini (source : The Greek myths from Machine Room of the Gods by Deutscher Kunstverlag – URL : https://issuu.com/deutscher_kunstverlag/docs/look_inside_machine_room_of_the_gods/s/23368493) ; à droite, la statuette d’Icare de Vallon/Sur Dompierre (source : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=caf-002%3A2010%3A12%3A%3A94 - © Service archéologique de l’Etat de Fribourg - avec l'aimable autorisation de M. Jacques Monnier et du Service archéologique de l'Etat de Fribourg SAEF)

 

Sur l’urne cinéraire de Lucius O. Scholasticus (inv. B.255), on peut voir les aigles encadrant de leur pouvoir l’urne et les cendres du défunt (comparer avec les figures ailées protégeant Toutankhamon sur les angles de son sarcophage en quartzite). Un autre oiseau surmonte le bouquet de lierre (symbole d’immortalité) : est-ce une allusion à la colombe, animal d’Aphrodite ou à l’épouse ? La question reste ouverte.          



Urne cinéraire en marbre de Lucius O. Scholasticus (Licence CC BY-SA 4.0 – auteur : Sarsina (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AZS.jpg#/media/File:Urne_cin%C3%A9raire_de_Scholasticus.jpg) (crédits : © Musée royal de Mariemont) ; à droite, les déesses Isis et Nephtys étendant leurs bras ailés en signe de protection autour du sarcophage en quartzite de Toutankhamon (https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=113445&picture=brown-quartzite-sarcophagus)

 

 

On retrouve également ces deux aigles dans les apothéoses [64] d’empereurs comme celle d’Antonin : sur le piédestal de sa colonne (musée du Vatican) [65], on voit, dans la partie supérieure, l'empereur, portant un sceptre surmonté d'une aigle, transporté au ciel avec sa femme Faustine par un génie ailé souvent identifié à Æon (l'Éternité). Ce dernier porte une sphère armillaire surmontée d’un serpent, sous le regard à la fois de la déesse Rome, casquée et appuyée sur un bouclier décoré d'une figure de Romulus et Rémus allaités par la louve, et du génie du Champ de Mars à gauche, portant l'obélisque solaire d'Auguste (obélisque du Montecitorio). Deux aigles les accompagnent dans les cieux.

 

Lors de l’apothéose des empereurs romains, on lâchait du haut du bûcher un aigle censé emporter au ciel l’âme du souverain divinisé. Néanmoins, lors d’une communication présentée à l'INHA en octobre 2022, Madame Juliana Gendron, attachée à l’Université de Paris-Nanterre, a défendu l’hypothèse de l’historien et archéologue espagnol Javier Arce, selon laquelle l'aigle de la consécration n'a jamais été réellement présent sur le bûcher funéraire des empereurs, mais qu'il s'agirait simplement d'une représentation allégorique [66]. 


Apothéose d’Antonin (Licence : CC BY-SA 3.0 – auteur : Lalupa (travail personnel)  https://fr.wikipedia.org/wiki/Colonne_d%27Antonin_le_Pieux#/media/Fichier:Musei_vaticani_-_base_colonna_antonina_01106.JPG

 

Bien qu’il soit enchevillé à une longue tradition grecque, l’aigle n’en est pourtant pas moins considéré comme l’oiseau romain par excellence.

 

Il est tout d’abord attaché à des moments clés de l’histoire de Rome en se faisant l’oracle de présages glorieux ou sinistres, selon le cas.

 

Ainsi, Suétone (Suet., Diu. Aug., 94, 11 ; Dio., 45, 2, 1) se fait l’écho d’un prodige où un aigle vient arracher des mains du jeune Octave un quignon de pain, puis s’élève haut dans le ciel pour ensuite redescendre et rendre le morceau de pain à Octave. Enfin, sa mission accomplie, il grimpe à nouveau dans le ciel jusqu’à atteindre le zénith et se confondre avec le soleil : l’aigle est venu désigner le « futur maître du monde ». Le message est clair : « Jupiter est l’aigle du ciel, Auguste sera l’aigle de la terre [67] ! ».

 

Suétone, dans Aug., 97, va plus loin et fait du rapace le signe annonciateur de l’apothéose d’Auguste : il érige l’apparition de l’aigle comme l’un « des présages les plus évidents de l’apothéose » (divinitasque post mortem evidentissimis ostentis). L’auteur raconte qu’un aigle vint tournoyer autour du Princeps alors qu’il présidait une cérémonie. L’oiseau se posa ensuite juste au-dessus du A de l’inscription « Agrippa », qui ornait un temple voisin. Puisque son gendre était mort en l’an 12 av. J.-C., Auguste vit dans cet événement l’annonce de sa propre mort.  

 

Cases 5 et 6 de l’album « Le Tombeau étrusque » (© Editions Casterman SA/Jacques Martin
1968 – lien http://www.casterman.com : ces illustrations sont protégées par le droit d’auteur,
elles ne peuvent être utilisées sans l’autorisation des Editions Casterman S.A. – qui a été
recueillie dans le cas du présent article – et toute reproduction ou utilisation non autorisée est
constitutive de contrefaçon et passible de poursuites pénales).


Dans ce monde romain, l’aigle est revêtu d’une symbolique polysémique (Jupiter en personne, les aigles des légions et de la victoire, l’aigle attestant de l’apothéose des empereurs, …).

 


Au centre du plafond en caissons du passage voûté de l’arc de triomphe de Titus est représentée l’apothéose de Titus emporté au ciel par un aigle (photo issue du site http://jeanmarieborghino.fr/les-temoins-du-passe-larc-de-titus/voute-a-caissons-de-larche-3/)

 

En effet, lors de son exposé en 2016 à l’université Paul-Valéry de Montpellier, Madame Juliana Gendron avait précisé que l’image de l’aigle « quoique associée à une forte symbolique dès l’époque classique en Grèce, est étroitement liée à l’Vrbs dès les débuts de l’histoire de Rome. Il est l’emblème des légions, l’emblème de Rome, le symbole du triomphe romain. Bien qu’il s’agisse d’un symbole que l’on retrouve un peu partout autour du bassin méditerranéen, les Romains semblent en effet s’être progressivement approprié l’aigle comme emblème de Rome. L’aigle, au même titre que la louve, est associé à la fondation de Rome car il est présent dans un épisode fameux de la fondation rapporté par Denys d’Halicarnasse (Denys d’Hal., Ant. rom., 1, 59). Le lien est ancien, pour preuve un sextans républicain (RRC 39, 3), datant de la fin du IIIe siècle avant J.-C. (217-215 av. J.-C.), et frappé à Rome, qui présente sur l’avers la scène topique de la louve allaitant Romulus et Rémus, tandis qu’au revers, on observe un aigle, ailes repliées est figuré avec une fleur dans le bec. ».    

 


Monnaie de bronze (American Numismatic Society 1944.100.55 – Open database License (ODbL [68]) – Source : http://numismatics.org/crro/id/rrc-39.3?lang=ru)

 

Plus tardifs, on peut citer le camée de Julien l'Apostat et de Flavia Helena (camée Orghidan ou grand camée de Roumanie [69])  et le Diptyque d’ivoire, dit de « la consécration », début du Ve siècle, British Museum, Londres. 




A gauche, le camée Orghidan ou grand camée de Roumanie (source : https://mediterranees.net/arago/latin_2020_2021/premiere/docs/Apotheose.pdf ; à droite, le Diptyque d’ivoire de la consécration (Licence : Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0) license – source : https://www.britishmuseum.org/collection/image/34962001)



 

Une vitrine de la même salle du musée de Mariemont contient également une Niké en train d’atterrir [70] (n° inv. B. 73), trouvée en 1900 à Aalter (Flandre orientale, Belgique), dans laquelle on retrouve en écho les draperies mouillées (cf. la Victoire de Samothrace). Les ailes, dont les amorces subsistent dans le dos, sont brisées. Le bras droit est tendu en avant : la Niké devait sans doute tenir une couronne dans la main droite [71] et une palme [72] dans celle de gauche.

 

Ce type de Victoire remonte, en définitive, au chef d’œuvre de Paionios de Mendè [73] exécuté à la fin du Ve siècle avant Jésus-Christ pour le sanctuaire d’Olympie. Cette dernière statue surmontait une colonne triangulaire d’une hauteur approximative de 10 mètres qui s’élevait à côté du temple de Zeus olympien. La base de cette colonne (trouvée en 1875 lors des fouilles entreprises par l’Institut Allemand d’Archéologie) porte une inscription expliquant que l’œuvre a été consacrée par les Messéniens et les Naupactiens afin de célébrer une victoire [74] obtenue à l’issue d’un conflit anonyme, probablement la bataille de Sphacteria (aujourd’hui Sphagia) [75].

 

La statue mutilée [76] a été découverte par la même équipe allemande et est à présent exposée au musée d’Olympie. La déesse est représentée les ailes grandes ouvertes, son himation plaqué par le vent, alors que son chiton, se déployant en arrière pour former un fond sur lequel se détache la figure, se gonfle telle la voile d’un navire [77]. La statue était peinte, mais les couleurs originales ne sont pas connues (la couleur du piédestal était probablement bleue comme le ciel de sorte que la Niké devait donner l’impression d’être en vol). 

                    

  

A gauche, la Niké d’Aalter © Musée royal de Mariemont ; au centre, les colonnes triangulaires qui supportaient la Victoire de Paionios de Mendè (Pinterest, dans le cadre de mon abonnement – source : https://www.pinterest.com/pin/73253931423822926/) ; à droite, la statue de la Victoire de Paionios de Mendè (musée Archéologique d'Olympie – Licence :  Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Victoire_de_Paionios#/media/Fichier:Atena,_Olimpia,_front.jpg)

 

 

Le musée de Mariemont compte également dans ses collections une autre statuette en bronze de Victoire (inv. n° B.190) : la déesse s’avance, les ailes gracieusement déployées, la jambe droite en avant, les deux bras éloignés du corps, le droit plus levé que le gauche. Elle est vêtue d’un péplos cachant la moitié des pieds. Une ceinture est nouée sous les seins, au-dessus du rabat. La tête est tournée à droite. Le plumage des ailes est indiqué par des incisions. Le vent de la marche rapide soulève et gonfle les draperies. L’arrière de la statuette n’a pas été travaillé et il y a un tenon dans le dos entre les ailes : il s’agit donc probablement d’une pièce d’applique. L’extrémité de l’aile droite est endommagée et les attributs (sans doute une couronne et une palme) que tenaient les mains ont disparu. C’est une des nombreuses adaptations de la Victoire de Samothrace.   

 

La tête ailée a quant à elle été interprétée par Franz Cumont comme étant celle du dieu des vents (le vent est souvent le compagnon de l’âme qu’il est censé élever par son souffle dans l’atmosphère) : même si l’œuvre présente certaines analogies avec certains gorgoneions, il manque ici les serpents ; d’autre part, les Vents étaient représentés ainsi, avec des ailes dans la chevelure et un collier de plumes entourant le visage. L’iconographie mithriaque fournit de nombreux exemples de ce genre d’artéfacts [78].

 

 

(source : https://www.facebook.com/photo/?fbid=661375912661679&set=a.625592326240038&locale=fr_CA – pas d’indication de copyright) (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Fils d’Eos et d’Astrée, les Vents sont, parmi les manifestations de la nature, moins des dieux que des puissances divinisées. Le maître des dieux et des vents se nomme Eole, mais son pouvoir est en fait modeste : il est délégué par Zeus, et c’est de lui qu’il reçoit des ordres pour lâcher les vents contenus dans des cavernes ou dans des outres.

 

Les vents malfaisants détruisent tout sur leur passage et sèment les calamités. En revanche, les vents ordinaires sont, à l’origine, bienfaisants. Ils sont au nombre de quatre : Borée, le vent du Nord, Euros, le vent du sud-ouest, Notos, le vent du sud et Zéphyr, le vent d’ouest. Si les Latins ne vénéraient que ces quatre vents, les Athéniens, à l’époque classique, en ajoutèrent quatre autres (Cécias, Apéliote, Lips et Sciron) à leur culte et firent construire un temple octogonal, la tour des Vents, où figurait, sur chaque angle, l’image de l’un d’eux correspondant au point de l’horizon où il soufflait habituellement. Cette multiplication des vents et la vénération dont ils étaient l’objet s’explique aisément dans un pays où l’agriculture et la navigation occupaient une place aussi prépondérante et dépendaient en grande partie du temps apporté par les vents. 

 

Borée et Sciron sur la tour des vents (Licence : CC BY-SA 3.0 – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_des_Vents#/media/Fichier:Tower_of_the_Winds_frieze_detail.jpg – auteur : en:User:Morn)

 

Les ailes dans le dos et les bras levés désignent la statuette de jeune homme comme un Eros captif. Quel bonheur que de ne pas laisser l’Amour s’enfuir ! 


Illustration tirée des Antiquités égyptiennes, Grecques et Romaines, 1909, page 10 (https://www.academia.edu/36058609/Collection_Raoul_Warocqu%C3%A9_Antiquit%C3%A9s_%C3%A9gyptiennes_grecques_et_romaines_1909). Pas de copyright mentionné et ouvrage de plus de 70 ans (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

Apulée, auteur latin né à Mandara en Numidie, est l’auteur du roman les Métamorphoses ou l’Ane d’or dans lequel figure la charmante histoire d’Amour et Psyché [79].  


Signalons à ce propos la découverte faite en ce qui concerne le groupe d’Eros et Psyché du musée du Capitole, appelé l’Invention du baiser : on s’est en effet aperçu que l’œuvre avait été restaurée avec la tête d’un autre Eros (provenant sans doute d’une bonne copie de l’Amour bandant son arc). Il se peut donc que l’attitude d’Eros ait été bien différente de celle imaginée par le restaurateur.

 

En fait, si l’on se réfère à un dessin [80] du peintre italien Pompeo Girolamo Batoni (1708 – 1787), on se rend compte qu’Eros, bien que touchant la bouche de Psyché, se détourne en réalité d’elle (il écarte sa bouche de la main droite et lui agrippe même ses cheveux par l’arrière de la gauche). Le message est alors tout autre : il faut dépasser l’amour humain et gagner l’amour divin. 

 

Dessin du peintre Pompeo Girolamo Batoni (source : https://catalogue.etoncollege.com/object-ecl-bn-3-21-2013© Eton College, avec l’aimable autorisation de Mrs Sally Jennings, Collections Administrator | Eton College Library | Eton College | Windsor que je remercie ici)

 

Notons que Batoni est aussi l’auteur d’une huile sur toile illustrant le mariage de Cupidon et de Psyché (Gemäldegalerie der Staatlichen Museen zu Berlin). 

 

Mariage de Cupidon et de Psyché (photo dans le domaine public - source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pompeo_girolamo_batoni,_matrimonio_di_cupido_e_psiche,_1756,_01FXD.jpg)

 

Nous terminerons notre parcours à Mariemont par le sarcophage en plomb de l’Antiquité tardive (trouvé en Syrie) où nous retrouvons le Sphinx (gardien des âmes) et Méduse (chassant les mauvais esprits), mais aussi le symbolisme végétal (le lierre, par exemple, plante d’Apollon et emblème funéraire).   

 

Ce sarcophage a subi une restauration en 2009 (dépoussiérage, travail du métal et intégration des lacunes). 


Capture d’écran du reportage « Le transfert du sarcophage en plomb » (https://www.youtube.com/watch?v=AQHV7iD7UGA) (crédits : © Musée royal de Mariemont)

 

 

Au terme de ce parcours, nous constatons combien les figures ailées sont présentes dans l’univers mythologique et iconographique gréco-romain. Selon le monde (grec ou romain) à laquelle elles appartiennent, la symbolique dont elles sont revêtues est souvent polysémique, tantôt positive, tantôt négative.

 

De nos jours, certaines de ces figures sont devenues des modèles à imiter ou à ne pas suivre, comme Icare, qui est devenu un symbole d'ambition excessive et des conséquences parfois dramatiques auxquels s’exposent les enfants en négligeant les conseils parentaux. Certaines sont même restées dans nos expressions : « Quelle vieille harpie, cette femme ! » ou « elle est entrée comme une furie dans la pièce).

 

L’aile en elle-même, est symbole d’impulsion, de mouvement, d’affranchissement à la pesanteur terrestre, de rêve, d’espoir et de beauté et, parfois, de l'absolu de la beauté.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             Philippe Durbecq

 


L'Uranie de Madagascar (source : https://boutiquepapillon.fr/blogs/blog-papillon/decouvrez-les-10-plus-beaux-papillons-du-monde)

Bibliographie sélective

  • Liliane BODSON, « Les oiseaux dans l'Antiquité gréco-romaine. Choix de textes avec introduction, traduction, commentaires et passages parallèles », supplément au Bulletin de l'Association des professeurs de langues anciennes de l'Académie de Lille, 15, 1991, p. 13-17 ;
  • Catalogue du Musée royal de Mariemont. Les collections permanentes, 2023 ;
  • CICERON, De divinatione, Paris, Flammarion, 2004 ;
  • Beth COHEN, Athenian Potters and Painters. Red-figure Vases Take Wing ;
  • Franz CUMONT, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Paul Geuthner, 1966 ;
  • Annie DEMEESTER, Les animaux et la monnaie grecque, Arsnumis ;
  • François DE POLIGNAC, La Fascination de l’Antique, 1700 – 1770. Rome découverte, Rome inventée, musée de la Civilisation gallo-romaine, Lyon, Ed. Somogy Éditions D'Art, 1998 ; 
  • Paul FONTAINE, Trésors hellénistiques, Cahiers de Mariemont, « Rencontre inattendue entre Minerve, Hercule, Thétis et Eris. L’énigme du miroir étrusque B. 206 du musée royal de Mariemont », Cahiers de Mariemont, n° 40, 2016, pp. 174-180 (URL : https://www.persee.fr/doc/camar_0776-1317_2016_num_40_1_1339) ;
  • Juliana GENDRON, L’aigle de l’apothéose : un symbole institutionnalisé ? Communication présentée lors du Séminaire Animed, Montpellier, université Paul-Valéry, 2016 ;
  • Juliana GENDRON article à paraître en 2024 dans la revue Frontière·s: Revue d’archéologie, histoire & histoire de l’art reprenant une communication présentée à l'INHA en octobre dernier 2022 (sujet : « Les auteurs anciens et l’iconographie : l’exemple de l’aigle de la consécration romaine) ; 
  • Mihai GRAMATOPOL « L’Apothéose de Julien l’Apostat et de Flavia Helena sur le Grand camée de Roumanie », Latomus, T. 24, Fasc. 4 (Octobre-Décembre, pp. 870-885 (18 pages), Société d'Études Latines de Bruxelles ;
  • Annick LAFEUILLADE, La voix des oiseaux dans l’Antiquité gréco-romaine, Ed. Saint-Honoré, 2016 ;
  • Jacqueline LECLERCQ-MARX, La Sirène dans la pensée et dans l’art de l’Antiquité et du Moyen Age. Du mythe païen au symbole chrétien, Académie royale de Belgique, 1997 ;
  • Gisèle MATHIEU-CASTELLANI, Chapitre III – Les figures exemplaires de l’hybris : Ixion, Sisyphe et Tantale, Prométhée, Icare et Phaëton, pp. 101 à 184, dans Mythes de l’Eros baroque, 1981 ;
  • Hélène NORMAND, Les rapaces dans les mondes grec et romain : catégorisation, représentations culturelles et pratiques, Ausonius, 2015, pp. 209-308 ; 
  • OVIDE, Les Métamorphoses, GF 97, 1966 ;
  • Yves PERRIN, L’apothéose de Néron. Le camée de Nancy - de Néron à Saint Nicolas, J. Lenoir éd., Nancy 2018 ;
  • Joël SCHMIDT, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Larousse ;
  • Trésors inconnus du musée de Mariemont III, Grandeur de la Grèce ;
  • Eugène WARMENBOL, Eugène (dir.), catalogue de l’exposition ING Bruxelles « Sphinx. Les gardiens de l’Egypte », 2006 ;
  • Nikolas YALOURIS, Pegasus, The Art of the Legend, Westerham Press ; 2nd Edition, Rev., 1977.


[1] Les « Ailes du désir » (Der Himmel über Berlin) est un film franco-allemand réalisé par Wim Wenders (1987) qui se présente comme un conte philosophique. « A Berlin, avant la chute du mur, les anges Cassiel et Damiel veillent sur les humains et recueillent depuis des siècles le monologue intérieur de leur spiritualité. De leur vision en noir et blanc du monde, ils ne peuvent qu’assister aux événements, sans rien sentir, goûter, toucher. Ils ont vu le début de la lumière, des rivières, des animaux. Quand le premier homme est apparu, ils ont découvert avec lui le rire, la parole, la guerre. Damiel, qui a toujours ressenti le désir de porter à son tour la condition humaine, est si touché par Marion la trapéziste, si séduit par son âme et sa grâce qu’il décide finalement de devenir humain, et par conséquent mortel » (https://www.unige.ch/dife/culture/evenements/les-ailes-du-desir). Le film est tourné en noir et blanc tant que Damiel appartient à l’univers céleste, l’irruption de la couleur marquant le passage à la mortalité avec le désir de goûter, de sentir, de voir, de toucher.

[2] A part les oiseaux chimériques volant par couples dénommés Pihis par Guillaume Apollinaire dans son recueil Alcools.

[3] Voir les travaux de Liliane Bodson de l’Université de Liège (Philologie classique), Présidente du Groupe de contact du FNRS sur l’histoire des connaissances zoologiques et des relations entre l’homme et l’animal.

[4] Athéna peut se transformer en chouette (et elle le fait d’ailleurs), mais toute chouette n’est pas Athéna. Oiseau nocturne, la chouette ne peut supporter la lumière du soleil et devient ainsi le symbole de la connaissance rationnelle. Elle figure sur les pièces de monnaie d’Athènes qu’on appelait d’ailleurs dans le langage courant « chouettes » (le proverbe « porter des chouettes à Athènes » provient de la comédie Les oiseaux d’Aristophane et signifie « apporter de l’argent à quelqu’un qui n’en a pas besoin »). Les « chouettes » font aujourd’hui leur réapparition puisque la Grèce a choisi ce rapace comme motif de la face nationale de sa pièce d’un euro.

[5] Ce sont deux aigles envoyés par Zeus, chacun d’un côté du disque terrestre et ces oiseaux de proie qui avaient permis de déterminer, à l’endroit où ils se rencontrèrent, que le centre du monde se situait à Delphes. L’aigle intervient également dans le rapt de Ganymède.

[6] Souvenir d’Argus géant aux cent yeux (Panoptès : « qui voit tout »).

[7] Les dieux se métamorphosent le plus souvent pour se déguiser (de manière réversible) pour tromper ou séduire. Quant à l’homme, soit il subit la métamorphose (imposée par un dieu par punition), soit il la demande. Ce qui est important, c’est que pour l’homme, l’opération est irréversible.

[8] L’animal représenté sur les monnaies grecques a parfois aussi un autre message à transmettre : celui du roi ou de la région dont il était l’emblème. Pour plus de détails, voir Les animaux et la monnaie grecque d’Annie Demeester, Arsnumis.

[10] On croyait que le vol des oiseaux était « télécommandé » par les dieux.

[11] Tiré du latin avis, oiseau et spicere, regarder (cf. le mot « spectacle »), le nom « auspices » est un terme générique désignant chez les Romains les divers présages qui se tiraient du vol, du chant des oiseaux et de la manière dont ils mangeaient, etc. 

[12] L’augure était le prêtre chargé d’observer les signes en question et d’en tirer des présages. Rien de grave ne se faisait sans qu’on les eût auparavant consultés. Un augure pouvait empêcher une délibération publique, sous prétexte que les auspices n’étaient pas favorables. Les augures avaient comme insigne principal de leur fonction un bâton recourbé, le lituus, qui leur servait à délimiter le templum ou partie du ciel dans laquelle ils observaient les présages. La foi dans ces superstitieuses prédictions fut de bonne heure ébranlée. Claudius Pulcher, mécontent de leurs présages, fit jeter à la mer les poulets sacrés, disant de les faire boire, puisqu’ils ne voulaient pas manger. Caton, et après lui Cicéron, assuraient que deux augures ne pouvaient se regarder sans rire. Le mot « augure » a aussi comme sens l’observation et l’interprétation des signes par les augures. 

[13] L’Alcyone était le nom du bateau expérimental du commandant Cousteau.

[14] Dans la mythologie grecque, c'est là que vivait Déjanire, épouse d'Héraclès. Celui-ci y revêtit la fatale tunique de Nessus. Une tragédie de Sophocle, qui représente la mort d'Héraclès, est intitulée Les Trachiniennes. Dans l’Iliade, Trachis est mentionnée dans le Catalogue des vaisseaux parmi les villes qui envoient des troupes contre Troie sous la direction d’Achille (chant II de l'Iliade d'Homère (v. 484-780)).

[15] Démocrite, Aristophane et Aristote en parlent dans leurs écrits.

[16] Voir Annick Lafeuillade, La voix des oiseaux dans l’Antiquité gréco-romaine.

[17] Cicéron nous informe du pouvoir très étendu dont disposaient les augures : ils avaient la capacité de dissoudre les assemblées ou le Sénat, d’annuler les séances précédentes, et même de contraindre les consuls à renoncer à leur charge.

[18] A partir de 2023, le musée de Mariemont formalisera un nouveau projet de réaménagement des collections au 1er étage. Les enjeux sont multiples, en termes de parcours, de choix thématiques, etc. Il est donc possible que certaines pièces citées dans le présent article soient en réserve et remplacées par d’autres. Un nouveau catalogue vient d’ailleurs d’être publié : Musée royal de Mariemont. Les collections permanentes, 2023.

[19] Jacqueline Leclercq-Marx, La Sirène dans la pensée et dans l’art de l’Antiquité et du Moyen Age. Du mythe païen au symbole chrétien, Académie royale de Belgique, 1997.

[20] Au départ, les relations entre la Grèce et l’Egypte se tissent par le truchement de tiers : ce sont principalement les marchands phéniciens qui colportent et transmettent les idées et l’iconographie orientales. Mais, dès le début du VIIe siècle avant J.-C., des relations directes s’établissent entre l’Egypte et la Grèce (Naucratis, à l’embouchure occidentale du Nil, est fondée par des marchands de Milet et est la seule ville non égyptienne sur le territoire égyptien). Les marchands ne sont pas les seuls à être en contact direct avec l’Egypte et sa culture : des mercenaires entrent, eux aussi, à la même époque, au service de l’armée égyptienne. Ces derniers, accompagnés de leur famille, obtiennent l’autorisation officielle de construire de petits sanctuaires. Les Grecs considéraient par ailleurs les Egyptiens comme de véritables maîtres dans divers domaines (médecine, chronométrie, géométrie, mesures agraires ou la philosophie). Marchands et mercenaires sont bientôt suivis par des artisans, des artistes et des hommes de lettres (Hécatée de Milet, Eschyle, Sophocle et Euripide) qui viennent découvrir cette lointaine contrée. Hérodote visite par ailleurs personnellement l’Egypte et consacrera un ouvrage historique à ce pays et à son peuple.

[21] Cf. le cachet en forme de sphinx du pharaon Sekenenrê (dans les réserves du musée de Mariemont, son authenticité n’étant pas avérée).

[22] En Egypte, le sphinx était un être masculin (exception faite de la reine Hatchepsout) et dépourvu d’ailes.

[23] Pour plus de détails, cf. l’article de Petra Baum-Vom Felde dans le catalogue de l’exposition « Sphinx. Les gardiens de l’Egypte ».

[24] Habitants de Naxos, île des Cyclades alors prospère et qui érigea cet ex-voto à Delphes en l’honneur d’Apollon. Il était très haut perché (il se dressait sur une colonne à près de dix mètres du sol), loin des gens, dans une espèce de sérénité céleste.

[25] Bien que la tête du Sphinx de Naxos ait été retrouvée en remploi dans un mur, la continuité des nattes du Sphinx sur ses épaules permet de confirmer qu’il regardait bien droit devant lui.

[26] « Quel est l’animal qui a quatre pieds au matin, deux à midi et trois le soir ? ». 

[27] Dans son enfance, il se traîne sur ses pieds et sur ses mains, à l’âge adulte, il se tient debout, il s’aide d’un bâton dans sa vieillesse. Cette définition résume en fait toute l’énigme de la condition humaine.

[28] C'est en 1923, à la suite d’une victoire d'Enzo Ferrari qui était alors pilote chez la prestigieuse marque Alfa-Roméo, qu'une comtesse nommée Baracca (un nom prédestiné !) lui offrit comme porte-bonheur le fameux cheval cabré noir sur fond jaune. Ce dernier décorait l'avion de chasse de son fils, un dénommé Francesco Baracca, un as de la Première Guerre Mondiale. C'est ainsi que, passant du fuselage à la carrosserie de bolides routiers, un emblème mythique était né.

[30] Avant d’être repris par la 6e division aéroportée, Bellérophon et Pégase furent adoptés comme insigne par les régiments parachutistes du Royaume-Uni en 1941. L’image symbolisait clairement un guerrier arrivant du ciel.

[31] Du nom de premier propriétaire de l’une des amphores les plus caractéristiques du style de cet anonyme.

[32] Ce cratère a été restitué par le Metropoltan Museum of Art au ministère de la Culture Italien en janvier 2008 (l’accord ayant été signé en février 2006), car il avait été illicitement exporté d’Italie (après avoir été volé dans la nécropole étrusque de Cerveteri, il avait été acheté à des pilleurs de tombes, les tombaroli, par un revendeur au marché noir avant d’être cédé au Metropolitan Museum pour la somme de 1 million de dollars). Les responsables du Metropolitan Museum ont cependant pu prouver qu’ils avaient acquis le cratère en toute bonne foi. L’œuvre a été présentée au public de Rome avec d’autres artefacts lors de l’exposition « Nostoï [« retour à la maison » en grec] Capolavori Ritrovati » qui s’est déroulée au Palais du Quirinal du 21.12.2007 au 23.3.2008. Depuis, il est hébergé au musée de la Villa Giulia à Rome, avant de retourner à Cerveteri où il est jalousement gardé dans le musée archéologique national de Cerite.

[33] Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine.

[34] L’hydrie du Musée royal de Mariemont est une miniature, destinée sans doute à être déposée dans une tombe ou offerte à une divinité (une hydrie « normale » mesure environ 40 cm de haut).

[35] L’hydrie possède trois anses (deux horizontales, et une verticale) : les deux anses horizontales servent à placer le vase sous le jet d’eau et à le stabiliser sur l’épaule ou la tête ; l’anse verticale est utilisée pour incliner le récipient et en verser le contenu.

[36] D’où le nom de la marque de chaussures de sport (dont le logo reprend d’ailleurs la forme de l’aile), de la ville de Nice et des prénoms Nicolas, Nicodème et Nicéphore. 

[37] La lyre était l’instrument utilisé pour enseigner la musique aux enfants dès qu’ils avaient appris à lire (elle pouvait aussi être jouée par des femmes entre elles, dans le cadre de leurs activités au gynécée). Comme le fait remarquer Annie Bélis (dans son ouvrage Les Musiciens dans l’Antiquité, page 17), la cithare était un instrument à cordes réservé uniquement aux professionnels (et au dieu Apollon), alors que la lyre était l’instrument populaire de tout un chacun. Le faon évoque la jeunesse. On pourrait donc imaginer que l’hydrie consacre une victoire à un concours musical entre jeunes gens.

[40] Ce peintre (anonyme) doit son nom à une amphore décorée d’une représentation d’Achille et de Briséis, conservée au Vatican.

[41] Cette stèle est un remploi : il s’agit d’une stèle du Ve siècle av. J.-C. retaillée (il manque le fronton et le personnage masculin qui devait être en face de la femme assise, raison pour laquelle l’image de cette dernière n’est pas placée au centre de la stèle, mais décalée vers la gauche). L’inscription est quant à elle beaucoup plus tardive (IIe siècle de notre ère).  

[42] Phèdre, 246.

[43] Suivant un jeu de mots en grec, intraduisible en français (’έροςπτερόν : éros « désir », ptéron, « aile »), les ailes sont, pour Platon, désir, aspiration à l’envol.

[44] Page 125, édition Garnier-Flammarion.

[45] Les Psychidae (appelés communément psychés) sont d’ailleurs une famille de lépidoptères.

[46] Si, sur le miroir de Vulci, Chalcas ne porte pas le vêtement traditionnel de l’augure (un manteau rattaché par une broche et un haut chapeau conique), le sage adopte toutefois bien la position rituelle : le foie dans la main gauche, le bras gauche reposant sur le genou gauche et le pied gauche appuyé sur une pierre.

[47] Les espèces de chauve-souris de la famille des Furipteridae sont communément appelées furies.

[48] De sa semence naquit Vénus.

[49] Dans l’Antiquité, on considérait les invités comme des envoyés de Zeus/Jupiter. Lorsque l’on ne respectait pas les règles d’hospitalité, on manquait donc de respect au dieu suprême de l’Olympe.

[50] Monde souterrain pire que les Enfers, destiné à accueillir ceux qui ont défié les dieux (Ixion, Sisyphe et Tantale notamment y séjournent, mais aussi les Danaïdes, les Titans, …).

[51] Comme le fait remarquer Roger Lambrechts dans son ouvrage Les Miroirs étrusques et prénestins, les talons des miroirs étrusques peuvent être chargés d’un décor plus ou moins élaboré, gravé, souvent en relief ajouré, ou compliqué de figures ailées qui adoucissent la transition au disque.

[52] Trésors hellénistiques, Cahiers de Mariemont, « Rencontre inattendue entre Minerve, Hercule, Thétis et Eris. L’énigme du miroir étrusque B. 206 du musée royal de Mariemont », Cahiers de Mariemont, n° 40, 2016, pp. 174-180 (URL : https://www.persee.fr/doc/camar_0776-1317_2016_num_40_1_1339).

[53] Dans l’Iliade (VII, 398), la déesse est nommée « Iris chrysoptéros » (« Iris aux ailes d’or »).

[54] Comme c’est le cas sur une pyxide de Berlin : voir la figure 3 dans l’article d’Annaïg Caillaud « Reconnaître une déesse ailée au caducée. Réflexions sur l’identification dans la céramique attique à figures rouges » (https://journals.openedition.org/mondesanciens/1705).

[55] Arne Thomsen, citée dans l’article précité d’Annaïg Caillaud.

[56] Refusant d’épouser un mortel, malgré l’ordre des dieux, Thétis prit sans cesse toutes sortes de formes pour échapper au mariage, lorsque Pélée (son futur époux) voulut l’approcher, des plus petites aux plus grandes, des plus menaçantes aux plus immatérielles (oiseau, serpent, lion, poisson, seiche, eau et feu).

[57] Trésors inconnus du musée de Mariemont III, Grandeur de la Grèce, n° 73, p. 71.

[58] Gustave Körte, Berliner Philologische Wochenschrift, 2 avril 1902, p.435.

[59] Antiquités égyptiennes, grecques, romaines et gallo-romaines du musée de Mariemont, 1952, page 95.

[60] En médecine, le « syndrome d’hubris » est la « maladie de la démesure ». Chez les Grecs, l’hybris constitue donc un crime d’orgueil puni par les dieux (de nombreux mythes antiques en font état : outre Icare, on peut citer comme figures exemplaires de l’hybris Phaéton, Marsyas, Niobé, Prométhée, Sisyphe, Ixion, …). En médecine, c’est un trouble de la personnalité, non une maladie mentale : il désigne une propension narcissique à voir le monde comme une arène où exercer son pouvoir (ce syndrome est inextricablement lié au pouvoir : c’est une condition sine qua non) et lorsque le pouvoir monte trop à la tête, jusqu'à en devenir pathologique, cela s'appelle le syndrome d’hubris. Vladimir Poutine en serait atteint, paraît-il.

[61] Adolf Furtwängler, Collection Somzée: monuments d'art antiqueF. Bruckmann, 1897 (n° 85 et planche XXXIII).

[62] Chapitre III – Les figures exemplaires de l’hybris : Ixion, Sisyphe et Tantale, Prométhée, Icare et Phaëton, pp. 101 à 184.

[63] Cf. l’article de Jacques Monnier, « Vallon à tire-d’aile : une statuette d’Icare dans les jardins, Cahiers d’Archéologie fribourgeoise, n° 12/2010/Etudes (URL : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=caf-002%3A2010%3A12%3A%3A94).

[64] On peut s’étonner du fait que le mot apothéose ait été tiré du grec alors que la cérémonie n'existait pas en Grèce. En fait, l’origine du mot reste énigmatique, comme l’a montré Juliana Gendron dans ses travaux (mémoire de master) et communications. La notion apparaît pour la première fois dans les sources latines chez Cicéron. En 45 av. J.-C., sa fille Tullia décède et Cicéron déclare alors dans une lettre à son ami Atticus vouloir réaliser « une véritable apothéose » pour la défunte. Il ne s'agit sans doute pas d'un néologisme cicéronien puisque le verbe grec apparaît dans des sources antérieures (mais pas le substantif). Quoi qu'il en soit, à Rome, chez les auteurs latins comme dans les commémorations officielles (en particulier numismatiques), le terme est « consécration », et non apothéose. Or, la consecratio est un terme générique qui recouvre différentes notions (il évoque aussi bien le fait de dédier à un dieu un temple, une statue, un lieu que de rendre sacer – maudit – quelqu’un ou quelque chose comme ce fut le cas pour le territoire de l’ancienne Carthage). Dans la suite, les historiens grecs, comme Hérodien, emploient néanmoins bien la notion d'apothéose pour évoquer la consécration des empereurs.

[65] Longtemps conservé dans la niche de Michel-Ange du cortile della Pigna, le piédestal a été déplacé et se trouve aujourd’hui dans la cour de l'entrée de la pinacothèque.

[66] Une publication de cette communication est prévue en 2024 dans la revue Frontière·s: Revue d’archéologie, histoire & histoire de l’art.

[67] Pour les bédéphiles, tous se rappelleront certainement le superbe dessin de Jacques Martin dans la série « Alix » (album « Le Tombeau étrusque », pp. 4-5) où l’on voit l’aigle s’approcher en planant dans l’encadrement d’un pont pour ramener son pain à Octave.

[68] https://opendatacommons.org/licenses/odbl/1-0/.

[69] Cf. l’article de Mihail Gramatopol, « L’Apothéose de Julien l’Apostat et de Flavia Helena sur le Grand camée de Roumanie », .

[70] Cette attitude dynamique est importante à souligner (on trouvera par exemple des Victoires assises à Versailles à l’époque de Louis XIV).

[71] Souvent elle-même coiffée d'une couronne de laurier, la Victoire tendait une autre couronne à un vainqueur invisible.

[72] La palme ou feuille de palmier était insigne du gagnant dans les compétitions sportives et les jeux du cirque.

[73] Paionios de Mendè (en Thrace) était un artiste de rang secondaire à en juger par le fait que Pausanias est le seul auteur à en faire mention (dans sa Description de la Grèce, Livre V).

[74] L’idée de la colonne de la victoire de Berlin (Siegessaüle), célèbre par le film « les Ailes du désir » (c’est là que se réfugient les anges), a sans doute été empruntée à celle de la Niké de Paionios. Elle aussi a été élevée pour commémorer des victoires militaires (sur le Danemark en 1864, l’Autriche en 1866 et la France en 1870-71). La Niké a encore servi de modèle en tant qu’élément dans la conception des médailles des jeux olympiques d’été organisés en 2004 à Athènes.

[75] Cette bataille eut lieu durant la Guerre du Péloponnèse opposant Sparte à Athènes.

[76] La restauration faite par un sculpteur allemand a pu être réalisée avec certitude pour presque l’ensemble, mais pas pour le visage.

[77] Les victoires sont souvent nues avec une envolée de tissu couvrant simplement le sexe. Celle d’Aalter semble plus pudique, vêtue d’un drapé.

[78] Voir Franz Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Paul Geuthner, 1966 et « Notes sur une applique à masque de vent conservée au musée d’Ath » par Jean Dufrasnes, 1994, Bulletin trimestriel du Cercle royal d'Histoire et d'Archéologie d'Ath, 7, n° 159, pp. 429-434 (URL : https://www.academia.edu/40996985/Notes_sur_une_applique_%C3%A0_masque_de_vent_conserv%C3%A9e_au_Mus%C3%A9e_dAth).

[79] Psyché était la plus jeune et la plus belle des trois filles d’un roi. Tous les sujets du royaume se pressaient autour d’elle pour l’admirer, et ils lui rendaient même un culte, oubliant les marques de dévotion qu’ils devaient à Vénus. La déesse de l’Amour en conçut alors une jalousie vengeresse et appela son fils Cupidon à son aide, lui demandant d’inspirer à Psyché de l’amour pour le plus laid et le plus méprisable des hommes. Cependant, Cupidon fut tellement frappé par sa beauté qu’il s’éprit d’elle et n’exécuta pas les ordres de sa divine mère. Cupidon la fit enlever par Zéphir qui l’emmena dans le palais du dieu. Epoux amoureux et tendre, il demanda à Psyché de ne pas tenter de le regarder. Mais les sœurs de Psyché, en la voyant si heureuse, tentèrent d’insinuer le doute dans son cœur et lui déclarèrent que, dans les ténèbres de la Nuit, elle devait certainement s’unir à un monstre. Bouleversée, Psyché, dès la nuit qui suivit son retour dans le palais, s’approcha de son époux endormi et l’éclaira d’une lampe. Au lieu d’un monstre, elle distingua Cupidon, le plus beau et le plus aimable des dieux ; éblouie, elle avança la lampe plus près encore et une goutte d’huile bouillante tomba alors sur l’épaule de son divin époux. Celui-ci s’éveilla en sursaut, reprocha à Psyché sa méfiance et disparut. Folle de douleur, l’infortunée erra à sa recherche et s’adressa finalement à Vénus qui, trop heureuse de se venger, lui imposa des travaux rudes et humiliants comme le tri de graines de toutes espèces que la déesse avait mélangées (mais les fourmis vinrent l’aider). Pendant ce temps, Cupidon mourait d’amour pour la belle Psyché. Devant tant de sentiments, Vénus ne resta pas insensible : Mercure déposa Psyché dans le palais des dieux où elle but l’ambroisie et le nectar qui lui conférèrent l’immortalité. Le sens du conte est clair : Psyché est le symbole de l’âme humaine purifiée par les passions et les malheurs et préparée à jouir, dans l’amour, d’une félicité éternelle. Ce roman de l’âme a été interprété à la Renaissance comme la recherche de l’amour divin.

[80] Pompeo Batoni, réalisa un « musée du papier » d'art ancien pour l'antiquaire anglais Richard Topham (l'intégralité de la collection de dessins et de gravures de Batoni se trouve désormais à la bibliothèque d'Eton College). Ce dessin est reproduit par François De Polignac dans son livre La Fascination de l’Antique, 1700 – 1770. Rome découverte, Rome inventée, musée de la Civilisation gallo-romaine, Lyon, 1998. Voir aussi le catalogue d’accès public en ligne « OPAC » d’Eton College : https://catalogue.etoncollege.com/home).


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