Le Lièvre et les coléoptères

 

 

Je tiens à remercier chaleureusement le Dr Arno Thomaes de l’INBO (Belgisch instituut voor Natuur- en Bosonderzoek) pour m’avoir fait partager ses connaissances sur les aspects de la vie de cet insecte fascinant qu’est le lucane.

Je tiens aussi à associer à ces remerciements le Dr Eva Sprecher-Uebersax, entomologiste au Dep. Biowissenschaften, Entomologie du Naturhistorisches Museum de Bâle (Suisse) pour son éclairage sur les légendes attachées à ce coléoptère.

Enfin, toute ma gratitude envers le Dr Christof Metzger, Kurator für Deutsche, Österreichische und Schweizer Kunst bis 1760 de l‘Albertina de Vienne (Autriche), pour sa relecture et son aimable autorisation de publication.

 




Non, ce n’est pas le titre d'une fable inédite de La Fontaine, mais ceux de petites merveilles animalières réalisée par le génial peintre de la Renaissance allemande, Albrecht Dürer.

Premier peintre allemand à être reconnu de son vivant, Dürer a introduit la Renaissance dans son pays et dans les pays nordiques. Il représente la nature avec un réalisme étonnant et est à la fois réputé pour ses talents de peinture à la gouache et à l'aquarelle, de dessin et de gravure.

 

Au cours de sa vie, Dürer a connu un immense succès en tant que peintre et graveur, recevant des commandes de personnalités éminentes telles que Frédéric le Sage et l'empereur du Saint-Empire romain germanique Maximilien Ier. 

 

Même s’il a effectué de nombreux voyages (Venise, les Pays-Bas, …) qu’il serait trop long de narrer ici [1], Albrecht Dürer est un enfant de Nuremberg : il est né dans cette ville en 1471 et y été enterré en 1528 dans une tombe relativement simple (Albrecht Dürers Grab) qu’on peut encore voir de nos jours.

 

L’artiste s’est représenté sur un autoportrait frontal (Alte Pinakothek, Munich) avec une idéalisation comparable à celles des représentations du Christ. En guise de langage corporel, le regard fixé vers l’avant et la main créatrice sont présentés, comme les outils les plus précieux et les plus nobles de l'artiste (les doigts de la main droite semblent tenir un pinceau).

 

 Autoportrait d’Albrecht Dürer (Domaine public - Source : Wikipédia – Lien : https://de.wikipedia.org/wiki/Albrecht_D%C3%BCrer#/media/Datei:Albrecht_D%C3%BCrer_-_1500_self-portrait_(High_resolution_and_detail).jpg – Auteur de la photo : Travail personnel de  Fooh2017)

 

La Maison d'Albrecht Dürer (en allemand : Albrecht-Dürer-Haus), dans laquelle vécut l’artiste de 1509 à sa mort, a, malgré les aléas de la guerre, pu être conservée (en octobre 1944, les bombardements alliés lui infligèrent des dégâts considérables, mais la maison fut reconstruite en 1949). Il s’agit d’une maison à pans de bois de la Renaissance allemande. Elle possède cinq étages : les deux premiers ont des murs en grès, tandis que les étages supérieurs sont en bois. La structure entière est surmontée d'un toit en croupe, c’est-à-dire composé de quatre versants dont la pente vers le bas part du faîte (un tel toit n’a ni pignon ni surface plate). 

La maison de Dürer, vue de la Tiergärtnertorplatz à Nuremberg – Source : https://de.wikipedia.org/wiki/Albrecht-D%C3%BCrer-Haus#/media/Datei:Albrecht-D%C3%BCrer-Haus_-_Tierg%C3%A4rtnerplatz_-_Nuremberg,_Germany_-_DSC02033.jpg – Licence : CC0 – Daderot (travail personnel)


C'est l'un des rares hôtels particuliers de l'âge d'or de la ville de Nuremberg à ne pas avoir été détruit et la seule maison d'artiste datant du XVe siècle qui existe encore aujourd'hui dans le nord de l'Europe. Cette maison de Dürer a été transformée en musée consacré à la vie et au travail de Dürer. Particularité : les visites sont commentées par une actrice habillée en costume de l’époque, jouant le rôle d’Agnès Frey, l'épouse de Dürer.

 

Source : https://museums.nuernberg.de/albrecht-duerer-house/visitor-services/guided-tours (pas de copyright mentionné)

 

Dans le modeste article qui suit, je vous présenterai ce dessin d’un lucane sur le plan historique, artistique et entomologique (la fidélité de la représentation par rapport à la réalité biologique).


Crédit image : scarabée, Albrecht Dürer, 1505 (Getty Museum) – Œuvre dans le domaine public, mais non exposée – Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Albrecht_D%C3%BCrer_-_Hirschk%C3%A4fer_(1505).jpg (image provenant du programme « contenu ouvert » de l’Institut Getty pour lequel il n’existe aucune restriction liée aux droits d’auteur)

 

Mais commençons par son prodigieux lièvre, une aquarelle qui est conservée à l’Albertina de Vienne ...

 

L’animal est représenté isolé, sans décor ni fond, ramassé au centre d’une feuille de papier de format presque carré dont il occupe la quasi-totalité de la surface. Il est montré de trois-quarts droit, en position accroupie, selon une diagonale tombante allant de l'angle supérieur gauche vers l'angle inférieur droit. Il dirige son regard dans le prolongement de cette diagonale, dans l'espace situé en avant de la représentation.

 

Source : https://artsandculture.google.com/asset/feldhase/1QHEnzUGYMDG_w?hl=fr (œuvre dans le domaine public)

 

L'apposition du monogramme [2] « AD » et d'une date, 1502, sur l'aquarelle intitulée Le Lièvre confirme, en principe [3], qu'il s'agit là d'une œuvre achevée, autonome, et donc que l'auteur considère les animaux comme des sujets de tableau à part entière.

 

Dans ce dessin, Dürer a su saisir et traduire de façon convaincante l'aspect extérieur et la nature particulière de son modèle. Il a probablement eu devant les yeux un animal empaillé [4] ; toutefois le résultat final de l'œuvre n'en laisse rien deviner : le jeune lièvre est tellement vrai qu’il semble prêt à frémir et à s’échapper en courant de la feuille de papier (effrayé, il s'est recroquevillé mais il reste aux aguets, prêt à bondir et à détaler).

 

L’œuvre est d’un réalisme sidérant. Si l’on procède à un examen détaillé, on notera que l’on peut voir la fenêtre bipartite de l’atelier de Dürer se refléter dans l’œil droit du lièvre.

 

Détail de l'œil (œuvre dans le domaine public - source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Li%C3%A8vre#/media/Fichier:Detail_oeil_du_lievre_de_Durer



 

 

Un autre détail sur lequel insiste le Dr Christof Metzger sont les impressionnantes oreilles [5] (on utilise d’ailleurs le mot oreillard pour désigner, de manière populaire, le lièvre, ainsi que d’autres bêtes aux longues oreilles) [6], dressées « presque comme des radars [7] ». D’après le scientifique, il existe une théorie peu crédible selon laquelle l’animal ne serait pas le modèle ordinaire d’Europe centrale, c’est-à-dire un lièvre brun (Lepus europaeus), mais une variété espagnole.   


Si l’on plie les oreilles vers l’avant, elles doivent atteindre le nez de l’animal dans le cas d’un lapin. Dans celui d’un lièvre, elles arriveraient au-delà du nez. Mais elles sont bien au-delà des niveaux normaux et naturels dans le cas présent. 

 

Détail de la photo page 4 (https://artsandculture.google.com/asset/feldhase/1QHEnzUGYMDG_w?hl=fr)


La fourrure tombe également par exemple sur les os de la hanche qui sont très hauts et qui forment comme deux bosses au-dessus de la région pelvienne du lapin.

 

Pour le Dr Christof Metzger, il s’agit d’un « trompe-l’œil », une sorte d’anamorphose, en ce sens que « le papier prend vie ». En effet, si l’on oriente le dessin sous un certain angle, toute la composition reprend ses bonnes proportions : les oreilles « rétrécissent » à une taille naturelle et les articulations de la hanche se normalisent également. Le tableau a donc été conçu à la fois comme une merveilleuse peinture, mais aussi comme un jeu, comme le gardien d’une énigme ou le réceptacle d’un secret, en tout cas, il constitue un spectacle amusant pour le spectateur.


Capture d’écran du documentaire Warum hat der Dürer-Hase so lange Ohren? (avec l’aimable autorisation du Dr Christof Metzger)

 

Dans cette œuvre, Dürer a combiné la technique de l'aquarelle, tout à fait adaptée lorsque l’on désire obtenir un véritable fondu des teintes, à celle de la gouache, qui permet à l'artiste maniant un fin pinceau d'atteindre un très haut niveau de précision dans les détails. De cette façon, il est parvenu à rendre le côté moelleux de la fourrure, de l’animal que l'observateur extérieur a l’impression de pouvoir toucher. Le blanc du papier se pare parfois de nuances rougeâtre ou grisâtre (l’ombre du lièvre, par exemple) ou bien apparaît directement tel quel à d’autres endroits. Il se trouve alors incorporé lui-même dans la composition chromatique, dont il est l’une des valeurs les plus claires.

 

Ce dessin a souvent été reproduit indépendamment du reste de l'œuvre. De là est née l'impression fausse que son auteur avait une vision idyllique de la nature. Pour certains, de telles études d'animaux, conçues comme œuvres autonomes, pourraient peut-être trahir – mais sans aucune conviction de ma part – les menaces que l'homme et l’animal font peser l’un sur l’autre.

 

Une autre interprétation semble toutefois plus pertinente. Il faut en effet savoir que « Dürer trouvait la peinture terriblement ennuyeuse parce qu'elle était liée à des clients [8] ». Or, l’artiste qui ne démérite certainement pas dans ses peintures, se sentait tout simplement plus libre dans son art du dessin.

 

L’œuvre ne peut malheureusement être exposée que tous les dix ans. Mais ce n'est pas l'unique lièvre de Dürer : on le retrouve en particulier dans une gravure sur bois de la Sainte Famille aux trois lièvres.


La Sainte Famille aux trois lièvres (œuvre dans le domaine public (source : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Albrecht_Duerer-_Holy_Family_with_Three_Hares.JPG)


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Passons maintenant aux coléoptères, en l’occurrence le lucane. Et commençons par une petite explication biologique.

 

Le nom « coléoptère » vient du terme grec signifiant « ailes dans un fourreau » et souligne un de leurs caractères : la présence d’élytres qui correspondent à deux ailes sclérifiées, c’est-à-dire ayant subi un durcissement. Appartenant à la classe des insectes, les coléoptères partagent également leurs caractéristiques : la présence d’un squelette externe cuticulaire, un corps divisé en trois parties (tête, thorax et abdomen), trois paires de pattes et, chez l’adulte, deux paires d’ailes.

 

Xylophage, le lucane (du latin Lucanus, de Lucanie ou simplement « de bois », puisque le lucane est xylophage et sylvicole), ou Lucanus Cervus, est, avec ses huit centimètres, le plus grand coléoptère vivant en Europe. Il se présente sous la forme d'un gros scarabée doté de mandibules, très impressionnantes par rapport à sa taille, et évoquant des « bois [9] » de cerfs. Il niche dans les cavités des vieux arbres et des troncs morts, en forêt comme dans les champs ou prairies enclos de haies.

 

Mâle d'un grand cerf-volant (source : Fondation ProVértes )

 

Attention, c'est la larve qui se nourrit de bois mort puis se transforme en coléoptère. Le coléoptère lui-même ne se nourrit plus de bois mort. Les coléoptères adultes (mâle et femelle) ont encore une langue avec laquelle ils peuvent absorber la sève des arbres et le jus de fruits blessés. Les mâles défendront l’accès à une telle plaie d’un arbre contre d'autres mâles et pourront donc s'accoupler avec les femelles attirées par cette source de nourriture. Autrement dit, les mâles n’utilisent pas leurs mâchoires fortement développées pour se nourrir, mais s’en servent pour se battre avec d’autres mâles dans le but de défendre leur territoire [10], ainsi que pour serrer la femelle lors de l'accouplement.

 

Albrecht Dürer a dessiné ce scarabée (Getty Museum) en 1505. A cette époque, le choix d'un scarabée comme point focal d’un tableau était pratiquement inédit.  


Crédit image : scarabée, Albrecht Dürer, 1505 (Getty Museum) – Œuvre dans le domaine public, mais non exposée – Source : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Albrecht_D%C3%BCrer_-_Hirschk%C3%A4fer_(1505).jpg (image provenant du programme « contenu ouvert » de l’Institut Getty pour lequel il n’existe aucune restriction liée aux droits d’auteur)

 

Dürer a traité son sujet avec tant de soin et de minutie, que le coléoptère semble surgir de la page pour s’échapper précipitamment. Dürer avait également incorporé l'image d'un lucane dans deux autres œuvres : La Vierge à l’Enfant parmi une multitude d'animaux (c. 1506, Albertina, Vienne, coin gauche de l’aquarelle) et L'Adoration des Mages (1504, aux Offices à Florence depuis 1793, à la suite d’un échange avec la Galerie impériale de Vienne, coin droit de la peinture). 

   

 

 

La famille des lucanes comprend un peu plus de 1 000 espèces, dont environ la moitié ont des mâchoires fortement développées chez les mâles. Dans l’autre moitié, il n’y a pas ou peu de différence entre les mâchoires des mâles et des femelles. C'est donc un trait qui s'est développé il y a longtemps et qui s'exprime à nouveau en fonction de l'écologie de l'espèce. Chez tous ces coléoptères, on constate une énorme variation dans la construction de leurs mâchoires, qui a une certaine relation avec la façon dont ils se battent. De même, pour le lucane « européen » (comme dans le dessin de Dürer), on peut dire qu'il existe une relation entre la manière de se battre et la structure de ses mâchoires.

 

Dans ce cas, le combat consiste principalement à lutter, à se soulever l’un l’autre et à projeter l’adversaire du haut de l'arbre/de la branche. Sur des photos de ces combats, on remarquera que ces mandibules s'emboîtent parfaitement mais aussi autour du corps de chacun. Les denticules n'ont pas de fonction de sciage mais servent à augmenter l'adhérence.

 

Combat de coléoptères mâles (source : Wikiwand )

 

Il est vrai qu’il existe également une certaine similitude avec les « bois » d’un cerf élaphe [11]. En biologie, on appelle ce phénomène des développements homologues, des fonctions et des combats similaires conduisent évolutivement à des structures similaires (pensons, par exemple, à la forme similaire d'un poisson et d'un dauphin sans être liés). Il existe de nombreux autres insectes chez lesquels les mâles « s'arment » pour se battre, généralement avec des cornes (bousiers, rhinocéros, …), mais il y a aussi des scarabées qui luttent avec des « avant-bras » surdéveloppés.

 

De même, en ce qui concerne l’accouplement des lucanes, les photos montrent que pendant l'acte, les mâchoires du mâle ne touchent pas la femelle : elles l’enferment, mais celle-ci n'est pas saisie.

 

Source : https://www.insecte.org/forum/viewtopic.php?p=1688301

« Si l'on réduit ou, pour mieux dire, si l'on affine l'échelle de la prise, le monde s'agrandit, et s'accroît la multiplicité ». Ernst Jünger, chasses subtiles.

 

Les dents des mâchoires sont donc particulièrement importantes dans les combats pour maintenir une emprise sur l'adversaire lors du levage. L'étalage est en effet également important : lorsque deux mâles se rencontrent, ils lèvent d'abord la mâchoire de manière menaçante (comme dans le dessin de Dürer) et se jaugent. Dans la plupart des cas, le plus petit mâle prendra rapidement la poudre d’escampette, les combats n'ont généralement lieu qu'entre mâles de taille très similaire (bien qu'il y ait aussi beaucoup de variations/comportements individuels à cet égard). Il existe également des espèces de coléoptères (par exemple le coléoptère arc-en-ciel d'Australie tropicale) dont les mandibules sont quasiment « factices » et ne servent qu'à s’afficher ou paonner, car elles sont insuffisamment puissantes et solides pour se battre.

 

Lucane arc-en-ciel (source : http://www.animogen.com/2015/01/15/le-phalacrognathis-muelleri-une-lucane-arc-en-ciel/)

A l'extrémité de la jambe, le tarse (pied), est constitué d'un certain nombre de petits articles munis au bout de deux griffes recourbées. Dans le dessin de Dürer, tous les tarses sont dessinés en arc de cercle.


Crédit image : scarabée, Albrecht Dürer, 1505 (Getty Museum) – Œuvre dans le domaine public (les cercles rouges sont évidemment de ma main pour marquer l’indication des tarses)

 

Dans la réalité biologique, tous les tarses sont mobiles les uns par rapport aux autres et sont placés sur la surface, de sorte que la griffe et les tarses offrent une très forte adhérence sur une surface telle que l'écorce d'un arbre. Même pour un humain, il n'est pas facile d'arracher simplement un coléoptère d'un arbre ou de sa main, ce qui aide donc à lutter contre les prédateurs ou lors des combats entre mâles.

 

La position des tarses dans le dessin de Dürer fait penser à un spécimen mort où l'on voit souvent que les tarses se cramponnent et forment donc un arc. Les peintres de cette époque collectionnaient toutes sortes de choses rares, lointaines ou singulières dans la nature (comme des coléoptères morts) pour les utiliser dans leurs natures mortes (cf. ces « inventaires du monde » qu’étaient les cabinets de curiosité [12]).

 

    Le Cabinet de curiosités, Domenico Remps, 1690 (le lucane est entouré par un cercle rouge).

 

En plus de la forme incurvée des tarses, le dessin de Dürer montre que tous les articles des tarses ont la même longueur, alors que dans la réalité, le dernier membre tarse est environ trois fois plus long que les autres articles du tarse. Le Dr Arno Thomaes pense aussi que l'angle entre l'abdomen (avec les élytres bruns) et le thorax (partie médiane noire) est anormalement grand. Il est vrai qu'ils lèveront la tête dans une position menaçante, mais cet angle semble peu naturel au scientifique, ce qui peut s'expliquer par le fait qu'un spécimen mort a été reconstitué pour servir de modèle.

 

Les élytres ne présentent également aucune bordure à l’extérieur. Il est frappant de constater que les copies de Hans Hoffmann [13], l’élève de Dürer, présentent les mêmes erreurs, tandis que Joris Hoefnagel peint un bord d'élytres et un dernier tarse allongé.

 



 

Mais à part ces quelques menues remarques, le dessin de Dürer constitue une représentation très réaliste. Dürer a même dessiné correctement les deux antennes en forme de peigne du cerf-volant, destinées à capter les phéromones [14] (substances chimiques de communication entre les individus et les espèces).

 

Crédit image : scarabée, Albrecht Dürer, 1505 (Getty Museum) – Œuvre dans le domaine public (les cercles rouges sont évidemment de ma main pour marquer l’indication des extrémités des antennes en forme de peigne)

 

« L'art, écrit Albrecht Dürer, est omniprésent dans la nature, et le véritable artiste est celui qui peut le révéler. ». L’artiste en fait donc un protagoniste incontournable dans ses œuvres et le lucane est l'une des études de la nature qui ont connu le plus grand succès et les plus copiées de Dürer (notamment par Jan Brueghel, vers 1600).

 

Selon le Dr Eva Sprecher-Uebersax, le lucane a fait son entrée dans l'histoire de l'art comme motif à la fin de la période gothique. On le retrouve dans des retables, des représentations religieuses, des enluminures médiévales de livres de prières, comme celui de Giovannino de Grassi, à la fin du XIVème siècle, où il plaçait le lucane parmi un groupe de cerfs : les mandibules du premier s'apparentaient aux « bois » des seconds, dont le symbolisme de renouveau et donc de résurrection est bien établi. En outre, on attribuait depuis longtemps au lucane la capacité de lutter contre les serpents [15], d'où son emploi comme image du Christ vainqueur du Mal et de la Mort.

 


 Giovannino de Grassi, Livre de prières de Giangaleazzo Visconti (dernières années du XIVe siècle) (source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2c/Offiziolo_-_L'eterno_e_gli_eremiti.jpg

 Biblioteca Nazionale di Firenze) – l’ajout du cercle rouge est de ma main

 

Selon les légendes, le lucane apporte chance à la loterie, richesse, protection contre la foudre, protection contre le mauvais œil et sert de philtre d'amour efficace (dans le Haut-Palatinat, c’est tout l’adulte mâle qui était réduit en cendres et mêlé à la nourriture comme aphrodisiaque [16]). 

 

Le Dr Eva Sprecher-Uebersax précise qu’il était également utilisé comme médicament (onguent et autres), contre l’hydropisie, le rhumatisme, les douleurs à l’oreille, les contractions nerveuses, l’énurésie nocturne, le mal de tête.

 

Un collier avec une tête à mandibules offrait une protection contre les dangers et les maladies. Dans son article, « Curing with Creepy Crawlies: A Phenomenological Approach to Beetle Pendants Used in Roman Magical and Medicinal Practice », Adam Parker aborde cette question des lucanes cerfs-volants portés comme pendentifs à de telles fins dans le monde romain. Pline l’Ancien avait déjà mentionné dans son Histoire naturelle (livre XI, 34 (1)) cet usage : « Quelques-uns, pour la protection de leurs ailes, sont recouverts d'une écaille, tels que les scarabées, dont l'aile est mince et fragile ; l'aiguillon leur a été refusé. Mais une grande espèce de scarabées a des cornes très longues, présentant à l'extrémité une tenaille dentelée qui se rapproche, quand l'animal veut, pour pincer ; ces cornes servent de remède dans les maladies des enfants, au cou desquels on les suspend. Nigidius les appelle lucaniens (cerf- volant, lucanus cervus, L.). ». 

 

Une référence comparable se trouve dans un texte grec du deuxième ou du troisième siècle après J.-C. d'Antoninus Liberalis. Le texte relate un mythe de Nicandre dans lequel un homme appelé Cérambus est transformé en scarabée : « On peut le voir sur les troncs et il a des dents en forme de crochet, remuant constamment ses mâchoires ensemble. Il est noir, long et a des ailes dures comme un grand scarabée bousier. » (Antoninus Liberalis, Mét. Livre XXII). L'histoire de Cérambus[17] se termine par le commentaire selon lequel les jeunes garçons utilisent les coléoptères comme jouets et que la tête est retirée pour être portée comme pendentif.

 

Statue d'Apollon jouant de la lyre (abbaye d'Anglesey, près de Cambridge, en Angleterre. Wikimedia Commons (licence CC BY 2.0)

 

Le lucane cerf-volant n'était cependant pas très bien vu dans les légendes paysannes allemandes en particulier (on croyait que le cerf-volant (« Hirsch-Käfer ») était considéré comme un « insecte de feu », car – selon la légende – on croyait que le lucane transportait des braises dans ses mandibules et incendiait les chaumières (c’est-à-dire des habitations aux toits de chaume) et les granges.

 

On croyait en effet que le lucane était un bouteur de feu ou un vecteur d’incendie, étant donné qu’il est attiré par de vieux arbres, souvent frappés par la foudre. En allemand, on connaît le lucane sous différents noms anciens [18]Hausbrenner (« brûleur de maison », « incendiaire »), Donnergueg [19] (« coléoptère de tonnerre »), Donnerpuppe (« poupée du tonnerre »), Donnerschröter (« broyeur de tonnerre »), Feuerkäfer (« coléoptère du feu ») Feuerschröter (« broyeur de feu »), Feuerträger (« porteur de feu »), Köhler (« charbonnier »).

 

Dans les peintures de nature morte, on retrouve souvent le cerf-volant et d’autres insectes. L’idée était d’animer les natures mortes (vases de fleurs, tables avec des verres et aliments etc.), par exemple dans les œuvres de Georg Flegel, Jan Brueghel, Peter Binoit de Cologne, Jacob Marrel et Rachel Ruysch.

 

Vase avec œillets, papillon, lucane et chenille de Peter Binoit (XVIIe siècle) – collection particulière – aucune indication de copyright – source : https://franckanelli-fineart.com/content/feature/15/artworks-9377-peter-binoit-cologne-1590-1632-hanau-nature-morte-aux-oeillets-avec-un-papillon-un-17-eme/ – idem que précédemment en ce qui concerne le cercle rouge

 

 

Dans l'iconographie religieuse, comme nous l’avons vu, le cerf écrasant un serpent est un symbole de la victoire du bien sur le mal. Le lucane est considéré comme un symbole du Christ car il est assimilé au cerf. 

 

On se rappellera à ce propos à la fois les mosaïques de l’abside de la basilique Saint-Clément à Rome et – toujours dans la Ville éternelle, non loin du Panthéon – le sommet du fronton triangulaire de la basilique di Sant'Eustachio, orné d’une tête de cerf avec une croix rappelant la vision qu'aurait eu Eustache lors d'une battue de chasse et qui fut à l'origine de sa conversion au christianisme.

 


Cerf s’attaquant à un serpent (mosaïque de l’abside de Saint-Clément à Rome –source : https://storage.canalblog.com/72/15/137895/29746157.jpg)

 

Tête de cerf sur le sommet de la basilique di Sant'Eustachio à Rome, symbole de la conversion d'Eustache au christianisme (licence CC BY-SA 2.5 – source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilique_Saint-Eustache_de_Rome#/media/Fichier:Mac9012.JPG)

 

On peut supposer que l'intérêt de Dürer pour le lucane est de nature religieuse (symbole du Christ), en particulier dans son tableau de l’Adoration des Mages et dans son aquarelle la Madone parmi une multitude d’animaux.

 

En revanche, dans son dessin de 1505, Dürer délaisse la symbolique chrétienne pour créer un nouveau concept : le sujet naturaliste pour lui-même, comme objet d'étude et d'admiration. Son Hirschkäfer en est le modèle le plus abouti, comme son Hase de 1502 dont nous avons parlé au début de cet article.

 

C’est la raison pour laquelle on admire énormément Dürer parce qu'il n'a pas versé dans l'idéalisme embrassé par les Italiens de son temps (souvent avec facilité) et qu'il a osé, lui, se mesurer avec la vérité et l'individualité des visages, des corps et même des lièvres et des coléoptères.


                                                                                        

                                                                                         Philippe Durbecq

 


Bibliographie succincte et sélective

  • Albrecht DÜRER, à Venise et dans les Pays-Bas (traduction Charles Narrey) : Autobiographie, lettres, journal de voyages, papiers divers, Good Press, 2020 ;
  • Ernst JUNGER, Chasses subtiles, Coll. 10/18 (28.10.1994) ;
  • Bernhard KLAUSNITZER, Wunderwelt der Käfer, Leipzig, Edition Leipzig, 1981;
  • Antoninus LIBERALIS, Les Métamorphoses (texte établi et traduit par M. Papathomopoulos), Collection des universités de France Série grecque - Collection Budé, 183, 2023 ;
  • Christof METZGER, Albrecht Dürer, Exhibition Itinerary : Albertina Museum, Vienna, September 20, 2019–January 6, 2020 ;
  • Christof METZGER, « Comment le Lièvre est arrivé à l’Albertina », dans le catalogue de l’exposition Albertina 2014 ;
  • L’Opera completa di Dürer, Classici dell’Arte Rizzoli, Rizzoli Ed., 1981 ; 
  • OVIDE, Métamorphoses, Coll. Garnier-Flammarion, Paris, 1966 ;
  • PANOFSKY, La Vie et l’Art d’Albrecht Dürer, Bibliothèque Hazan, 2004 ;
  • Adam PARKER, « Curing with Creepy Crawlies: A Phenomenological Approach to Beetle Pendants Used in Roman Magical and Medicinal Practice », Theoretical Roman Archaeology Journal 2(1), 1 (2019) – lien : https://doi.org/10.16995/traj.363 ;
  • PLINE, Histoire naturelle ;
  • Eva SPRECHER-UEBERSAX, « The stag beetle Lucanus cervus (Coleoptera, Lucanidae) in art and mythology » In: Revue d'Écologie (La Terre et La Vie), supplément n°10, 2008. 4ème colloque sur la conservation des coléoptères saproxyliques, tenu à Vivoin (Sarthe – France) du 27 au 29 juin 2006, pp. 153-159 (lien : https://www.persee.fr/doc/revec_0249-7395_2008_sup_10_1_1472) ;

 

Sitologie

 

  • Collection en ligne de l‘Albertina :

https://sammlungenonline.albertina.at/?query=Inventarnummer=[3073]&showtype=record#/query/3feb6b48-96ae-4537-b0e5-fe5f3945dbc8



[1] Voir Albrecht Dürer à Venise et dans les Pays-Bas, ainsi que Panofsky, La Vie et l’Art d’Albrecht Dürer.

[2] Le nom Dürer est indirectement dérivé du hongrois Ajtósi, Albrecht Dürer l'Ancien étant originaire du village d'Ajtós près de la ville de Gyula en Hongrie. En Allemagne, il s'appelait initialement Thürer (= fabricant de portes), ce qui signifie en hongrois ajtós (ajtó = porte). Albrecht Dürer a adapté l'orthographe Türer utilisée par son père à la prononciation franconienne des consonnes dures (lénisation) courante à Nuremberg et, en la convertissant en Dürer, a créé les conditions préalables à son monogramme, le A majuscule avec le D en dessous. Dürer fut le premier artiste important après Martin Schongauer à marquer systématiquement ses graphismes d'un monogramme. Cette paternité est rapidement devenue un label de qualité qui a également été imité.

[3] Toutefois, « des copies souvent avec un faux cachet furent produites non seulement à Nuremberg, mais bientôt aussi à Prague et à Munich, et finalement il y eut au moins 25 lapins dans les chambres d'art européennes au XVIIIe siècle » (Christof Metzger, « Comment le Lièvre est arrivé à l’Albertina », extrait du catalogue de l’exposition Albertina 2014, pp. 49-52 – lien : https://sammlungenonline.albertina.at/?query=Inventarnummer=[3073]&showtype=record#/query/9a1ffb96-4afc-49c0-a87d-9763644d192d).

[4] La nature sauvage du lièvre rend sa domestication extrêmement difficile, et il est hautement improbable que Dürer ait pu copier un spécimen vivant dans une pose aussi statique et une attitude aussi calme que celles figurées sur le dessin. Il aurait donc pu étudier, sur un gibier mort, ses caractéristiques (le pelage, les oreilles et les pattes du lièvre), et reporter le résultat de ses observations sur un lapin domestique vivant, en position accroupie. Néanmoins, l’aquarelle de Dürer ne représente pas une nature morte, ni un animal tué, mais un être bien vivant, « en chair et en os ». Avec une telle œuvre, Dürer abandonne le Moyen-Age et prouve qu’il est l’un des pionniers de l’humanisme et de la Renaissance moderne.

[5]  Le lièvre étant un herbivore, il n’a que la fuite comme solution pour sauver sa peau (une expression qui, à partir du XIIe siècle, a cessé d'être uniquement employée pour un animal, mais comme synonymes de vie). Ses grandes oreilles ultra sensibles, capables de s’orienter dans différentes directions, lui sont donc d’un grand secours contre ses prédateurs. En outre, c’est un remarquable sprinteur : il est capable de réaliser des pointes de vitesse à 72 km/h et de faire des bonds d’environ 4 mètres de long et jusqu’à 2 mètres de haut. Il est aussi très habile dans les feintes destinées à dérouter lesdits prédateurs : il est rompu aux bonds de côté, aux virages à angle droit et aux retours en arrière. D’autre part, ses oreilles sont aussi très vascularisées et lui servent dès lors à réguler sa température corporelle. En effet, tout comme les chiens et les chats, le lièvre ne possède pas de glandes sudoripares et ne peut donc adapter sa température interne en transpirant par les pores de la peau. Donc, lorsque le sang circule dans ces vaisseaux, il dissipe sa chaleur à travers la mince paroi des oreilles : plus celles-ci sont grandes, mieux le lièvre parviendra à contrôler la température de son corps.

[6] Le nom « esgourde » se rencontre parfois comme synonyme d'oreille, mais il s'agit d'un terme argotique très peu usité dans le langage courant (exemple : « Ma grande rivale c’est la musique, elle est coincée, elle se détériore dans le fond de mon esgourde... », Mort à crédit de Céline, p. 41).

[7] Warum hat der Dürer-Hase so lange Ohren? (YouTube – lien : https://www.youtube.com/watch?v=Whw9zm-Za4E).

[9] Les bois des cerfs sont en fait des organes osseux ramifiés (les cornes sont, quant à elles, constituées de kératine).

[10] Dans le cadre d’une étude placée sous l’égide de Mme Jana Goyens, les scientifiques de l'Université d'Anvers ont filmé des combats de lucanes cerfs-volants mâles (https://www.bbc.com/news/science-environment-26747922) afin de pouvoir évaluer leur puissance de morsure. A priori, d'un point de vue mécanique, il semblerait que ceux-ci ne mordent pas vigoureusement. En effet, la force générée par les muscles de la tête du scarabée doit être transférée jusqu'à l'extrémité de chaque mâchoire (ou mandibule). Dès lors, tout comme c’est le cas pour un très long levier, la force en question doit agir sur une distance relativement grande. Toutefois, la tête du mâle est beaucoup plus large que celle de la femelle, ce qui lui permet de disposer de suffisamment d’espace pour y loger d’énormes muscles. Bref, comme l’explique Mme Goyens, on peut faire une comparaison avec le manche d'une paire de pinces : on doit imaginer un long levier à l'intérieur de la tête du scarabée qui est articulé sur chacune de ses mâchoires.

[11] Cf. la thèse de Doctorat de Jana Goyens (UA) dans laquelle l’auteure a analysé (physiquement) la structure des mâchoires d'une espèce asiatique afin d'expliquer, sur la base de lois physiques, la raison pour laquelle ces appendices sont construits de cette manière. Elle a également démontré que ceux-ci ne constituent pas un fardeau aérodynamique pour les lucanes cerfs-volants, leur permettant ainsi d’adopter un large éventail de formes et de tailles (« Les mâchoires peu maniables des lucanes cerfs-volants sont étonnamment lisses en vol »).

[12] Si pendant la Renaissance italienne, le Cabinet de curiosité des Médicis a été un précurseur, le Cabinet d’art et de merveilles (Kunst und Wunderkammer), de l’Archiduc Ferdinand II (1529-1595) dans le château d’Ambras, à Innsbruck en Autriche, se visite toujours aujourd’hui, ce qui en fait le plus ancien musée du monde. Celui de Rodolphe II de Habsbourg au château de Prague fut l’autre des plus riches et célèbres, avec le cabinet des merveilles au Château de la Résidence de Dresde, mis en place entre 1723 et 1729, mais qui remonte à l’origine au duc de Saxe (1521-1553). En France, il faut attendre Réaumur et Buffon aux XVIIe – XVIIIe siècles.

[13] Hoffmann remplace la ligne diagonale (un coin de mur ?) de Dürer par une plage blanche ovale cerclée d'une ligne dorée au sein d'un fond bleu. La focalisation sur l'insecte objet-à-part-entière a franchi une nouvelle étape.

[14] Cela se produit principalement sur les extrémités des antennes et l'augmentation de la surface est utile pour pouvoir optimaliser la détection de ces phéromones.

[15] On notera l’origine du mot « cerf-volant » Celui-ci viendrait de serp-volanteserpe étant un mot féminin en ancien français (1669) pour désigner un serpent. Le mot serpe est d'origine méridionale (en occitan, cerf-volant se dit sèrp-volaira ou sèrp-volanta et désigne bien un serpent-volant). Le mot serp ayant disparu de la langue française, il a été alors transcrit phonétiquement, mais de façon erronée, dans « cerf-volant », les mots sèrp et cerf se prononçant de la même façon. Cette transcription n'a pas de rapport avec le cerf, le mammifère, même s'il existait une symbolique très forte à ce sujet au Moyen Âge. Elle proviendrait toutefois d'un rapprochement avec le nom commun du lucane appelé « cerf-volant » du fait que les grandes mandibules du mâle ont une forme qui ressemble à celle des « bois » d'un cerf. Quant au jouet proprement dit, il n’y a aucune relation. Quelques dictionnaires étymologiques anciens ont bien attribué – mais par erreur – l'origine du nom du jouet au lucane. Et c’est ainsi que l’on parle de lucaniste pour un adepte des cerfs-volants et de lucanisme pour l'art de manœuvrer ceux-ci.

[16] Bernhard Klausnitzer, Wunderwelt der Käfer, Leipzig, Edition Leipzig, 1981, p. 72. Les mandibules des lucanes mâles rappellent les bois du cerf, symboles de la puissance du mâle en rut (c’est lorsque le printemps arrive que le taux de testostérone augmente chez le mâle, lui faisant sortir les bois de la tête). Comme les cerfs mâles se battant en croisant leurs bois, les lucanes mâles s’affrontent pour l’accouplement en entremêlant leurs mandibules.

[17] L’histoire du berger Cérambus est évoquée par Ovide (Métamorphoses, Livre VII, 353), mais on la trouve également chez Pline et chez Antoninus Liberalis. Cérambus était musicien (un virtuose de la flûte de Pan et l’inventeur de la lyre, ce qui laisse déjà présager de son destin dans le mythe). Sa double faute d’ignorer les recommandations des nymphes et d’entacher leur honneur et leur réputation lui a valu sa punition : être transformé en lucane cerf-volant, une créature dont les mandibules caractéristiques en forme de « bois » ressemblent aux « cornes » de sa précieuse lyre. Transporté au sommet du Parnasse, sa métamorphose en insecte lui permettra d’échapper au déluge de Deucalion (du nom de son principal survivant, et dont le récit est raconté en détail par Ovide dans le livre I, 163-312, de ses Métamorphoses).

[18] La traduction vers le français de ces mots en vieil allemand n’est guère aisée. Par exemple « Schröter », le nom allemand des lucanides, désigne quelqu’un qui broie la menuise de bois (comme le font les larves de ces coléoptères) et « Gueg » est un ancien mot de dialecte allemand du sud qui ne s’utilise plus.

[19] Dans son article « Ueber Käferkultus » (pp. 80-81), G. Amelang établit un lien entre Thor et le lucane, ce dernier résidant sur les chênes, arbres sacrés de la divinité. 

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