Les Ailes du désir au musée royal de Mariemont
Avec mes plus vifs remerciements à Madame Juliana
Gendron, attachée à l’Université de Paris-Nanterre, pour ses précieuses
informations relatives aux aigles et à la cérémonie de la consécration.
« Avez-vous déjà vu
un oiseau planer avec une seule aile [2] ?
Exactement. Nous avons besoin les uns des autres ... »
Roberto Santo « Wing of desire » (source : https://pusluktalaratlasi.tumblr.com/post/693202433049018368/roberto-santo-wing-of-desire via mon abonnement Pinterest : https://www.pinterest.com/pin/411586853458606116/)
De nombreuses œuvres grecques,
étrusques et romaines du musée royal de Mariemont en Belgique représentent des
figures en vol : non seulement des oiseaux [3],
mais aussi et surtout les animaux fantastiques et des personnages fabuleux,
Sirènes, Victoires, Amours et bien d’autres ...
Inquiétants ou séduisants, ces
êtres intermédiaires, ni anges, ni démons, expriment une relation que les
Anciens tentent d’établir avec l’invisible, le divin, l’absolu.
Les oiseaux sont omniprésents dans la religion grecque. Beaucoup de divinités ont un oiseau pour attribut : Athéna, a comme emblème une chouette chevêche [4] ; Zeus, un aigle [5] ; Aphrodite, une oie ou une colombe ; Héra, un paon [6]. Cette association dieu-oiseau remonte loin (les oiseaux sont conçus comme un lien entre le monde terrestre et l’air).
Cependant, l’oiseau joue un rôle
vis-à-vis des dieux : il dit la divinité dont il est l’attribut.
C’est ainsi que si la chouette est le
symbole d’Athéna, elle n’est pas la déesse elle-même : Athéna peut se transformer [7] en chouette (et elle le fait d’ailleurs),
mais toute chouette n’est pas Athéna. Oiseau nocturne, la chouette ne peut
supporter la lumière du soleil et devient ainsi le symbole de la connaissance
rationnelle. Elle figure sur les pièces de monnaie [8] d’Athènes qu’on appelait d’ailleurs dans le
langage courant « chouettes [9] ». Les « chouettes » font
aujourd’hui leur réapparition puisque la Grèce a choisi ce rapace comme motif
de la face nationale de sa pièce d’un euro.
Dans la religion romaine, les oiseaux sont porteurs de la volonté divine et leur vol est en relation avec les desseins des dieux [10] : la lecture de l’avenir se faisait notamment dans le vol des oiseaux (cf. les expressions « sous d’heureux auspices [11] » et « oiseau de bon augure [12] »). Romulus a procédé ainsi pour savoir qui, de son frère ou de lui, allait fonder Rome.
La mythologie gréco-romaine est relativement riche en métamorphoses de
mortels en oiseaux. L’une des plus belles légendes, que l’on retrouve dans les Métamorphoses
d’Ovide (Livre XI) est celle d’Alcyone [13]
et de Céyx, un couple heureux, vivant en bord de mer dans une telle allégresse
qu’ils se croyaient immortels. Elle était une jeune femme d’une grande beauté,
fille d’Enarété et d’Eole ; Ceyx, quant à lui, était roi de Trachis en Tessalie [14],
ami et parent d’Héraclès. Hélas, cet état de béatitude les incita à s’appeler
Zeus et Héra, ce qui constituait, outre une usurpation d’identité, une faute
suprême vis-à-vis des dieux, celle de l’hybris sur laquelle nous reviendrons plus loin. Zeus ne pouvait que punir
cette offense et il envoya foudre et tempête sur le frêle esquif de Céyx, parti
à la pêche. Néanmoins, pris de pitié, Zeus décida de les transformer en
oiseaux : Céyx devint un oiseau de mer et Alcyone, un petit oiseau au
plumage azur, l’Alcyon en grec (le martin-pêcheur en français).
Martin-pêcheur d’Europe –
Alcedo atthis (Licence :
GFDL - Lukasz
Lukasik Source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Alcedo_atthis_2_(Lukasz_Lukasik).jpg)
L’oiseau continua à vivre en bord de la mer,
mais ne parvenait pas à se reproduire. En effet, comme il pond ses œufs en
hiver, les vagues de la mer emportaient son nid. Zeus voulut une fois encore venir
en aide à l’oiseau malchanceux : il décida de modifier les conditions
météorologiques. Il décréta une fourchette de jours de l’année où la température serait plus élevée et où
les pluies cesseraient afin de laisser l’Alcyon couver ses œufs en toute
tranquillité. C’est ce qu’on appelle, en Grèce, les
Alcyonides, une accalmie météorologique en plein cœur de l’hiver [15].
De nos jours, encore, il se produit chaque année entre le 15 décembre et le 15 février,
une période de redoux, pendant laquelle le martin-pêcheur peut,
en Italie du sud et en Grèce continentale et insulaire, pondre ses œufs sous
une température clémente, variant de 15 à 20 degrés.
Un autre mythe, mais bien plus terrifiant, est
celui de Procné transformée en rossignol et Philomèle en hirondelle, raconté par
Ovide au livre VI de ses Métamorphoses.
Enfin, la littérature grecque et latine,
d’Homère à Elien, en passant par les poètes élégiaques (le perroquet de
Corinne, le moineau de Lesbie, …) foisonne d’allusions aux oiseaux [16].
Les augures observaient non seulement le vol, mais aussi
l’espèce d’oiseau ou leur cris (direction du son, fréquence du chant). Les uns,
appelés alites (vautour, aigle, faucon), les autres oscines
(corbeau, corneille, hibou). Dans les deux groupes existait une hiérarchie
entre les oiseaux : l’aigle et le picus (pivert) permettaient de
rendre les auspices les plus clairs.
La consultation des auspices était obligatoire dans de
nombreuses situations liées au fonctionnement de l’État romain : lors de
la fondation d’une ville, on l’a déjà vu, dans le cadre de la vie politique
lors de la désignation des hauts magistrats [17], sur le
plan militaire avant de jeter à l’assaut de l’ennemi.
Au début de notre parcours parmi les pièces du musée [18] se trouve une grande cruche d’époque géométrique (Inv. Ac 67/30) décorée notamment d’une frise sur l’épaule dont les cinq métopes présentent alternativement un oiseau palmipède stylisé et un losange rempli de points. Les archéologues se sont demandé si ces animaux n’avaient pas une valeur emblématique (il n’est pas impossible que l’oiseau soit symbole de mort, les personnages ailés représentés dans l’art grec ayant un rapport avec la mort).
Cruche géométrique (Inv. 67/30) (Licence CC-BY-NC-ND), fig. 4
de l’article de Frieda Vandenabeele (source : https://www.persee.fr/docAsPDF/camar_0776-1317_1972_num_3_1_931.pdf). La réduction de l’image au col du vase est uniquement
réalisée pour les besoins du texte.
L’urne cinéraire provenant de
Campanie, région charnière entre les Grecs et les Etrusques, mais dont le
contexte culturel est à dominante grecque. Le couvercle de cette urne est
décoré de statuettes (Hermès, conducteur des âmes, entouré de Sirènes). La
Sirène, c’est la séduction de la mort (Mme Leclercq-Marx, professeur à l’ULB a
étudié l’évolution du thème de la Sirène [19]).
Ulysse, prévenu par la magicienne Circé, a pu ouïr leur chant. Orphée a pu les entendre aussi, mais il jouera une musique encore plus belle lorsque passeront les Argonautes. Les Muses font une musique toujours plus belle encore. Un concours aura lieu opposant les Sirènes aux Muses duquel ces dernières sortiront victorieuses.
Urne
cinéraire campanienne du musée royal de Mariemont ©
Musée royal de Mariemont (source : http://www.numeriques.be/index.php?id=6&no_cache=1&tx_portailnumeriques_pi1%5Bview%5D=item_detail&tx_portailnumeriques_pi1%5Bid%5D=peps%3AMAR-MRM-GR-B-42&tx_portailnumeriques_pi1%5Bnum%5D=1)
Autre
figure ailée : le Sphinx dont l’inspiration iconographique trouve
indéniablement sa source en Orient et plus particulièrement en Egypte [20].
Lorsque ce motif fait son apparition au VIIIe siècle dans l’art grec, sa
signification originelle – le souverain victorieux [21] – n’est plus perçue. Il ne reste que l’image évidente d’une créature
monstrueuse.
Alors que la tête du Sphinx de Naxos [24] regardait droit devant elle [25], celle que possède le musée de Mariemont faisait partie d’un Sphinx dont le corps était de profil (comme on peut s’en rendre compte à l’épaississement du cou) et qui surmontait une stèle funéraire.
A la question posée par le Sphinx aux jeunes Thébains [26], seul Œdipe trouve la réponse éminemment grecque : l’homme [27] (c’est toutefois le malheur qui attend Œdipe à Thèbes). A remarquer que le combat qui oppose Œdipe au sphinx n’est pas armé (comme celui de Thésée et du Minotaure ou d’Hercule et de l’Hydre de Lerne), mais intellectuel.
La sphinge Aldobrandini restituée à l’Italie en 1979 (crédit : © Musées cantonaux du Valais, Sion. Heinz Preisig – source : https://ava-wag.ch/de/musees-cantonaux-du-valais-sion-heinz-preisig/)
Dans les cas que nous venons d’examiner,
les figures ailées sont là pour marquer le passage dans un autre monde. Le
symbolisme funéraire en fait le gardien du tombeau.
Né de Méduse (Bellérophon se
servira de lui pour tuer la Chimère), le cheval ailé Pégase est également
présent à Mariemont (inv. Ac. 94.B).
Pégase de Mariemont (inv. Ac. 94.B – photo numérisée extraite du catalogue 1967 L’art grec du musée de Mariemont, p. 48 – pas de copyright mentionné dans l’ouvrage) (crédits : © Musée royal de Mariemont)
N’oublions pas que l’emblème
de la Ferrari est un cheval [28]. Cette allusion n’est pas gratuite : les ailes
de Pégase accentuent son caractère de rapidité (le thème est donc ici celui de
la vitesse).
A gauche, Francesco Barraca et son SPAD S XIII décoré de l’étalon noir (1918 – photo dans le domaine public) ; à droite, le scudetto de la Scuderia FerrariTM à partir duquel sera créé le logo de l’entreprise (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferrari_%28entreprise%29)
La Description de la Grèce
de Pausanias (Livres II, Chapitre I et III) atteste que Pégase était une figure
ornementale dans l'art antique : à Corinthe, où l'on rendait un culte héroïque à Bellérophon, une statue de ce
héros et du cheval Pégase décorait le temple de Poséidon. « La plus remarquable des fontaines de Corinthe » était un
Bellérophon placé auprès d'Artémis, monté sur Pégase, l'eau sortant d'un sabot
du cheval.
En numismatique, la figure de
Pégase est présente aussi bien sur des médailles que sur des monnaies : il
existe une série de pièces antiques grecques nommées les « poulains de
Corinthe », qui représentent Pégase accompagné d’Athéna, des médailles
gauloises et de nombreuses pièces romaines à l’effigie de Pégase [29].
Pégase est d’ailleurs l’emblème de plusieurs légions romaines. Signalons au
passage que le célèbre Pegasus bridge
sur l’Orne doit son nom au fait que Pégase était l’emblème de la 6th Airborne
Division (division aéroportée [30])
britannique qui s’est emparée de ce pont à l’aube du 6 juin 1944.
A gauche, droit d’un
« Poulain » de Corinthe (dans le champ, la lettre qoppa - ϙ – Licence :
CC BY 2.5. source : https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9gase_en_numismatique#/media/Fichier:Tridrachmorinth_308-306_obverse_CdM_Paris.jpg – à droite, Pagasus
bridge à Colleville-sur-Mer (capture d’écran du documentaire https://www.youtube.com/watch?v=3lqbPUjplLE)
Outre sa symbolique dans le domaine
numismatique, militaire, aéronautique ou commercial, on utilise le nom de cet
animal fabuleux en dressage équestre où un pégase en pesade est une figure
où le cheval s'élève, comme s'il s'apprêtait à prendre son envol.
Hermès est un dieu avec des
ailes. Sur la pièce inv. Ac. 69/14, une amphore à figures noires du Peintre de
Bucci [31], il
conduit un cortège auquel il montre le chemin (nous
sommes en présence d'une scène de fête).
Tout cortège était précédé d'un héraut (kerux). Ainsi, la compagnie de ce
personnage était requise lorsque la jeune fille se rendait de la maison de son
père à celle de son futur époux (changement de statut). Cette fonction de
héraut était remise sous le patronage d'Hermès.
Les vases conservés dans
différentes vitrines au musée de Mariemont illustrent le passage de la figure
noire sur fond rouge (sorte de tenture) à la figure rouge sur fond noir
(dimension plastique). Le fond du vase devient alors un espace à meubler et à
franchir. Dans son article Athenian
Potters and Painters. Red-figure Vases Take Wing (la figure rouge
s’envole), Beth Cohen explique justement le rôle joué par la figure ailée dans
cette conquête de l’espace du vase.
Précisément à ce moment-là
aussi, on s’intéresse au corps humain. D’autre part, les artistes s’interrogent
sur les monstres (on réinvente le surnaturel). Ils représentent néanmoins des
êtres ailés beaucoup plus séduisants. Ainsi, le vase d’Euphronios [32] montre deux génies ailés (Hypnos et Thanatos – cf. le lien entre la figure
ailée et le sommeil et la mort) qui emportent Sarpédon mort (à noter
l’écoulement du sang décalé vers la droite parce qu’il y a mouvement).
Hypnos endort les hommes et les dieux en
éventant ses ailes ou en les touchant de sa baguette magique [33]
(au chant XIV de l’Iliade, il endort même Zeus à deux reprises).
Toujours à Mariemont, une
petite [34]
hydrie [35] à
figures rouges (inv. B.86) est décorée d’une Niké (la Victoire [36])
très aérienne.
Celle-ci porte généralement
une palme et une couronne, mais ici elle tient une phiale (vase à libations) et
une lyre [37].
Bas-relief figurant Niké à Éphèse (époque
romaine – domaine public – auteur : Maxfield (travail personnel) –
source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Goddess_Nike_at_Ephesus,_Turkey.JPG)
Cette figure ailée ne dit plus
la mort, mais l’accès vers le bonheur et la gloire (cette petite hydrie fut
sans doute offerte dans le cadre d’un concours musical). Rappelons nous que
c’est sur son char ailé qu’Héraclès est emporté vers l’Olympe avec l’aide de
Niké.
Remarquons aussi que
l’identification des figures ailées même en la présence d’attributs est parfois
délicate, voire ardue, certains symboles étant ambigus. Annaïg Caillaud l’a
démontré dans son article « Reconnaître une déesse ailée au caducée. Réflexions
sur l’identification dans la céramique attique à figures rouges [38] » : ainsi,
« si Iris est la principale
porteuse féminine du caducée (kerukeion),
des inscriptions amènent parfois à reconnaître Niké tenant ce même attribut. ».
De même, la libation à l’aide d’une phiale se fait par un mortel à
l’égard des divinités. Or, ici Niké est elle-même une divinité. Le regretté Paul Veyne a expliqué ce paradoxe
dans son article « Images de divinités tenant une phiale ou patère. La
libation comme « rite de passage » et non pas offrande [39] ». « Pour Lissarrague et
Laurens, la libation entre dieux marquent les rapports, les relations qui
s’établissent entre ces dieux plus qu’une simple hiérarchie. De la même
manière, la libation entre dieux n’est pas une scène de culte, mais un geste
d’accord, un pacte, et lorsque Niké fait une libation ce n’est pas tant pour
marquer une victoire, qu’un moment favorable pour un accomplissement »
écrit Annaïg Caillaud.
On se rend donc compte avec quelle prudence chaque attribut doit être
interprété. Rien n’empêche évidemment de formuler des hypothèses. La
multiplicité de lectures d’une œuvre en fait aussi sa richesse.
La
Victoire porte un chiton (une tunique de tissu fin), avec, par-dessus,
un himation (un manteau drapé en laine plus épais). Le peintre a prêté
une attention toute particulière à la différenciation du plissé des deux
vêtements, la légèreté du chiton étant en outre suggérée par des traits de
pinceaux plus clairs tracés à l’aide d’un vernis fort dilué. Le motif des ailes
apporte une texture supplémentaire à cet univers très tactile. Pour encadrer la
scène, l’artiste a ajouté de jolies palmettes au-dessus des anses.
Hydrie attique à figures rouges (inv. B86) décorée d’une Niké et attribuée au peintre d’Achille [40] Crédits : © Musée royal de Mariemont
Dans l'iconographie officielle romaine, les victoires ailées
sont courantes. Elles vont très souvent par paires, planant généralement haut
dans une composition et remplissant souvent des espaces dans des écoinçons ou
d'autres lacunes dans l'architecture, comme c’est le cas sur la façade de l’arc
de Titus dans le forum romain (Victoires sur globe avec étendards).
Façade de l’arc de Titus (Licence :
CC BY-SA 4.0 – auteur : ThePhografer (travail personnel – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arc_de_Titus#/media/Fichier:Arch_of_Titus_(Roma).jpg)
Sur la stèle de Socratè [41], on peut lire le mot psyché. Qu’est-ce que l’âme ? Comment s’échappe-t-elle ?
Stèle de Socratè
(source : http://www.numeriques.be/index.php?id=6&no_cache=1&tx_portailnumeriques_pi1%5Bview%5D=item_detail&tx_portailnumeriques_pi1%5Bid%5D=peps%3AMAR-MRM-GR-B-253&tx_portailnumeriques_pi1%5Bnum%5D=4) (crédits : © Musée royal de
Mariemont)
Platon écrira abondamment à
son sujet. Dans Phèdre [42] (qui
est contemporain des stèles de Mariemont), il utilise une image pour
« visualiser » l’âme : il demande au lecteur d’imaginer la puissance
qui réunit un attelage et un cocher soutenus par des ailes. Chez les hommes,
l’un des chevaux de l’attelage est excellent, mais l’autre est tout le
contraire. Or, ajoute-t-il « la nature a doué l’aile du pouvoir d’élever [43] ce qui est pesant vers les hauteurs où habite la race des dieux, et l’on peut
dire que, de toutes les choses corporelles, c’est elle qui participe le plus à
ce qui est divin [44] ».
Il appartient donc à chacun d’entre nous de suivre le bon cheval qui nous guide
vers le divin. On notera également qu’en grec, psyché désigne tout autant l’âme que le papillon [45] et
quelle est la plus belle aile sinon celle du papillon ?
Les Pères de l’Eglise et les
mystiques exploiteront
activement cette conception platonicienne de l’âme. Les ailes
exprimeront en général une élévation vers le sublime, un élan pour transcender
la condition humaine.
Dans une vitrine se trouve un
vase de Canosa (urne) de tradition grecque dont le sommet est occupé par trois
statuettes : il s’agit de deux Eros qui emmènent la jeune femme vers son
destin, vers son trépas ou qui entourent Aphrodite (par analogie avec le
mariage qui marque un changement de statut pour la jeune fille, l’amour
symbolise en effet aussi le passage vers l’au-delà).
Chez Platon, Eros n’est pas
seulement le fils d’Aphrodite, mais également une divinité aux pouvoirs
extrêmement importants et, dans la création du monde selon Hésiode, il apparaît
immédiatement après le Chaos.
La panse est décorée d’une gorgone dont les ailes bleues sont complètement déployées. Ce vase témoigne d'une technique assez rare : il est recouvert d'un dépôt crayeux sur lequel on a appliqué une autre teinte. Cet enduit est non cuit, de sorte qu'il se désagrège au toucher.
Licence : CC 0 1.0 Domaine public – auteur : Vassil (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Canosan_ceramics_Mus%C3%A9e_Mariemont_08112015_1.jpg (crédits : © Musée royal de Mariemont)
Les démons ailés sont très
présents chez les Etrusques : citons notamment Chalcas – cf. le miroir de
Vulci au Vatican – et Vanth, qui figure, accompagnée de Charun, sur la fresque
illustrant le sacrifice des prisonniers troyens sur le bûcher de Patrocle dans
la tombe François à Vulci. Vanth est une démone de la mort : elle aide et
conduit les âmes des défunts vers le monde souterrain des Enfers. Chalcas, lui,
est un devin grec (haruspice [46]).
Il est par conséquent en rapport avec le futur (il est le maître du temps) et
avec l’au-delà.
L’urne cinéraire étrusque de
Mariemont dont le bas montre un combat entre Etéocle et Polynice est flanquée
de génies ailés, les Furies (ou les Érinyes dans le monde grec), armées de
flambeaux.
Urne cinéraire étrusque (crédits :
© Musée royal
de Mariemont)
Divinités infernales, les
Furies sont trois vierges ailées [47], monstrueuses
et effrayantes, nées du sang d’Uranus [48]. Déesses
de la vengeance, elles parcourent la surface terrestre, des serpents accrochés
aux bras et aux cheveux, avec pour mission de punir les coupables de crimes
familiaux (parricides, infanticides ou même crimes contre l'hospitalité [49]).
Oreste, auteur d’un double meurtre (sa mère Clytemnestre et Egisthe, son amant), fut
victime de leur vindicte en le frappant de crises de folie. Elles arpentent aussi le Tartare [50],
brandissant torches et fouets, instruments du tourment !
Pas plus gâtées sur le plan
physique que leurs congénères, les harpies leur sont apparentées :
mi-femmes, mi-oiseaux de proie, leur aspect diffère toutefois selon les auteurs (Homère, Hésiode, Virgile) « Chiennes
de Zeus », d'après Apollonios de Rhodes, elles volent les âmes et les
enfants qu’elles offrent en présent aux Erinyes.
Les Harpies avec leurs ailes membraneuses et leurs voix criardes s’acharnant
sur le roi Phinée dans le film « Jason et les Argonautes » de Don
Chaffey (source : https://argoul.com/2023/03/05/jason-et-les-argonautes-de-don-chaffey/)
Sur le miroir de bronze, l’artiste
a joué sur la figure ptérophore : Thétis est ailée et un démon ailé supportait
toute la scène divine [51].
Paul Fontaine, Professeur à l’université Saint-Louis de Bruxelles (Archéologie
et histoire de l’art de l’Antiquité, Histoire de l’Antiquité) a publié un article
détaillé sur le sujet [52].
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Curieusement, Eris qui se
situe à l’opposé de Thétis, déesse ailée par excellence (elle est la seule à
être décrite ailée chez Homère [53]),
ne l’est pas sur ce miroir. Il n’est toutefois pas impossible que, par analogie
avec ce qui est observé dans certains cas rares de la céramique grecque, Eris –
comme Niké [54]
– soit représentée aptère parce que la scène se situe dans le monde divin et
que « le contexte ne nécessite pas ce marqueur de mobilité entre les
mondes [55] ».
Mais l’explication pourrait être plus simple comme le fait remarquer Paul
Fontaine : selon lui, l’hypothèse que l’artiste qui a gravé le miroir a
peut-être interverti les noms d’Eris et de Thétis n’est pas à exclure.
Néanmoins, la néréide Thétis est aussi une déesse ailée : ses ailes
symbolisent le pouvoir de métamorphose qu’ont les dieux marins (comme Protée, d’où
notre mot « protéiforme ») [56].
Plusieurs
interprétations sont possibles. La première est celle qui consiste à dire que
les Etrusques ne connaissaient rien à la mythologie grecque, ce qui est fort
peu probable : l’œuvre est trop bien construite et sa réalisation trop
soignée pour n’avoir aucun sens.
Une autre lecture
serait d’ordre éthique : Thétis c’est le bien, Eris, c’est le mal. Pour
les savants tenants de cette hypothèse, il s’agirait d’une allusion au moment
célèbre où Hercule a dû choisir entre le vice et la vertu dans l’Apologie de
Prodicos rapportée par Xénophon.
D’autres encore
préfèrent y voir une rare représentation du mariage d’Hercule avec Athéna.
Mais le geste de
supplication de Thétis nous laisse entrevoir une autre possibilité
encore : elle serait venue implorer le salut de son fils Achille auprès de
Zeus dans une scène où Hercule, accompagné de sa demi-sœur, jouerait le rôle de
son père. En substituant Hercule à Jupiter, l’artiste investit le héros des
pouvoirs du chef de l’Olympe et le pose en détenteur de la justice divine. Mais
Thétis ne pourra rien obtenir, même d’Héraclès. Le regroupement de tous ces
personnages n’est donc sans doute pas arbitraire et recèle peut-être un sens à
chercher dans les environs de la guerre de Troie. Cette œuvre pourrait en effet
faire allusion à la discorde qui fut à la base de ce conflit : le jugement
de Pâris.
Bref, comme l’écrit
Paul Fontaine, au lecteur placé au carrefour de choisir sa voie. A moins que ce
ne soit Eris qui soit venue semer, une nouvelle fois, la discorde !
Le musée de Mariemont possède
également une figurine identifiée comme étant une représentation d’Icare
(B.192) en bronze [57].
Illustrations extraites de la page 52 de La collection Raoul Warocqué. Antiquités égyptiennes, grecques et romaines, 1904 et de la planche 34 des Antiquités égyptiennes, grecques, romaines et gallo-romaines du musée de Mariemont, 1952 (pas de copyright mentionné, ouvrages de plus de 70 ans) – sources : https://www.academia.edu/36058627/Collection_Raoul_Warvoqu%C3%A9_Antiquit%C3%A9s_%C3%A9gyptiennes_grecques_et_romaines_1904 et https://www.academia.edu/36091611/Les_Antiquit%C3%A9s_%C3%A9gyptiennes_grecques_%C3%A9trusques_romaines_et_gallo_romaines_du_Mus%C3%A9e_de_Mariemont_1952 (crédits : © Musée royal de Mariemont)
Ce sont les lanières croisées
par devant qui ont permis d’affirmer que les ailes ont été rajoutées. Ce pourrait
aussi être un Eros qui tire son char (version de l’archéologue prussien Gustave
Körte qui signale que les ailes ne sont pas factices comme celles d’Icare, mais
naissent des épaules) [58],
mais l’expression de crainte ou de douleur qui se lit sur son visage serait
alors inexplicable [59].
En tout cas, le mythe d’Icare permet de mettre les hommes en garde :
« Attention, vous voudriez faire comme les dieux, mais c’est un sacrilège
de passer cet espace réservé ». L’âme pourra le faire, mais le statut de
l’homme vivant est de rester sur terre. Icare tombe dans la mer qui porte son
nom (la mer Icarienne), puni pour sa prétention, parce
qu’il a péché par cette faute suprême pour les Grecs qu’est l’hybris (ὕϐρις), c’est-à-dire par
orgueil (cette notion se traduit souvent par « démesure [60] »).
L’archéologue et historien de l’art allemand Adolf Furtwängler [61] (le père de l’illustre chef d’orchestre) estime, quant à lui, que les liens tenus par le jeune homme sont destinés à mobiliser les ailes et a émis l’hypothèse que cette statuette a peut-être été trouvée dans l’île d’Ikaria où Icare était supposé s’être écrasé.
L’île
d’Ikaria avec son eau bleue, claire et transparente (photo libre de droit –
auteur : Pablo Joanidopoulos – source : https://fr.depositphotos.com/stock-photos/ikaria.html)
A part celui d’Icare et de Phaéton, il existe peu d’autres mythes sur ce thème qui se rattache à la symbolique de l’air (notons que tous deux trouvent leur tombeau dans l’eau : Icare, volant au plus près du soleil se brûle les ailes et s’abat dans la mer qui porte son nom et Phaéton, la chevelure en feu, tombe comme une étoile filante jusque dans le fleuve Éridan, là où meurt le soleil. Comme le signale avec beaucoup de pertinence Gisèle Mathieu-Castellani, dans Mythes de l’Eros baroque [62], « Le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre sont évidemment des objets symboliques, dont la présence et le rôle dans le mythe ne sont pas à négliger ».
La Statue du dieu Eridan au British Museum (Licence :
CC BY-SA 3.0 – Photographe : Yair Haklai (travail personnel) – source :
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Figure_of_a_river_god-Parthenon-British_Museum.jpg)
De même, les représentations
d’Icare en ronde bosse sont très rares : on ne peut citer, outre éventuellement
celle-ci, qu’une statue du Musée Capitolin à Rome, adaptation d’un prototype
polyclétéen disparu (cette statue, provenant de la Via dei Fori Imperiali à
Rome, autrefois dans le jardin de la Villa Rivaldi, se trouve actuellement à la
Centrale Montemartini) et quelques statuettes dont deux au British Museum et celle
découverte récemment à Vallon/sur Dompierre [63]
dans le canton de Fribourg en Suisse.
Sur l’urne cinéraire de Lucius
O. Scholasticus (inv. B.255), on peut voir les aigles encadrant de leur pouvoir
l’urne et les cendres du défunt (comparer avec les figures ailées protégeant
Toutankhamon sur les angles de son sarcophage en quartzite). Un autre oiseau
surmonte le bouquet de lierre (symbole d’immortalité) : est-ce une allusion à
la colombe, animal d’Aphrodite ou à l’épouse ? La question reste ouverte.
Urne cinéraire en marbre de Lucius O. Scholasticus (Licence CC BY-SA 4.0 – auteur : Sarsina (travail personnel) – source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AZS.jpg#/media/File:Urne_cin%C3%A9raire_de_Scholasticus.jpg) (crédits : © Musée royal de Mariemont) ; à droite, les déesses Isis et Nephtys étendant leurs bras ailés en signe de protection autour du sarcophage en quartzite de Toutankhamon (https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=113445&picture=brown-quartzite-sarcophagus)
On retrouve également ces deux
aigles dans les apothéoses [64]
d’empereurs comme celle d’Antonin : sur le
piédestal de sa colonne (musée du Vatican) [65],
on voit, dans la partie supérieure, l'empereur, portant
un sceptre surmonté d'une aigle, transporté au ciel avec sa
femme Faustine par un génie ailé souvent identifié
à Æon (l'Éternité). Ce dernier porte une sphère armillaire surmontée
d’un serpent, sous le regard à la fois de la déesse Rome, casquée et appuyée
sur un bouclier décoré d'une figure de Romulus et
Rémus allaités par la louve, et du génie du Champ de Mars à
gauche, portant l'obélisque solaire d'Auguste (obélisque du Montecitorio).
Deux aigles les accompagnent dans les cieux.
Lors de l’apothéose des empereurs romains, on lâchait du haut du bûcher un aigle censé emporter au ciel l’âme du souverain divinisé. Néanmoins, lors d’une communication présentée à l'INHA en octobre 2022, Madame Juliana Gendron, attachée à l’Université de Paris-Nanterre, a défendu l’hypothèse de l’historien et archéologue espagnol Javier Arce, selon laquelle l'aigle de la consécration n'a jamais été réellement présent sur le bûcher funéraire des empereurs, mais qu'il s'agirait simplement d'une représentation allégorique [66].
Apothéose d’Antonin (Licence : CC BY-SA 3.0 – auteur : Lalupa (travail personnel) https://fr.wikipedia.org/wiki/Colonne_d%27Antonin_le_Pieux#/media/Fichier:Musei_vaticani_-_base_colonna_antonina_01106.JPG
Bien qu’il soit enchevillé à une longue
tradition grecque, l’aigle n’en est pourtant pas moins considéré comme l’oiseau
romain par excellence.
Il est tout d’abord attaché à des moments clés
de l’histoire de Rome en se faisant l’oracle de présages glorieux ou sinistres,
selon le cas.
Ainsi, Suétone (Suet., Diu. Aug., 94, 11 ; Dio., 45, 2, 1) se fait l’écho d’un prodige où un aigle vient arracher des mains du jeune Octave un quignon
de pain, puis s’élève haut dans le ciel pour ensuite redescendre et rendre
le morceau de pain à Octave. Enfin, sa mission accomplie, il grimpe à nouveau
dans le ciel jusqu’à atteindre le zénith et se confondre avec le soleil :
l’aigle est venu désigner le « futur maître du monde ». Le message
est clair : « Jupiter est l’aigle du ciel, Auguste sera l’aigle de la
terre [67] ! ».
Suétone, dans Aug.,
97, va plus loin et fait du rapace le signe annonciateur de l’apothéose
d’Auguste : il érige l’apparition de l’aigle comme l’un « des présages les plus
évidents de l’apothéose » (divinitasque
post mortem evidentissimis ostentis). L’auteur raconte qu’un aigle
vint tournoyer autour du Princeps alors qu’il présidait une cérémonie. L’oiseau
se posa ensuite juste au-dessus du A de l’inscription « Agrippa », qui ornait
un temple voisin. Puisque son gendre était mort en l’an 12 av. J.-C., Auguste
vit dans cet événement l’annonce de sa propre mort.
Dans ce monde romain, l’aigle est revêtu d’une symbolique polysémique (Jupiter en personne, les aigles des légions et de la victoire, l’aigle attestant de l’apothéose des empereurs, …).
Au centre du plafond en caissons du passage
voûté de l’arc de triomphe de Titus est représentée l’apothéose de Titus emporté
au ciel par un aigle (photo issue du site http://jeanmarieborghino.fr/les-temoins-du-passe-larc-de-titus/voute-a-caissons-de-larche-3/)
En effet, lors de son exposé en 2016 à l’université Paul-Valéry de Montpellier, Madame Juliana Gendron avait précisé que l’image de l’aigle « quoique associée à une forte symbolique dès l’époque classique en Grèce, est étroitement liée à l’Vrbs dès les débuts de l’histoire de Rome. Il est l’emblème des légions, l’emblème de Rome, le symbole du triomphe romain. Bien qu’il s’agisse d’un symbole que l’on retrouve un peu partout autour du bassin méditerranéen, les Romains semblent en effet s’être progressivement approprié l’aigle comme emblème de Rome. L’aigle, au même titre que la louve, est associé à la fondation de Rome car il est présent dans un épisode fameux de la fondation rapporté par Denys d’Halicarnasse (Denys d’Hal., Ant. rom., 1, 59). Le lien est ancien, pour preuve un sextans républicain (RRC 39, 3), datant de la fin du IIIe siècle avant J.-C. (217-215 av. J.-C.), et frappé à Rome, qui présente sur l’avers la scène topique de la louve allaitant Romulus et Rémus, tandis qu’au revers, on observe un aigle, ailes repliées est figuré avec une fleur dans le bec. ».
Monnaie de bronze
(American Numismatic Society 1944.100.55 – Open database License (ODbL [68]) –
Source : http://numismatics.org/crro/id/rrc-39.3?lang=ru)
Plus tardifs, on peut citer le camée de Julien l'Apostat et de Flavia Helena (camée Orghidan ou grand camée de Roumanie [69]) et le Diptyque d’ivoire, dit de « la consécration », début du Ve siècle, British Museum, Londres.
A gauche, le camée Orghidan ou grand camée de Roumanie (source : https://mediterranees.net/arago/latin_2020_2021/premiere/docs/Apotheose.pdf ; à droite, le Diptyque d’ivoire de la consécration (Licence : Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International (CC BY-NC-SA 4.0) license – source : https://www.britishmuseum.org/collection/image/34962001)
Une vitrine de la même salle du
musée de Mariemont contient également une Niké en train d’atterrir [70]
(n° inv. B. 73), trouvée en 1900 à Aalter (Flandre orientale, Belgique), dans laquelle on retrouve en écho les draperies
mouillées (cf.
Ce type de Victoire remonte,
en définitive, au chef d’œuvre de Paionios de Mendè [73] exécuté à la fin du Ve siècle avant Jésus-Christ pour le sanctuaire d’Olympie.
Cette dernière statue surmontait une colonne triangulaire d’une hauteur
approximative de
La statue mutilée [76] a été découverte par la même équipe allemande et est à présent exposée au musée d’Olympie. La déesse est représentée les ailes grandes ouvertes, son himation plaqué par le vent, alors que son chiton, se déployant en arrière pour former un fond sur lequel se détache la figure, se gonfle telle la voile d’un navire [77]. La statue était peinte, mais les couleurs originales ne sont pas connues (la couleur du piédestal était probablement bleue comme le ciel de sorte que la Niké devait donner l’impression d’être en vol).
A gauche, la Niké d’Aalter © Musée royal de Mariemont ; au centre, les colonnes triangulaires qui supportaient la Victoire de Paionios de Mendè (Pinterest, dans le cadre de mon abonnement – source : https://www.pinterest.com/pin/73253931423822926/) ; à droite, la statue de la Victoire de Paionios de Mendè (musée Archéologique d'Olympie – Licence : Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Victoire_de_Paionios#/media/Fichier:Atena,_Olimpia,_front.jpg)
Le musée de Mariemont compte également
dans ses collections une autre statuette en bronze de Victoire (inv. n°
B.190) : la déesse s’avance, les ailes gracieusement déployées, la jambe
droite en avant, les deux bras éloignés du corps, le droit plus levé que le
gauche. Elle est vêtue d’un péplos cachant la moitié des pieds. Une ceinture
est nouée sous les seins, au-dessus du rabat. La tête est tournée à droite. Le
plumage des ailes est indiqué par des incisions. Le vent de la marche rapide
soulève et gonfle les draperies. L’arrière de la statuette n’a pas été
travaillé et il y a un tenon dans le dos entre les ailes : il s’agit donc
probablement d’une pièce d’applique. L’extrémité de l’aile droite est
endommagée et les attributs (sans doute une couronne et une palme) que tenaient
les mains ont disparu. C’est une des nombreuses adaptations de
La tête ailée a quant à elle
été interprétée par Franz Cumont comme étant celle du dieu des vents (le vent
est souvent le compagnon de l’âme qu’il est censé élever par son souffle dans
l’atmosphère) : même si l’œuvre présente certaines analogies avec certains
gorgoneions, il manque ici les serpents ; d’autre part, les Vents
étaient représentés ainsi, avec des ailes dans la chevelure et un collier de
plumes entourant le visage. L’iconographie mithriaque fournit de nombreux
exemples de ce genre d’artéfacts [78].
(source : https://www.facebook.com/photo/?fbid=661375912661679&set=a.625592326240038&locale=fr_CA – pas d’indication de copyright) (crédits : © Musée royal de
Mariemont)
Fils d’Eos et d’Astrée, les
Vents sont, parmi les manifestations de la nature, moins des dieux que des
puissances divinisées. Le maître des dieux et des vents se nomme Eole, mais son
pouvoir est en fait modeste : il est délégué par Zeus, et c’est de lui qu’il
reçoit des ordres pour lâcher les vents contenus dans des cavernes ou dans des
outres.
Les vents malfaisants
détruisent tout sur leur passage et sèment les calamités. En revanche, les
vents ordinaires sont, à l’origine, bienfaisants. Ils sont au nombre de
quatre : Borée, le vent du Nord, Euros, le vent du sud-ouest, Notos, le
vent du sud et Zéphyr, le vent d’ouest. Si les Latins ne vénéraient que ces
quatre vents, les Athéniens, à l’époque classique, en ajoutèrent quatre autres
(Cécias, Apéliote, Lips et Sciron) à leur culte et firent construire un temple
octogonal, la tour des Vents, où figurait, sur chaque angle, l’image de l’un
d’eux correspondant au point de l’horizon où il soufflait habituellement. Cette
multiplication des vents et la vénération dont ils étaient l’objet s’explique
aisément dans un pays où l’agriculture et la navigation occupaient une place aussi
prépondérante et dépendaient en grande partie du temps apporté par les
vents.
Borée et Sciron sur la tour
des vents (Licence : CC BY-SA 3.0 – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tour_des_Vents#/media/Fichier:Tower_of_the_Winds_frieze_detail.jpg – auteur : en:User:Morn)
Les ailes dans le dos et les bras levés désignent la statuette de jeune homme comme un Eros captif. Quel bonheur que de ne pas laisser l’Amour s’enfuir !
Illustration tirée des Antiquités égyptiennes, Grecques et Romaines,
1909, page 10 (https://www.academia.edu/36058609/Collection_Raoul_Warocqu%C3%A9_Antiquit%C3%A9s_%C3%A9gyptiennes_grecques_et_romaines_1909). Pas de
copyright mentionné et ouvrage de plus de 70 ans (crédits : © Musée royal de
Mariemont)
Apulée, auteur latin né à Mandara en Numidie, est l’auteur du roman les Métamorphoses ou l’Ane d’or dans lequel figure la charmante histoire d’Amour et Psyché [79].
Signalons à ce propos la
découverte faite en ce qui concerne le groupe d’Eros et Psyché du musée du
Capitole, appelé l’Invention du baiser : on s’est en effet aperçu que l’œuvre
avait été restaurée avec la tête d’un autre Eros (provenant sans doute d’une
bonne copie de l’Amour bandant son arc). Il se peut donc que l’attitude d’Eros
ait été bien différente de celle imaginée par le restaurateur.
En fait, si l’on se réfère à un dessin [80] du peintre italien Pompeo Girolamo Batoni (1708 – 1787), on se rend compte qu’Eros, bien que touchant la bouche de Psyché, se détourne en réalité d’elle (il écarte sa bouche de la main droite et lui agrippe même ses cheveux par l’arrière de la gauche). Le message est alors tout autre : il faut dépasser l’amour humain et gagner l’amour divin.
Dessin du peintre Pompeo Girolamo Batoni (source : https://catalogue.etoncollege.com/object-ecl-bn-3-21-2013 - © Eton College, avec l’aimable autorisation de Mrs Sally Jennings, Collections Administrator | Eton College Library | Eton College | Windsor que je remercie ici)
Notons que Batoni est aussi l’auteur d’une huile sur toile illustrant le mariage de Cupidon et de Psyché (Gemäldegalerie der Staatlichen Museen zu Berlin).
Mariage de Cupidon et de Psyché (photo dans le domaine public - source: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pompeo_girolamo_batoni,_matrimonio_di_cupido_e_psiche,_1756,_01FXD.jpg)
Nous terminerons notre
parcours à Mariemont par le sarcophage en plomb de l’Antiquité tardive (trouvé
en Syrie) où nous retrouvons le Sphinx (gardien des âmes) et Méduse (chassant
les mauvais esprits), mais aussi le symbolisme végétal (le lierre, par exemple,
plante d’Apollon et emblème funéraire).
Ce sarcophage a subi une restauration en 2009 (dépoussiérage, travail du métal et intégration des lacunes).
Capture d’écran du reportage
« Le transfert du sarcophage en plomb » (https://www.youtube.com/watch?v=AQHV7iD7UGA) (crédits : © Musée royal de
Mariemont)
Au terme de ce parcours, nous constatons combien les
figures ailées sont présentes dans l’univers mythologique et iconographique
gréco-romain. Selon le monde (grec ou romain) à laquelle elles appartiennent,
la symbolique dont elles sont revêtues est souvent polysémique, tantôt positive,
tantôt négative.
De nos jours, certaines de ces figures sont devenues des
modèles à imiter ou à ne pas suivre, comme Icare, qui est devenu un
symbole d'ambition excessive et des conséquences parfois dramatiques auxquels
s’exposent les enfants en négligeant les conseils parentaux. Certaines
sont même restées dans nos expressions : « Quelle vieille harpie,
cette femme ! » ou « elle est entrée comme une furie dans la
pièce).
L’aile en elle-même, est symbole d’impulsion, de mouvement, d’affranchissement à la pesanteur terrestre, de rêve, d’espoir et de beauté et, parfois, de l'absolu de la beauté. Philippe Durbecq
Bibliographie sélective
- Liliane BODSON, « Les connaissances zoologiques de l’Antiquité grecque et romaine : aperçu de leurs spécificités fondamentales et de leur actualité » (URL : https://cercles-naturalistes.be/wp-content/uploads/2018/08/L.Bodson.pdf) ;
- Liliane BODSON, « Les oiseaux dans l'Antiquité gréco-romaine. Choix de textes avec introduction, traduction, commentaires et passages parallèles », supplément au Bulletin de l'Association des professeurs de langues anciennes de l'Académie de Lille, 15, 1991, p. 13-17 ;
- Annaïg CAILLAUD « Reconnaître une déesse ailée au caducée. Réflexions sur l’identification dans la céramique attique à figures rouges » (https://journals.openedition.org/mondesanciens/1705) ;
- Catalogue du Musée royal de Mariemont. Les collections permanentes, 2023 ;
- CICERON, De divinatione, Paris, Flammarion, 2004 ;
- Beth COHEN, Athenian Potters and Painters. Red-figure Vases Take Wing ;
- Franz CUMONT, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Paul Geuthner, 1966 ;
- Michèle DANCOURT, Dédale et Icare, Métamorphoses d’un mythe, CNRS Editions, 2002 (URL : https://books.openedition.org/editionscnrs/4912 ;
- Annie DEMEESTER, Les animaux et la monnaie grecque, Arsnumis ;
- François DE POLIGNAC, La Fascination de l’Antique, 1700 – 1770. Rome découverte, Rome inventée, musée de la Civilisation gallo-romaine, Lyon, Ed. Somogy Éditions D'Art, 1998 ;
- Jean DUFRASNES, « Notes sur une applique à masque de vent conservée au musée d’Ath » par, 1994, Bulletin trimestriel du Cercle royal d'Histoire et d'Archéologie d'Ath, 7, n° 159, pp. 429-434 (URL : https://www.academia.edu/40996985/Notes_sur_une_applique_%C3%A0_masque_de_vent_conserv%C3%A9e_au_Mus%C3%A9e_dAth) ;
- Paul FONTAINE, Trésors hellénistiques, Cahiers de Mariemont, « Rencontre inattendue entre Minerve, Hercule, Thétis et Eris. L’énigme du miroir étrusque B. 206 du musée royal de Mariemont », Cahiers de Mariemont, n° 40, 2016, pp. 174-180 (URL : https://www.persee.fr/doc/camar_0776-1317_2016_num_40_1_1339) ;
- Juliana GENDRON, L’aigle de l’apothéose : un symbole institutionnalisé ? Communication présentée lors du Séminaire Animed, Montpellier, université Paul-Valéry, 2016 ;
- Juliana GENDRON article à paraître en 2024 dans la revue Frontière·s: Revue d’archéologie, histoire & histoire de l’art reprenant une communication présentée à l'INHA en octobre dernier 2022 (sujet : « Les auteurs anciens et l’iconographie : l’exemple de l’aigle de la consécration romaine) ;
- Mihai GRAMATOPOL « L’Apothéose de Julien l’Apostat et de Flavia Helena sur le Grand camée de Roumanie », Latomus, T. 24, Fasc. 4 (Octobre-Décembre, pp. 870-885 (18 pages), Société d'Études Latines de Bruxelles ;
- Annick LAFEUILLADE, La voix des oiseaux dans l’Antiquité gréco-romaine, Ed. Saint-Honoré, 2016 ;
- Roger LAMBRECHTS, Les Miroirs étrusques et prénestins (URL : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/FE/02/Miroirs.html) ;
- Jacqueline LECLERCQ-MARX, La Sirène dans la pensée et dans l’art de l’Antiquité et du Moyen Age. Du mythe païen au symbole chrétien, Académie royale de Belgique, 1997 ;
- Gisèle MATHIEU-CASTELLANI, Chapitre III – Les figures exemplaires de l’hybris : Ixion, Sisyphe et Tantale, Prométhée, Icare et Phaëton, pp. 101 à 184, dans Mythes de l’Eros baroque, 1981 ;
- Jacques MONNIER, « Vallon à tire-d’aile : une statuette d’Icare dans les jardins, Cahiers d’Archéologie fribourgeoise, n° 12/2010/Etudes (URL : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=caf-002%3A2010%3A12%3A%3A94).
- Hélène NORMAND, Les rapaces dans les mondes grec et romain : catégorisation, représentations culturelles et pratiques, Ausonius, 2015, pp. 209-308 ;
- OVIDE, Les Métamorphoses, GF 97, 1966 ;
- PAUSANIAS, La Description de la Grèce (URL : https://remacle.org/bloodwolf/erudits/pausanias/table.htm) ;
- Yves PERRIN, L’apothéose de Néron. Le camée de Nancy - de Néron à Saint Nicolas, J. Lenoir éd., Nancy 2018 ;
- Joël SCHMIDT, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Larousse ;
- Trésors inconnus du musée de Mariemont III, Grandeur de la Grèce ;
- Paul VEYNE, « Images de divinités tenant une phiale ou patère. La libation comme « rite de passage » et non pas offrande », In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens, vol. 5, n°1-2, 1990. pp. 17-30 (URL : https://www.persee.fr/doc/metis_1105-2201_1990_num_5_1_945) ;
- Eugène WARMENBOL, Eugène (dir.), catalogue de l’exposition ING Bruxelles « Sphinx. Les gardiens de l’Egypte », 2006 ;
- Nikolas YALOURIS, Pegasus, The Art of the Legend, Westerham Press ; 2nd Edition, Rev., 1977.
[1] Les
« Ailes du désir » (Der Himmel
über Berlin) est un film franco-allemand réalisé par Wim Wenders (1987) qui
se présente comme un conte philosophique. « A Berlin, avant la chute du
mur, les anges Cassiel et Damiel veillent sur les humains et recueillent depuis
des siècles le monologue intérieur de leur spiritualité. De leur vision en noir
et blanc du monde, ils ne peuvent qu’assister aux événements, sans rien sentir,
goûter, toucher. Ils ont vu le début de la lumière, des rivières, des animaux.
Quand le premier homme est apparu, ils ont découvert avec lui le rire, la
parole, la guerre. Damiel, qui a toujours ressenti le désir de porter à son
tour la condition humaine, est si touché par Marion la trapéziste, si séduit
par son âme et sa grâce qu’il décide finalement de devenir humain, et par
conséquent mortel » (https://www.unige.ch/dife/culture/evenements/les-ailes-du-desir). Le film
est tourné en noir et blanc tant que Damiel appartient à l’univers céleste,
l’irruption de la couleur marquant le passage à la mortalité avec le désir de
goûter, de sentir, de voir, de toucher.
[2] A part les oiseaux
chimériques volant par couples dénommés Pihis par Guillaume Apollinaire
dans son recueil Alcools.
[3] Voir les
travaux de Liliane Bodson de l’Université de Liège (Philologie classique),
Présidente du Groupe de contact du FNRS sur l’histoire des connaissances
zoologiques et des relations entre l’homme et l’animal.
[4] Athéna peut
se transformer en chouette (et elle le fait d’ailleurs), mais toute chouette
n’est pas Athéna. Oiseau nocturne, la chouette ne peut supporter la lumière du
soleil et devient ainsi le symbole de la connaissance rationnelle. Elle figure
sur les pièces de monnaie d’Athènes qu’on appelait d’ailleurs dans le langage
courant « chouettes » (le proverbe « porter des chouettes à
Athènes » provient de la comédie Les oiseaux d’Aristophane et
signifie « apporter de l’argent à quelqu’un qui n’en a pas besoin »). Les
« chouettes » font aujourd’hui leur réapparition puisque
[5] Ce sont deux
aigles envoyés par Zeus, chacun d’un côté du disque terrestre et ces oiseaux de proie qui
avaient permis de déterminer, à l’endroit où ils se rencontrèrent, que le
centre du monde se situait à Delphes. L’aigle intervient également dans le rapt
de Ganymède.
[6] Souvenir
d’Argus géant aux cent yeux (Panoptès : « qui voit tout »).
[7] Les dieux se métamorphosent le plus souvent pour se déguiser (de manière réversible) pour tromper ou séduire. Quant à l’homme, soit il subit la métamorphose (imposée par un dieu par punition), soit il la demande. Ce qui est important, c’est que pour l’homme, l’opération est irréversible.
[8] L’animal représenté sur les monnaies grecques a parfois aussi un autre message à transmettre : celui du roi ou de la région dont il était l’emblème. Pour plus de détails, voir Les animaux et la monnaie grecque d’Annie Demeester, Arsnumis.
[10] On croyait
que le vol des oiseaux était « télécommandé » par les dieux.
[11] Tiré du
latin avis, oiseau et spicere, regarder (cf. le mot
« spectacle »), le nom « auspices » est un terme générique
désignant chez les Romains les divers présages qui se tiraient du vol, du chant
des oiseaux et de la manière dont ils mangeaient, etc.
[12] L’augure
était le prêtre chargé d’observer les signes en question et d’en tirer des
présages. Rien de grave ne se faisait sans qu’on les eût auparavant consultés.
Un augure pouvait empêcher une délibération publique, sous prétexte que les
auspices n’étaient pas favorables. Les augures avaient comme insigne principal
de leur fonction un bâton recourbé, le lituus,
qui leur servait à délimiter le templum
ou partie du ciel dans laquelle ils observaient les présages. La foi dans ces
superstitieuses prédictions fut de bonne heure ébranlée. Claudius Pulcher,
mécontent de leurs présages, fit jeter à la mer les poulets sacrés, disant de
les faire boire, puisqu’ils ne voulaient pas manger. Caton, et après lui
Cicéron, assuraient que deux augures ne pouvaient se regarder sans rire. Le mot
« augure » a aussi comme sens l’observation et l’interprétation des
signes par les augures.
[13] L’Alcyone était
le nom du bateau expérimental du commandant Cousteau.
[14] Dans la mythologie grecque,
c'est là que vivait Déjanire, épouse d'Héraclès. Celui-ci y revêtit la fatale tunique
de Nessus. Une tragédie de Sophocle, qui représente la mort d'Héraclès,
est intitulée Les Trachiniennes. Dans l’Iliade, Trachis est
mentionnée dans le Catalogue des vaisseaux parmi les villes
qui envoient des troupes contre Troie sous la direction d’Achille (chant II
de l'Iliade d'Homère
(v. 484-780)).
[15] Démocrite, Aristophane et Aristote en
parlent dans leurs écrits.
[16] Voir Annick
Lafeuillade, La voix des oiseaux dans l’Antiquité gréco-romaine.
[17] Cicéron nous
informe du pouvoir très étendu dont disposaient les augures : ils avaient
la capacité de dissoudre les assemblées ou le Sénat, d’annuler les séances précédentes,
et même de contraindre les consuls à renoncer à leur charge.
[18] A partir de
2023, le musée de Mariemont formalisera un nouveau projet de réaménagement des
collections au 1er étage. Les enjeux sont multiples, en termes de parcours, de
choix thématiques, etc. Il est donc possible que certaines pièces citées dans
le présent article soient en réserve et remplacées par d’autres. Un nouveau
catalogue vient d’ailleurs d’être publié : Musée royal de Mariemont. Les
collections permanentes, 2023.
[19] Jacqueline Leclercq-Marx, La Sirène dans la pensée et
dans l’art de l’Antiquité et du Moyen Age. Du mythe païen au symbole chrétien,
Académie royale de Belgique, 1997.
[20] Au départ,
les relations entre
[21] Cf. le
cachet en forme de sphinx du pharaon Sekenenrê (dans les réserves du musée de
Mariemont, son authenticité n’étant pas avérée).
[22] En Egypte,
le sphinx était un être masculin (exception faite de la reine Hatchepsout) et
dépourvu d’ailes.
[23] Pour plus
de détails, cf. l’article de Petra Baum-Vom Felde dans le catalogue de
l’exposition « Sphinx. Les gardiens de l’Egypte ».
[24] Habitants de Naxos, île des Cyclades alors prospère et
qui érigea cet ex-voto à Delphes en l’honneur d’Apollon. Il était très haut
perché (il se dressait sur une colonne à près de dix mètres du sol), loin des
gens, dans une espèce de sérénité céleste.
[25] Bien que
la tête du Sphinx de Naxos ait été retrouvée en remploi dans un mur, la
continuité des nattes du Sphinx sur ses épaules permet de confirmer qu’il
regardait bien droit devant lui.
[26] « Quel est l’animal qui a quatre pieds au matin,
deux à midi et trois le soir ? ».
[27] Dans son
enfance, il se traîne sur ses pieds et sur ses mains, à l’âge adulte, il se
tient debout, il s’aide d’un bâton dans sa vieillesse. Cette définition résume
en fait toute l’énigme de la condition humaine.
[28] C'est en 1923, à la suite d’une victoire d'Enzo Ferrari
qui était alors pilote chez la prestigieuse marque Alfa-Roméo, qu'une comtesse
nommée Baracca (un nom prédestiné !) lui offrit comme porte-bonheur le fameux
cheval cabré noir sur fond jaune. Ce dernier décorait l'avion de chasse de son
fils, un dénommé Francesco Baracca, un as de
[29] Cf. Les
images de Pégase sur les monnaies romaines (http://www.sacra-moneta.com/Numismatique-romaine/Les-images-de-Pegase-sur-les-monnaies-romaines.html).
[30] Avant
d’être repris par la 6e division aéroportée, Bellérophon et Pégase
furent adoptés comme insigne par les régiments parachutistes du Royaume-Uni en
1941. L’image symbolisait clairement un guerrier arrivant du ciel.
[31] Du nom de
premier propriétaire de l’une des amphores les plus caractéristiques du style
de cet anonyme.
[32] Ce cratère a
été restitué par le Metropoltan Museum of Art au ministère de la Culture
Italien en janvier 2008 (l’accord ayant été signé en février 2006), car il
avait été illicitement exporté d’Italie (après avoir été volé dans la nécropole
étrusque de Cerveteri, il avait été acheté à des pilleurs de tombes, les tombaroli,
par un revendeur au marché noir avant d’être cédé au Metropolitan Museum pour
la somme de 1 million de dollars). Les responsables du Metropolitan Museum ont
cependant pu prouver qu’ils avaient acquis le cratère en toute bonne foi.
L’œuvre a été présentée au public de Rome avec d’autres artefacts lors de
l’exposition « Nostoï [« retour à la maison » en grec] Capolavori
Ritrovati » qui s’est déroulée au Palais du Quirinal du 21.12.2007 au
23.3.2008. Depuis, il est hébergé au musée de la Villa Giulia à Rome, avant de
retourner à Cerveteri où il est jalousement gardé dans le musée
archéologique national de Cerite.
[33] Joël Schmidt,
Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine.
[34] L’hydrie
du Musée royal de Mariemont est une miniature, destinée sans doute à être
déposée dans une tombe ou offerte à une divinité (une hydrie « normale » mesure
environ 40 cm de haut).
[35] L’hydrie
possède trois anses (deux horizontales, et une verticale) : les deux anses
horizontales servent à placer le vase sous le jet d’eau et à le stabiliser sur
l’épaule ou la tête ; l’anse verticale est utilisée pour incliner le récipient
et en verser le contenu.
[36] D’où le
nom de la marque de chaussures de sport (dont le logo reprend d’ailleurs la
forme de l’aile), de la ville de Nice et des prénoms Nicolas, Nicodème et
Nicéphore.
[37] La lyre était
l’instrument utilisé pour enseigner la musique aux enfants dès qu’ils avaient
appris à lire (elle pouvait aussi être jouée par des femmes entre elles, dans
le cadre de leurs activités au gynécée). Comme le fait remarquer Annie Bélis
(dans son ouvrage Les Musiciens dans l’Antiquité, page 17), la cithare
était un instrument à cordes réservé uniquement aux professionnels (et
au dieu Apollon), alors que la lyre était l’instrument populaire de tout un
chacun. Le faon évoque la jeunesse. On pourrait donc imaginer que l’hydrie
consacre une victoire à un concours musical entre jeunes gens.
[39] https://www.persee.fr/doc/metis_1105-2201_1990_num_5_1_945#:~:text=A%20Rome%20comme%20en%20Gr%C3%A8ce,%2C%20voire%20de%20l'huile.
[40] Ce peintre
(anonyme) doit son nom à une amphore décorée d’une
représentation d’Achille et de Briséis, conservée au Vatican.
[41] Cette stèle est
un remploi : il s’agit d’une stèle du Ve siècle av. J.-C. retaillée (il
manque le fronton et le personnage masculin qui devait être en face de la femme
assise, raison pour laquelle l’image de cette dernière n’est pas placée au
centre de la stèle, mais décalée vers la gauche). L’inscription est quant à
elle beaucoup plus tardive (IIe siècle de notre ère).
[42] Phèdre, 246.
[43] Suivant un
jeu de mots en grec, intraduisible en français (’έρος – πτερόν : éros « désir », ptéron, « aile »), les ailes
sont, pour Platon, désir, aspiration à l’envol.
[44] Page 125,
édition Garnier-Flammarion.
[45] Les Psychidae
(appelés communément psychés) sont d’ailleurs une famille de lépidoptères.
[46] Si, sur le miroir de Vulci, Chalcas ne porte pas le
vêtement traditionnel de l’augure (un manteau rattaché par une broche et un
haut chapeau conique), le sage adopte toutefois bien la position rituelle : le
foie dans la main gauche, le bras gauche reposant sur le genou gauche et le
pied gauche appuyé sur une pierre.
[47] Les espèces de chauve-souris de la famille
des Furipteridae sont communément appelées furies.
[48] De sa semence
naquit Vénus.
[49] Dans
l’Antiquité, on considérait les invités comme des envoyés de Zeus/Jupiter.
Lorsque l’on ne respectait pas les règles d’hospitalité, on manquait donc de
respect au dieu suprême de l’Olympe.
[50] Monde
souterrain pire que les Enfers, destiné à accueillir ceux qui ont défié les
dieux (Ixion, Sisyphe et Tantale notamment y séjournent, mais aussi les
Danaïdes, les Titans, …).
[51] Comme le
fait remarquer Roger Lambrechts dans son ouvrage Les Miroirs étrusques et
prénestins, les talons des miroirs étrusques peuvent être chargés d’un
décor plus ou moins élaboré, gravé, souvent en relief ajouré, ou compliqué de
figures ailées qui adoucissent la transition au disque.
[52] Trésors
hellénistiques, Cahiers de Mariemont, « Rencontre inattendue entre
Minerve, Hercule, Thétis et Eris. L’énigme du miroir étrusque B. 206 du musée
royal de Mariemont », Cahiers de Mariemont, n° 40, 2016, pp. 174-180 (URL : https://www.persee.fr/doc/camar_0776-1317_2016_num_40_1_1339).
[53] Dans l’Iliade
(VII, 398), la déesse est nommée « Iris chrysoptéros » (« Iris aux ailes d’or
»).
[54] Comme c’est le
cas sur une pyxide de Berlin : voir la figure 3 dans l’article d’Annaïg Caillaud « Reconnaître une déesse ailée au caducée. Réflexions sur
l’identification dans la céramique attique à figures rouges » (https://journals.openedition.org/mondesanciens/1705).
[55] Arne Thomsen,
citée dans l’article précité d’Annaïg Caillaud.
[56] Refusant d’épouser un mortel, malgré l’ordre des
dieux, Thétis prit sans cesse toutes sortes de formes pour échapper au mariage,
lorsque Pélée (son futur époux) voulut l’approcher, des plus petites aux plus
grandes, des plus menaçantes aux plus immatérielles (oiseau, serpent,
lion, poisson, seiche, eau et feu).
[57] Trésors inconnus
du musée de Mariemont III, Grandeur de la Grèce, n° 73, p. 71.
[58] Gustave Körte,
Berliner Philologische
Wochenschrift, 2 avril
1902, p.435.
[59] Antiquités égyptiennes,
grecques, romaines et gallo-romaines du musée de Mariemont, 1952, page 95.
[60] En médecine, le
« syndrome d’hubris » est la « maladie de la
démesure ». Chez les Grecs, l’hybris constitue donc un crime d’orgueil
puni par les dieux (de nombreux mythes antiques en font état : outre
Icare, on peut citer comme figures exemplaires de l’hybris Phaéton, Marsyas, Niobé,
Prométhée, Sisyphe, Ixion, …). En médecine, c’est un trouble de la
personnalité, non une maladie mentale : il désigne une propension
narcissique à voir le monde comme une arène où exercer son pouvoir (ce syndrome
est inextricablement lié au pouvoir : c’est une condition sine qua non)
et lorsque le
pouvoir monte trop à la tête, jusqu'à en devenir pathologique, cela s'appelle
le syndrome d’hubris. Vladimir Poutine en serait atteint, paraît-il.
[61] Adolf Furtwängler, Collection Somzée: monuments d'art
antique, F. Bruckmann, 1897
(n° 85 et planche XXXIII).
[62] Chapitre III – Les
figures exemplaires de l’hybris : Ixion, Sisyphe et Tantale, Prométhée,
Icare et Phaëton, pp. 101 à 184.
[63] Cf. l’article
de Jacques Monnier, « Vallon à tire-d’aile : une statuette d’Icare
dans les jardins, Cahiers d’Archéologie fribourgeoise, n° 12/2010/Etudes
(URL : https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=caf-002%3A2010%3A12%3A%3A94).
[64] On peut s’étonner du fait que le mot apothéose ait été tiré du grec alors que la cérémonie n'existait pas en Grèce. En fait,
l’origine du mot reste énigmatique, comme l’a montré Juliana
Gendron dans ses travaux (mémoire de master) et communications. La notion
apparaît pour la première fois dans les sources latines chez Cicéron. En 45 av.
J.-C., sa fille Tullia décède et Cicéron déclare alors dans une lettre à son
ami Atticus vouloir réaliser « une véritable apothéose » pour la
défunte. Il ne s'agit sans doute pas d'un néologisme cicéronien puisque le
verbe grec apparaît dans des sources antérieures (mais pas le substantif). Quoi
qu'il en soit, à Rome, chez les auteurs latins comme dans les commémorations
officielles (en particulier numismatiques), le terme est
« consécration », et non apothéose. Or, la consecratio est un
terme générique qui recouvre différentes notions (il évoque aussi bien le fait
de dédier à un dieu un temple, une statue, un lieu que de rendre sacer –
maudit – quelqu’un ou quelque chose comme ce fut le cas pour le territoire de
l’ancienne Carthage). Dans la suite, les historiens grecs, comme Hérodien,
emploient néanmoins bien la notion d'apothéose pour évoquer la consécration des
empereurs.
[65] Longtemps conservé dans la niche
de Michel-Ange du cortile della Pigna, le piédestal a été
déplacé et se trouve aujourd’hui dans la cour de l'entrée de
la pinacothèque.
[66] Une publication
de cette communication est prévue en 2024 dans la revue Frontière·s: Revue d’archéologie, histoire
& histoire de l’art.
[67] Pour les
bédéphiles, tous se rappelleront certainement le superbe dessin de Jacques Martin
dans la série « Alix » (album « Le Tombeau étrusque », pp.
4-5) où l’on voit l’aigle s’approcher en planant dans l’encadrement d’un pont
pour ramener son pain à Octave.
[68]
https://opendatacommons.org/licenses/odbl/1-0/.
[69] Cf. l’article de
Mihail Gramatopol, « L’Apothéose de Julien l’Apostat et de Flavia Helena
sur le Grand camée de Roumanie », .
[70] Cette attitude
dynamique est importante à souligner (on trouvera par exemple des Victoires
assises à Versailles à l’époque de Louis XIV).
[71] Souvent
elle-même coiffée
d'une couronne de laurier, la Victoire tendait une autre couronne à un
vainqueur invisible.
[72] La palme ou
feuille de palmier était insigne du gagnant dans les compétitions sportives et
les jeux du cirque.
[73] Paionios
de Mendè (en Thrace) était un artiste de rang secondaire à en juger par le fait
que Pausanias est le seul auteur à en faire mention (dans sa Description de
la Grèce, Livre V).
[74] L’idée de
la colonne de la victoire de Berlin (Siegessaüle),
célèbre par le film « les Ailes du désir » (c’est là que se réfugient
les anges), a sans doute été empruntée à celle de
[75] Cette
bataille eut lieu durant
[76] La restauration
faite par un sculpteur allemand a pu être réalisée avec certitude pour presque l’ensemble,
mais pas pour le visage.
[77] Les victoires sont souvent nues avec une envolée de tissu couvrant simplement
le sexe. Celle d’Aalter semble plus pudique, vêtue d’un drapé.
[78] Voir Franz
Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Paul
Geuthner, 1966 et « Notes sur une applique à masque de vent conservée au
musée d’Ath » par Jean Dufrasnes, 1994, Bulletin trimestriel du Cercle
royal d'Histoire et d'Archéologie d'Ath, 7, n° 159, pp. 429-434 (URL : https://www.academia.edu/40996985/Notes_sur_une_applique_%C3%A0_masque_de_vent_conserv%C3%A9e_au_Mus%C3%A9e_dAth).
[79] Psyché était la plus jeune et la plus belle des trois filles d’un roi. Tous
les sujets du royaume se pressaient autour d’elle pour l’admirer, et ils lui
rendaient même un culte, oubliant les marques de dévotion qu’ils devaient à
Vénus. La déesse de l’Amour en conçut alors une jalousie vengeresse et appela
son fils Cupidon à son aide, lui demandant d’inspirer à Psyché
de l’amour pour le plus laid et le plus méprisable des hommes. Cependant,
Cupidon fut tellement frappé par sa beauté qu’il s’éprit d’elle et n’exécuta
pas les ordres de sa divine mère. Cupidon la fit enlever par Zéphir qui
l’emmena dans le palais du dieu. Epoux amoureux et tendre, il demanda à Psyché
de ne pas tenter de le regarder. Mais les sœurs de Psyché, en la voyant si
heureuse, tentèrent d’insinuer le doute dans son cœur et lui déclarèrent que,
dans les ténèbres de la Nuit, elle devait certainement s’unir à un monstre.
Bouleversée, Psyché, dès la nuit qui suivit son retour dans le palais,
s’approcha de son époux endormi et l’éclaira d’une lampe. Au lieu d’un monstre,
elle distingua Cupidon, le plus beau et le plus aimable des dieux ; éblouie,
elle avança la lampe plus près encore et une goutte d’huile bouillante tomba
alors sur l’épaule de son divin époux. Celui-ci s’éveilla en sursaut, reprocha
à Psyché sa méfiance et disparut. Folle de douleur, l’infortunée erra à sa
recherche et s’adressa finalement à Vénus qui, trop heureuse de se venger, lui
imposa des travaux rudes et humiliants comme le tri de graines de toutes
espèces que la déesse avait mélangées (mais les fourmis vinrent l’aider).
Pendant ce temps, Cupidon mourait d’amour pour la belle Psyché. Devant tant de
sentiments, Vénus ne resta pas insensible : Mercure déposa Psyché dans le
palais des dieux où elle but l’ambroisie et le nectar qui lui conférèrent
l’immortalité. Le sens du conte est clair : Psyché est le symbole de l’âme
humaine purifiée par les passions et les malheurs et préparée à jouir, dans
l’amour, d’une félicité éternelle. Ce roman de l’âme a été interprété à la
Renaissance comme la recherche de l’amour divin.
[80] Pompeo Batoni, réalisa un « musée du papier » d'art
ancien pour l'antiquaire anglais Richard Topham (l'intégralité de la collection de
dessins et de gravures de Batoni se trouve désormais à la bibliothèque d'Eton
College). Ce dessin est reproduit par François
De Polignac dans son livre La Fascination de l’Antique, 1700 – 1770. Rome
découverte, Rome inventée, musée de la Civilisation gallo-romaine, Lyon,
1998. Voir aussi le catalogue d’accès public en ligne « OPAC » d’Eton
College : https://catalogue.etoncollege.com/home).
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